À l’écoute d’une harmonisation PRUDHOMME - Martial Sous la direction d’Alexandre Saint-Jevin International Master in Graphic Design — 2016 / IMGD4 CAMPUS FONDERIE DE L’IMAGE 80, rue Jules Ferry - 93170 Bagnolet Métro Gallieni (ligne 3) www.campusfonderiedelimage.org www.facebook.com/campusfonderiedelimage Je tiens tout d’abord à remercier mes tuteurs sur ces deux années qui m’ont offert l’opportunité de poursuivre une formation au Campus, Fonderie de l’image. Je tiens à remercier tous les professeurs du Master pour leur savoir-faire, leurs conseils ainsi que leur vigilances. Je remercie également mes collègues de classe pour leurs collaborations intenses, avec qui, j’ai progressé sur la technique d’exécution. Je remercie enfin mes amis et ma famille, qui m’ont grandement aidé à faire mes choix et à suivre mes envies avec passion dans le design graphique. Une pensée aussi à Chloé qui a subit un vieillissement occulaire suite à mes nombreuses fautes. La nature dévoile un environnement paisible qui est source d’imagination pour le concepteur, favorisant l’imagination et la créativité. L’Homme doit comprendre les avantages qu’elle nous partage. Depuis le Paléolithique, l’Homme multiplie des traces de dominance sur le végétal tel un sentiment de nécessité. Sous formes d’inspirations, de reproductions et de préservations, le règne végétal dévoile des perceptions semblables à notre système d’évolution. Nous devons trouver une compréhension du règne végétal pour éviter la confrontation du dominant/dominé. Soyons observateurs de leur optimisation sans porter préjudice sur le comportement des plantes, pour parvenir à une évolution logique dans nos créations. «Je touche du bois» Toucher du bois est à l’origine une expression qui remonte à des millénaires. Dans la chrétienté, par exemple, elle sert de protection par le fait de toucher le bois de la croix de Jésus, d’où le geste qui accompagne l’expression. Cette expression attire donc la chance. Mots-clés : / Écologie / Éthique / Design / Audition / Environnement / Biologie / Règne végétal / Mutualité / Harmonisation / Sonorité The nature reveals a peaceful environment which is a source of imagination for the designer, favoring the imagination and the creativity. The Human being has to understand the advantages that the Nature shares with us. Since the Paleolithic era, the Human being has been trying to dominate the Plant Kingdom as it would be a necessity. With different inspirations, reproductions and conservations, the Plant Kingdom reveals perceptions similar to our system of evolution. We have to find an understanding of the Plant Kingdom to avoid the confrontation of dominant party over dominated party.We should observe their optimization without harming on the behavior of plants in order to reach a logical evolution in our creations. “I knock on wood” “To knock on wood” is originally an expression which goes back to millenniums. In the Christendom, for example, it was used as a protection when someone was touching the wood of the cross of Jesus, hence the gesture which was going with the expression. Indeed, this expression brings good fortune. Keywords : / Ecology / Hearing / Environment / Biology / The Plant Kingdom / Mutuality / Harmonization / Ethics / Design / Tone Remerciements Résumé Introduction Entretien Conclusion Anecdote 3 4-5 9-11 82-87 105-107 109 Bibliographie 110-111 Annexe 112-117 Tables des illustrations 118-122 Une inspiration 13-42 1 | RÈGNE VÉGÉTAL : TOUTE UNE HISTOIRE Sa propre harmonie Symbolisme de l’arbre Forme fractale 13-29 2 | INTRIGUÉ PAR LA NATURE Ça pousse comme du chiendent Et la technologie dans tout ça? 30-42 Une réussite 43-74 1 | JE POUSSE, DONC JE SUIS… Son système Des propriétés mathématiques Comprendre le règne végétal 43-56 2 | VIEILLE BRANCHE Contemplation du végétal Accepter une fragilité Une force cachée 57-74 Un usage 75-104 1 | JAILLISSEMENT D’UNE NOUVELLE DIMENSION Restons surpris Donnant-donnant 75-91 2 | LES PLANTES S’EXPRIMENT MUSICALEMENT Surpris de ses facultés sensorielles Captivations sonores 92-99 3 | VOIR LA NATURE SOUS UN AUTRE ANGLE Faire valser nos géraniums Naissance d’une harmonisation 100-103 Intro. 1 CNRTL, [En ligne], Nature, Milieu terrestre particulier, défini par le relief, le sol, le climat, l’eau, la végétation 2 CNRTL, [En ligne], Olfactif, Relatif à l’odorat, qui concerne l’odorat [...], Ensemble des éléments qui permettent l’exercice de l’odorat. 3 CNRTL, [En ligne], Polysémie, Propriété d’un signifiant de renvoyer à plusieurs signifiés présentant des traits sémantiques communs. Lors d’une promenade ensoleillée pendant l’été 2011, une rivière traversant le Massif du Vercors en Isère nous aide à réagir sur les nombreux bruits blancs que nous délivre la nature1. Libre de décider de quel côté tendre l’oreille, le choix sensoriel pour satisfaire notre plaisir olfactif 2 est tout à fait remarquable. Les bruits d’une Mésange charbonnière, les mélodies d’un Verdier d’Europe, les chants d’un petit Moineau ou encore les cris d’un Tarier des prés apaisent notre présence, le tout rythmé au ruissellement de la rivière. Une ambiance qui nous berce avec satisfaction à la limite de la méditation. Une occasion privilégiée de resserrer des liens avec nos proches, comme