Généraliser le recours à une stratégie gagnante : la tâche globale

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La persévérance et la réussite scolaires
résultats de recherche
généraliser le recours à une stratégie gagnante :
la tâche globale des enseignants
chercheure principale
Nadia Rousseau
Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
les centres de formation en entreprise et récupération (cfer), un
réseau qui a vu le jour en 1989 dans la région des bois-francs, ont pour
mission d’accueillir des élèves ayant des difficultés scolaires, dont ceux aux
prises avec des difficultés graves d’apprentissage, et de les former pour
qu’ils deviennent des personnes autonomes, des citoyens engagés et des
travailleurs productifs. Pour atteindre ces objectifs, les CFER recourent à
des stratégies particulières qui semblent avoir des effets positifs sur le
taux de décrochage et l’expérience scolaire des jeunes, le développement
d’une perception positive de soi et d’un sentiment de compétence, leur
niveau de littératie et leur engagement social. L’appréciation du modèle
des CFER par les jeunes en difficulté d’apprentissage a amené Nadia
Rousseau, professeure au Département des sciences de l’éducation de
l’UQTR, à se demander si les stratégies de ces centres gagneraient à être
appliquées dans d’autres contextes scolaires. Cette étude démontre qu’il
serait opportun de généraliser l’utilisation d’une approche prometteuse :
la tâche globale des enseignants.
Définition de la tâche globale
Nadia Rousseau a entrepris son étude dans le cadre d’une action
concertée sur le thème de la persévérance et de la réussite scolaires menée
en collaboration entre le Fonds québécois de la recherche sur la société et
la culture et le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. La chercheure a effectué sa recherche en vérifiant les impacts concrets du transfert de deux stratégies employées dans les CFER : celle de la tâche globale
des enseignants et celle du développement de la connaissance de soi auprès
des élèves. L’approche de la tache globale a été mise en application dans
deux classes de cheminement particulier situées en Beauce, tandis que
l’approche de la connaissance de soi a été implantée auprès d’une classe
d’une école francophone d’Edmonton et d’une classe d’élèves en difficulté
d’une école secondaire en Mauricie.
La tâche globale est une stratégie
Les enseignants ont
qui vise à pallier le fait que, dans l’école
actuelle, le temps et les séquences d’aprelevé que la tâche globale
prentissage sont organisés de façon très
leur donnait plus de liberté
mécanique. Appliqué dans les CFER, ce
et de flexibilité et, par
mode différent de gestion de temps
conséquent, rendait leur
consiste à « confier un groupe d’élèves à
enseignement moins
une équipe d’enseignants qui se rendent
routinier et plus efficace.
collectivement et solidairement responsables de la totalité du programme de
formation pour chacun des élèves du
groupe. » Par exemple, pendant qu’un enseignant explore une matière en
classe, ses collègues agissent comme assistants pédagogiques ou s’occupent de maintenir ou de rétablir la discipline. « La tâche globale, poursuit
la chercheure, se distingue du team teaching par l’absence d’horaires individuels fixés et standardisés tant pour les enseignants que pour les élèves.
Seuls sont fixés, au début de l’année, la liste des élèves, le nom des enseignants et le programme de formation. »
Les impacts de la tâche globale
L’implantation de la stratégie de tâche globale a eu des impacts
marqués dans les deux classes de cheminement particulier observées en
Beauce. On note d’abord que le stress ressenti par les élèves a diminué
significativement, de même que leurs inquiétudes concernant leurs relations avec leurs amis. Le taux d’absentéisme a aussi diminué. Les enseignants
ont remarqué une amélioration dans les comportements et les attitudes
des élèves, notamment parce qu’il est plus facile d’appliquer des règles
disciplinaires cohérentes quand il y a toujours au moins deux enseignants
en classe et que ces derniers peuvent se concerter. La tâche globale contribue aussi à la création d’un sentiment d’appartenance chez les élèves et à
leur acceptation par leurs pairs. Et même si, en tâche globale, il y a un plus
grand nombre d’élèves par classe, une majorité de jeunes en difficulté
jugent que l’encadrement apporté par les enseignants leur permet d’apprendre davantage et de mieux comprendre la matière.
