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Aspect macroscopique suite à l’ablation par gastrostomie.
Découverte du trichobézoard à la broscopie gastrique et
tentative de fragmentation.
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. XI - n°2 - mars-avril 2008
Imagerie
Imagerie
COMMENTAIRES
Les deux grands types de bézoards sont les phytobézoards
et les trichobézoards, les premiers étant nettement plus fré-
quents que les seconds (1). Les phytobézoards correspondent
bien souvent à des débris alimentaires agglomérés et se ren-
contrent surtout chez les patients âgés, tous sexes confondus.
Les trichobézoards, quant à eux, sont des amalgames de
cheveux et éventuellement de fils à coudre et se rencontrent
le plus fréquemment chez les femmes. En effet, dans 90 % des
cas, ils concernent des jeunes filles ou des femmes souffrant
notamment de trichotillomanie ou de trichophagie dans un
contexte anxiodépressif (1, 2).
Les bézoards peuvent être de siège œsophagien, gastrique et
parfois intestinal. Au niveau œsophagien, ce sont les corps
étrangers le plus fréquemment rencontrés chez l’adulte édenté
présentant des anomalies anatomiques telles qu’un anneau
de Schatzki, une sténose peptique, un diverticule ou une
néoplasie, notamment œsophagienne. Les trichobézoards
sont le plus souvent retrouvés au niveau de l’estomac, parfois
au niveau de l’estomac et de l’intestin grêle et plus rarement
au niveau de l’intestin grêle seulement (3). Parmi les facteurs
favorisants, on retrouve, pour les phytobézoards, le grand âge,
le mauvais état bucco-dentaire, les antécédents de chirurgie
gastrique, les troubles moteurs tels que la gastroparésie diabé-
tique et, pour les trichobézoards, le sexe féminin, le jeune âge,
ainsi que les troubles du comportement alimentaire (1).
La symptomatologie comporte habituellement nausées, vomis-
sements, douleurs abdominales et, en cas de complication,
défense, contracture, voire état de choc. Il est ainsi décrit
des chocs hémorragiques en rapport avec une hématémèse
massive liée à une gastrite ulcérée hémorragique réactionnelle,
voire des péritonites par perforation gastrique. Des syndromes
occlusifs de l’intestin grêle en rapport avec de volumineux
trichobézoards occupant l’estomac et se prolongeant dans le
duodéno-jéjunum d’un seul tenant sont également décrits
dans la littérature, sous la dénomination de syndrome de
Raiponce (Rapunzel Syndrome en anglais) [4, 5]. Évidemment,
devant tout syndrome douloureux abdominal, l’abdomen sans
préparation garde une place incontournable et on recher-
chera, comme d’habitude, un pneumopéritoine et des niveaux
hydro-aériques. Bien souvent, le scanner abdomino-pelvien
complémentaire, associé à l’anamnèse et au contexte clinique,
permettra de faire le diagnostic, et une fibroscopie gastrique
sera réalisée (1). Dans les bézoards gastriques, il n’est pas rare
de mettre en évidence une gastrite ulcérée réactionnelle,
comme c’était le cas chez notre patiente.
Le traitement des bézoards œsophagiens consiste habituel-
lement en l’administration de solutions huileuses ainsi que
de boissons gazeuses. On retrouve dans la littérature l’uti-
lisation par voie intraveineuse de glucagon, qui aurait pour
effet de dilater le sphincter inférieur de l’œsophage et de
favoriser ainsi le passage vers l’estomac. Il est recommandé
habituellement de ne pas pousser le bézoard à l’aveugle, en
raison d’un risque de perforation. Il est parfois possible de
lui faire longer la paroi œsophagienne, ce qui a pour effet de
le faire basculer dans la cavité gastrique. Une fragmentation
est alors parfois possible, pour procéder ensuite à l’extraction
à la sonde à panier de type Dormia
®
(5).
Pour les bézoards gastriques, les mesures habituelles à pren-
dre sont la mise à jeun initiale, l’administration intraveineuse
d’inhibiteurs de la pompe à protons et, par voie orale, de sirop
de papaïne (1, 6). Pour les phytobézoards, il a également été
décrit des résultats intéressants pour l’administration de
Coca-Cola
®
per os ou via une sonde nasogastrique avec des
quantités variant entre 800 ml/j et 3 l/12 h. On retrouve ainsi
dans la littérature neuf cas de patients traités de cette façon
avec succès. Dans cinq cas, il s’agissait de patients souffrant de
gastroparésie diabétique, pour lesquels il y avait eu un échec
d’évacuation par voie endoscopique après fragmentation. Ces
patients se sont alors vu administrer du Coca-Cola
®
en une
seule fois à la “posologie” de 3 l sur 12 h, avec succès dans
tous les cas (7-9).
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