nous l’explique l’écrivain Jean-Marie Pelt. Avec une notion polysémique3, nous voyons la nature sous forme de palette recouverte d’un camaïeu vert sur différentes échelles. Attirant notre curiosité, cette dernière nous partage un environnement paisible qui est à nos yeux source d’imagination. Satisfait du cadre, il nous vient l’idée d’inscrire sur un tronc d’arbre, plus exactement d’un érable (Acer) notre passage dans cet environnement. Sur le moment, nous pensions : « quelqu’un se questionnera sur ce lettrage ». C’est justement Monika Bolechová qui se questionne pour son sujet de mémoire sur ce phénomène typique des forêts. Vous aussi, vous avez certainement réalisé une empreinte lors d’une balade pour marquer votre territoire ou pour graver des initiales importantes à vos yeux. Se donner à cœur joie de laisser une empreinte graphique sur un tel milieu naturel donne la transmission d’un passage mais aussi signe d’une dominance sur le végétal. Il faut relever dans cette action que le geste est voulu pour laisser une trace, comme un sentiment de nécessité. Jours, semaines, mois et années suivantes les promeneurs, pécheurs, ou simples curieux lisent ce message si intime avec leurs propres analyses. Quatre années plus tard 9 Introduction Le cheminement qui s’affiche dans notre pensée de designer se dirige vers le monde des plantes qui nous fascine par sa force, sa maîtrise ainsi que son fonctionnement. Depuis le Paléolithique l’Homme s’est toujours questionné sur le règne végétal, un organisme qui est à la base de la chaîne alimentaire. Quand on constate le déchaînement que subit la nature, nous pouvons trouver une sorte d’équilibre entre deux êtres vivants, les Hommes et les végétaux. Est-il possible de trouver une harmonisation avec le monde des plantes? Que se passe-t-il quand les plantes rencontrent l’espèce humaine? Arrivons-nous à un lien viscéral? Qu’est-ce que le végétal apporte de particulier chez le designer ou inversement? Nous pouvons apporter un bien-être à tout cela en respectant la croissance du végétal et le besoin matériel de l’Homme. L’idée de concevoir une harmonie entre une plante et un objet pensé par un designer nous semble intéressante. Une habitation écologique raisonnée par un architecte avec une considération pour son environnement durable nous semble juste. Une restauration menée par un paysagiste qui redonne vie à un jardin avec sa propre approche sensorielle envers la nature nous semble captivante. Elle est gorgée d’éléments essentiels pour la qualité de vie qui désigne aussi la totalité du réel. D’un 10 4 Marc Jimenez, Qu’est ce que l’esthétique?, Paris, Gallimard, folio essais, 1997, p.19 5 Giuseppe Penone, Continuerà a crescere tranne che in quel punto, moulage acier 6 CNRTL, [En ligne], Règne végétal, Division regroupant tous les végétaux; réalité correspondante. 7 CNRTL, [En ligne], Aristote substitue une subordination ontologique, une hiérarchie de catégories, de genres et d’espèces, dont le pivot est l’idée d’être ou de substance. 8 CNRTL, [En ligne], Artifice, Art consommé, habileté dans l’exécution [...], Moyen habile, ingénieux destiné à améliorer, à corriger la réalité ou la nature. lors d’une randonnée avec notre famille, c’est par chance que nous tombons nez à nez sur ce fameux érable. Dès lors, impossible pour nous de décrire les sentiments face à cette coïncidence. Le philosophe Marc Jimenez s’interroge sur les traductions de l’esthétique avec comme type de questionnement « Peut-on traduire par des mots ce qui touche notre sensibilité, relève de l’affect suscite notre enthousiasme ou notre réprobation, nous émeut ou nous laisse indifférent?4» Restant bouche bée, la traduction de nos sentiments est difficile à appliquer. L’arbre avait au fil des années et au grès des saisons développé une protection laissant l’écriture sous forme de cicatrice tout en suivant une métamorphose à cet endroit. Les cernes annuels ou anneaux de croissance de l’érable sont détournés et modifiés graphiquement au fil des années. Quand on observe un arbre, nous ne pensons pas directement à l’arbre majestueux jaillissant d’une simple graine. Selon une formulation de Goethe, nous y parvenons inconsciemment par une contemplation de la nature qui est toujours à l’oeuvre. Le végétal continue et continuera à se développer avec le temps, tout en étant contraint par la main de l’Homme. On retrouve cette notion dans certaines œuvres de Giuseppe Penone qui sculpte des moulages de sa main qu’il colle par la suite sur des troncs5. Soucieux de comprendre la nature, nous admirons avec respect le fonctionnement du règne végétal6. Celui-ci peut être défini comme une division regroupant tous les végétaux dans son ensemble. C’est une réalité correspondante, autrement dit, une biologie qui est placée sous forme de catégorie. En effet, chez Aristote, les catégories sont des genres ou des divisions premières de l’Être7. Introduction autre point de vue, elle est confrontée à l’artifice8 à l’encontre d’un monde dans son ensemble, avec l’homme capricieux qui lui, apporte ses transformations mettant en scène sa naïveté. De notre point de vue en tant qu’athée, la nature se déploie forcément avec des forces et des lois physiques qui mènent à la création d’un paysage naturel