Les hernies périnéales

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Revue bibliographique
Les hernies périnéales
Dr Sanspoux Frédéric, DMV.
16 rue des Rochettes - 87300 Bellac
Février 2012
1. Introduction
Les hernies périnéales correspondent à un affaiblissement et une
défaillance des muscles du diaphragme pelvien qui se rompent sous l'effet
de contraintes mécaniques.
Elles se rencontrent presque exclusivement chez les chiens mâles
entiers adultes ou âgés, dans une moindre mesure chez les chiens castrés.
Les femelles auraient un diaphragme pelvien plus solide que celui des
mâles, ce qui expliquerait en partie la moindre fréquence de l’affection
chez ces sujets. Quelques cas exceptionnels ont été décrits chez l’animal
jeune.
La prévalence de l'affection est estimée entre 0,1 et 0,4 %.
2. Considérations anatomiques
Le périnée est la partie du corps qui ferme l’orifice caudal du
bassin ; il entoure les conduits anaux et uro-génitaux. Il s’étend de la
base de la queue jusqu’au dessous des testicules ou de la vulve. Il est
limité latéralement par les ligaments sacro-tubéreux, dorsalement par le
sacrum, ventralement par l’arcade ischiatique.
Quatre muscles participent à la formation du diaphragme pelvien : le
muscle coccygien, le muscle élévateur de l’anus (divisé en un faisceau iliocaudal et un faisceau pubo-caudal), le muscle sphincter de l’anus (divisé
en un faisceau superficiel, un faisceau profond et un faisceau cutané).
Finalement, le muscle obturateur interne recouvre le trou obturateur.
L’irrigation de la région est assurée par l’artère honteuse interne qui
provient de l’artère iliaque interne. Elle croise latéralement le muscle
élévateur de l’anus et se dirige en région ischiatique en longeant le muscle
obturateur interne. L’artère glutéale caudale et ses ramifications
participent également à l’irrigation du périnée (figure 1).
Le nerf honteux est le nerf principal du périnée. Il se divise en
plusieurs branches qui innervent notamment le muscle sphincter externe
de l’anus et les organes génitaux externes (figures 2 et 3).
Il convient de respecter scrupuleusement les structures nerveuses
lors du traitement chirurgical de la hernie afin d’éviter des complications
postopératoires telle qu’une incontinence fécale causée par des lésions du
nerf caudal rectal.
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1
Figure 1 : Vascularisation de la région périnéale chez le chien (Evans).
Figure 2 : Innervation de la région périnéale chez le chien (Evans).
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2
Figure 3 : Nerfs du bassin et du membre pelvien du chien, face médiale (Barone).
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3
Suite aux particularités musculaires
du périnée, quatre types de hernies
périnéales distinctes sont identifiées :
sciatique (1), dorsale (2), caudale (3) et
ventrale (4). La hernie caudale étant la
plus
fréquente,
la
hernie
dorsale
beaucoup moins, les hernies sciatiques et
ventrales sont les plus rares (figure 4).
La connaissance anatomique de la
zone doit être maîtrisée afin de poser un
diagnostic correct et d’envisager un
protocole chirurgical adapté.
Figure 4 : Localisation des différents types de
Hernie périnéale chez le chien (Noël).
3. Epidémiologie
Selon les auteurs et les pays, le panel de répartition peut varier
énormément. Les races prédisposées aux Etats-Unis sont principalement
le Boxer, le Boston terrier, le Colley, le Berger Allemand et le Caniche, le
Teckel et le Bobtail, le Corgi, le Kelpie. En France, le Berger Allemand,
l’Epagneul breton, le Pékinois et le Teckel sont fréquemment touchés.
Une étude montre que plus de 97 % des chiens atteints de hernie
périnéale sont des mâles entiers âgés de plus de 7 ans.
Cependant, quelques cas de hernies périnéales ont été relatés sur
des femelles, consécutivement à des troubles de la gestation. Un cas sur
un chiot a été constaté et décrit dans une publication.
