économie Pierre LLAU Professeur émérite d’économie des Finances publiques Université Paris-Ouest - Nanterre-La Défense Les stabilisateurs automatiques relevant du domaine social INTRODUCTION R. M. Solow, Nobel d’économie en 1987, un des pères de la théorie traditionnelle de la croissance exogène et auteur typiquement représentatif du Keynésianisme de la synthèse depuis les années 1960, s’interrogeait à juste titre en 2002 (1) sur l’éclipse de la politique budgétaire au sein du policy-mix, clé de la politique conjoncturelle stabilisatrice. Le phénomène lui paraissait imputable au rôle analytico-prescriptif décisionnel du main-stream développé par la nouvelle économie classique (NEC) [2]. Pour cette dernière, le seul véritable objectif de la politique économique doit être le contrôle de l’inflation, tâche qui incombe à la politique monétaire conduite par une banque centrale indépendante. « La politique budgétaire serait quant à elle, impraticable, ou indésirable, voire l’un et l’autre » (3). Critiquant l’argumentaire de la NEC, Solow aboutit à une conclusion quasi inverse : même si la politique monétaire ne doit pas être négligée, la politique budgétaire peut être un instrument utile. Il propose de revenir en ce sens à une approche plus basique, omise à tort, celle dite des stabilisateurs automatiques ou de la flexibilité incorporée. Avec la crise mondiale actuelle, moins de sept ans après les propositions de Solow, les politiques budgétaires de relance, encore récemment vouées aux gémonies, sont revenues sur le devant de la scène, tant analytique que politique. Conformément aux recommandations des organisations économiques internationales (FMI, OCDE...) ou nationales (par exemple FED ou CEA aux USA...), ainsi qu’à celles de nombreux « ténors » de l’analyse de la politique économique, nobélisés (J. Stiglitz, P. Krugman) ou non encore (N. Roubini, O. Blanchard...), la politique budgétaire active a retrouvé une nouvelle importance, tout au moins dans les pays qui estiment avoir les moyens de la pratiquer. On sait qu’en Europe, une mini-convergence de plans de relance juxtaposés (4) s’est faite jour avec des vigueurs nationales différenciées, ce qui a implicitement frappé d’obsolescence (provisoire ?) les exigences du Pacte de stabilité et de croissance, jusqu’à la reprise... La France pour sa part a opté pour une politique budgétaire i.e. une politique de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques et sociales totales de l’ensemble des administrations publiques (APU au sens d’EUROSTAT) à double dimension. La première dimension est celle d’une relance budgétaire par une politique d’investissement public (primauté de l’offre supposée inductrice de demande) et accessoirement de consommation (renforcement de la demande par la création du revenu de solidarité active, RSA, par un allégement fiscal ciblé, par le relèvement des petites retraites...). La deuxième dimension est l’insistance sur la prise en compte systématique des effets des - No 12 - Décembre 2009 stabilisateurs automatiques économiques et notamment sociaux. La politique économique française, refusant pour le moment un relèvement des prélèvements obligatoires, les déficits se creusent d’autant plus que les dépenses publiques (nonobstant la norme restrictive existante pour le seul Etat ou administration publique centrale) et surtout sociales augmentent automatiquement avec la récession/dépression mondiale, tout en se rappelant, caractéristique marquante du « modèle social français », que ces dépenses totales sont en ratio du PIB les secondes les plus élevées d’Europe après la Suède (5). La stabilisation automatique appelée aussi flexibilité incorporée, traduit la capacité des finances publiques à atténuer l’impact des évènements conjoncturels sur l’activité économique. Il existe en effet des éléments incorporés dans les budgets de toutes les APU (et notamment des administrations de Sécurité sociale [ASS]) qui entraînent en dehors de toute décision discrétionnaire publique, législative ou réglementaire, des variations de recettes et de dépenses des APU par réaction aux variations à court terme de la conjoncture. Bien entendu ces réactions automatiques contracycliques atténuent les variations du revenu national brut sur les revenus disponibles des agents économiques et stabilisent ainsi la demande effective. Tout budget built in flexibility réduit automatiquement l’ampleur des effets des chocs responsables des écarts conjoncturels de production. Les stabilisateurs économiques et sociaux actuels relèvent-ils d’une approche keynésienne renouvelée ou d’une approche classique traditionnelle élargie ? Quelles sont les modalités techniques d’appréhension de ces stabilisateurs ? Quelle est la portée empirique, notamment en France à l’heure actuelle, des stabilisateurs automatiques relevant du domaine social, dans l’ensemble des stabilisateurs ? Voilà trois questions, à notre sens, essentielles auxquelles on tentera d’apporter quelques éléments de réponse. (1) C’est en septembre 2002 que Solow a prononcé à Lisbonne (en anglais), au Congrès de l’Association économique internationale, une conférence sur le thème « Peut-on recourir à la politique budgétaire ? Est-ce souhaitable ? ». Le texte a été publié en version française dans la Revue de l’OFCE, nº 83, septembre 2002. (2) Solow cite en ce sens les théoriciens du cycle réel et leurs épigones, les tenants de l’équivalence ricardienne et les analystes de la nouvelle économie politique appliquée à la politique budgétaire. (3) R. Solow, art. cit., p. 10. (4) On notera avec intérêt le jugement récent porté par l’ancien commissaire européen Mario Monti, un des plus ardents zélateurs de la politique « libérale » de concurrence « libre et non faussée », à propos de la politique budgétaire en Europe : « Je n’ai jamais été keynésien, mais je crois que l’Europe ne l’a pas été assez la seule fois en soixante ans où on aurait dû l’être ». Le Monde, 7-8 juin 2009, p. 10. (5) Statistiques standardisées des budgets 2006 d’après Y. Bertonchini et A. BarbierGauchard. Tableau de bord sur les dépenses publiques de l’Union européenne et de ses Etats membres, Centre d’analyse stratégique, juin 2009. 