et donne alors une perception sensible d’un lieu. Il n’y a donc plus de réel face à l’artificiel. Contrairement à son prédateur, la nature peut vivre indépendamment, c’est sur quoi nous nous questionnons aujourd’hui. Il faut savoir qu’elle dirige l’ensemble des phénomènes naturels comme les saisons, les vents, les marrées ainsi que les catastrophes naturelles. Pouvons-nous dire que la nature est généreuse ou désagréable? Bonne ou mauvaise? Nous pouvons déjà retenir que la nature nous fournit dans chaque moment des éléments du vivant. Afin d’apporter des références théoriques avec éléments et exemples pour répondre à ces réflexions, nous allons dans la première partie découvrir l’utilité première du règne végétal chez l’Homme. Une appropriation sous forme d’inspiration comme nous le démontre le grand architecte paysagiste Roberto Burle Marx. Puis, en seconde partie, nous partirons à la conquête du végétal pour obtenir une meilleure compréhension de celui-ci. Vous découvrirez qu’il n’est plus vu comme un objet à dominer mais comme un élément qui nous dépasse. Enfin, nous nous questionnerons dans la troisième partie sur un usage du végétal mais qui permet d’arriver à une corrélation, à une mutualité entre Homme et Nature. Vous trouverez de nombreuses articulations dans nos parties qui relèvent différents thèmes comme la symbiose, la coopération, l’éco-conception le commensalisme ainsi que le mutualisme. Il y a là, une imagination de certains artistes, designers, architectes qui avec ou sans l’aide de biologistes, utilisent ce fabuleux médium: le végétal. Certains le manient comme support, comme gagne-pain, comme transitoire, d’autres conçoivent leurs œuvres en l’utilisant comme matière première et certains découvrent même leur concept se déployant avec la magie de la nature. 11 © Martial Prudhomme, Acer, 2015 12 Partie 1 Une inspiration 9 Jules Verne, Les enfants du capitaine Grant, t. 2, p. 102, 1868 10 futura-sciences, [En ligne], Autotrophe, organisme autotrophe est un organisme capable de générer sa propre matière organique à partir d’éléments minéraux. RÈGNE VÉGÉTAL : TOUTE UNE HISTOIRE Nous relevons une agréable représentation du règne végétal que l’on trouve dans le roman d’aventure de l’écrivain Jules Verne qui nous l’expose avec bienveillance. « Le règne végétal, dans cette contrée des “spring plains”, ne se montrait pas ingrat envers l’astre du jour, et il rendait en parfums et en couleurs ce que le soleil lui donnait en rayons9 ». Comme nous l’avons spécifié précédemment, le règne végétal est avant tout une division regroupant tous les végétaux. Ils ont un rapport de convenance qui leur permet de trouver à la fois satisfaction et agrément dans leurs propres besoins. Il nous arrive parfois de nous demander pourquoi l’humain ne s’interroge pas sur sa propre manière de comprendre ce vivant. Comment, selon les siècles, l’humain se positionne-t-il par rapport à cet être? Sans réellement le savoir, nos choix esthétiques, éthiques, ou bien même économiques sont influencés automatiquement sur nos rapports avec la nature. Nos cultures et nos arts transmettent alors le regard que nous portons sur la nature. Au fil des siècles, elle se présente sous de multiples façons dont la plupart, au XXIe siècle, sous forme de souffrance. Ce qu’il faut comprendre ici c’est un message d’un point de vue affectif plutôt que insensible. Ces sentiments et émotions que nous révélons sont des manières de faire abstraction d’une réalité. Coupées face à l’intelligence de l’humain, les plantes assument leurs propres cycles de vie à leur convenance. À l’aide du processus d’autotrophie10, les plantes sont capables de produire leur propre matière organique à partir des éléments minéraux qu’elles puisent dans leur milieu de vie grâce à la photosynthèse contrairement à l’Homme qui lui, doit trouver cette matière pour produire sa propre matière orga13 Règne végétal : toute une histoire La plante montre un début de développement à partir d’une simple petite graine qui est l’amorce de la germination, plus communément appelée, en dormance12. La prégermination est suivie automatiquement par la phase de germination, proprement dite, au cours de laquelle la graine se transforme. De là, la germe devient un jeune plant, c’est le moment où il déploie ses racines, tiges ainsi que ses feuilles. Si vous n’êtes pas observateur dans le temps, vous êtes certainement entrain de dénier la suite. Le plant est loin d’avoir terminé son cycle. Il continue à pousser sans limite avec le déploiement de ses feuilles, branches, racines au grès des saisons mais aussi ses fleurs et fruits qui sont pour le coup, porteurs des futures graines. Le plant atteint donc la fin de son cycle, il meurt et entre en phase de décomposition. C’est ici où l‘humain doit se positionner en tant qu’observateur de la nature qui joue sur le comportement de ces êtres vivants. Sa propre harmonie Gérard Chazal professeur émérite des Universités en Philosophie et membre du comité scientifique de l’ADRM (Association pour le Développement de la Recherche Morphologique) ainsi que membre du comité scientifique du colloque «histoire des sciences» (janvier 2003) nous dévoile les différentes notions de la nature dans son ouvrage Les lumières et l’idée