4. Etiopathogénie
Les causes de hernies sont probablement plurifactorielles.
Cependant, l’étiologie exacte n’a pas encore été déterminée. Certaines
études évoquent toutefois la possibilité d’une constipation ou d’un
ténesme chronique responsable d’une atrophie neurogène des nerfs
moteurs de la région périnéale.
Sans que l’on sache précisément s’il s’agit d’une cause ou d’une
conséquence, on constate très fréquemment des déformations rectales
dans les hernies périnéales (93 %). Ce sont le diverticule rectal, la
dilatation rectale, le saccule rectal et l’inflexion sigmoïde du rectum.
On ignore si c’est la déformation engendrée par la hernie et les
efforts expulsifs lors de la défécation qui entraînent les déformations du
rectum ou si ce sont ces lésions qui entraînent la hernie (figure 5).
L'atrophie sénile et l'atrophie de la musculature coccygienne après
caudectomie, prédisposeraient à l’apparition de hernies périnéales.
Des causes hormonales sont suspectées par beaucoup d’auteurs,
quoi qu’aucune preuve irréfutable n’ait à ce jour pu être mise en évidence.
Cependant, on a constaté chez des chiens mâles âgés, une augmentation
significative des sécrétions oestrogéniques par les testicules, ce qui
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4
causerait un relâchement du diaphragme pelvien et une diminution des
stéroïdes androgènes, causant à son tour un affaiblissement de la
musculature pelvienne.
Figure 5 : Déformations rectales rencontrées dans les hernies périnéales (Commère).
Les hernies périnéales
5
Les affections prostatiques sont également des causes favorisant les
hernies périnéales. Les chiens atteints d’hyperplasie bénigne de la
prostatique ou de kystes para-prostatiques sécrètent une quantité plus
importante de relaxine. Cette dernière aurait une influence défavorable
sur la musculature pelvienne, favorisant également l’apparition de hernie
périnéale. De plus, la prostate hyperplasiée contribue certainement à
l’apparition de la hernie par son action mécanique sur le diaphragme
pelvien.
Il existe une relation étroite entre les efforts expulsifs engendrés par
la constipation et la hernie périnéale. L’origine de la constipation et des
efforts expulsifs peut provenir de l’alimentation ou du basculement de la
prostate dans la filière pelvienne. Toute irritation ou inflammation rectale
ou péri anale peuvent également engendrer de telles contractions.
Généralement, une masse sous-cutanée liquidienne se constitue
dans la partie déclive de la lésion périnéale. Très souvent, de la graisse
rétro-péritonéale accompagne la formation liquidienne.
Certains éléments peuvent ensuite passer au travers de la brèche
herniaire : le grand omentum, la prostate, de la graisse péri-prostatique,
le colon descendant, la vessie et parfois même l'intestin grêle.
5. Symptômes
Les principaux symptômes de la hernie périnéale se traduisent par
une tuméfaction très souvent unilatérale du diaphragme pelvien, du
ténesme et de la constipation. La peau peut paraître plus fine, enflammée
et des ulcères peuvent se former.
Les phénomènes de dysurie, de pollakiurie, voire d’anurie sont
toujours inquiétant et relèvent souvent de l’urgence chirurgicale car ils
correspondent à une ectopie vésicale.
Dans une moindre mesure, de la diarrhée, de l’anorexie, une perte
de poids, des vomissements, une dyschézie, une hématochézie ainsi
qu’une incontinence fécale sont constatés.
6. Diagnostic
Il se base à la fois sur l’examen clinique éloigné puis rapproché et
sur les examens complémentaires.
On recherche une déviation de l’anus, une tuméfaction du périnée,
une modification de la couleur de la peau, des ulcérations ou de l’œdème.
La palpation peut donner différentes indications comme la nature
des organes présents dans la hernie : prostate ronde et dure, aspect
nodulaire de la graisse rétro-péritonéale, taille fluctuante de la vessie en
fonction de son état de réplétion.
