Rapport : Croissance économique : facteur de développement par M. Sylvestre Ossiala Rapporteur de la Commission Député (Congo Brazzaville) 1 CROISSANCE ECONOMIQUE : facteur de développement Par : Sylvestre OSSIALA En science économique, le mot croissance renvoie au développement, mais également aux crises. Il situe en réalité cette discipline dans les lois de la dynamique avec au centre les concepts de création, innovation, compétition internationale, externalités, remise en cause, fluctuations, krach, récession….. Au cœur de toute économie, il y a la considération des facteurs de production qui œuvrent à l’augmentation de la richesse nationale généralement exprimée en PIB, augmentation qui in fine, fait accéder le pays au développement. Et pourtant il y a bien de complications. Nous montrerons dans ce rapport la réalité complexe du lien entre la croissance et le développement. Sur le plan mondial en effet, on note que certains pays ont profité d’une longue période de croissance pour asseoir leur développement. Mais on relève également une certaine catégorie de pays pour lesquels ce principe est plutôt balbutiant. Ils ont certes la croissance, mais le développement ne semble pas au rendez-vous de leurs efforts ou de 2 leurs activités. Cette dichotomie crée le déséquilibre dans le système mondial avec d’énormes conséquences. Il faut ensuite penser les voies les meilleures pour sortir de ce déséquilibre qui désunit les peuples et qui pousse l’humanité au désastre. Il s’agit de l’écart entre les mondes développés et en voie de développement. I/ Les pays développés et la croissance Quand les grands économistes tels que Smith, Ricardo et autres JeanBaptiste Say ont théorisé sur la théorie de la croissance, ils ont mis au cœur de leurs modèles, des postulats comme : l’existence des facteurs de production (le capital et le travail) ; la création de la richesse par les entreprises ; l’accès des entreprises à la technologie ; la vente des produits des entreprises sur un marché où existe la demande ; le perfectionnement de la technologie par l’investissement en Recherche et Développement… La révolution industrielle occidentale qui a fait accéder les pays européens au développement s’est appuyée sur ces postulats élaborés par la science économique. Ainsi à partir du milieu du 19e siècle, ces pays ont-ils enregistré des taux de croissance élevés et soutenus, qui ont impacté leur niveau de vie et crée un effet boule de neige sur le développement de leurs économies. Cette évolution a pour explication principale l’investissement dans la technologie textile et agricole, technologie qui a multiplié et élargi la structure de l’offre de ces produits. On peut aussi mentionner la 3 technologie dans le secteur de la quincaillerie, précurseur de l’industrie. Cet ensemble des pays qui ont dominé le monde et donné un sens au bien-fondé de la science économique, n’ont pas été épargnés par les mêmes dures lois de cette science, principalement les lois liées à la dynamique et au long terme comme le soulignait Karl Marx. En effet, conformément à cette théorie de la dynamique économique, ces économies avec des impacts divers, ont été confrontés aux cycles économiques, aux fluctuations, aux krach, à la récession, aux crises dites crises du capitalisme. Néanmoins bon an, mal an, ces économies ont expérimenté la leçon fondamentale de l’économie qui enseigne qu’une croissance soutenue et durable peut la faire accéder au développement économique. Ainsi un certain niveau de croissance est corrélé à la baisse du chômage. Ce n’est pas cependant le cas de toutes les économies. II/ les pays en développement, notamment africains, francophones et la croissance Contrairement aux enseignements de la science économique, il est observé, selon la Banque Mondiale et le Fond Monétaire Internationale, que certains pays connaissent des taux de croissance de grande importance, sans connaître le développement. Ces pays, pour la plupart, sont localisés en Afrique Subsaharienne et surtout dans l’espace francophone. 