Croissance économique : facteur de développement

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Rapport : Croissance économique : facteur de
développement
par
M. Sylvestre Ossiala
Rapporteur de la Commission
Député (Congo Brazzaville)
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CROISSANCE ECONOMIQUE : facteur de développement
Par : Sylvestre OSSIALA
En science économique, le mot croissance renvoie au développement,
mais également aux crises. Il situe en réalité cette discipline dans les
lois de la dynamique avec au centre les concepts de création,
innovation, compétition internationale, externalités, remise en cause,
fluctuations, krach, récession…..
Au cœur de toute économie, il y a la considération des facteurs de
production qui œuvrent
à l’augmentation de la richesse nationale
généralement exprimée en PIB, augmentation qui in fine, fait accéder
le pays au développement. Et pourtant il y a bien de complications.
Nous montrerons dans ce rapport la réalité complexe du lien entre la
croissance et le développement.
Sur le plan mondial en effet, on note que certains pays ont profité
d’une longue période de croissance pour asseoir leur développement.
Mais on relève également une certaine catégorie de pays pour lesquels
ce principe est plutôt balbutiant. Ils ont certes la croissance, mais le
développement ne semble pas au rendez-vous de leurs efforts ou de
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leurs activités. Cette dichotomie crée le déséquilibre dans le système
mondial avec d’énormes conséquences.
Il faut ensuite penser les voies les meilleures pour sortir de ce
déséquilibre qui désunit les peuples et qui pousse l’humanité au
désastre. Il s’agit de l’écart entre les mondes développés et en voie de
développement.
I/ Les pays développés et la croissance
Quand les grands économistes tels que Smith, Ricardo et autres JeanBaptiste Say ont théorisé sur la théorie de la croissance, ils ont mis au
cœur de leurs modèles, des postulats comme : l’existence des facteurs
de production (le capital et le travail) ; la création de la richesse par
les entreprises ; l’accès des entreprises à la technologie ; la vente des
produits des entreprises sur un marché où existe la demande ; le
perfectionnement de la technologie par l’investissement en Recherche
et Développement…
La révolution industrielle occidentale qui a fait accéder les pays
européens au développement s’est appuyée sur ces postulats élaborés
par la science économique.
Ainsi à partir du milieu du 19e siècle, ces pays ont-ils enregistré des
taux de croissance élevés et soutenus, qui ont impacté leur niveau de
vie et crée un effet boule de neige sur le développement de leurs
économies.
Cette évolution a pour explication principale l’investissement dans la
technologie textile et agricole, technologie qui a multiplié et élargi la
structure de l’offre de ces produits. On peut aussi mentionner la
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technologie dans le secteur de la quincaillerie, précurseur de
l’industrie.
Cet ensemble des pays qui ont dominé le monde et donné un sens au
bien-fondé de la science économique, n’ont pas été épargnés par les
mêmes dures lois de cette science, principalement les lois liées à la
dynamique et au long terme comme le soulignait Karl Marx.
En effet, conformément à cette théorie de la dynamique économique,
ces économies avec des impacts divers, ont été confrontés aux cycles
économiques, aux fluctuations, aux krach, à la récession, aux crises
dites crises du capitalisme.
Néanmoins bon an, mal an, ces économies ont expérimenté la leçon
fondamentale de l’économie qui enseigne qu’une croissance soutenue
et durable peut la faire accéder au développement économique. Ainsi
un certain niveau de croissance est corrélé à la baisse du chômage. Ce
n’est pas cependant le cas de toutes les économies.
II/ les pays en développement, notamment africains, francophones
et la croissance
Contrairement aux enseignements de la science économique, il est
observé, selon la Banque Mondiale et le Fond Monétaire Internationale,
que certains pays connaissent des taux de croissance de grande
importance, sans connaître le développement. Ces pays, pour la
plupart, sont localisés en Afrique Subsaharienne
et surtout dans
l’espace francophone.
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L’Assemblée Parlementaire de la Francophonie qui œuvre à promouvoir
le développement des économies de ses pays membres, s’est saisie de
ce paradoxe pour en trouver les pistes de solution.
L’APF réfléchit
durable,
ainsi à jeter les bases d’une croissance inclusive,
créatrice
d’emplois
et
susceptible
d’engendrer
le
développement économique de ces pays ; gage de la stabilité de
l’espace francophone et au-delà de l’équilibre du monde.