973 économie LA STABILISATION ÉCONOMIQUE CONTEMPORAINE : APPROCHE KEYNÉSIENNE RENOUVELÉE OU APPROCHE CLASSIQUE TRADITIONNELLE ÉLARGIE ? Les débats sur les vertus attendues des stabilisateurs automatiques sont nés dans l’immédiat après-guerre (6), opposant l’interventionnisme keynésien de la « finance fonctionnelle » à la A. Lerner (7) au laisser-faire des automatismes stabilisateurs du Committee for Economic Development (CED), dont M. Friedman était un des inspirateurs (8). L’interventionnisme keynésien de la « finance fonctionnelle » est basé sur une idée simple. La dépense publique doit combler l’insuffisance de la dépense privée de façon à maintenir la demande globale de l’économie, socle d’une économie de plein emploi. Lerner propose en ce sens une série d’actions éclectiques : par la dépense publique (investissement et consommation) ; par l’impôt (fiscalité redistributrice des revenus, fiscalité correctrice de l’épargne excessive) ; par l’emprunt (car, en économie faiblement ouverte, c’est la génération actuelle – créanciers « riches » – qui supporte la charge de l’emprunt, par sa restriction de consommation, ne léguant pas de charge autre que les intérêts aux générations futures) ; par la création monétaire car cette dernière permet l’ouverture de crédits à la production, sans inflation, tant que l’économie n’est pas revenue au plein emploi. Fait notable, la puissance publique doit décider de façon discrétionnaire de l’usage des instruments de la finance fonctionnelle : elle ne doit pas être tenue (corsetée) par une règle. Le manifeste du CED a fourni, dès 1947, une argumentation opposée à la finance fonctionnelle. Ce qui est fondamental pour les auteurs de ce manifeste est que même si le programme théorique présenté était juste, des erreurs humaines (imperfection de la prévision...) et des déficiences institutionnelles (lourdeur des procédures du législatif, de l’exécutif... voire de l’administratif) ne permettraient pas la rapidité d’action nécessaire à la politique budgétaire. Il est préférable de se référer à une règle (9) : laisser jouer les stabilisateurs automatiques inhérents à la flexibilité interne du budget built in flexibility. Pour le CED, une norme d’équilibre budgétaire dans le temps, allant de pair avec une flexibilité automatique des composantes budgétaires, doit être la règle dans une perspective de plein emploi (10). En effet, la majorité des recettes publiques (et sociales) a un caractère contra-cyclique. Un ralentissement de l’activité creuse les déficits, puisque les dépenses s’accélèrent alors que les recettes (notamment la fiscalité progressive) ralentissent. L’alternance des phases d’expansion et de récession doit à long terme conduire à l’équilibre budgétaire. On ne présentera pas ici le détail des controverses sur la question depuis un demi-siècle. On évoquera simplement les lignes essentielles. A la fin des années 1950, la clé de l’analyse est le débat sur la sensibilité et l’élasticité fiscale. R.A. Musgrave (11) propose l’analyse du coefficient 웂 dit coefficient de sensibilité stabilisatrice. Cette analyse est basée sur un modèle keynésien simple avec variation du niveau des dépenses publiques, intégration du multiplicateur budgétaire et jeu de l’élasticité fiscale par rapport au revenu. Le coefficient 웂 est tel que 웂 = c tm/1 – c (1 – tm) avec c propension marginale à consommer et tm taux marginal effectif d’imposition. Selon la conjoncture, si 웂 = 0 la sensibilité fiscale stabilisatrice automatique est inexistante ; par contre si 웂 = 1 elle est totale. Au début des années 1960 apparaît une nouvelle approche encore essentielle de nos jours. A la suite des travaux de Schultze, Stein et Okun, on distingue désormais deux composantes déterminantes du solde budgétaire : une composante active liée à l’orientation volontariste de la puissance publique et 974 une composante passive liée au jeu spontané des stabilisateurs automatiques. Les travaux menés à l’OCDE par B. Hansen ont donné dans cette perspective une bonne illustration comparative menée sur sept pays en 1968 (12). Les experts allemands introduiront en 1975 le terme de déficit (solde) structurel pour désigner la composante volontariste de la politique budgétaire, terme repris par l’OCDE en 1983 et depuis lors couramment utilisé, par opposition à déficit (solde) conjoncturel (lieu d’action des stabilisateurs automatiques). En définitive, l’accent mis sur les deux composantes des soldes budgétaires est bien représentatif d’une approche keynésienne assez traditionnelle renouvelée, plus sur le plan technique que sur le plan analytique. Quant à l’insistance mise sur l’importance de la composante « passive » des stabilisateurs automatiques, elle relève de l’approche d’une politique budgétaire traditionnelle, désormais élargie par la prise en compte des amortisseurs sociaux, liée à l’importance de la taille des APU et au rôle important (notamment en France), dévolu aux prestations sociales dans la formation du revenu des salariés. LES MODALITÉS TECHNIQUES D’APPRÉHENSION DES STABILISATEURS Les modalités techniques d’appréhension des stabilisateurs ressortissent aujourd’hui essentiellement de trois approches. La première est la version contemporaine de l’analyse des soldes budgétaires en double composante ; elle est de fait largement utilisée par les organisations internationales ainsi que par les « prévisionnistes » nationaux. La