4 L’Assemblée Parlementaire de la Francophonie qui œuvre à promouvoir le développement des économies de ses pays membres, s’est saisie de ce paradoxe pour en trouver les pistes de solution. L’APF réfléchit durable, ainsi à jeter les bases d’une croissance inclusive, créatrice d’emplois et susceptible d’engendrer le développement économique de ces pays ; gage de la stabilité de l’espace francophone et au-delà de l’équilibre du monde. Cette réflexion confiée à la Commission de la Coopération et du Développement, peut se décliner selon les linéaments ci-après : Il s’agit ici de s’interroger sur les spécificités de ces économies qui, à première vue, sont toutes productrices des matières premières. De se poser la question de savoir pourquoi les taux de croissance aussi importants sont sans effets sur les leviers de l’emploi et du développement. Et comment s’en sortir ? A/ le caractère atypique de ces économies Nous avons souligné supra que les économistes ont mis en relief un certain nombre de postulats qui sont les hypothèses de base de la théorie de la croissance. On peut y citer sommairement l’existence des facteurs de production, l’investissement dans la Recherche et le Développement…Or les économies dont il est question ici, font outrancièrement abstraction desdits postulats et évoluent sur les bases étrangères à ces considérations et à ces hypothèses. Ainsi l’amont du système économique où domine l’offre est biaisé en Afrique et le système ne fonctionne dans ce continent que grâce à sa perforation par les importations, surtout les importations des biens de production. 5 Ces économies sont pour la plupart importatrices de biens d’équipement et surtout, elles fondent leur financement sur les matières premières. Dans cet ordre d’idées, les économies africaines se définissent comme les « économies du tout-matières premières » comme le soulignait le Premier Ministre gabonais, le Professeur Daniel Ona Ondo : dans tel pays, l’économie est alimentée par le cuivre, le diamant ou le fer, dans tel autre, il faut compter sur le pétrole, l’uranium ou le gaz naturel…, partout c’est le « tout-matière première ». Et l’exploitation des matières premières, industrie capitalistique par essence, laisse de côté le capital humain et engendre cette fameuse croissance sans emplois en Afrique, génératrice des exclus du marché promis à une misère certaine et au déséquilibre que dénonce l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie. Pour y mettre un terme et appeler de nos vœux des économies où l’homme est au centre de l’activité économique, et où la croissance peut rimer avec développement, les parlementaires doivent se donner les moyens de réorienter ce paradigme. La voie passe par l’éviction du « tout-matière première dans les linéaments de la conception africaine de l’économie pour l’extirper de la vulnérabilité et de la volatilité des cours de ces matières premières, responsables des politiques de « stop and go » qui alternent croissance et récession et qui sont si dommageables à ces pays. B/ Les solutions pour l’éviction du tout-matière première 6 La théorie de développement enseigne d’explorer l’après-matière première ou la diversification de l’économie de manière consubstantielle à l’exploitation de cette matière. Mais peu de pays écoutent les experts et mettent en œuvre ces enseignements judicieux. Ils attendent la douleur de la baisse des cours pour s’en préoccuper et oublient de continuer la thérapeutique en cas de retournement bénéfique du marché oubliant que cela n’est que temporaire. Ces pays semblent cependant méconnaître les lois fondamentales qui régissent le marché des matières premières qui ne sauraient être traitées comme des « amis fidèles ». Les matières premières ont beaucoup de facéties, de caprices pour qu’elles soient placées au cœur du processus de l’émergence et du développement qui requiert du temps. Il convient de connaître ces enseignements et les appliquer en se basant sur le fait que les matières premières appellent l’après- matières premières. Il faut savoir gérer ces ressources naturelles, c’est-à-dire faire qu’audelà d’une certaine période d’exploitation, les revenus qui en sont tirés soient investis dans des secteurs de l’ « économie réelle » moins capricieux. Exploiter les matières premières sur 30 à 50 ans et en faire un produit du financement au cœur des budgets des Etats ne relève pas de sa bonne gestion. Il paraît urgent d’apprendre à les juguler et les interrogations ci-dessus soulevées doivent habiter les pays qui en sont producteurs et notamment les parlementaires, représentants des peuples. Les 7 matières premières doivent aider à ne plus parler de matières premières. Il convient alors d’entreprendre des recherches sur les mécanismes de l’après-matière première qui sont pluriels et fonction de chaque pays et du temps. L’histoire économique nous apprend que les pays développés, mêmes producteurs des matières premières, investissent dans le secteur industriel pour produire les biens manufacturés