Cette réflexion
confiée à la Commission de la Coopération
et du
Développement, peut se décliner selon les linéaments ci-après :
Il s’agit ici de s’interroger sur les spécificités de ces économies qui, à
première vue, sont toutes productrices des matières premières. De se
poser la question de savoir pourquoi les taux de croissance aussi
importants sont sans effets sur les leviers de l’emploi et du
développement. Et comment s’en sortir ?
A/ le caractère atypique de ces économies
Nous avons souligné supra que les économistes ont mis en relief un
certain nombre de postulats qui sont les hypothèses de base de la
théorie de la croissance. On peut y citer sommairement l’existence des
facteurs de production, l’investissement dans la Recherche et le
Développement…Or les économies dont il est question ici, font
outrancièrement abstraction desdits postulats et évoluent sur les bases
étrangères à ces considérations et à ces hypothèses.
Ainsi l’amont du système économique où domine l’offre est biaisé en
Afrique et le système ne fonctionne dans ce continent que grâce à sa
perforation par les importations, surtout les importations des biens de
production.
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Ces
économies
sont
pour
la
plupart
importatrices
de
biens
d’équipement et surtout, elles fondent leur financement sur les
matières premières.
Dans cet ordre d’idées, les économies africaines se définissent comme
les « économies du tout-matières premières » comme le soulignait le
Premier Ministre gabonais, le Professeur Daniel Ona Ondo : dans tel
pays, l’économie est alimentée par le cuivre, le diamant ou le fer, dans
tel autre, il faut compter sur le pétrole, l’uranium ou le gaz naturel…,
partout c’est le « tout-matière première ».
Et l’exploitation des matières premières, industrie capitalistique par
essence, laisse de côté le capital humain et engendre cette fameuse
croissance sans emplois en Afrique, génératrice des exclus du marché
promis à une misère certaine et au déséquilibre que dénonce
l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie.
Pour y mettre un terme et appeler de nos vœux des économies où
l’homme est au centre de l’activité économique, et où la croissance
peut rimer avec développement, les parlementaires doivent se donner
les moyens de réorienter ce paradigme.
La voie passe par l’éviction du « tout-matière première dans les
linéaments de la conception africaine de l’économie pour l’extirper de
la vulnérabilité et de la volatilité des cours de ces matières premières,
responsables des politiques de « stop and go » qui alternent croissance
et récession et qui sont si dommageables à ces pays.
B/ Les solutions pour l’éviction du tout-matière première
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La théorie de développement enseigne d’explorer l’après-matière
première
ou
la
diversification
de
l’économie
de
manière
consubstantielle à l’exploitation de cette matière. Mais peu de pays
écoutent les experts et mettent en œuvre ces enseignements
judicieux. Ils attendent la douleur de la baisse des cours pour s’en
préoccuper et oublient de continuer la thérapeutique en cas de
retournement bénéfique du marché oubliant que cela n’est que
temporaire.
Ces pays semblent cependant méconnaître les lois fondamentales qui
régissent le marché des matières premières qui ne sauraient être
traitées comme des « amis fidèles ». Les matières premières ont
beaucoup de facéties, de caprices pour qu’elles soient placées au cœur
du processus de l’émergence et du développement qui requiert du
temps. Il convient de connaître ces enseignements et les appliquer en
se basant sur le fait que les matières premières appellent
l’après-
matières premières.
Il faut savoir gérer ces ressources naturelles, c’est-à-dire faire qu’audelà d’une certaine période d’exploitation, les revenus qui en sont
tirés soient investis dans des secteurs de l’ « économie réelle » moins
capricieux.
Exploiter les matières premières sur 30 à 50 ans et en faire un produit
du financement au cœur des budgets des Etats ne relève pas de sa
bonne gestion.
Il paraît urgent d’apprendre à les juguler et les interrogations ci-dessus
soulevées doivent habiter les pays qui en sont producteurs et
notamment les parlementaires, représentants des peuples. Les
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matières premières doivent aider à ne plus parler de matières
premières.
Il convient alors d’entreprendre des recherches sur les mécanismes de
l’après-matière première qui sont pluriels et fonction de chaque pays
et du temps.
L’histoire économique nous apprend que les pays développés, mêmes
producteurs des matières premières, investissent dans le secteur
industriel pour produire les biens manufacturés et échapper aux aléas
des marchés.
Les pays en développement ont d’autres approches dont les principales
sont fonction du temps : le court-, le moyen- et le long-terme.