Un diagnostic complet doit impérativement être posé afin de réaliser
la technique chirurgicale la plus adaptée possible. La radiographie et
l’échographie sont donc indispensables pour connaître la nature des
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6
éventuels organes ectopiques. L’injection d’un produit de contraste dans le
rectum et/ou la vessie permet d’identifier correctement à l’aide de la
radiographie le ou les organes ectopiques. L’échographie permet quant à
elle, d’objectiver correctement l’état de la prostate.
Le diagnostic différentiel comprend les abcès locaux ou les abcès des
glandes anales, une hyperplasie des glandes anales, les tumeurs de la
région périnéale (lipomes, adénocarcinomes, …), les contusions ou
hématomes et l’hygroma de la pointe de la fesse.
7. Considérations médicales et pré chirurgicales
Le traitement chirurgical des hernies périnéales doit s’accompagner
de mesures préopératoires précises.
Le traitement médical a pour but de faciliter le transit intestinal et le
passage des matières fécales dans le colon et le rectum. Il est basé sur
l’administration d’un aliment riche en fibres et humide de préférence.
L’adjonction de laxatifs ou d’émollients (huile de paraffine) s’avère aussi
intéressante. Cependant, le traitement médical seul est insuffisant pour
traiter l’affection.
La vidange du système digestif participe au confort de réalisation de
la chirurgie périnéale. Il est donc conseillé de réaliser des lavements
biquotidiens d’eau savonneuse les 24 ou 48 heures préopératoires. Les
lavements peuvent s’accompagner d’un traitement laxatif. La vacuité
rectale permet un meilleur traitement des lésions. Bien entendu, les
lavements colorectaux s’accompagnent d’une diète totale de 24 heures.
Afin d’éviter les fuites rectales lors de l’intervention, il est important
d’arrêter les lavements au moins 12 heures avant l’intervention.
Dans les cas où la vessie est présente dans la hernie, il faudra la
vider par sondage ou par cystocenthèse périnéale et ensuite la replacer
dans l’abdomen avec une sonde à demeure en attendant l’opération.
L’animal sera également perfusé et les troubles métaboliques corrigés si
nécessaire avant l’anesthésie.
8. Considérations chirurgicales
Une antibioprophylaxie est fortement conseillée avant toute
chirurgie du périnée. Elle couvrira les germes Gram+ et Gram-.
L’utilisation de Céphalexine (25 mg/kg), de Métronidazole (10 mg/kg) ou
d’Enrofloxacine (10 mg/kg) est indiquée.
Les morphiniques seront utilisés pour l’analgésie et l’utilisation
d’AINS (Méloxicam, Carprofène) est autorisée à condition d’avoir
préalablement vérifié l’intégrité rénale.
De nombreuses techniques sont décrites pour le traitement
chirurgical des hernies périnéales. Elles découlent d’un diagnostic qui doit
être le plus précis possible.
Les hernies périnéales
7
Classiquement, la chirurgie des hernies périnéales s’effectue en
deux temps distincts. Un temps abdominal est préconisé pour réduire
l’encombrement de la fosse ischio-rectale et fixer les différents organes
qui auraient pu passer dans la hernie. Le temps périnéal est réalisé 24 à
48 heures plus tard. Certains auteurs préconisent jusqu’à 5 jours entre les
deux interventions, afin que l’animal récupère de sa première anesthésie.
8.1. Réalisation du temps abdominal
Il précède toujours le temps périnéal afin de le faciliter et de diminuer
le taux d’échec et de récidive. Le but du temps abdominal est de
repositionner les organes ectopiques et de les fixer le cas échéant. La
castration sera effectuée en même temps que le temps abdominal.