seconde, plus novatrice, a recours à des modèles statistiques qui permettent de quantifier les effets recherchés sans recourir à des hypothèses théoriques a priori sur le comportement des agents économiques. La troisième, peut-être moins originale mais plus intéressante pour notre propos, marque un retour aux modèles « traditionnels » de simulation de la politique économique. L’intérêt de ces modèles est d’intégrer désormais une modélisation fine des finances publiques et de faire apparaître ainsi la capacité stabilisatrice de chaque instrument, et notamment des instruments qualifiables de « stabilisateurs sociaux ». La première approche dite en double composante est la référence usuelle internationale à fin d’appréciation de l’orientation des politiques budgétaires. Elle conduit à décomposer le solde public effectif (des APU) en deux éléments : le solde dit conjoncturel qui est affecté par la position de l’économie dans le cycle (déficit de recettes et surplus de dépenses, notamment via les allocations de chômage, lorsque le PIB effectif est inférieur à son niveau potentiel, et situation opposée dans le cas de supériorité, rare, du PIB effectif par rapport à son niveau potentiel) ; le solde dit structurel qui est le solde public effectif corrigé des conséquences budgétaires des fluctuations du cycle économique i.e. des variations du solde conjoncturel. Le problème essentiel est bien entendu de parvenir à bien distinguer les soldes et de savoir (6) Le problème avait été anticipé par G. Myrdal dès 1939, dans le cas de l’approche suédoise des budgets cycliques dans « Fiscal policies in the business cycle », American Economic Review, mars 1939, p. 183. (7) A. Lerner, « Functional Finance and the federal debt », Social Research, février 1943 ; Economics of control, Mac Graw Hill, New York, 1945 ; Economics of employment, Mac Graw Hill, New York, 1948. (8) Taxes and the budget: a program for prosperity in a free economy, Committee for Economic Development, New York, 1947 ; M. Friedman,« A monetary and fiscal framework for economic stability », American Economic Review, juin 1948, p. 245. (9) C’est là l’origine des débats rule vs discretion que l’on retrouve encore aujourd’hui tant en politique budgétaire qu’en politique monétaire. (10) Comme bien noté dès 1959 par H. Brochier et P. Tabatoni (Economie financière, Paris, PUF, Thémis, 1re éd., p. 553), « les conceptions du CED s’apparentent au budget cyclique par leur prétention de combiner stabilisation économique et discipline budgétaire ». (11) R.A. Musgrave, The theory of public finance, New York, Mac Graw Hill, 1959, p. 508 ; R.A. Musgrave et M.H. Miller,« Built in flexibility », American Economic Review, mars 1948, p. 122. (12) B. Hansen, La politique budgétaire dans sept pays (1955-1965), OCDE, 1969. Cf. aussi les remarques de W. Snyder, « La mesure des résultats des politiques budgétaires françaises de 1955 à 1965 », Revue économique, novembre 69, p. 929. No 12 - Décembre 2009 - économie mettre en évidence la portée et les limites de la distinction. On se réfèrera ici à la méthodologie traditionnelle présentée par Blinder et Solow en 1974 (13), modernisée par celle de Gordon en 1980 (14). Si l’on connaît, pour une année donnée, le solde effectif des APU, le PIB effectif, le PIB potentiel (PIB pouvant être réalisé dans la durée sans génération de déséquilibres), le taux global des prélèvements obligatoires (TGPO), ainsi que les dépenses publiques, on peut par un calcul simple, présenté dans l’encadré ci-après, décomposer le solde effectif en deux composantes. La première composante appelée solde conjoncturel dépend du TGPO et de l’écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel (output gap ou écart de production). La deuxième composante appelée solde structurel dépend, quant à elle, de l’écart existant entre le TGPO appliqué au produit potentiel d’une part, et les dépenses publiques d’autre part. Le solde conjoncturel ou composante passive de l’activité budgétaire met en évidence les effets des stabilisateurs automatiques ; le solde structurel ou composante active met en évidence pour sa part les effets des actions volontaristes des pouvoirs publics. Toutes les variables précédentes sont données par la comptabilité nationale à l’exception du produit potentiel, et des élasticités budgétaires qui permettent d’approfondir l’analyse du TGPO. L’estimation du produit potentiel (trend de référence) est une étape importante et controversée. Décomposition du solde effectif des APU Si l’on nomme St le solde effectif des APU, Yt le PIB effectif, Y* le PIB potentiel, θ le taux global des prélèvements obligatoires TGPO, Gt les dépenses publiques, t représentant le temps, on peut écrire : St = θYt – Gt [1] Ceci peut aussi s’écrire (par artifice de calcul) St = θYt – Gt – θY* + θY* [2] Ce qui peut aussi s’écrire (en réarrangeant les termes) St = θYt – θY* + θY* – Gt [3] Ceci conduit par simplification à St = θ(Yt – Y*) + (θY* – Gt) [4] Le premier terme de droite de l’équation est le solde conjoncturel, le second terme est le solde structurel. L’estimation de ce produit se fait à partir d’une pluralité d’approches dont on trouve en France un panorama dans les travaux de Ph. Cour, et alii (15), la méthodologie retenue par l’OCDE étant une des références classiques traditionnelles (16). Si l’on s’en tient à la méthodologie française, l’estimation repose sur le calcul d’une fonction de production combinant travail et capital de telle sorte que le produit obtenu permette le maintien de la stabilité de l’inflation et de la croissance des salaires, associée à un niveau de chômage dit d’équilibre. Si l’on retient une fonction de production de type Cobb-Douglas augmentée, il convient d’estimer successivement l’emploi, le capital et la productivité globale des facteurs