B.1/ Les solutions à court terme
Toute matière première placée au cœur de toute économie faisant
apparaître les phénomènes de mal hollandais, les autres sources
d’accroissement
de
la
fiscalité
de
l’Etat
sont
généralement
abandonnées, négligées ou délaissées au seul profit de cette matière
première qui fait tout, finance tout, paie tout.
Naturellement avec le tarissement ou les facéties de cette source, la
nécessite recommande la gestion optimale de toutes les régies
financières, c’est-à-dire les impôts et les douanes.
A court terme, le salut doit venir de ce côté où toute la rigueur doit
être impérative pour accroître les recettes de l’économie réelle dans le
budget de l’Etat.
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Cette action vigoureuse à l’endroit des régies financières doit être
couplée avec la gestion rigoureuse des budgets des Etats. Les
ministères des Finances devraient avoir une préférence pour les
« budgets de résultats ou par objectifs » qui reposent sur les concepts
d’indicateurs de performance à définir par les Exécutifs et ceux de
députés-rapporteurs spéciaux issus des commissions des finances des
parlements
en
vue
des
contrôles
efficients
de
l’action
gouvernementale.
C’est la première des solutions à envisager d’autant plus que cet appel
à la gestion rigoureuse des budgets des Etats s’inscrit dans la politique
de la « méritocratie dans les pays », politique
qui a les effets de
stimulation des efforts collectifs et les effets d’apaisement ou
d’acceptation des mesures d’austérité.
B.2/ Les solutions à moyen terme
Les économies africaines sont des économies atypiques en ce que ces
économies ne sont pas des économies de production industrielle mais
plutôt de prélèvement des taxes sur l’exploitation des matières
premières, exploitation réalisée dans la majorité des cas par le capital
international ou étranger. Elles se financent essentiellement des
recettes issues des activités d’extraction et d’exploitation de ces
matières premières dont les mécanismes de régulation sont tenues par
les sociétés internationales et leur échappent tragiquement.
L’intérêt apparaît de les sortir de cette dépendance dommageable et
de cet « argent facile » pour s’inscrire dans une logique d’économie
« durable » et moins sujette aux caprices trop pesants de l’extérieur ou
du « fait exogène ».
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Cette restructuration est une tâche étendue dans le temps et
s’envisage donc dans le moyen terme et le long terme.
Et à moyen terme, le souci de rationalité économique recommanderait
les actions dans les secteurs ci-après :
a/ le secteur agricole
La redynamisation de l’agriculture, principal secteur d’absorption de la
main d’œuvre et donc de création d’emplois est d’une nécessité
absolue pour les pays en phase pré-industrielle comme le sont les pays
africains.
L’agriculture nationale est d’abord un secteur de lutte contre les
importations des denrées alimentaires avant de se vêtir des attributs
d’exportation visant le renflouement du budget de l’Etat.
Ces Etats doivent également être soucieux de créer l’attractivité de
l’agriculture auprès de la jeunesse en menant sans répit les politiques
de promotion, d’incitation et voire de subvention habile et de création
de villes rurales. Les petites fermes sont à créer pour transformer in
fine « le cultivateur en agriculteur ». Il s’agit de mettre en place un
système statistique pointu pour la maitrise et le listing de tous ces
agriculteurs nationaux dont les revenus mensuels ou annuels doivent
faire l’objet de la préoccupation des Autorités, en sus de la gestion des
terres. Il s’agira de lister ces agriculteurs et de les rendre riches. La
classe agricole ainsi créée et enrichie sera la preuve établie que
l’agriculture est capable d’ « enrichir son homme » et pourra être
vécue comme le facteur d’attraction de ce secteur pour la jeunesse.
L’agriculteur africain doit rimer avec enrichissement et non pauvreté
comme il l’est actuellement.
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Et pour plus d’efficacité, l’effort de construction des infrastructures
doit être à l’avenant pour lubrifier les circuits de commercialisation.
