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Malgré une similitude apparente entre les systèmes juridiques des pays de l’espace euro-
méditerranéen du fait des points de convergence multiples entre le droit musulman et le
droit civil français en particulier qui ont donné naissance à des régimes de droits voisins, il
demeure que les régimes des pays arabes sont plus rigides que ceux des pays européens
même si une nouvelle école prêche actuellement que l’Islam n’est point hostile à la laïcité3.
En effet, si les points de convergence existant entre le Coran et le Code Civil de 1804 on fait
que ce dernier a été bien reçu et adopté dans chacun des mondes arabe et musulman,
l’évolution législative en occident a divergé du centre de convergence entre le droit
français du Code Napoléon et le droit musulman en matière du droit de la famille.
Si les idées philosophiques principales du Code Napoléon et du Coran demeurent les
mêmes en ce qui concerne les gouvernances principales4, le droit de la famille est resté figé
en Orient alors qu’il a pris un chemin opposé en Occident. Les deux questions de la laïcité
et du droit de la famille5 sont actuellement les points de divergence essentiels dont une
solution de fond juste et équitable est pratiquement "impossible" dans le cadre des
instruments actuels mis à la disposition des juges du for, à savoir les législations nationales
prédominantes ou les règles classiques du droit international privé.
3 La laïcité a été mal reçue dans le monde arabe. Cette attitude est toutefois actuellement contestée en doctrine,
certains auteurs contemporains concluant à la non hostilité de l'Islam à la laïcité (cf. Abdou Filali-Ansary,
L’Islam est-il hostile à la laïcité? Le Fennec 1996, réédition Sindbad 2002).
4 Le Code napoléonien a été bien reçu dans les trois mondes arabe, musulman et méditerranéen pour les
raisons principales suivantes:
(a) La vision philosophique: Le Coran se pose comme un guide de réussite pour l'homme dans les deux
mondes temporel et spirituel: il harmonise les intérêts spirituels et matériels de l'homme. La perspective
islamique de l'économie politique est ainsi très proche de la vision libérale classique occidentale.
(b) Le libre commerce: Le libre commerce est favorisé dans le Coran, le Prophète lui-même gagnait sa vie
comme commerçant. La civilisation islamique est une civilisation marchande.
(c) La sacralisation de la propriété: Les lois du monde arabe et celles du monde islamique ont toujours
reconnu la sacralisation de la propriété, le Coran confirmant son attachement au respect de la propriété
privée et à son caractère sacré. Même le régime socialiste syrien n'a pas remis en cause la notion de la
propriété. Le Code de 1804 n'a pas dérogé à cette règle car il correspond à une organisation capitaliste et
bourgeoise. Certains auteurs pensent que bon nombre des principes fondateurs de la civilisation
occidentale, telle que la liberté de l'individu par rapport a l'Etat et la propriété privée, doivent en partie
leur renaissance a l'héritage arabe ramené en Europe, et largement diffusé au 16ème siècle, notamment par
l'Ecole de Salamanque.
(d) Les droits civils des nationaux: En établissant les modes d'acquisition de la qualité de Français, le Code
civil napoléonien a opéré une discrimination entre les nationaux et les étrangers. Cette notion n'était pas
étrangère aux pays musulmans qui distinguent entre les musulmans, membres de la "Oumma" (nation
islamique) et les non musulmans constituant la "Dhimma". Quant aux pays arabes mi-laïcs mi-musulmans,
ou quasi-laïcs (le Liban en est le seul exemple), une fois libres du joug ottoman, il s'empressèrent de
trouver une rapide définition à la citoyenneté afin d’exclure l’occupant. Le Code napoléonien offrait un
échappatoire en ce sens.
(e) Traitement uniforme: Le Code Napoléon a apporté une conception formelle de la loi commune des
citoyens. Il a traité également et uniformément des sujets de droit abstraits, sans prendre en compte leur
quelconque appartenance à un ordre ou à un groupe social déterminé. Cette approche est identique dans
l'Islam.
5 Le Code Civil de 1804, reflet de l'état d'esprit de l'époque, avait eu des conséquences néfastes sur le statut de
la femme française et l’avait rapproché du statut de la femme musulmane: "La femme est donnée à l'homme
pour avoir des enfants; elle est sa propriété, comme l'arbre à fruits est la propriété du jardinier". L'article 213
du Code civil dispose que "le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari". L'article 1124,
par exemple, assimilait les femmes aux fous et aux enfants. La femme infidèle était punie de peine de prison.
Mais la loi pour le même cas ne punissait pas l'homme avec la même sévérité puisque "l'infidélité de la femme
suppose plus de corruption, et à des effets plus dangereux que celle du mari" car pouvant donner naissance à
des bâtards. En droit libanais ce n'est qu'en 1993 qu'ont été amendés les articles 54 et 59 de l'arrêté numéro 188
du 15 mars 1926 qui assimilaient les femmes aux fous et aux incapab1es; les témoins devant le juge devant être
choisis exclusivement parmi les hommes.