de nature13. Pour cela, G. Chazal réunit des textes de scientifiques, philosophes, historiens, docteurs et professeurs où il nous informe sur le développement de la pensée des savants et la créativité des artistes de la Renaissance qui détournent leurs regards du ciel pour se tourner vers le monde naturel. C’est Marie-Claire Planche, Docteur en Histoire de l’art, agrégée de Lettres modernes, qui nous montre les représentations multiples sur gravures, illustrations et frontispices14, des rapports entre deux espèces vivantes, l’Homme et la Nature. Son passage dans l’ouvrage avec Nature et exotisme dans la gravure d’illustration au XVIIIe siècle dévoile l’évolution ainsi que la transmission d’un savoir dans l’art du jardin. Au siècle de Louis XIV nous pouvions observer des jardins classiques, plus connus sous le nom de jardins à la française(Fig.1), où l’homme cherchait à représenter la perfection formelle pour une majesté théâtrale et d’un goût du spectacle. Ceci montrait la domination des jardiniers devenus rois de la taille en art topiaire15 avec 14 11 dictionnaire.reverso, [En ligne], photolithotrophes, organisme vivant employant des composés minéraux comme donateurs d’électrons pour réaliser sa photosynthèse 12 CNRTL, [En ligne], Dormance, Mécanisme physiologique permettant à un organisme vivant de cesser toute ou une partie de son activité pendant la mauvaise saison sous l’effet du froid, de la sécheresse, d’un éclairement insuffisant 13 Gérard Chazal, Les lumières et l’idée de nature, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, ouvrage, 2011 14 CNRTL, [En ligne], frontispices, Illustration qui figure en regard d’un titre de livre nique. D’autres organismes autotrophes comme certaines bactéries appelées photolithotrophes11 emploient des composés minéraux comme donateurs d’électrons. Pour assurer votre compréhension, un petit rappel avec un exemple de croissance chez les autotrophes en partant sur leurs développements et leurs croissances avec des successions d’étapes communes qui permettent d’obtenir des échanges et de bons procédés. 15 Wikipedia, [En ligne], Art topiaire (du latin ars topiaria, « art du paysage ») consiste à tailler les arbres et arbustes de jardin dans un but décoratif pour former des haies, des massifs ou des sujets de formes très variées, géométriques, personnages, animaux. Règne végétal : toute une histoire des tailles et découpes harmonieuse formant des murs symétriques et lignes droites, qui ne devaient en aucun cas être différent tout au long de l’année en maîtrisant la poussée de la nature. Cependant, au XVIIIe siècle le jardin à l’anglaise (Fig.2) s’oppose au jardin à la française. N’ayant plus le même aspect graphique, une organisation spatiale s’installe dans l’environnement en masquant l’intervention de l’Homme. On constate déjà une appropriation sur la nature pour enlever la peur et la froideur que pouvait apporter une végétation à l’abandon, qui est à la Renaissance, un symbole de danger. Les paysagistes devaient tant bien que mal retrouver les effets produits par la nature sur l’âme humaine en exaltant en plus, une poésie d’un lieu sacré. Cela démontrait une puissance humaine envers le végétal tout en gardant son aspect naturel. Pourtant un jardin est toujours créé et pensé par l’humain avec des graines rapportées par des voyageurs botanistes et chercheurs naturalistes. De là, une vogue s’installe en ramenant l’extérieur à l’intérieur, les peintres sont attirés par ces formes et couleurs naturelles, comme l’artiste Maurice Quentin de La Tour avec le portrait en pied de Madame de Pompadour. La marquise est simplement assise dans un cabinet décoré de boiseries peintes sur un ton vert bleu et soulignées d’or, réalisé aux pastels sur papier gris-bleuté collé sur châssis entoilé. Nous voyons là un effet d’ostentation, tandis que l’absence de bijoux et la simplicité de la coiffure accentuent le caractère d’un portrait privé. Dans ce tableau (Fig.3), l’artiste n’hésite pas à dévoiler la tenue de la marquise avec des détails somptueux de fleurs et feuillages à motifs végétatifs, du mobilier de l’époque ainsi que les ornements architecturaux en arrière-plan. Il nous vient alors une question. Osons-nous utiliser notre art sur ce qui nous est étranger? Doit-on comprendre le monde des plantes en apportant nos réflexions artistiques? Selon les genres artistiques, les représentations du végétal parmi les siècles sont aperçues et reproduites différemment. Nous dévoilons plus loin ces représentations selon les siècles dans la sous-partie : L’art intrigué par la nature à la page 30. 15 Règne végétal : toute une histoire (Fig. 1) André le Notre, exemple jardins à la française, Vaux le compte, Maincy en France (Fig. 2) Henry Hoare II, exemple jardins à l’anglaise, stourhead garden, Wiltshire en Angleterre 16 Règne végétal : toute une histoire (Fig. 3) Maurice Quentin de La Tour, portrait de Madame de Pompadour, 1749-1755, pastel, 1,77 x 1,36 m, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques 17 Règne végétal : toute une histoire Vertu et bonheur, une fierté que l’on trouve dans certaine création humaine. Un sentiment de force qui apporte une satisfaction chez l’espèce humaine. Nous relevons cet aspect dans la création du bâton traditionnel Basque, le Makhila.