et échapper aux aléas des marchés. Les pays en développement ont d’autres approches dont les principales sont fonction du temps : le court-, le moyen- et le long-terme. B.1/ Les solutions à court terme Toute matière première placée au cœur de toute économie faisant apparaître les phénomènes de mal hollandais, les autres sources d’accroissement de la fiscalité de l’Etat sont généralement abandonnées, négligées ou délaissées au seul profit de cette matière première qui fait tout, finance tout, paie tout. Naturellement avec le tarissement ou les facéties de cette source, la nécessite recommande la gestion optimale de toutes les régies financières, c’est-à-dire les impôts et les douanes. A court terme, le salut doit venir de ce côté où toute la rigueur doit être impérative pour accroître les recettes de l’économie réelle dans le budget de l’Etat. 8 Cette action vigoureuse à l’endroit des régies financières doit être couplée avec la gestion rigoureuse des budgets des Etats. Les ministères des Finances devraient avoir une préférence pour les « budgets de résultats ou par objectifs » qui reposent sur les concepts d’indicateurs de performance à définir par les Exécutifs et ceux de députés-rapporteurs spéciaux issus des commissions des finances des parlements en vue des contrôles efficients de l’action gouvernementale. C’est la première des solutions à envisager d’autant plus que cet appel à la gestion rigoureuse des budgets des Etats s’inscrit dans la politique de la « méritocratie dans les pays », politique qui a les effets de stimulation des efforts collectifs et les effets d’apaisement ou d’acceptation des mesures d’austérité. B.2/ Les solutions à moyen terme Les économies africaines sont des économies atypiques en ce que ces économies ne sont pas des économies de production industrielle mais plutôt de prélèvement des taxes sur l’exploitation des matières premières, exploitation réalisée dans la majorité des cas par le capital international ou étranger. Elles se financent essentiellement des recettes issues des activités d’extraction et d’exploitation de ces matières premières dont les mécanismes de régulation sont tenues par les sociétés internationales et leur échappent tragiquement. L’intérêt apparaît de les sortir de cette dépendance dommageable et de cet « argent facile » pour s’inscrire dans une logique d’économie « durable » et moins sujette aux caprices trop pesants de l’extérieur ou du « fait exogène ». 9 Cette restructuration est une tâche étendue dans le temps et s’envisage donc dans le moyen terme et le long terme. Et à moyen terme, le souci de rationalité économique recommanderait les actions dans les secteurs ci-après : a/ le secteur agricole La redynamisation de l’agriculture, principal secteur d’absorption de la main d’œuvre et donc de création d’emplois est d’une nécessité absolue pour les pays en phase pré-industrielle comme le sont les pays africains. L’agriculture nationale est d’abord un secteur de lutte contre les importations des denrées alimentaires avant de se vêtir des attributs d’exportation visant le renflouement du budget de l’Etat. Ces Etats doivent également être soucieux de créer l’attractivité de l’agriculture auprès de la jeunesse en menant sans répit les politiques de promotion, d’incitation et voire de subvention habile et de création de villes rurales. Les petites fermes sont à créer pour transformer in fine « le cultivateur en agriculteur ». Il s’agit de mettre en place un système statistique pointu pour la maitrise et le listing de tous ces agriculteurs nationaux dont les revenus mensuels ou annuels doivent faire l’objet de la préoccupation des Autorités, en sus de la gestion des terres. Il s’agira de lister ces agriculteurs et de les rendre riches. La classe agricole ainsi créée et enrichie sera la preuve établie que l’agriculture est capable d’ « enrichir son homme » et pourra être vécue comme le facteur d’attraction de ce secteur pour la jeunesse. L’agriculteur africain doit rimer avec enrichissement et non pauvreté comme il l’est actuellement. 