Les routes régionales ou départementales doivent porter les noms du
produit agricole exploité dans chaque région : route du cacao, route du
tabac, route de la pomme de terre…Ces désignations pénètrent
l’imaginaire populaire comme des « indicateurs de performance » pour
un suivi de l’intérêt économique de ces routes et de l’effort productif
des différentes populations du pays. Si la route n’est pas vécue
prioritairement comme un facilitateur d’échanges commerciaux et
comme véhicule de produits agricoles, il y a à craindre qu’elle ne se
transforme en simple aspirateur des populations rurales vers les
centres urbains en exacerbant le phénomène de l’exode rural. Ainsi
donc contre toute attente, la route peut être contre-productive car
pouvant se vivre comme un « aspirateur et un amplificateur » de
l’exode rural, le plus grand mal à combattre pour les pays en quête de
développement. Et elle peut dans ces conditions, faire des villes
urbaines ou des capitales africaines des amas de bidonvilles abritant
ces ruraux sans revenus conséquents ! Alors que le souhait est de
renverser ce flux en envoyant les populations urbaines vers le travail
de l’agriculture, appelé à rendre, de manière mesurable, l’agriculteur
riche.
Un pays comme la Côte d’Ivoire, en suivant l’exemple des pays
européens de la révolution agricole du XVIIè siècle tels que les PaysBas, la Belgique flamande, l’Italie du Nord, l’Angleterre, a enrichi sa
population grâce à l’agriculture.
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b/ le secteur touristique
L’intensification du tourisme est une poche d’opportunité pour mettre
les pays sur la voie de l’économie durable et moins soumise aux
soubresauts des matières premières. Et le tourisme, faut-il le rappeler,
doit obéir à quatre principes qui fondent son développement :
l’existence des sites et la publicité sur ce patrimoine touristique du
pays avec prospectus desdits sites; l’existence des infrastructures
routières conduisant à tous ces sites ; l’existence d’un personnel
« touristique » qualifié et l’existence de la paix et de la sécurité dans
le pays en général et dans les zones des sites en particulier.
Le tourisme comporte ce volet important, à savoir le tourisme des sites
comme souligné plus haut et celui non moins important qui est le
tourisme d’affaires et de villégiature.
Le tourisme d’affaires qui porte sur la tenus des conférences et divers
séminaires internationaux dans le pays et qui accompagne le
« premier » tourisme, reste tributaire de l’existence des infrastructures
hôtelières de qualité qu’entoure une ville propre, débarrassée des
bidonvilles et desservies à travers des « portes d’entrée bien gérées ».
Toutes ces considérations renvoient à la politique de la ville et à la
politique de l’habitat. Il ne s’agit plus du tourisme mais de l’industrie
touristique. Les pays asiatiques comme le Cambodge ont développé les
villes sorties du néant comme SIEM REAP grâce au tourisme ; l’Egypte
malgré ou à cause de son pétrole, a fait don à l’humanité des cités
comme Charm-El-Cheikh, symbole du tourisme de villégiature ; et avec
quels impacts sur les budgets nationaux !
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c/ la relance de l’artisanat
La relance de l’artisanat est un moyen efficace pour lutter contre la
pauvreté qui « frappe à la porte à l’occasion » et pour accompagner et
agrémenter le tourisme. Cet artisanat alimenté par les matériaux
locaux
et
exercé
par
les
artisans
locaux
est
une
source
d’enrichissement pour les populations. Et une politique artisanale bien
menée ouvre la voie royale de l’industrialisation…
Les grands joyaux de l’industrie européenne qui ont enclenché la
révolution industrielle et transformé le monde au XIXè siècle ne sont-ils
pas nés du travail artisanal et empirique dans les forges et petites
entreprises familiales telles que les Dudley et autres James Watt,
Richard Arkwright, John Kay, Montgolfier, Edward Jenner, Alessandro
Volta, Carl Benz, André Citroën… ? On peut ajouter les cas récents
comme Kuchiro Toyota, le russe Antonov ou le sud-coréen Ju-yung
Chung (fondateur de Hyundai).
d/ le développement du statut de pays de transit
La situation géographique de certains pays leur confère le statut de
« pays de transit ». On peut ainsi prendre en exemple un pays comme
le Congo.
Le Congo, en effet se présente comme le point de passage obligé des
échanges commerciaux entre le monde industrialisé et les pays tels que
le Gabon, la Centrafrique, le Cameroun, le Tchad, la RDC et partant le
Rwanda et les autres pays de la SADC (l’Est de l’Afrique)… Cette
situation particulière peut être exploitée avec fruit. Les retombées
économiques en terme de frais de passage s’évaluent en milliards de
francs Cfa par année. A ce propos, le port de Pointe-Noire qui est le
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point
de
départ
de
ce
réseau
doit
bénéficier
de
tous
les
investissements devant lui donner tout son lustre. Ces investissements
sur le port de Pointe-Noire doivent être continués d’une part vers le
CFCO pour lui donner deux à trois voies de circulation entre PointeNoire et Brazzaville, et d’autre part vers les routes d’intégration sous
régionale et les corridors fluviaux sur le fleuve Congo.