(Fig. 4) Pour le peuple Basque, cette tradition séculaire symbolise l’honneur avec toute une façon de vivre et de penser. Cet objet d’art est créé depuis plus de 200 ans par la même famille qui fait partie des fondamentaux de la culture basque qui est hautement symbolique et sentimentale. Il faut se rendre à une première évidence que cette création humaine est culturelle, elle fait donc part à l’Artefact16. Dans le recueil d’articles, Poïétiques du design, Pierre Litzler, directeur de la Faculté des Arts de l’Université de Strasbourg, décrit le terme artefact comme une conception ou un produit ayant subi une transformation, qui est même médiocre, par l’Homme et qui se distingue ainsi d’un autre provoqué par un phénomène naturel17. Pour défendre sa pensée, il cite un passage dans l’essai Artefact du designer Italien Ezio Manzini qui dit: « Le fait est que toute action humaine, toute intervention sur l’environnement, tout échange relationnel s’appuyant sur des bases culturelles comporte nécessairement une part d’artificiel. En particulier si, par convention, nous appelons artificiel tout ce qui est produit par l’Homme — autrement dit, toute activité technique obéissant à la culture plutôt qu’à la biologie (comme la technique des castors ou celle des abeilles) —, il apparaît que l’histoire de l’humanité et celle de l’artificiel coïncident pratiquement. (...) Pour l’Homme, produire de l’artificiel est une activité absolument naturelle18 ». 18 16 Wikipedia, [En ligne], Artefact, phénomène créé de toutes pièces par les conditions expérimentales, un effet indésirable, un parasite. Le mot désigne aussi de manière générale un produit ayant subi une transformation, même minime, par l’homme et qui se distingue ainsi d’un autre provoqué par un phénomène naturel. 17 Gwenaëlle Bertrand et Maxime Favard, Poïétiques du design, éco-conception, Paris, l’Harmattan, Recueil d’articles, 2015, p.78 18 Ezio Manzini, Artefacts, vers une nouvelle écologie de l’environnement artificiel, Paris, éditions du Centre G. Pompidou, essais, 1991, p.44 Le point particulier sur lequel s’appuie Gérard Chazal est l’exploration de la nature qui a remplacé le commentaire du livre. L’ouvrage nous dévoile ce débat sur les lumières et l’idée de nature. Il explique que dans les thèses rousseauistes, les sciences et les arts éloignent les hommes de la nature. En soi, ceci n’est pas mauvais mais c’est plutôt par l’abus que l’on en fait. Il imagine l’homme vivre avant la nature, le résultat serait catastrophique! Jean Jacques Rousseau voit la nature comme raison et non comme une naturalité. A contrario de ce grand philosophe, Claude Nicolas Le Cat démontre que sans l’invention de l’agriculture et du jardinage pour servir de pâture pour l’homme, la nature reste sous forme simplifiée et ne s’améliora donc jamais. Gérard Chazal nous explique bien que les deux penseurs partagent la même conviction, qu’il existe une essence humaine. L’auteur nous rappelle la naissance de deux courants de pensée au siècle des Lumières qui se prolongent jusqu’au XIXe siècle, le courant romantique et le courant naturephilosophie. De plus, il nous dit aussi que la nature est la seule garante de la vertu et du bonheur. 19 CNRTL, [En ligne], Cambium, Assise génératrice interne en voie de division, entre bois et liber. Règne végétal : toute une histoire Le Makhila à la particularité d’être finement ornementé tout le long du bois. Pour ce faire, les Basques utilisent un instrument ancestral pour dessiner les ornementations au printemps plus exactement au mois de mai(Fig. 5). La nature donne alors un phénomène naturel au même titre que votre peau. L’arbre possède des capacités à recouvrir seul ses plaies, on appelle cela, la cicatrisation de l’arbre. Néanmoins, contrairement à nous, le végétal ne cicatrise pas totalement. Pour se soigner, il utilise une couche de cellules située juste sous l’écorce appelée le cambium19 qui permet de recouvrir les tissus infectés et/ou blessés. C’est seulement au bout d’un an que la cicatrice laisse place à un beau dessin unique en son genre. Ce bâton est toujours coupé à partir d’un jeune tronc de Neflier (Mespilus germanica) pour sa qualité de solidité et de souplesse. Les bâtons sèchent pendant une quinzaine d’années minimum pour donner une teinte particulièrement remarquable(Fig. 6). Suite à cela, il y a tout un habillage du bois qui consiste à préparer des pièces sur mesure par rapport au diamètre du bois. Les bois doivent avoir une harmonie de ligne ainsi qu’un équilibre en son centre pour faciliter la marche du possesseur. Il est doté de différents métaux (laiton, maillechort, argent ou or) qu’ils appellent viroles tronconiques. Elles sont découpées dans des plaques, mises en forme, brasées à l’argent puis ornementées à la main. Une pointe en acier appelée la dague est dissimulée au haut du bâton, elle servait à l’époque comme outil de défense pour les bergers(Fig. 7). Pour finir, le Makhila à la particularité d’être personnalisé pour chaque propriétaire sur lequel est inscrit son nom, son prénom et sa devise gravée en basque. Dans tout le processus, il n’y a pas vraiment de rentabilité dans la production mais juste un amour fraternel de cette culture. Pour eux, la