BVP – Cahiers de l'Autodiscipline Publicitaire - Pratique & doctrine
N° 8 – Juin 2006 - page 1
C
ahiers de l’
A
utodiscipline
P
ublicitaire
Pratique & Doctrine
Sommaire
Déontologie
Publicité et religion : zone de turbulences
Cosmétiques : nouvelles règles
Distribution : accès à la publicité
télévisée
Espace dialogue : les juristes-conseil du
BVP répondent à vos questions
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Interprétation
Publicité et rachat de crédit
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Veille
CSA : décisions récentes
Administration : actualités
AFSSAPS : avis récents
Tribunaux : jugements récents
Consommateurs : sondage sur publicité
et diversité
Europe : nouveaux textes
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Activité
Bilan du Forum Pub et Cité
Pige sur la diversité ethnique : une
publicité trop monochrome ?
Image de la personne humaine :
satisfecit
Comment ça marche ? Le Conseil de
l'Ethique Publicitaire
Dernières publications du BVP
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N° 8 – Juin 2006
Editorial
Autorégulation et médiation
Vous, professionnels de la publicité, adhérents au BVP, connaissez
essentiellement de l'autodiscipline publicitaire ses règles déontologiques
(les Recommandations) et leur mise en application quotidienne, via les
conseils et avis du BVP.
médiation entre professionnels. Cette médiation qui, en cas de différend,
permet de trouver un compromis et d'éviter
que l'affaire ne s'engage dans
des voies judiciaires. Très prisé ailleurs en Europe, en Allemagne
notamment, ce type d'intervention reste encore assez marginal en France,
mais gagnerait sans doute à se développer.
L'illustration de l'intérêt d'une telle
démarche vient d'être à nouveau
des conditions d'accès à la publicité télévisée pour la distribution. A
l'origine de ces travaux, il y a une divergence d'interprétation (entre
supports de diffusion ayant des intérêts différents) des nouvelles règles de
droit permettant à la distribution d'utiliser la publicité télévisée, surtout
sur les chaînes hertziennes compter du 1
er
janvier 2007). Afin d'éviter
que cette divergence ne termine en différend, les professionnels
concernés ont eu la sagesse de demander au BVP d'organiser en son sein
une concertation entre eux, sur terrain neutre en quelque sorte.
consultations extérieures, un accord a été trouvé qui permet de préserver
les intérêts des différentes parties et présente l'énorme avantage de
ont, au quotidien, dans l'urgence souvent, à réaliser les campagnes du
secteur de la distribution. Cette grille de lecture permet, également,
d'aborder avec plus de sérénité et de sécurité la phase très proche
maintenant – de l'ouverture totale de la publicité à ce secteur.
Saluons donc le comportement responsable de ces professionnels et
souhaitons qu'autorégulation rime plus souvent avec médiation.
Joseph BESNAÏNOU
Directeur Général du BVP
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La référence au religieux en publici constitue un ressort assez
classique pour qui veut suggérer une idée de tradition familière,
rassurante, ou bien injecter une once de sacré, de spirituel, de ce
fameux « supplément d’âme » dont nos sociétés sont si friandes :
les détournements de visuels, de personnages, de scènes, de
symboles à caractère religieux, de musiques sacrées, sont légion en
publicité. Puisant dans des référents largement familiers, y compris
pour les non croyants, ils présentent l’avantage de « faire sens »
immédiatement.
D’un point de vue déontologique ce que la profession se permet
ou s’interdit de dire ou montrer la référence au religieux se fait
dans le cadre du principe du « ne pas choquer » qui, en
l’occurrence, impose un respect des croyances religieuses du
public.
Le BVP a, au fil du temps, élaboré une doctrine consensuelle
permettant à la créativité des publicitaires de s’exprimer sans
offenser les croyants. L’époque actuelle, marquée par un net regain
de tension sur les questions religieuses, pose la question du ré-
ajustement de cette grille d’évaluation ;
Une doctrine du respect des croyances
allant au delà de l'absence de dénigrement
Des règles professionnelles allant au delà des obligations
juridiques
Les règles de droit s’appliquant en publicité pour ce qui concerne la
représentation du religieux relèvent tout d’abord de textes
généraux :
- l’article 1 de la Constitution de 1958 proclame que la République française "respecte toutes les croyances".