Un tel effort d’investissement, mené à bout et réussi, fera de ce port,
le « pétrole éternel du Congo-Brazzaville».
En résumé sommaire de ce qui précède, il apparaît incontestable que
tout pays producteur de matières premières vit avec le risque de
l’instabilité et de l’incapacité de tenir ses promesses, chevillé à son
corps.
Cette
situation
intenable
et
insoutenable
appelle
les
propositions de solution qui sont le résultat du travail d’airain à l’instar
des réflexions de ce genre.
Telle est la perspective à poursuivre pour l’émergence et le
développement de ces pays en développement producteurs de
ressources non renouvelables. D’autres secteurs de substitution aux
matières premières comme les télécommunications nourries par un
internet de qualité peuvent être envisagés dans cette recherche de
revenus stables qui transforment la croissance économique en
développement
économique.
Les
matières
premières
peuvent
cependant être mieux valorisées par une transformation in situ. Mais
l’effort d’airain à entreprendre est de ne pas en être dépendants.
Enfin il est impérieux que tous ces secteurs porteurs d’une économie
durable soient soutenus par les efforts de formation des agents
économiques devant animer ces secteurs.
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e/ la formation qualifiante
La formation qualifiante des agents économiques qui constituent le
personnel ci-dessus évoqué doit avoir valeur de priorité avec un accent
particulier pour la formation à la gestion des petits projets et des
petites fermes…
Mais de manière générale, elle doit être spécialisée et orientée vers
chaque secteur : tourisme, bâtiment et construction, travail du fer et
du
bronze,
menuiserie,
transit
et
l’éthique
professionnelle
y
afférente…
f/ Mise à profit des avantages de l’Afrique comme
l’un des poumons énergétiques du monde
Toujours dans cette perspective de s’inscrire dans l’économie durable,
il peut sembler intéressant pour l’Afrique de s’appuyer sur son statut
de poumon énergétique du monde, à côté de l’Amazonie et l’Indonésie,
pour se construire à moyen terme, un avenir économique plus stable.
En prenant la tête du combat contre le réchauffement climatique à
travers une gestion rationnelle de son immense bassin forestier, les
douze pays africains qui composent le bassin du Congo, peuvent se
donner les moyens de financer leurs budgets. En effet la préservation
de la forêt engendre les crédits-carbones qui peuvent être facturés aux
entreprises et pays pollueurs et garantir ainsi à ces économies
africaines d’immenses ressources pour le financement de leurs projets
de développement.
Il s’agit là d’une source de financement à construire par ces pays grâce
au mécanisme dit de la REDD+, embryonnaire et balbutiant aujourd’hui
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mais promis à un bel avenir si l’Afrique à l’unisson y concentre ses
efforts.
B.3/ Les solutions à long terme
Le travail de long terme dont aucun pays, en particulier africain, ne
doit se dérober, concerne la maîtrise locale de l’industrialisation. Nous
touchons ici à un domaine par excellence qui rime avec développement
économique et domination ou indépendance des peuples. Les EtatsUnis, disait André Malraux, sont devenus impérialistes sans l’avoir voulu
grâce leur maîtrise technologique. On peut évoquer également le cas
du Japon…Le travail à faire pour l’Afrique consiste en la maîtrise des
arcanes de l’industrialisation qui n’est pas hors de portée de ce
continent plein de matières premières, de talents et de génie. Car en
réalité, l’industrialisation n’est que la rencontre des matières
premières avec le génie de l’homme !
Historiquement, l’homme travaille en faisant appel à l’ « outil et la
main ». Le capital était le capital physique, c’est-à-dire les biens de
production.
Et un pays comme la France a crée au sein de son économie un
ministère du « redressement industriel » pour consacrer le rôle de
l’économie réelle dans son développement économique et la lutte
contre le chômage.
L’Afrique, au contraire, est restée victime de ce syndrome qui lui fait
considérer la finance comme la variable essentielle d’animation de la
fonction de production.
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Tout le « secteur local de production » des biens de production est
amputé du circuit économique avec les conséquences qu’on peut
imaginer sur l’emploi.