ü Colopexie (figure 6)
Elle est indiquée lors d’inflexion sigmoïde du rectum et permet de
réduire l’amplitude des diverticules ou saccules rectaux. Le colon est tiré
crânialement, une incision longitudinale de la séro-musculeuse colique est
pratiquée ainsi qu’une incision péritonéale longitudinale à mi distance
entre la ligne blanche et les muscles sous-lombaires. Les lèvres des plaies
sont ensuite suturées bord à bord avec un mono filament résorbable. Il
est important de bien englober la sous-muqueuse intestinale à chaque
point car c’est la partie la plus résistante de l’intestin. Il faut éviter par
contre de perforer la muqueuse de l’intestin. Une aiguille à pointe non
biseautée est requise pour la suture viscérale.
Figure 6 : Réalisation de la colopexie (Sanspoux).
Les hernies périnéales
8
ü Cystopexie et déférentopexie (figure 7)
La cystopexie consiste en la fixation de la vessie dans sa position de
repos par rapport à la paroi abdominale. Elle est fixée à la paroi
paramédiane ventrale préalablement scarifiée. De l’épiploon peut être
intercalé entre la vessie et la paroi afin d’augmenter les adhérences.
Quelques points simples sont posés entre la paroi abdominale et la vessie
en passant au travers de l’épiploon.
Grâce
à
la
déférentopexie, les canaux
déférents
sont
suturés
latéralement à la vessie, au
travers de deux tunnels
percés sous le péritoine
pariétal. La traction exercée
sur les canaux déférents se
reporte sur la prostate et
contribue à maintenir la
vessie
en
position
physiologique.
Figure 7 : Principe de la déférentopexie (Sanspoux).
ü Castration et chirurgie de la prostate
Sans qu’aucun consensus ne soit vraiment établi, on considère que
la castration diminue le taux de récidive des hernies périnéales.
L’hypertrophie de la prostate engendre des efforts expulsifs qui favorisent
les hernies périnéales. La castration, en supprimant l’influence hormonale
sur la prostate, favoriserait son involution, diminuant ainsi les efforts
expulsifs et la constipation. Le cas échant, les lésions prostatiques seront
traitées également pendant le temps abdominal.
8.2. Réalisation du temps périnéal
Avant
l’intervention,
l’anus
sera
temporairement fermé par une suture en bourse.
Une compresse ou un tampon périodique peuvent
également être introduits dans l’anus afin d’éviter
toutes fuites de selles pendant l’intervention (figure
8). Il est vivement conseillé d’utiliser des sutures
mono filaments résorbables pour les sutures internes
et des sutures mono filaments irrésorbables pour les
sutures externes. L’asepsie doit être rigoureuse, de
par la présence possible de souillures en provenance
de l’anus.
Figure 8 : Tampon périodique placé dans le rectum (Sanspoux).
Les hernies périnéales
9
La préparation de l’animal au temps périnéal comprend une diète
d’au moins 24 heures, des lavements colorectaux, l’administration de
laxatifs et la vidange manuelle des glandes anales.
Le patient est positionné
en décubitus ventral, les
membres postérieurs dans le
vide,
la
queue
relevée
sagittalement et crânialement,
la table est inclinée vers
l’avant afin de dégager le plus
possible l’abdomen postérieur.
Un coussin est placé sous
l’abdomen (figure 9).
Figure 9 : Positionnement du patient
pour le temps périnéal (Sanspoux).
L’abord classique de la hernie se fait de la base de la queue à la
tubérosité ischiatique. Rapidement après l’incision cutanée, le sac
herniaire apparaît. Il faut impérativement identifier le faisceau vasculonerveux honteux, les vaisseaux périnéaux dorsaux et les respecter (figure
10). Les proliférations inflammatoires et le tissu graisseux rétro péritonéal
sont excisés et les organes herniés présents sont refoulés dans la cavité
abdominale. Mais si le temps abdominal a été correctement réalisé, le sac
herniaire doit être vide.
Figure 10 : Dissection des muscles de la fosse ischio-rectale (Commère).
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10
Avant toute reconstruction, les muscles du périnée doivent être
clairement identifiés ainsi que le ligament sacro-tubéreux. Certains
muscles peuvent être atrophiés et il est parfois difficile de les isoler.