potentiels (ainsi qu’un paramètre caractéristique de la structure productive de l’économie étudiée). L’estimation des divers éléments de la fonction s’opère de la façon suivante. L’emploi potentiel dépend : de la population active potentielle (population en âge de travailler à laquelle on applique des taux d’activités tendanciels par grandes catégories constitutives), ainsi que du taux de chômage d’équilibre (taux de croissance qui va de pair avec une stabilité à long terme de l’inflation et de la croissance des salaires ou NAIRU selon la terminologie anglo-saxonne non accelerating inflation rate of unemployment). Le capital potentiel (qui n’est pas indépendant du niveau du produit potentiel) est supposé croître au même rythme - No 12 - Décembre 2009 que ce dernier (hypothèse classique dans les analyses traditionnelles de la croissance équilibrée). Par voie de conséquence, le rapport du stock de capital au produit global est supposé constant. On peut donc le mesurer à partir de son niveau moyen sur la période étudiée et en déduire par voie de conséquence le capital potentiel (en supposant une stabilité du taux d’intérêt réel dans la période étudiée, ce qui est une hypothèse peu tenable dans les années actuelles et affecte de ce fait la validité du calcul dans des proportions difficilement estimables). L’estimation de la productivité potentielle globale des facteurs se fait en en prenant en compte le surplus de productivité et les parts respectives des salaires et des revenus non salariaux dans la valeur ajoutée, ce qui peut être calculé soit directement, soit par estimation économétrique de la fonction de production. Cette méthode d’estimation du produit potentiel paraît relativement fragile compte tenu des incertitudes qui apparaissent en de nombreuses étapes de calcul. Sur un plan empirique le calcul précédent de Y* est généralement doublé d’estimations statistiques sans référence explicite à des comportements économiques, donnant un produit tendanciel y** (on notera la non-neutralité du glissement de vocabulaire du qualitatif de potentiel à celui de tendanciel). Les méthodes statistiques retenues, de la plus simple dite méthode de la tendance coudée (estimation de deux tendances du produit global avant et après le second choc pétrolier), aux plus sophistiquées (filtre de Hodrick-Prescott, méthodes de type Beveridge-Nelson ou Harvey...) s’efforcent de faire apparaître, pour des périodes significatives, une tendance moyenne d’activité lissant l’évolution du produit global. En définitive, l’ordre de grandeur retenu pour Y* en France au cours des années récentes a été de l’ordre de 2,50%, mais la crise actuelle a conduit dans un premier temps à retenir le taux de 1,50 %, taux qui ne va pas sans interrogations. L’estimation des élasticités budgétaires (par rapport au PIB) est très simple dans la méthodologie française actuelle et ne pose donc pas de grave problème pour la connaissance du TGPO. On suppose en effet que dans le calcul du solde conjoncturel, l’élasticité est unitaire par rapport au PIB, tout au moins en moyenne sur le cycle économique, ce qui est une hypothèse « simple ». D’autres études ont été menées sur ce point sur des organismes internationaux. L’estimation des élasticités budgétaires se fait dans ce cas par méthodes économétriques ou par simulations. Les méthodes économétriques ont été utilisées par la Commission européenne CE en 1995 (17) et la Banque centrale européenne (BCE) en 2001 (18). La CE a calculé des élasticités de recettes agrégées E(R) et de dépenses agrégées D(R). On a ainsi des variables de moyen terme de sorte que le solde corrigé des fluctuations cycliques est la différence entre recettes et dépenses corrigées des fluctuations cycliques (ce qui dépend de la fiabilité des variables régressives et des biais éventuels dans la composition des dépenses et des recettes). La BCE propose une estimation des élasticités par un modèle à correction d’erreur qui conduit à distinguer les élasticités de court et de long terme. Cette approche plus désagrégée permet de calculer des élasticités pour chaque poste budgétaire selon sa propre assiette, et prend mieux en compte les effets de composition liés à la structure interne du budget. Les simulations macroéconométriques, point sur lequel on reviendra ultérieurement, se réfèrent à des chocs simulés montrant l’impact d’un choc de un pour cent du (13) A. Blinder et R. Solow, « Analytical foundations of the fiscal policy », in « The economics of public finance », Blinder et alii, Washington, Brookings institution, 1974. (14) R.J. Gordon, Macroeconomics, Harper et Collins, 1980, 3e éd., cf. aussi sur le même point M. Blejer et A. Cheasty, « The measurement of fiscal deficits: analytical and methodological issues », décembre 1991 ; ainsi qu’en Français B. Landais, « Leçons de politique budgétaire », Bruxelles, De Boeck, 1998, p. 102. (15) Ph. Cour, H. Le Bihan et H. Sterdyniak, « La notion de croissance potentielle a-t-elle un sens ? », Economie internationale, 1997, p. 17. Cf. aussi S. Doisy, « La croissance potentielle de l’économie française. Une évaluation », Doc. Travail, DP, Paris, 2001. (16) G. Giorno, P. Richardson, D. Roseveare et P. Van den Noord, « Production potentielle, écarts de production et soldes structurels », Revue de l’OCDE, 1995, p. 179. (17) CE, « The commission services’ method for the cyclical adjustment of government budget balances. Technical note », European Economy, 1945, nº 6. (18) BCE, C. Bouthevillain et alii, « Cyclically adjusted balances: an alternative approach », ECB, Working paper, nº 77, 2001. 