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17e Colloque annuel : Le cancer du sein sans tabou Tout dire, tout savoir ?
Jean-Yves Seror
Le radiologue est un médecin, qui a prêté le ser-
ment d’Hippocrate et celui du Conseil de l’Ordre
des Médecins qui l’engage à la sincérité envers
ses patients. Il est, aussi , tenu au respect de la
loi et, notamment, de celle du 4 mars 2002 rela-
tive aux droits des patients qui stipule que toute
personne a le droit d’être informée de son état de
santé, par un médecin dans le cadre de ses com-
pétences.
Le radiologue est-il compétent pour faire une
annonce en cancérologie ? Quelle annonce ; la
bonne nouvelle – situation très fréquente, fort
heureusement, et très satisfaisante – ou la mau-
vaise? Quelle mauvaise nouvelle: l’anomalie ou
le cancer?
La première difculté de l’exercice radiologique
est que le radiologue est le premier maillon de la
chaîne diagnostique et n’a, en l’absence d’histo-
logie et quelles que soient les données de
l’image, aucune certitude de son caractère bénin
ou malin. Doit-il exprimer ses doutes, ses incerti-
tudesface à une patiente convaincue qu’il sait ?
Ensuite, ce qui ajoute à la complexité de la pra-
tique, le moment du diagnostic d’imagerie est
aussi celui de l’annonce, le plus souvent d’un
examen normal, mais parfois – une fois sur deux
cent environ – d’une anomalie non prévue, dont
l’annonce n’a pas été anticipée en termes de
temps.
Paroles de patientes
« J’en ai beaucoup voulu au
radiologue de ne pas m’avoir dit
la vérité. »
« L’annonce a été très brutale,
car la radiologue m’a tout de
suite dit qu’il faudrait m’enlever
le sein, pour m’assurer la vie. »
Il n’existe pas de recette. Dire c’est, peut-être,
révéler la vérité pas à pas en essayant de suivre
le rythme des patientes dans leur quête du savoir,
au prix d’erreurs et de tâtonnements, permettre à
la patiente de sortir de la consultation d’annonce
en sachant qu’il y a des solutions et des res-
sources thérapeutiques. Annoncer, c’est égale-
ment l’art de préserver l’espoir, de le faire
perdurer. Aider la patiente à quitter son sentiment
de victime pour trouver une position acceptable
pour elle-même paraît essentiel.
L’écrivain et psychiatre Irving Yalon nous offre
l’exemple d’Eva qui «se donne, un jour, comme
dé de parvenir à humaniser son médecin onco-
logue et à établir une relation plus humaine avec
lui. Cette stratégie donnait un nouveau sens à
ses visites et diminuait son sentiment d’être vic-
time.»
Annonce et annonces
Au quotidien, le radiologue rencontre différentes
situations d’annonce, toutes difciles à gérer:
- dans le cadre du dépistage, soit à une femme
qui a été convoquée et que, généralement, il
ne connaît pas, soit à une femme qui pré-
sente un symptôme. Dire est toujours violent,
mais davantage pour la première que pour la
seconde, déjà préparée à l’éventualité de la
lésion.
- au moment de la biopsie, à une patiente qu’il
connaît pour avoir pratiqué la mammogra-
phie de dépistage ou à une patiente adressée
par un confrère
- avec les résultats de la biopsie et une idée,
prudemment exprimée, de ce qui va pouvoir
lui être proposé
- lors de la récidive, circonstance très difcile,
à une patiente qui sait déjà ce que c’est.
Il peut avoir aussi à exercer dans des contextes
particuliers où la vie et la mort cohabitent : au
cours de la grossesse ou juste après l’accouche-
ment, dans le cadre du parcours de Procréation
Médicalement Assistée, avant la mise en place
de prothèses.
Annonce ou pré-annonce
En pratique, parce que c’est le plus souvent lui
qui les découvre, le radiologue doit annoncer les
anomalies, mais pas le cancer, ne serait-ce que
parce qu’il ne connaît pas toujours ni la patiente
ni l’intégralité du dossier médical, qu’il n’est pas
formé pour le faire et qu’il n’a pas toujours –
à moins d’un niveau d’expertise signicatif –
connaissance des schémas thérapeutiques qui
pourront être proposés. La majorité des radiolo-
gues, « généralistes », doit faire une pré-
annonce, au sens de «préparation à l’annonce»,
en fournissant quelques éléments qui permet-
tront ensuite au médecin traitant, au gynécologue
ou à l’oncologue de faire l’annonce dans des
conditions optimales.
La pré-annonce doit être progressive, pour amor-
tir le choc, sans dissimuler ni la réalité ni la gra-
vité– résultats partiels, analyse complémentaire
des images, absence d’histologie… – et en dire
ni trop ni trop peu. Elle doit être modulable, pour
permettre l’expression de la patiente, insister sur
les éléments positifs, créer l’espoir et éviter les
situations de doute ou de regret («c’était déjà là
il y a 2 ans») ou de culpabilité («vous auriez dû
venir plus tôt»)
L’orientation vers une lière de prise en charge
par une équipe pluridisciplinaire est un élément
rassurant, d’autant que le radiologue saura
donner des réponses qui ne la mettra pas en dif-
culté et l’informer de ce qui a été et pas été dit à
la patiente.
Face à un malentendu qui veut que la force de
l’image vaut diagnostic pour la patiente mais pas
pour le radiologue et au traumatisme violent que
constitue l’annonce du cancer, le radiologue doit
éviter les erreurs, notamment verbales, qui seront
indélébiles, respecter la volonté de la patiente en
termes d’information, favoriser, selon sa person-
nalité et son expertise, l’annonce ou la pré-
annonce, associer sa compétence médico-tech-
nique à une compétence relationnelle et ne pas
avoir peur de ses émotions
Propos de radiologue