Et pour corriger l’atypisme des économies africaines de manière forte
et radicale, il est essentiel de maîtriser le processus de fabrication de
l’outil industriel.
L’Afrique devrait chercher à « apprendre à fabriquer localement les
outils de production plutôt que de les importer indéfiniment… et
d’exporter massivement ses emplois ».
La croissance économique de ces économies ne doit pas être assise
principalement sur les politiques d’extraction des matières premières,
conduisant à l’illusion que créent les « bulles financières » telles que
celles dues aux variations des prix du pétrole et qui faussent les
indicateurs de développement.
Il
faut,
progressivement
et
inlassablement,
promouvoir
une
industrialisation endogène qui s’appuie sur l’artisanat local et la
maîtrise du travail de l’industrie du fer, à travers son recyclage et son
extraction.
Ce travail de long terme doit s’envisager dans un cadre plus large de
mutualisation des efforts comme les ensembles sous régionaux africains
tels que la Cemac, la Ceeac, l’Uemoa, la Sadc…
Il arrive souvent en Afrique que les Exécutifs s’attèlent aux
inaugurations
de
plusieurs
« réalisations »
des
projets
gouvernementaux ; il s’agit là cependant de la célébration de la
dépense effectuée. Le nouveau paradigme économique tel que
développé supra et porté par les parlementaires, militera à pousser à
terme ces mêmes Exécutifs à célébrer les recettes ou mieux les sources
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de ces recettes. Lorsque les inaugurations sont si allègrement et si
populairement saluées, il sied désormais grâce à la lucidité du
parlement et du citoyen, que soient connues les sources de
financement qui ont contribué à leur faisabilité : est-ce grâce aux
dons ? Est-ce grâce aux recettes pétrolières ou de toute autre matière
première ou est-ce à travers le bon comportement de l’économie
réelle et durable ?
Tout le processus ci-dessus élaboré constitue les voies qui feront de la
croissance un réel facteur de développement pour ces économies
comme cela fut le cas pour les pays européens au milieu du 18è siècle.
Le développement sera alors un « bien commun » de l’humanité qui lui
assurera paix et équilibre.
Cependant, en confrontant la croissance aux lois de la dynamique, il
apparaîtra toujours les cycles de récession qui nous rappelleront les
prédictions des économistes « pessimistes » comme Karl Marx ou David
Ricardo.
Face à cette « malédiction du monde », la science économique postule
d’autres politiques novatrices telle que la croissance partagée et
responsable.
III/ Quelques considérations sur la croissance partagée en vue de la
stabilité de l’espace francophone.
A la base de la théorie de la croissance partagée et responsable, il y a
la constatation du désenchantement des théories mathématiques de
l’équilibre parfait élaborée par les classiques et les néoclassiques. Le
monde marchand incarné par le marché et sa main invisible devait
transformer les égoïsmes en vertu, l’intérêt et le profit en aiguillon de
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l’action, la fermeture des entreprises en destruction créatrice, le
chômage en période entre deux emplois…pour que « tout soit bien dans
le meilleur des mondes ».
Hélas, le monde va des empires en hyper-empires, des conflits en
hyper-conflits où la loi du plus fort est la meilleure. Chacun est
conscient que notre monde délétère ne peut perdurer longtemps.
Partant de ce constat accablant, la théorie de la croissance partagée et
responsable pose trois grands postulats :
- le monde est un village ;
- les progrès technologiques rendent l’abondance possible ;
- la conscience que nous allons vers la catastrophe.
S’appuyant sur ces deux postulats, le monde peut se construire
autrement. Tel est le défi que se donne cette nouvelle conception de
la croissance dont il revient à tous de dessiner les harmoniques.
Conclusion
L’économie poursuit son objet immémorial qui est « la confrontation
des besoins de l’homme à des ressources limitées ». Elle a pour cela ses
fondements et ses outils. Ces outils, cependant, se confrontent aux
dures lois de la dynamique et du long terme qui sont à l’origine de la
théorie de la croissance, du développement et de la richesse des
nations qui en sont des corollaires.
A ce niveau apparaissent des incertitudes, des phases de croissance et
de récession, de désenchantement…
Alors la réflexion courageuse est nécessaire pour faire comme hier où
la bourgeoisie naissante a vaincu le féodalisme, le marché et la
démocratie ont fait ombrage au planisme et à la dictature.
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Les pistes nouvelles, pleines de promesse et d’espoir comme la
croissance partagée, s’ouvrent à l’humanité.
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