Le principe de la laïcité consacré par la loi française assure le respect des religions ;
- la Convention Européenne des Droits de l'Homme veille au respect des convictions religieuses et garantit le
droit à la jouissance paisible de la liber de religion (article 9 de la Convention) en admettant qu'un Etat
puisse sanctionner des expressions gratuitement offensantes pour autrui.
Par ailleurs, deux textes spécifiques aux médias abordent cette question :
- la loi du 29 juillet 1881, relative à la liberté de la presse, dans ses articles 29 alinéa 2 et article 33 alinéa 3s, a
prévu et réprime la définition de l' injure en raison de la religion ;
- le décret de 1992 concernant l’audiovisuel énonce en son article 5 que «la publicité ne doit contenir aucun
élément de nature à choquer les convictions religieuses, philosophiques ou politiques des téléspectateurs".
DEONTOLOGIE
Publicité et religion : zone de turbulences
La référence au religieux en publicité devient plus délicate à manier aujourd'hui
Résumé
Les emprunts publicitaires aux religions font
l'objet d'un encadrement juridique et
déontologique visant à assurer le respect dû aux
croyants. Au fil du temps, une doctrine s'est
dégagée qui a permis de limiter les cas de
messages choquants, tout en permettant à la
publicité de puiser dans ce fond culturel.
Dans une période les sensibilités en matière de
religion se font plus épidermiques, il convient
d'être plus prudent et, peut être, d'ajuster nos règles
à ce contexte plus tendu ?
Références
+ Recommandation Races, Religion, Ethnies, du
BVP
+ Isabelle SAINT MARTIN "Christ, Pieta, Cène
à l'affiche: écart et transgression dans la
publicité et le cinéma", Revue Ethnologie
Française, 2006, p 65-81
+ Jean-Marie LEGER "La publicité nous fera-t-
elle perdre foi en la justice ?", Légipresse n°221,
mai 2005
+ Jean-Pierre TEYSSIER "Médias et religion :
jusqu'ou le respect ?" Le Figaro 11/02/06
+ La Cène : attention au religieux", CAP N°6
octobre 2005, page 12
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Mais que signifie "respecter" ?
Le juge, jusqu’à une période récente, a associé le non-respect au dénigrement agressif, comme les injures, les
diffamations, les provocations ou indécences à l’égard d’une religion et/ou de ses croyants.
Par ailleurs, la jurisprudence sur ces questions tend à considérer, suivant en cela les plaignants, que le caractère
commercial (« mercantile ») de la publicité constitue une circonstance aggravante, jugeant ainsi cette dernière de
façon plus sévère que, par exemple, des affiches de cinéma, généralement considérées comme des prolongements
d’une œuvre artistique.
Les professionnels de la publicité se sont donné des règles qui élargissent le périmètre du non-respect, y
intégrant, notamment, les notions de stéréotypes et de ridicule.
C'est ainsi que la Recommandation "Races, religions, ethnies" édicte les principes suivants :
- "la publicité ne doit cautionner aucune forme de discrimination, y compris celle fondée sur […] la
religion…"
- "toute allusion même humoristique à une quelconque idée péjorative ou d’infériorité liée à
l’appartenance à […] une religion doit être bannie"
- "l’expression de stéréotypes évoquant les caractères censés être représentatifs d’un groupe […]
religieux doit être maniée avec la plus grande délicatesse"
- "en ce qui concerne la religion […] il convient de proscrire toute utilisation du rituel ou des textes
qui seraient de nature à ridiculiser ou choquer ses adeptes"
Une interprétation souple permettant de concilier créativité et respect
Dans les faits, la mise en oeuvre de ces règles s’est appliquée à distinguer l’essentiel de l’accessoire :
D’un côté, ce qui est du registre des fondamentaux, du dogme, du sacré, susceptible de ce fait de générer chez les
croyants un sentiment de profanation, et qui exige la plus grande des prudences.
On range dans cette première catégorie des symboles fondateurs comme ceux de la croix ou de la crucifixion, des
personnages comme le Christ ou la Vierge Marie ou bien encore les différents sacrements (eucharistie, baptême,
confession, etc.).
Nous avons ainsi été conduits à déconseiller, par exemple : des atteintes directes aux signes religieux (ex. croix brisée
ou renversée), des associations de symboles religieux à des messages-images de nature à choquer (sexuels, violents,
vulgaires, par exemple), le manque de respect envers des moments importants de la liturgie, la dénaturation de paroles
bibliques, des détournements de l’image du Christ en croix, etc.