975 économie PIB sur les variables budgétaires, en prenant en compte les élasticités de divers types de recettes ou de dépenses. Une synthèse des résultats obtenus par diverses études montre une relative convergence des méthodes. Par exemple pour la France, la sensibilité des déficits publics au PIB compte tenu des estimations des élasticités budgétaires est de 0,42/0,45/0,53 pour l’OCDE, la CE et la BCE avec un écart type de 0,06, ce qui montre comme pour les écarts de production une bonne convergence des méthodes (19). Si l’on accepte, sous réserve des incertitudes et biais précédents les méthodologies de calcul, la distinction soldes conjoncturels/ soldes structurels, on dispose désormais d’indicateurs d’action de la politique budgétaire : soldes conjoncturels champ d’action des stabilisateurs automatiques économiques et sociaux, et soldes structurels champ d’action des volontarismes politiques... ou du poids du passé des prégnances administratives en mal de réformes (20). La deuxième approche consiste en une estimation simultanée d’un ensemble d’équations de façon à repérer empiriquement les relations existant entre plusieurs variables endogènes, tout en ne se fondant pas sur des hypothèses a priori en ce qui concerne le comportement économique des agents. Cette approche statistique s’est développée dans les années 1980 suite aux travaux de Sims (21) et de Blanchard et Quah (22). On spécifie en ce sens des modèles vectoriels autorégressifs (VAR) de telle sorte que chaque variable dépend de ses valeurs passées et de la valeur des autres variables du modèle. Les VAR simples ne contraignent pas les paramètres mais on peut imposer certaines restrictions (issues d’analyses théoriques), ce qui conduit à une modélisation, dite VAR structurelle. Ce type de modèle permet ainsi d’évaluer les effets de chocs macroéconomiques de politiques économiques (par exemple budgétaire). On notera cependant que le caractère agrégé de ces modèles ne leur permet généralement pas d’être utilisés pour des analyses de politique économique très fines. Ces modèles, notamment ceux de la lignée BlanchardPerotti (23) permettent d’éviter, entre autres, le calcul des élasticités budgétaires (et dans certains cas des écarts de production), tout en rendant compte des interactions entre activité économique et politique budgétaire. Un perfectionnement par des modèles dits MS-VAR permet de croiser la situation conjoncturelle d’une économie (expansion ou récession) avec la politique budgétaire (équilibre ou déficit). Henin et N’Diaye (24) en 2001, puis Schalck (25) en 2006, ont montré ainsi qu’en France la politique budgétaire joue un rôle global assez classique pour les premiers (existence d’un effet global moyennement efficace de stabilisation automatique), résultat confirmé par la seconde étude pour laquelle c’est la Finlande qui a, en Europe, la situation réactive la plus globale à la politique budgétaire. La troisième approche, particulièrement intéressante pour notre propos, a recours aux modèles « traditionnels » de simulation de politique économique. On sait que la modélisation de la politique économique est née dans les années 1950 à la suite des travaux de Tinbergen (1939) puis de Klein (1950). Les MMIK (modèles macroéconométriques d’inspiration keynésienne), basés sur la comptabilité nationale, sont une représentation formalisée et quantifiée des comportements macroéconomiques des agents représentés par des équations agrégées dont les paramètres sont estimés sur la base des observations passées. Les modèles sont ainsi utilisables pour la prévision (à partir d’hypothèses sur les variables exogènes) ou pour la simulation des effets d’une mesure de politique économique (par exemple budgétaire). Ces modèles, atteints par les critiques de Lucas (26) et celles de la théorie des cycles réels (27), ont été amenés à se perfectionner (anticipations rationnelles vs anticipations adaptatives, intégration des effets d’offre...). Maniés précautionneusement, ils fournissent des indications grossières mais fiables sur les effets des politiques budgétaires et monétaires, ce qui explique leur utilisation actuelle par les institutions internationales (FMI, OCDE, CE, BCE) et les instituts de prévisions nationaux (OFCE en France, NIESR au Royaume-Uni)... [28] 976 Les MEGC (modèles d’équilibre général calculable), reposent sur une formalisation détaillée des microdécisions économiques des agents tenant compte des contraintes budgétaires, des identités comptables... aboutissant à des fonctions d’optimisation explicites. Fait notable, les paramètres correspondants sont calibrés i.e. ont des valeurs choisies sur la base d’informations jugées pertinentes et ajustées pour correspondre aux situations initiales données. Ces modèles sont aujourd’hui largement utilisés pour évaluer les conséquences à moyen et long terme de décisions économiques affectant un nombre important de marchés et d’agents (par exemple : effet des décisions potentielles des négociations à l’OMC). Ils sont à l’évidence peu adaptés à l’analyse de la stabilisation conjoncturelle qui n’est pas dans le champ direct de leur approche. Ces modèles sont aujourd’hui dépassés ou synthétisés par les modèles dits DGSE (équilibre général dynamique stochastique) [29], intégrant à la fois des enseignements de modèles de cycles réels, d’analyse à la Lucas... et des rigidités nominales de la nouvelle économie keynésienne. Inspirés par la recherche fondamentale (30), ils sont aujourd’hui adoptés tant par des institutions internationales (FMI en 2004) que des banques centrales (BCE en 2003). Malgré leur richesse ces nouveaux modèles ne sont pas encore aptes à l’analyse fine de l’action des instruments de la politique budgétaire dans une optique stabilisatrice. C’est pour cela que l’on devra recourir, comme indiqué précédemment, à des modèles plus traditionnels mais récents, pour tenter de quantifier la stabilisation automatique budgétaire dans sa dimension sociale. LA PORTÉE EMPIRIQUE DES STABILISATEURS