forêt symbolise un paradis en plein essor. Faisant appel à notre inoubliable érable, c’est l’intuition que nous avons ressenti lors de notre gestuelle pour créer l’entaille. À l’aide du cadre, l’inspiration nous est venue mais toujours avec un sentiment de dominance. Comme nous l’avons évoqué plus haut, Monika Bolechová cherchait à trouver une réponse sur cette démarche qui consiste à laisser une empreinte dans un lieu inconnu. Son mémoire était consacré au phénomène typique des forêts situées à proximité des grands centres urbains(Fig.8). Monika Bolechová a recueilli des histoires intimes de personnes qui gravaient leurs initiales dans l’écorce des hêtres (Fagus sylvatica) dans la zone Radňova à Vysočina en République tchèque(Fig. 9). Le but de son étude était de trouver les auteurs des inscriptions et de mener par la suite des entretiens avec eux pour savoir pourquoi et quand ils ont laissé leurs empreintes sur l’écorce des arbres. 19 Règne végétal : toute une histoire (Fig. 4) Modèles de Makhila Basque (Fig. 5) Zoom sur l’outil pour incisée l’écore du Néflier (Fig. 6) séchage des bâtons (Fig. 7) Zoom sur le haut du Makhila basque où est caché la dague 20 20 Ernst-Michael Kranish,Traduit de l’allemand par : René Wisser, le règne végétal et la plante primordiale de Goethe, Paris, Triades, 2010, p.6 Règne végétal : toute une histoire La cicatrisation de notre érable, les moulages de main de Giuseppe Penone (Fig.10), les inscriptions relevées par Monika Bolechová ou bien même le concept du Makhila nous montre bien l’appropriation que l’Homme intègre dans le système du règne végétal. Pourrait-on dire que nous engendrons l’harmonisation d’un état végétatif par le simple fait d’apporter notre art à celui-ci? Goethe scrute les phénomènes de la nature avec la plante primordiale. Il soutient l’idée sur les successions des états végétatifs. Il explique que ce qui est produit avant est dépendant de ce qui vient après, et inversement. Cela créé donc une évolution de l’un à partir de l’autre. Dans l’ouvrage le règne végétal et la plante primordiale de Goethe, nous relevons une citation suivante: « Et c’est toujours l’éternel qui de façon multiple se manifeste; Grand est le petit, petit est le grand, Chaque chose selon sa propre nature.20 » Un dernier exemple pour évoquer l’harmonisation qu’instaure le végétal dans son ensemble avec l’artiste Britannique Tim Knowles qui nous dévoile une série de dessins d’arbres avec l’aide du mouvement naturel, le vent. L’artiste a toujours travaillé avec le mouvement du vent qu’il dévoile comme une obsession par ce phénomène naturel. Pour la science météorologique, le vent est défini comme un phénomène caractérisé par un déplacement d’air plus ou moins important, de direction variable, dans les couches élevées de l’atmosphère comme à la surface du globe, ayant pour origine une différence de pression entre deux régions de l’atmosphère à laquelle peuvent s’ajouter, à la surface du globe, des causes d’ordre géographique (relief, littoral, etc.). Tim Knowles travaille donc sur la propriété du vent qu’il admire comme une sorte d’absence de contrôle. Ses performances en plein-air ont un aspect poétique qui explore l’harmonisation à l’aide de l’impact humain. Dessins automatiques de la nature, contre la volonté de l’artiste, la série Tree drawings montre le geste caché du règne végétal en collaboration avec le vent qui suit les conditions météorologiques locales(Fig.11 et 12). Pour parvenir à son œuvre mouvementée, il accroche au bout d’une dizaine de branches voir même d’une seule, des stylos de valeur noirs (Fig.13). Dans sa série, il n’y a pas réellement de dimensions. L’artiste choisi ses supports selon l’arbre. Elle est donc réalisée avec l’aide de différentes plantes comme le chêne (Quercus), le pin (Pinus), l’érable (Acer), le sassafras (Sassafras), pour différencier les formes graphiques très rythmées produites avec le mouvement. Selon l’arbre, l’artiste dépose une toile directement sous les branches à l’horizontale où à la verticale de manière que les bouts des branches frôlent la toile. 21 Règne végétal : toute une histoire Selon le lieu, l’artiste dépose la toile sur un chevalet pour permettre aux branches de travailler plus commodément(Fig. 14). Cette démarche donne une image d’un peintre soutenu par son chevalet. Ce qui est intéressant, c’est que chaque arbre a sa propre identité avec l’aide du dessin qui révèle les différentes caractéristiques de celui-ci. Le sens de cette série nous parait assez clair. Grâce aux effets du vent sur l’arbre, une empreinte graphique créé alors des formes ouvertes et nettes telle une signature dévoilée sur le papier sous le mouvement aléatoire du vent, mais qui pourtant donne un tracé assez régulier mettant en équilibre la puissance de la nature et la réaction du végétal. Symbolisme de l’arbre La conception Goethéenne nous ouvre à une approche particulière du vivant contrairement au concept de la biologie qui se dit « science du vivant ». Goethe pense à une science nouvelle qu’il présente dans son traité sur La métamorphose des plantes. Il défend ses idées en interprétant une image du vivant conforme à la réalité. L’esprit de Goethe est sans doute une alternative pour la science expliquant la force des