De l’autre, ce qui est du registre du séculier, de la mise en scène, du « folklore », du familier, pour lequel une
plus grande tolérance est permise. C’est ainsi que les gles de la profession n’interdisent pas d’utiliser des prêtres ou
des religieux de fantaisie pour des pâtes (Don Patillo) ou des fromages (Chaussée aux moines). Attention anmoins,
ces représentations de religieux demeurent acceptables, même sur un registre humoristique, tant que n’est pas
franchie la ligne rouge de la provocation et de la polémique, à l’image de la publicité Benetton un prêtre en
soutane embrassait une religieuse en cornette.
Cette ligne de partage, assez simple en apparence, nous a longtemps permis de gérer la question du religieux sans trop
nous tromper (c’est à dire sans déclencher de polémique ni de rejet chez les croyants ou leurs représentants).
Notons toutefois que son apparente simplicité se complique singulièrement dès lors que la religion concernée
n’est plus le Catholicisme : ainsi, il a pu nous arriver de renvoyer directement vers les autorités religieuses
concernées les agences sollicitant nos conseils sur un projet empruntant des référents religieux à d’autres cultures (par
exemple, l’Hindouisme ou l’Islam ).
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Notons, également, que notre acception du « respect » a longtemps été plus souple pour le Catholicisme - religion
dominante donc a priori moins fragilisée, moins susceptible de se sentir remise en cause que pour d’autres religions
minoritaires, partant du principe que chez ces dernières les susceptibilités étaient sans doute plus fortes : c’est ainsi
que les moqueries « bon enfant » acceptées pour la mise en scène des prêtres ne trouvent pas leur équivalent, en
publicité, pour des rabbins ou des imams.
Ajoutons, pour finir sur ce point, que, sur cette question comme sur d’autres, le critère du support de diffusion
publicitaire est important pour juger de ce qui est potentiellement problématique : à cet égard, des supports
comme la télévision ou bien l’affichage, via lesquels une confrontation involontaire des croyants avec un visuel
publicitaire évoquant leur religion peut plus facilement se produire, sont sujets à une vigilance plus grande.
L'époque actuelle apporte de nouveaux défis pour le traitement du
religieux en publicité
Le seuil de tolérance s'abaisse et se fragmente
Plusieurs phénomènes conjuguent leurs effets pour compliquer sérieusement aujourd’hui la représentation du religieux
en publicité. N’étant pas spécialistes de ces questions, nous en retiendrons au moins deux, les plus visibles ;
D’une part, du côté de la religion encore qualifiée de « majoritaire », le Catholicisme, un sentiment minoritaire
est en train de se diffuser chez les pratiquants, depuis la fin des années 90 : la sérénité d’antan n’est plus de mise.
C’est ainsi que le philosophe Marcel Gauchet a pu déclarer que ’’la communauté catholique est la seule minorité
persécutée, culturellement parlant, dans la France contemporaine(La Vie, 7 décembre 2000). Analyse partagée par
l’historien René Rémond (auteur de l’ouvrage Le Christianisme en accusation) qui voit le christianisme « victime d’un
conformisme dans le persiflage, le sarcasme et la dérision. Victime d’insultes que personne ne tolérerait pour l’islam
et le judaïsme » (Le Monde, 27 décembre 2000).
Les réactions se font plus épidermiques, plus organisées également comme l’illustre la récente mobilisation
multiforme des catholiques contre le livre, puis contre le film, Da Vinci Code. On notera au passage que le
« raidissement » est mondial. En France, certains se mobilisent en minorité agissante, à l’instar des associations
Agrif et Croyances et Libertés, qui ont porté plusieurs cas publicitaires devant la justice, pour lutter contre ce qu’elles
perçoivent comme des agressions et du dénigrement de leur religion. Ces catholiques revendiquent de bénéficier
des mêmes précautions que les religions minoritaires.
D’autre part, du côté du judaïsme et de l’islam, la question religieuse, jamais simple, traverse aujourd’hui une
phase de tension forte, avec une imbrication de plus en plus inextricable entre le religieux et le diplomatico-politique.