AUTOMATIQUES RELEVANT DU DOMAINE SOCIAL La portée empirique des stabilisateurs automatiques relevant du domaine social, issue des méthodologies d’approches précédemment évoquées, implique de donner de brèves indications sur la portée générale des stabilisateurs automatiques, avant d’affiner l’analyse à ceux relevant du domaine social. (19) Voir sur ce point la synthèse de Ch. Schalck, « Les politiques budgétaires de stabilisation dans la zone euro : évaluation et perspectives », thèse, Paris-X - Nanterre, 2006, p. 42. (20) Les évaluations de soldes menées en France dans le cadre des annexes aux lois de finances ont bien conscience des limites des méthodes de calcul de soldes. Il est ainsi généralement noté que les variations du solde structurel sont souvent brouillées par le fait que l’hypothèse d’élasticité unitaire est difficilement tenable à court terme (variabilité de l’IS) et conduit à répercuter sur le solde structurel les fluctuations de l’élasticité des recettes (expliquées par la position dans le cycle). Il est aussi mentionné le fait que d’autres facteurs (recettes hors prélèvements obligatoires [PO]) voient leurs variations affecter le solde structurel. Pour avoir un véritable solde discrétionnaire, il est en ce sens suggéré d’enlever du solde structurel les effets d’élasticité et les recettes hors PO : on obtient ainsi une « variation discrétionnaire du solde structurel », ou « effet structurel » pour retracer plus fidèlement la maîtrise des dépenses et les nouvelles mesures de PO décelées par les pouvoirs publics. Par contrecoup, le rôle de stabilisateur automatique du budget, le solde conjoncturel, peuvent se trouver mieux mis en évidence. (21) C. Sims, « Macroeconomics and reality », Econometrica, 1980, p. 1. (22) O. Blanchard et D. Quah, « The dynamics effects of aggregate demand and supply disturbances », American Economic Review 1989, p. 655. (23) O. Blanchard et R. Perotti, « An empirical characterization of the dynamic effects of changes in government spending and taxes on output », Quarterly Journal of Economics 2002, p. 1329. (24) P.-Y. Henin et P. N’Diaye, « L’effet des politiques budgétaires sur l’activité : une fonction des conditions conjoncturelles et du régime budgétaire », Economie et Prévision 2001, p. 73. (On parle de MS-VAR car la transition entre les régimes suit un processus markovien [Markov-Switching] ). (25) Ch. Schalck, op. cit., p. 63 et s. (26) R.J. Lucas, « Studies in Business cycle theory », MIT Press, 1980. Le premier article de la révolution « lucassienne » est de 1969. (27) F. Kydland et E. Prescott, « Time to build and aggregate fluctuations », Econometrica 1982, p. 1345. (28) A. Benassy-Quéré, B. Coeuré , P. Jacquet, J. Pisani-Ferry, Politique économique, Bruxelles, De Boeck, 2009, 2e éd., p. 52. (29) M. de Vroey et P. Malgrange, « Théorie et modélisation macro-économiques, d’hier à aujourd’hui », Revue française d’économie 2007, p. 3. A. Epaulard, J.-P. Laffargue, P. Malgrange, présentation de « La modélisation macroéconomique DGSE », Economie et prévision, nº 2008, 2-3. (30) M. Goodfriend et R. King, « The new neo-classical synthesis and the role of monetary policy », NBER, Macroeconomics Annual, p. 231, 1997. Cf. aussi F. Smets et R. Wouters, « An estimated stochastic dynamic general equilibrium model of the euro-area », Journal of Economie Association 2003, p. 1123. No 12 - Décembre 2009 - économie La portée empirique des stabilisateurs automatiques a fait l’objet au cours de la dernière décennie de nombreuses controverses. Divers modèles non keynésiens mettent en évidence des propriétés déstabilisatrices des finances publiques. Gali montre en 1994 (31), dans un modèle de cycle réel, que l’effet automatique des impôts proportionnels sur l’offre de travail peut avoir un effet négatif sur l’économie. Cotis et alii se demandent en 1996 (32) si les stabilisateurs automatiques sont encore efficaces en France dans les années 1990. Il existe en effet, à l’époque, une apparente insensibilité de l’activité et du taux d’épargne nationale à la politique budgétaire. Cette singularité peut s’expliquer selon les auteurs : par l’apparition de comportements ricardiens (non keynésiens) ; par un renforcement de l’effet d’éviction (la transition vers l’UEM contribuant à développer la réactivité des taux d’intérêt aux déficits publics) ; par le fait que le taux d’épargne des ménages serait devenu procyclique. Le problème ne serait donc pas tant, la moindre efficacité des stabilisateurs économiques publics, que l’affaiblissement des stabilisateurs automatiques dans la sphère privée, dans un univers d’incertitude. Plus généralement certains auteurs inspirés par l’analyse de Sutherland (33) estiment qu’il existe des effets de seuil au-delà desquels les finances publiques voient leurs effets stabilisateurs s’affaiblir. Buti et alii (34) et Buti et Van Den Noord (35) estiment en 2003 qu’il existe un niveau de dépenses publiques au-delà duquel une hausse de la taille du secteur public peut aggraver la volatilité de l’activité économique et agir sur l’offre globale. Des modèles keynésiens centrés sur l’impact des stabilisateurs ou les effets directs sur la demande globale montrent les différentes capacités de stabilisation en fonction de l’origine des chocs (chocs sur la consommation ou choc sur l’atténuation de la volatilité du PIB par exemple). Une comparaison des résultats de trois modèles macroéconométriques multinationaux d’inspiration « nouvelle économie keynésienne », menée à l’orée des années 2000, présente le degré de stabilisation fourni par les stabilisateurs automatiques en pourcentage du PIB. Le modèle de l’OCDE (INTERLINK) suggère, au cours des années 1990, une réduction de la variabilité conjoncturelle de près de 25 % par les stabilisateurs automatiques mais avec