Il existe plusieurs techniques de reconstruction périnéale. On
choisira l’une ou l’autre en fonction de différents facteurs tels que la taille
de la hernie, sa position ou les dégâts qu’ont subi les muscles.
ü Herniorraphie simple (figure 11)
Après réduction de la hernie, les différents plans musculaires sont
suturés entre eux par une série de points simples. Tous les points sont
posés avant de serrer les nœuds. Les plans sous-cutanés et cutanés sont
réalisés classiquement. Cette méthode ne présente pas de difficultés
techniques majeures.
Les récidives peuvent être fréquentes suite aux tensions excessives sur
les différents groupes musculaires. C’est pourquoi cette technique est de
plus en plus abandonnée au profit de méthodes plus performantes.
Cependant, elle est aisée dans sa réalisation et elle peut malgré tout offrir
une solution simple et rapide à condition que la musculature périnéale soit
saine et en bon état.
Figure 11 : Herniorraphie simple (Commère).
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ü Hernioplastie par pose d’un filet synthétique
Cette technique propose une alternative plus résistante que le
traitement simple de la hernie. Différents types de matériaux sont utilisés,
le plus fréquent étant le filet en polypropylène. Il est découpé en fonction
de la taille du trou à combler.
La méthode présente cependant certains risques post opératoires par
effet « corps étranger » : sepsis, fistule, défaut de cicatrisation,
suppurations. Elle nécessite donc une technique parfaite et une asepsie
rigoureuse.
ü Hernioplastie par pose d’une prothèse hétérologue ou
autologue (figures 12-13-14)
Une technique propose le remplacement du
filet synthétique par une prothèse en
biomatériaux à base de sous muqueuse
intestinale de porc. Ce matériel acellulaire
contribue à la colonisation rapide par les
cellules de l’hôte. La réalisation de la
technique est aussi aisée que l’implant d’un
filet synthétique et pas plus compliquée que la
réalisation
de
la
hernioplastie
par
transposition du muscle obturateur interne.
Cependant, il est difficile de se procurer ce
biomatériau et son coût est assez élevé. Ces
deux inconvénients majeurs font que la
méthode est rarement utilisée en clientèle
courante.
Figure 12 : Pose d’une prothèse de sous-muqueuse
intestinale de porc (Stoll).
Une alternative très intéressante à la sous-muqueuse intestinale de
porc a été proposée en 2005. Le greffon est cette fois d’origine autologue
puisqu’il s’agit d’un lambeau de fascia lata prélevé directement sur le
patient.
Cette méthode présente l’avantage de permettre une réparation plus
solide que celle effectuée par les techniques classiques de transposition
musculaire. De plus, il y aurait moins de complications post opératoires.
La technique permet de diminuer les tensions sur les sutures, de réduire
la dissection des tissus mous, de diminuer la morbidité, de minimiser les
risques d’effet corps étranger (sérome, fistule, infection, déhiscence de
plaie) et occulte complètement le risque de rejet du greffon. La taille de la
greffe est forcément adaptable à la taille de la hernie, puisque plus un
chien est grand, plus il est possible de lui prélever un lambeau de fascia.
Les résultats à moyen ou long termes semblent être supérieurs à
ceux obtenus avec les autres techniques d’hernioplastie.
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Figures 13 et 14 : Prélèvement et pose de la greffe de fascia latta (Bongartz).
ü Hernioplastie par transposition du muscle obturateur interne
et/ou du muscle fessier superficiel (figures 15-16-17)
C’est l’une des techniques les plus répandues. Elle consiste en la
désinsertion périostée du muscle obturateur interne dans sa portion
caudale, depuis son insertion ischiaque jusqu’au bord caudal du trou
obturateur. Il est important de ne pas léser le faisceau vasculo-nerveux
obturateur.
Le volet musculaire obtenu est élevé et si sa taille est insuffisante pour
combler le déficit de la hernie, une ténotomie peut être réalisée au ciseau
pour gagner un peu plus de surface et mobiliser plus facilement le
lambeau. Le nerf sciatique passe à proximité du tendon, il est donc
important de l’identifier et de le préserver avant la ténotomie.