Le tout dans un pays qui, comme la France, a le privilège de compter parmi les plus importantes communautés des
deux religions en Europe, se traduisant aujourd’hui par d’importantes frictions inter-religieuses.
aussi, le seuil de tolérance vis à vis de ce qu’il est possible de dire ou de montrer est particulièrement bas à
l’heure actuelle, comme en témoigne la polémique récente autour de caricatures de Mahomet. Le tout, qui plus est,
dans un contexte de mondialisation des images elles deviennent accessibles à des publics pour lesquels elles n’ont
pas été conçues.
Dans les deux cas catholicisme et religions minoritaires en France la question religieuse devient d'autant plus
sensible qu'elle se communautarise : en d'autres termes, elle n'est plus seulement l'expression d'une foi, elle devient de
plus en plus un ancrage identitaire. C'est cette dimension identitaire du religieux – qui reprend une vigueur particulière
aujourd'hui – qui rend le sujet si épineux.
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Un nécessaire ajustement déontologique
Dans ce nouveau climat, il est clair qu’une prudence supplémentaire s’impose aux publicitaires dans leurs jeux
avec le religieux.
Dans une société laïque comme la nôtre, la décision dans l’affaire dite de la Cène de Marithé et François Girbaud
dont l’affiche a été jugée comme « outrageant un thème sacré » et constitutive d’une injure aux sentiments religieux -
a sonné comme un rappel à l’ordre particulièrement vigoureux et, aux yeux de certains, particulièrement rigoureux.
Davantage de vigilance certes, mais jusqu’où ? Faut-il ré-écrire nos règles déontologiques ? Faut-il redéfinir le
périmètre de l’acceptable ?
A partir de quand le tournement vire-t-il au blasphème ? Est-ce que la simple non déférence peut être interprétée
comme une profanation ou bien faut-il franchir un cran supplémentaire dans la dérision ou le cynisme ?
Le respect des croyances impose-t-il l’absence de contre-sens : les emprunts pseudo-zen aux religions orientales se
fondent souvent sur des raccourcis assez peu exacts, faut-il s’en offusquer ?
Plus largement, comme le pose clairement une spécialiste des religions
1
, ces tensions nouvelles posent la question du
« rapport patrimonial aux symboliques religieuses : ce patrimoine est-il un bien propre des croyants, mais alors, de
quels croyants ? Les plus pratiquants ont-ils une légitimité supérieure [au reste de la société] ou bien s’agit-il d’un
héritage occidental que tout un chacun peut investir à sa guise ?».
Faut-il établir des différences selon les religions, certaines d’entre elles – et pas seulement l’Islam – ayant des rapports
plus délicats aux images que d’autres ?
Certains vont même plus loin, s’interrogeant sur la possibilité même de la publicité d’exploiter des symboles religieux,
ses finalités commerciales la disqualifiant d’emblée. Investiguant le sens du mot « respect », Me J-Marie Léger (« La
publicité nous fera-t-elle perdre foi en la justice ? Légipresse 221, mai 2005) pose la question : « faut-il juger
irrespectueuse l’association d’un symbole religieux à une démarche commerciale ?".
Il s’agit là de questions particulièrement épineuses, pour lesquelles nous n’avons pas de réponses toutes faites. Le pire
serait, en la matière, de devoir juger de telles affaires « à chaud », en situation de crise. Aussi les professionnels
ont-ils demandé au Conseil de l’Ethique Publicitaire
2
, nouvellement créé, de réfléchir à cette question.
Conclusion
La déontologie est une morale provisoire : c’est là une de ses principales forces. Cela signifie qu’elle s’adapte aux
défis de l’époque dans laquelle la publicité s’exprime. Des défis qui sont par essence fluctuants : qui, à part Malraux,
aurait parsur un tel retour du religieux, façon « citadelle assiégée », dans nos sociétés laïcisées ? Une inversion de
tendance, un apaisement des esprits, n’est pas à exclure, mais quand ? Le sens de la responsabilité sociale impose
sans doute aujourd’hui aux professionnels de la publicide repenser les règles qu’ils se donnent. En espérant
voir revenir au plus vite des temps plus tolérants.
1
Isabelle Saint Martin, EPHE, in « Religion : écart et transgression dans la publicité et le cinéma », 2006
2 Voir article p. 28 pour en savoir plus sur le Conseil de l’Ethique Publicitaire
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