des variations considérables d’un pays à l’autre (31 % pour l’Allemagne et 14 % pour la France) [36]. Le modèle du NIESR (NIGEM) donne des résultats nettement plus faibles (réduction moyenne de 11 % avec 18 % pour l’Allemagne et 7 % pour la France) [37]. Le modèle de la CE (QUEST) donne pour sa part des résultats intermédiaires (réduction moyenne de 12 % avec 14 % pour l’Allemagne et 15 % pour la France) [38]. Ces résultats comparatifs sont plutôt décevants pour la France, le modèle social français se caractérisant par une taille importante des APU, par des revenus salariaux dont plus de 30 % sont constitués par des transferts publics, et par le fait que 23 % de la population active relève des trois fonctions publiques... Il faut cependant noter que les résultats précédents sont quantifiés sur la base des années 1990, qu’il y a d’importantes différences de sensibilité budgétaire selon les pays, et qu’il n’y a pas de véritable consensus entre les modèles sur ce que contiennent exactement les finances structurelles. Seul un modèle macroéconométrique spécifiant finement le rôle de chaque variable de finance publique semble pouvoir éclairer le débat, notamment à propos des stabilisateurs sociaux La portée empirique des stabilisateurs sociaux avec étude fine des variables de finances publiques a été récemment étudiée pour la France par R. Espinoza (39). L’auteur part des résultats partiellement décevants, des modèles INTERLINK, NIGEM et QUEST, évoqués antérieurement et s’appuie sur un modèle macroéconométrique de type néo-keynésien dans lequel le PIB à court terme est déterminé essentiellement par la demande (mais avec prise en compte d’un environnement international et d’une politique monétaire exogènes). Il s’agit du modèle MESANGE élaboré en 2002 (40) par la DP, modèle trimestriel estimé sur vingt-cinq années de comptes nationaux trimestriels et comportant environ 500 équations (41). Ce modèle permet de calculer la capacité de stabilisation suite à divers chocs de demande et d’offre sur la base d’une comparaison de deux versions du modèle (version avec modélisation réaliste des - No 12 - Décembre 2009 finances publiques, version avec gel des stabilisateurs automatiques pour fixer la valeur des variables de finances publiques au niveau d’un scénario de référence). Les divers types de chocs de demande étudiés sont des chocs sur la consommation, l’investissement, les exportations, la productivité, le prix du pétrole et les salaires. Les résultats de l’action stabilisatrice indiquent les effets à court terme (1 et 2 ans). Les calculs font apparaître, et c’est là un intérêt important pour notre propos, le rôle de chaque poste budgétaire potentiellement stabilisateur (TVA, IR et CSG, cotisations sociales différenciées, allocations de chômage...). Les divers types de chocs d’offre étudiés sont au nombre de trois : productivité, pétrolier, salarial. On ne présentera pas ici, ni le cadre théorique de MESANGE, ni la méthode de calcul détaillée suivie par R. Espinoza. On se limitera aux résultats obtenus à la suite des chocs de demande étudiés et (brièvement) des chocs d’offre. Les résultats afférents aux chocs de demande permettent tout d’abord de faire apparaître les contributions à la stabilisation automatique de chaque instrument de finances publiques ainsi que l’indique le tableau page suivante. Les cotisations sociales, les allocations de chômage sont à l’instar de la TVA, et dans une moindre mesure l’IR et la CSG de bons outils de stabilisation. Les cotisations sociales et les allocations de chômage sont les meilleurs stabilisateurs automatiques relevant du domaine social, ce qui n’a rien de surprenant compte tenu de leur importance dans les transferts de revenus aux ménages (comme par ailleurs dans les recettes des APU). On notera avec intérêt le profil temporel des effets : la TVA et les impôts sur la production ont des effets efficaces dès la première année (ainsi que dans une moindre mesure les allocations de chômage) ; par contre l’IR et la CSG sont peu efficaces la première année du choc (absence de retenue à la source pour l’IR) [42] ; de même, les cotisations sociales déploient l’essentiel de leurs effets la seconde année. Il y a en effet des différentiels temporels de multiplicateurs des instruments de finances publiques étudiés par MESANGE, ainsi que des sensibilités à un et deux ans variables selon les recettes et les dépenses en fonction des chocs de demande (43). La variation du budget public étant à la fin de la deuxième année plus du double de celle de la première année, montre bien la non-instantanéité de l’ajustement des comportements stabilisateurs des ménages et des entreprises. Une conclusion découle des résultats précédents en termes de politique économique. Une meilleure stabilisation (31) J. Gali, « Government size and macroeconomic stability », European economic review 1994, nº 38, p. 117. (32) J-.Ph. Cotis, B. Crepon, Y. L’Horty et R. Meary, « Les stabilisateurs automatiques sont-ils encore efficaces ? Les cas de la France dans les années quatre-vingt-dix », Document de travail, DP 1996 et article dans la Revue d’économie financière 1998, nº 45, p. 95. (33) A. Sutherland, « Fiscal crisis and aggregate demand: can high public debt reverse the effects of fiscal policy ? », Journal of public economics 1995, nº 65. (34) M. Buti et alii, « Automatic stabilizers and market flexibility in EMU: is there a trade-off? », Working Papers 2003, nº 335. (35) M. Buti et P. Van Den Noord, « What is the impact of taxes and welfare reforms on fiscal stabilizes? A simple model and an application to EMU », CE, Economie Papers 2003, nº 186. (36) OCDE, P. Van Den Noord, « The size and role of automatic stabilizers in the 1990 and beyond », 2000, OECD, Working Papers, nº 230. Voir aussi dans Perspectives