Une fois isolé, le transplant musculaire est suturé aux muscles voisins.
Des points sont posés entre le muscle obturateur interne et le muscle
sphincter externe de l’anus dégraissé, entre le muscle obturateur interne
et le muscle rétracteur de l’anus et finalement entre le muscle rétracteur
de l’anus et le muscle sphincter anal externe. Tous les points sont serrés
en même temps.
Le principal avantage de la méthode réside dans sa facilité d’exécution
si la ténotomie ne doit pas être réalisée. Un inconvénient majeur est
parfois le défaut de pouvoir couvrant du lambeau musculaire et les risques
de lésions de faisceaux vasculo-nerveux majeurs.
Pourtant, il s’agit d’une technique de référence, très régulièrement
pratiquée.
Dans le cas où le muscle coccygien présente une atrophie importante,
ou si la couverture obtenue par la transposition du muscle obturateur
interne est insuffisante, le muscle fessier superficiel est également
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13
transposé pour venir combler la brèche périnéale. L’incision chirurgicale
doit être à ce moment là beaucoup plus crâniale que pour la seule
réalisation de la transposition du muscle obturateur interne.
Figure 15 et 16 : Transposition du muscle obturateur interne (Ferrière).
Figure 17 : Transposition du muscle fessier superficiel (Ferrière).
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Tableau 1 : récapitulatif des avantages et inconvénients des différentes
techniques de traitement des hernies périnéales (Sanspoux).
Technique
Herniorraphie.
Difficulté
(1 à 5)
Temps
opératoire
2
2
Avantages
(1 à 5)
Simple.
Rapide.
Hernioplastie avec
filet synthétique.
3
Hernioplastie avec
greffe hétérologue de
sous-muqueuse de
porc.
3
Hernioplastie avec
greffe autologue de
fascia lata.
3
Inconvénients
3
3
Plus solide que la
herniorraphie.
Coût des prothèses.
Plus solide que la
herniorraphie.
Difficulté de se
procurer les
implants.
Taux d’infection
moins élevé qu’avec
les implants
synthétiques.
4
Taux de récidive peut
être élevé.
Très résistante, plus
solide qu’une
hernioplastie par
transposition
musculaire.
Effet corps étranger :
possibilité de fistule,
défaut de
cicatrisation, sepsis,
…
Coût des implants.
Deux sites
chirurgicaux.
Taille du greffon
adaptable à la taille
de la hernie.
Prélèvement aisé.
Transposition du
muscle obturateur
interne.
Transposition du
muscle fessier
superficiel.
4
4-5*
Ouverture
chirurgicale limitée.
Convient pour les
petites hernies.
3
4-5*
Volet musculaire
parfois petit,
nécessité d’une
ténotomie.
Réalisation assez
aisée si pas de
ténotomie.
Risque de lésions de
faisceaux vasculonerveux majeurs.
Solidité supérieure à
la transposition du
muscle obturateur
interne.
Incision cutanée plus
importante.
Associée à l’élévation
du muscle obturateur
interne, elle permet
de traiter des hernies
de grande taille.
Transposition du
muscle semitendineux.
5
5
Intéressante pour les
hernies ventrales.
Incisions
importantes.
Renforce les
transpositions du
muscle obturateur
interne.
Travail de suture.
*Selon l’expérience du chirurgien et l’association ou non d’une autre transposition.
Les hernies périnéales
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ü Hernioplastie par transposition du muscle semi-tendineux
Cette reconstruction nécessite un abord chirurgical important, jusqu’en
bas de la cuisse. Le muscle est sectionné transversalement et ramené
sous le muscle sphincter extérieur de l’anus. Il est ensuite suturé avec le
muscle obturateur interne hétérolatéral par son extrémité distale et ses
bords latéraux sont fixés avec les tissus adjacents.