phénomènes naturels avec en plus un aspect spirituel où il se questionne sur une loi élaboratrice commune ou bien sur les signes distinctifs d’une plante. Le mot force nous mène à l’indispensable symbole de la nature, nous parlons bien de cette plante lignifiée en perpétuelle évolution, l’arbre. Symbole de la liberté depuis la période de la Révolution française, l’arbre est généralement aperçu sous de multiples versions comme le symbole de l’Homme, de la vie, du cosmos, comme l’axe du monde… Selon son genre et son espèce, le symbole peut être interprété de différentes manières et figuré pour l’écologie, la paix, le bio, l’orgueil ou bien même la majesté. Nous avons toujours été inspirés par la forme et la force de cette plante. Comment l’Homme interprète-t-il les différences de l’arbre? L’humain lui donne depuis tout temps des légendes selon son genre: Il y a le saule pleureur (Salix babylonica)(Fig. 15), qui représente pour les Chinois l’immortalité mais à pour le coup une vision négative à cause de ses fruits qui tombent avant qu’ils ne soient mûrs. 22 Règne végétal : toute une histoire Le Bouleau (Betula)(Fig. 16) relève plusieurs vertus thérapeutiques et porte les symboles de la pureté et de la purification dû à la blancheur de son tronc. Il est également signe de renouveau ce qui l’associe à toutes les fêtes de printemps. Pour l’olivier (Olea europaea)(Fig. 17), il est symbole de purification, de force, de paix, de victoire et même de fécondité. Un petit aparté sur notre expérience personnelle; lorsque nous travaillons directement avec le végétal en tant que paysagiste, nos formateurs nous apprenaient lors de la taille d’un olivier, que le travail pouvait être fini à partir du moment où une colombe pouvait passer entre les branches de l’olivier. La Bible en exemple, dans la Genèse chapitre 8, évoque le passage d’une colombe tenant un rameau d’olivier pour prévenir Noé de la fin du déluge. C’est le grand peintre Pablo Picasso qui l’a représentée aussi dans son mouvement avec la branche d’olivier en symbole de paix(Fig. 18). À la fin de l’entre-deux-guerres, en pleine montée du nazisme c’est le caricaturiste John Collins qui détourne sous de multiples dessins la colombe et sa branche d’olivier soumise aux aléas de l’histoire politique.(Fig. 19) 23 Règne végétal : toute une histoire L’arbre nous aide naturellement à penser. Il fait aussi office d’arbre au souvenir comme le chêne chevelu (Quercus cerris) qui a été planté et illuminé sur la place de la République en mémoire aux victimes des attentats de Paris. Plantation hautement symbolique pour sa force et sa générosité, cet arbre sacré trouve racine suite à une commande de la ville parisienne pour commémorer les attentats de janvier 2015 et ceux de novembre dernier. Voilà un exemple pour montrer le pouvoir d’une plante qui est à nos yeux pionnière en matière de sensation. Des traditions pour planter un arbre lors d’un nouveau-né nous semble encore plus fascinantes pour créer un lien viscéral entre la plante et l’enfant. Encore une fois, fort en symbolique, l’arbre apporte une approche sensorielle pour l’enfant avec qui il va grandir, s’amuser et construire son éthique. En suivant le développement de son arbre, l’enfant fait preuve de tolérance et de respect, ce qui lui donne un regard différent sur le monde des plantes. Pour terminer sur le symbolisme de l’arbre, il y a aussi, sous forme de pictogramme que l’on trouve facilement dans de nombreuses banques d’images, des représentations graphiques de l’arbre avec comme appui des slogans sur l’écologie, l’environnement, la protection ou bien même la sauvegarde de la planète. En exemple nous pouvons partir sur le logotype du parti politique UMP avec l’arbre qui évoque la stabilité, la durabilité, la solidité, la prospérité et les valeurs paysannes ancestrales. Cet arbre illustré de couleur blanche montre bien un arbre corpulent au feuillage touffu. Rentrons plus en détails pour revenir à l’esprit et à la conception goethéenne et faites le test à votre prochaine observation sur la plante lignifiée. «Nous observons sa configuration : le tronc, le branchage, les ramifications de la ramure, la forme et la couleur des feuilles. Nous regardons les fleurs, les fruits et tout ce que l’on peut apprendre de cet arbre et de son développement. C’est ainsi qu’il devient pour nous une énigme. Existe-til entre ces différents éléments une relation intime, quelque chose comme une loi élaboratrice commune? Ou bien cet arbre n’est-il qu’une simple somme de signe distinctifs?21» 24 21 Ibid, p. 10 Nous n’allons pas vous montrer tous les types, mais vous avez pu saisir les nombreux détournements symboliques des arbres qui sont cette fois-ci colossaux. L’arbre reste tout de même assez puissant pour apporter un sentiment de croyance et de soutien, notamment lorsque celui-ci nous sert de témoin pour graver dans nos mémoires la renaissance, la vie mais aussi la mort. L’arbre aide à nous remémorer des passages important dans notre vie, tels que des pertes de nos proches où des bouleversements au cours des décennies. Règne végétal : toute une histoire 22 CNRTL, [En ligne], Néologisme, (de forme) , expression ou mot nouveau, soit créé de toutes pièces, soit, plus couramment, formé par un procédé morphologique (dérivation, composition, analogie) 23 Wikipedia, [En ligne], euclidienne, éléments d’Euclide, qui est à la fois une somme des connaissances géométriques de l’époque et une tentative de formalisation mathématique de ces connaissances. Les notions de droite, de plan, de longueur, d’aire y sont exposées et forment le support des cours de géométrie élémentaire. 