De leur côté, les enseignants ont relevé qu’une fois le projet bien
démarré, la tâche globale leur donnait plus de liberté et de flexibilité et,
par conséquent, rendait leur enseignement moins routinier et plus efficace.
Les enseignants sont, par exemple, heureux d’être en mesure de finir après
une pause ce qu’ils ont commencé avant. Ils estiment aussi que la présence
de collègues dans la classe les aide à faire des liens entre les matières et
à obtenir une rétroaction en direct qui favorise les rajustements de tir et
le perfectionnement de l’enseignement offert aux élèves. La chercheure
relève que, dans un mode de tâche globale, les enseignants développent
souvent des habitudes de collaboration et des liens de confiance qui contribuent à leur satisfaction au travail.
Pour assurer le succès de la stratégie de tâche globale, il faut
d’abord tenir compte du fait que son introduction peut être difficile et
inquiétante pour l’équipe d’enseignants, qui ne sait pas nécessairement
dans ce nouveau contexte comment organiser les horaires, planifier les
responsabilités de chacun, intégrer les matières ou aménager les locaux
physiquement. Pour qu’une telle opération fonctionne, les enseignants
doivent s’impliquer et être prêts à faire certaines concessions sur la façon
traditionnelle d’enseigner.
Les enseignants ont aussi besoin
de l’appui de la direction d’école, notamLes enseignants
ment pour jouir des temps libres dont ils
doivent s’impliquer et être
ont besoin pour se rencontrer et planifier
prêts à faire certaines
leurs activités et interventions. Par exemple, en Beauce, la commission scolaire a
concessions sur la façon
libéré les enseignants participants afin
traditionnelle d’enseigner.
qu’ils se familiarisent avec la nouvelle
stratégie et planifient mieux leur enseignement. Le succès d’un tel projet dépend aussi du soutien des collègues
et du syndicat des enseignants.
Améliorer la confiance en soi
Les élèves qui ont des troubles d’apprentissage ont souvent une
perception négative d’eux-mêmes. Un grand nombre d’élèves, souligne la
chercheure, se considèrent comme des « élèves à problèmes », des élèves
avec des « troubles de comportement » ou des jeunes « pas vites ». Comme
il existe un lien entre la connaissance de soi et la confiance en soi, les CFER
ont mis en place un programme de développement de la connaissance de
soi qui semble avoir eu pour effet de transformer la perception que plusieurs jeunes ont d’eux-mêmes. Après avoir suivi ce programme, certains
élèves modifient par exemple leurs aspirations professionnelles, ce qui
contribue au développement d’une perception plus positive d’eux-mêmes.
Le projet de transfert de ce programme à une école francophone
d’Edmonton et à une école secondaire de la Mauricie a permis de constater
que les activités de développement de la connaissance de soi déployées en
classe par les enseignants ont donné à une majorité de jeunes la première
véritable occasion qu’ils ont jamais eue de réfléchir à leurs limites personnelles
et à l’impact de ces limites à la maison, à l’école et dans leur vie future.
L’expérience menée auprès de jeunes en difficulté de 14 à 19 ans a
aussi permis de découvrir que les activités de développement de la connaissance de soi privilégiant la discussion et l’action dans un climat de respect
fonctionnent mieux que l’enseignement magistral. Pour avoir du succès, un
programme comme celui des CFER doit aussi s’enraciner profondément dans
la philosophie de l’école qui l’implante, avoir une place fixe dans la grille
horaire des élèves et faire intégralement partie de leur cheminement scolaire.
Enfin, l’animation d’activités de ce type nécessite l’apport stable d’enseignants
ayant une grande capacité d’entrer en relation avec les jeunes.
partenaires
Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport
référence
Étude multidimensionnelle de la transférabilité des effets produits par
quatre stratégies typiques du modèle CFER à d’autres contextes scolaires
auprès d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage, Nadia Rousseau,
Université du Québec à Trois-Rivières, 2007, 45 pages.
Une réalisation de :
• Fonds de recherche sur la société et la culture
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• Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport
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