Cette méthode est généralement réservée aux récidives ou lors de
hernie ventrale importante.
8.3. Traitement des lésions rectales associées (figures 18-19)
Le cas échéant, les lésions
rectales doivent être traitées lors
du temps périnéal.
Lors de dilatation rectale, des
points en U perpendiculaires à l’axe
du rectum sont réalisés dans la
musculeuse. Tous les points sont
serrés ensemble afin d’obtenir une
plicature rectale qui diminue le
diamètre de la lumière rectale. Il
faut veiller à ne pas traverser la
muqueuse par toucher rectal.
Figure 18 : Mise en évidence d’un diverticule rectal sur un Border Collie.
Les saccules et les diverticules rectaux sont
réséqués après avoir posé deux pinces non
traumatiques à la base de la dilatation. Une
première suture est réalisée sur la muqueuse et
la
sous-muqueuse,
un
deuxième
surjet
enfouissant ferme la séro-musculeuse. Il est
impératif d’utiliser un fil de suture mono
filament afin d’éviter les phénomènes de
capillarité. L’étanchéité des sutures doit être
parfaite.
Figure 19 : Mise en place des pinces non traumatiques
avant résection.
9. Soins postopératoires et complications
La gestion post opératoire des hernies périnéales doit être rigoureuse
pour minimiser les risques de récidives et de complications.
La pose d’un pansement étant quasiment impossible, le port du carcan
est obligatoire. Le site chirurgical sera nettoyé et désinfecté deux à trois
fois par jour et au moins après chaque émission de selles. La constipation
sera évitée en distribuant un régime mou, en plusieurs petits repas et à
base d’un aliment hyper digestible pour diminuer le volume des matières
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fécales. Des laxatifs seront prescrits pour éviter au maximum les efforts
de défécation.
La douleur sera gérée par des dérivés morphiniques si nécessaire les
deux premiers jours post opératoires.
Différentes complications sont possibles. La première qui se rencontre
dans 5 à 58 % des cas est l’infection de la plaie, qui requiert une grande
attention. Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à effectuer une culture
bactérienne et un antibiogramme afin de cibler au mieux le traitement
antibiotique.
Les autres complications rencontrées sont : la récidive de la hernie (546 %), la constipation et le ténesme (5,5-44 %), l’incontinence fécale (015 %) ou urinaire (2,9-18 %), des hémorragies de la plaie (0-17 %), le
prolapsus rectal (0-15 %), où bien encore, une atteinte du nerf sciatique
(0-5,5 %).
Les grandes variations rencontrées peuvent en partie s’expliquer par le
nombre de cas traités dans chaque étude, la technique utilisée et la
diversité des chirurgiens. Le tableau ci-après reprend la fréquence des
différentes complications possibles.
Tableau 2 : récapitulatif des complications possibles (d’après Commère).
Type de complication
Fréquence selon les auteurs (%)
Complication septique
5-58
Récidive de la hernie
5-46
Constipation, ténesme
5,5-44
Incontinence urinaire
2,9-18
Hémorragie de la plaie
0-17
Incontinence fécale
0-15
Prolapsus rectal
0-15
Atteinte du nerf sciatique
0-5,5
10. Pronostic
Le pronostic des hernies périnéales est étroitement lié à différents
facteurs tels que la technique utilisée, le type de hernie, les lésions
associées, l’habileté du chirurgien, les précautions pré, per et post
opératoires. Il est généralement de moyen à bon lorsque l’opération est
réalisée par un chirurgien confirmé. Les patients atteints de rétroflexion
de la vessie ont un pronostic plus réservée et de lésions neurologiques
préexistantes ne peuvent pas être corrigées par la chirurgie.
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Références bibliographiques
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Tome 3, Splanchnologie I. Vigot. Paris, 1984.
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Vigot, 1987.
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évaluation d’une technique de castration par laparoscopie. Thèse
pour obtenir le grade de docteur vétérinaire. Diplôme d’état. Toulouse,
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COMMERE C : Les complications du traitement chirurgical de la
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