économiques de l’OCDE, décembre 1999, p. 155, « L’ampleur et le rôle des stabilisateurs budgétaires automatiques » (article qui insiste paradoxalement sur le rôle stabilisateur de la taille du secteur public !). (37) NIESR, R. Barrel et A.M. Pinna, « How important are automatic strabilizers in Europe? A stochastic simulation assessment », Economic modelling 2003, vol. 21, p. 1. (38) CE, A. Brunila et alii, « Fiscal policy in Europe: how effective are automatic stabilizers ? », Economic Papers 2002, nº 177. Voir aussi A. Brunila, « Fiscal policy coordination, discipline and stabilization », MIMEO, avril 2002. Brunila montre que la source de variation des activités étant prépondérante, un choc sur la consommation des ménages serait en France important, induisant dans ce cas une capacité de stabilisation de 23 %. (39) L’étude de Raphaël Espinoza a été conduite à la DP (devenue aujourd’hui composante de la DGTPE du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Emploi). Elle est publiée dans Economie et Prévision 2007, nº 177, p. 1 sous le titre « Les stabilisateurs automatiques en France ». (40) C. Allard-Prigent, C. Audenis, K. Berger, N. Carnot, S. Duchêne et F. Pessin, « Présentation du modèle MESANGE », DP, Doc. travail, 2002. (41) MESANGE s’inscrit dans la lignée bien connue des MMIK français, METRIC et AMADEUS. (42) La CSG est par simplification traitée dans le modèle comme l’IR. (43) Dont on trouvera le détail dans R. Espinoza, art. cité, p. 11 et 12. On notera par ailleurs que les chocs de demande voient leur capacité de stabilisation directement influencée par la sensibilité et le multiplicateur de la variable fiscale utilisée. 977 économie Contribution à la stabilisation de l’activité Consommation Investissement Exportations Type de choc 1 an 2 ans 1 an 2 ans 1 an 2 ans TVA .................................................................................... IR et CSG .......................................................................... Cotisations sociales des salariés .................................. Cotisations sociales employeurs .................................. Taxes sur le tabac, TIPP... .............................................. Impôts sur la production ............................................... Allocations de chômage .............................................. Subventions sur les produits .......................................... 4,1 * 0 0,9 1,5 1,6 1,4 0,9 – 0,3 5,5 1,2 4,2 6,5 1,3 2,6 4 – 0,6 3,4 0 0,9 1,4 0,4 1,4 0,8 –0,3 5,6 1,1 4,1 6,4 0,3 2,7 3,8 – 0,5 1,5 0 0,8 1,4 0,5 1,6 0,8 –0,3 3,3 1,1 4 6,5 0,4 2,8 3,8 –0,5 Ensemble des stabilisateurs .......................................... 10 25 8 23 6 21 (*) La hausse du PIB due à une augmentation de la consommation est réduite de 10 % par le jeu des stabilisateurs automatiques la première année pendant laquelle le choc a lieu. De ces 10 %, 4,1 % sont le fait de la TVA. Source : R. Espinoza, art. cit, p. 10. automatique découlerait d’une variation du poids relatif des postes les plus sensibles soit la TVA, les impôts sur la production et les allocations de chômage, et aussi de la CSG et de l’IR si celui-ci était perçu par voie de retenue à la source, et dans une moindre mesure des cotisations sociales. Les résultats des chocs d’offre influençant les finances publiques sont très différents de ceux obtenus par les chocs de demande. Signalons brièvement que : dans le cas de chocs de productivité, les stabilisateurs automatiques réduiraient l’impact du choc sur le revenu disponible brut des ménages et atténueraient l’écart de production de 8 % au bout de deux ans ; dans le cas de chocs pétroliers, compte tenu de l’influence inflationniste de ces chocs sur les recettes et dépenses publiques, il n’y aurait pas de rôle stabilisateur des finances publiques (ce qui plaide pour un mécanisme de compensation de la hausse du prix du pétrole) ; dans le cas de choc salarial (hausse du SMIC) la stabilisation automatique serait peu significative, car la hausse du coût réel du travail contrebalancerait celle du pouvoir d’achat des ménages, la variation du PIB étant négligeable dans le cadre des deux ans du modèle. L’apport de l’étude de R. Espinoza est in fine de faire apparaître un rôle des stabilisateurs automatiques (avec les précisions précédentes afférentes aux stabilisateurs sociaux qui ne sont qu’une partie des précédents), proche de 10 % d’atténuation des chocs de demande la première année, et de plus de 25 % la seconde (44), [mais avec les limites afférentes aux modèles néokeynésiens de court terme : faibles fondements théoriques microéconomiques, absence d’anticipations rationnelles et de contraintes budgétaires intertemporelles, modélisation sensible à la critique de Lucas – ce qui en affaiblit la portée empirique – ainsi qu’à l’inconsistance temporelle de Kydland et Prescott...]. CONCLUSION Les stabilisateurs automatiques, notamment ceux relevant du domaine social, sont incontestablement, même au-delà des controverses analytico-modélisatrices, des instruments « spontanément » utilisables pour la stabilisation des chocs de demande dans le cadre de politiques économiques nationales. Mais se contenter de laisser jouer ces stabilisateurs, en les accompagnant des réformes structurelles nécessaires, serait dans la crise actuelle, d’une efficacité limitée. Indépendamment d’éventuelles politiques discrétionnaires de stabilisation, il est sans doute souhaitable d’accélérer la réaction des finances publiques à l’activité économique et de modifier les poids relatifs des postes budgétaires les plus efficaces et les plus sensibles à l’évolution économique. (44) A comparer avec les résultats OCDE, NIESR et ceux précédemment présentés. Vous pouvez consulter notre site Internet : www.gestionfipu.com 978 No 12 - Décembre 2009 -