10 Et pour plus d’efficacité, l’effort de construction des infrastructures doit être à l’avenant pour lubrifier les circuits de commercialisation. Les routes régionales ou départementales doivent porter les noms du produit agricole exploité dans chaque région : route du cacao, route du tabac, route de la pomme de terre…Ces désignations pénètrent l’imaginaire populaire comme des « indicateurs de performance » pour un suivi de l’intérêt économique de ces routes et de l’effort productif des différentes populations du pays. Si la route n’est pas vécue prioritairement comme un facilitateur d’échanges commerciaux et comme véhicule de produits agricoles, il y a à craindre qu’elle ne se transforme en simple aspirateur des populations rurales vers les centres urbains en exacerbant le phénomène de l’exode rural. Ainsi donc contre toute attente, la route peut être contre-productive car pouvant se vivre comme un « aspirateur et un amplificateur » de l’exode rural, le plus grand mal à combattre pour les pays en quête de développement. Et elle peut dans ces conditions, faire des villes urbaines ou des capitales africaines des amas de bidonvilles abritant ces ruraux sans revenus conséquents ! Alors que le souhait est de renverser ce flux en envoyant les populations urbaines vers le travail de l’agriculture, appelé à rendre, de manière mesurable, l’agriculteur riche. Un pays comme la Côte d’Ivoire, en suivant l’exemple des pays européens de la révolution agricole du XVIIè siècle tels que les PaysBas, la Belgique flamande, l’Italie du Nord, l’Angleterre, a enrichi sa population grâce à l’agriculture. 11 b/ le secteur touristique L’intensification du tourisme est une poche d’opportunité pour mettre les pays sur la voie de l’économie durable et moins soumise aux soubresauts des matières premières. Et le tourisme, faut-il le rappeler, doit obéir à quatre principes qui fondent son développement : l’existence des sites et la publicité sur ce patrimoine touristique du pays avec prospectus desdits sites; l’existence des infrastructures routières conduisant à tous ces sites ; l’existence d’un personnel « touristique » qualifié et l’existence de la paix et de la sécurité dans le pays en général et dans les zones des sites en particulier. Le tourisme comporte ce volet important, à savoir le tourisme des sites comme souligné plus haut et celui non moins important qui est le tourisme d’affaires et de villégiature. Le tourisme d’affaires qui porte sur la tenus des conférences et divers séminaires internationaux dans le pays et qui accompagne le « premier » tourisme, reste tributaire de l’existence des infrastructures hôtelières de qualité qu’entoure une ville propre, débarrassée des bidonvilles et desservies à travers des « portes d’entrée bien gérées ». Toutes ces considérations renvoient à la politique de la ville et à la politique de l’habitat. Il ne s’agit plus du tourisme mais de l’industrie touristique. Les pays asiatiques comme le Cambodge ont développé les villes sorties du néant comme SIEM REAP grâce au tourisme ; l’Egypte malgré ou à cause de son pétrole, a fait don à l’humanité des cités comme Charm-El-Cheikh, symbole du tourisme de villégiature ; et avec quels impacts sur les budgets nationaux ! 12 c/ la relance de l’artisanat La relance de l’artisanat est un moyen efficace pour lutter contre la pauvreté qui « frappe à la porte à l’occasion » et pour accompagner et agrémenter le tourisme. Cet artisanat alimenté par les matériaux locaux et exercé par les artisans locaux est une source d’enrichissement pour les populations. Et une politique artisanale bien menée ouvre la voie royale de l’industrialisation… Les grands joyaux de l’industrie européenne qui ont enclenché la révolution industrielle et transformé le monde au XIXè siècle ne sont-ils pas nés du travail artisanal et empirique dans les forges et petites entreprises familiales telles que les Dudley et autres James Watt, Richard Arkwright, John Kay, Montgolfier, Edward Jenner, Alessandro Volta, Carl Benz, André Citroën… ? On peut ajouter les cas récents comme Kuchiro Toyota, le russe Antonov ou le sud-coréen Ju-yung Chung (fondateur de Hyundai). d/ le développement du statut de pays de transit La situation géographique de certains pays leur confère le statut de « pays de transit ». On peut ainsi prendre en exemple un pays comme le Congo. Le Congo, en effet se présente comme le point de passage obligé des échanges commerciaux entre le monde industrialisé et les pays tels que le Gabon, la Centrafrique, le Cameroun, le Tchad, la RDC et partant le Rwanda et les autres pays de la SADC (l’Est de l’Afrique)… Cette situation particulière peut être exploitée avec fruit. Les retombées économiques en terme de frais de passage s’évaluent en milliards de francs Cfa par année. A ce propos, le port de Pointe-Noire qui est le 13 point de départ de ce réseau doit bénéficier de tous les investissements devant lui donner tout son lustre. Ces investissements sur le port de Pointe-Noire doivent être continués d’une part vers le CFCO pour lui donner deux à trois voies de circulation entre PointeNoire et Brazzaville, et d’autre part vers les routes d’intégration sous régionale et les corridors fluviaux sur le fleuve Congo. Un tel effort d’investissement, mené à bout et réussi, fera de ce port, le « pétrole éternel du Congo-Brazzaville». En résumé sommaire de ce qui précède, il apparaît incontestable que tout pays producteur de matières premières vit avec le risque de l’instabilité et de l’incapacité de tenir ses promesses, chevillé à son corps. Cette situation intenable et insoutenable appelle les propositions de solution qui sont le résultat du travail d’airain à l’instar des réflexions de ce genre. Telle est la perspective à poursuivre pour l’émergence et le développement de ces pays en développement producteurs de ressources non renouvelables. D’autres secteurs de substitution aux matières premières comme les télécommunications nourries par un internet de qualité peuvent être envisagés dans cette recherche de revenus stables qui transforment la croissance économique en développement économique. Les matières premières peuvent cependant être mieux valorisées par une transformation in situ. Mais l’effort d’airain à entreprendre est de ne pas en être dépendants. Enfin il est impérieux que tous ces secteurs porteurs d’une économie durable soient soutenus par les efforts de formation des agents économiques devant animer ces secteurs. 14 e/ la formation qualifiante La formation qualifiante des agents économiques qui constituent le personnel ci-dessus évoqué doit avoir valeur de priorité avec un accent particulier pour la formation à la gestion des petits projets et des petites fermes… Mais de manière générale, elle doit être spécialisée et orientée vers chaque secteur : tourisme, bâtiment et construction, travail du fer et du bronze, menuiserie, transit et l’éthique professionnelle y afférente… f/ Mise à profit des avantages de l’Afrique comme l’un des poumons énergétiques du monde Toujours dans cette perspective de s’inscrire dans l’économie durable, il peut sembler intéressant pour l’Afrique de s’appuyer sur son statut de poumon énergétique du monde, à côté de l’Amazonie et l’Indonésie, pour se construire à moyen terme, un avenir économique plus stable. En prenant la tête du combat contre le réchauffement climatique à travers une gestion rationnelle de son immense bassin forestier, les douze pays africains qui composent le bassin du Congo, peuvent se donner les moyens de financer leurs budgets. En effet la préservation de la forêt engendre les crédits-carbones qui peuvent être facturés aux entreprises et pays pollueurs et garantir ainsi à ces économies africaines d’immenses ressources pour le financement de leurs projets de développement. Il s’agit là d’une source de financement à construire par ces pays grâce au mécanisme dit de la REDD+, embryonnaire et balbutiant aujourd’hui 15 mais promis à un bel avenir si l’Afrique à l’unisson y concentre ses efforts. B.3/ Les solutions à long terme Le travail de long terme dont aucun pays, en particulier africain, ne doit se dérober, concerne la maîtrise locale de l’industrialisation. Nous touchons ici à un domaine par excellence qui rime avec développement économique et domination ou indépendance des peuples. Les EtatsUnis, disait André Malraux, sont devenus impérialistes sans l’avoir voulu grâce leur maîtrise technologique. On peut évoquer également le cas du Japon…Le travail à faire pour l’Afrique consiste en la maîtrise des arcanes de l’industrialisation qui n’est pas hors de portée de ce continent plein de matières premières, de talents et de génie. Car en réalité, l’industrialisation n’est que la rencontre des matières premières avec le génie de l’homme ! Historiquement, l’homme travaille en faisant appel à l’ « outil et la main ». Le capital était le capital physique, c’est-à-dire les biens de production. Et un pays comme la France a crée au sein de son économie un ministère du « redressement industriel » pour consacrer le rôle de l’économie réelle dans son développement économique et la lutte contre le chômage. L’Afrique, au contraire, est restée victime de ce syndrome qui lui fait considérer la finance comme la variable essentielle d’animation de la fonction de production. 16 Tout le « secteur local de production » des biens de production est amputé du circuit économique avec les conséquences qu’on peut imaginer sur l’emploi. Et pour corriger l’atypisme des économies africaines de manière forte et radicale, il est essentiel de maîtriser le processus de fabrication de l’outil industriel. L’Afrique devrait chercher à « apprendre à fabriquer localement les outils de production plutôt que de les importer indéfiniment… et d’exporter massivement ses emplois ». La croissance économique de ces économies ne doit pas être assise principalement sur les politiques d’extraction des matières premières, conduisant à l’illusion que créent les « bulles financières » telles que celles dues aux variations des prix du pétrole et qui faussent les indicateurs de développement. Il faut, progressivement et inlassablement, promouvoir une industrialisation endogène qui s’appuie sur l’artisanat local et la maîtrise du travail de l’industrie du fer, à travers son recyclage et son extraction. Ce travail de long terme doit s’envisager dans un cadre plus large de mutualisation des efforts comme les ensembles sous régionaux africains tels que la Cemac, la Ceeac, l’Uemoa, la Sadc… Il arrive souvent en Afrique que les Exécutifs s’attèlent aux inaugurations de plusieurs « réalisations » des projets gouvernementaux ; il s’agit là cependant de la célébration de la dépense effectuée. Le nouveau paradigme économique tel que développé supra et porté par les parlementaires, militera à pousser à terme ces mêmes Exécutifs à célébrer les recettes ou mieux les sources 17 de ces recettes. Lorsque les inaugurations sont si allègrement et si populairement saluées, il sied désormais grâce à la lucidité du parlement et du citoyen, que soient connues les sources de financement qui ont contribué à leur faisabilité : est-ce grâce aux dons ? Est-ce grâce aux recettes pétrolières ou de toute autre matière première ou est-ce à travers le bon comportement de l’économie réelle et durable ? Tout le processus ci-dessus élaboré constitue les voies qui feront de la croissance un réel facteur de développement pour ces économies comme cela fut le cas pour les pays européens au milieu du 18è siècle. Le développement sera alors un « bien commun » de l’humanité qui lui assurera paix et équilibre. Cependant, en confrontant la croissance aux lois de la dynamique, il apparaîtra toujours les cycles de récession qui nous rappelleront les prédictions des économistes « pessimistes » comme Karl Marx ou David Ricardo. Face à cette « malédiction du monde », la science économique postule d’autres politiques novatrices telle que la croissance partagée et responsable. III/ Quelques considérations sur la croissance partagée en vue de la stabilité de l’espace francophone. A la base de la théorie de la croissance partagée et responsable, il y a la constatation du désenchantement des théories mathématiques de l’équilibre parfait élaborée par les classiques et les néoclassiques. Le monde marchand incarné par le marché et sa main invisible devait transformer les égoïsmes en vertu, l’intérêt et le profit en aiguillon de 18 l’action, la fermeture des entreprises en destruction créatrice, le chômage en période entre deux emplois…pour que « tout soit bien dans le meilleur des mondes ». Hélas, le monde va des empires en hyper-empires, des conflits en hyper-conflits où la loi du plus fort est la meilleure. Chacun est conscient que notre monde délétère ne peut perdurer longtemps. Partant de ce constat accablant, la théorie de la croissance partagée et responsable pose trois grands postulats : - le monde est un village ; - les progrès technologiques rendent l’abondance possible ; - la conscience que nous allons vers la catastrophe. S’appuyant sur ces deux postulats, le monde peut se construire autrement. Tel est le défi que se donne cette nouvelle conception de la croissance dont il revient à tous de dessiner les harmoniques. Conclusion L’économie poursuit son objet immémorial qui est « la confrontation des besoins de l’homme à des ressources limitées ». Elle a pour cela ses fondements et ses outils. Ces outils, cependant, se confrontent aux dures lois de la dynamique et du long terme qui sont à l’origine de la théorie de la croissance, du développement et de la richesse des nations qui en sont des corollaires. A ce niveau apparaissent des incertitudes, des phases de croissance et de récession, de désenchantement… Alors la réflexion courageuse est nécessaire pour faire comme hier où la bourgeoisie naissante a vaincu le féodalisme, le marché et la démocratie ont fait ombrage au planisme et à la dictature. 19 Les pistes nouvelles, pleines de promesse et d’espoir comme la croissance partagée, s’ouvrent à l’humanité. 20