24 CNRTL, [En ligne], itération, Action de renouveler de répéter Forme fractale Nous détaillons l’histoire d’une plante dans ses moindres fragments, avec la découverte de Benoît Mandelbrot sur sa théorie du fameux objet mathématique, le fractale. Le terme néologisme22 fractale vient du latin «fractus» qui signifie brisé irrégulier. Mathématicien franco-américain, Benoît Mandelbrot a découvert en 1974 une nouvelle description des formes naturelles qui par la suite a pu être établie. Invariante par changement d’échelle et de sa forme très fracturée, la géométrie fractale a montré les limites de la géométrie euclidienne23 pour décrire les objets complexes en offrant de nouvelles perspectives aux sciences et à de nombreuses utilisations. Nous rappelons qu’une dimension est une ligne droite, la deuxième dimension est une surface plane, et la troisième dimension est un cube. Benoît Mandelbrot localise la forme fractale entre la deuxième et la troisième dimension. Ces formes sont visibles dans de nombreux domaines comme dans la morphologie animale, en médecine, en astronomie, en météorologie, en économie et bien évidemment en géologie. Jouant sur les lois mathématiques, la nature nous surprend sur ses nombreuses formes méconnues. Comment cet objet mathématique se retrouve dans un milieu naturel? Je vous prie de ne voir dans cette évocation aucune vanité, mais de juste saisir les faits relatifs sur le comportement et l’harmonisation des plantes, à savoir l’art de la rugosité. Lorsque nous regardons les détails que nous offre la nature nous remarquons un phénomène qui ressort. Il s’agit d’un ordre, d’une structure ainsi que d’une symétrie qui nous entourent. Nous trouvons les fractales sous de nombreuses formes comme l’exemple typique dans l’inflorescence du chou de romanesco (Brassica oleracea var. botrytis)(Fig. 20) ou encore la fougère (Filicophyta) qui au premier abord sont des figures assez complexes où l’on ne distingue pas la loi mathématique. Pour être plus précis, la structure de cette géométrie est caractérisée par une auto-similarité, c’est à dire que si on zoom sur l’objet, les parties se ressemblent et elles-mêmes ressemblent à l’objet premier. En exemple, partons sur la structure d’un arbre. Si nous portons notre attention sur le système d’embranchement, on constate que chaque branche est identique mais se divise en branches plus petites jusqu’à la ramification des feuilles. Pour être plus clair, c’est le mathématicien suédois Helge von Koch qui fut l’inventeur d’une des premières courbes fractale en 1904, qu’il nomma par la suite, le flocon de Koch. Son flocon est simpliste. Partons sur une forme de base géométrique euclidienne, le triangle équilatéral où sur chaque côté on remplace un tiers du segment par deux sous-segments de même longueur, puis sur chacun des nouveaux cotés obtenus on fait de même pour arriver à une itération24. De ce fait, plus le segment est fractionné, plus la longueur de celui-ci est importante, ce qui lui donne une longueur infinie. 25 Règne végétal : toute une histoire Même les artistes de tout temps se sont inspirés de cette structure invisible au premier regard. L’artiste Hokusai, spécialiste du mouvement artistique Ukiyo-e25 qui signifie en japonais “image du monde flottant” est amateur sur cette loi mathématique que l’on voit dans ses estampes. L’une des œuvres majeures de l’artiste, La Grande Vague de Kanagawa,(Fig. 21) montre un paysage composé de trois éléments avec une mer agitée sous une forte tempête, deux ou trois bateaux embarquant des individus que l’on ne distingue pas vraiment puis une montagne. Nous pouvons observer au premier plan une vague assez puissante sur la gauche de l’estampe puis une vague immense derrière qui commence à engloutir les bateaux au deuxième plan et le mont Fuji en arrière-plan qui est le symbole des Trente-six vues du mont Fuji. Ce qui est fascinant dans cette œuvre c’est le maintien de cette vague démesurée jouant sur l’existence de ces individus au bon vouloir de la nature. Cette rugosité nous rappelle fortement les formes fractales. Hokusai de son temps, a réussi à sublimer le tout en rajoutant ses griffes au bout des vagues ce qui renforce sa puissance et qui éventuellement accompagne la théorie de Benoît Mandelbrot avec coïncidence. (Fig. 20) inflorescence du chou de romanesco (Fig. 21) Hokusai, La Grande Vague de Kanagawa, 1830-1831, estampe, 25,7 × 37,91 cm, New York, Metropolitan Museum of Art, 26 25 Ukiyo-e, mouvement artistique japonais de l’époque d’Edo (1603-1868) Le chercheur et développeur Loren Carpenter a trouvé une nouvelle forme de création graphique qui a permis d’avoir un nouveau regard sur l’univers qui nous entoure. En 1980 lors d’une conférence pour la société de l’infographie et des techniques interactives SIGGRAPH, le chercheur créa sur son ordinateur des fractales générées pour représenter graphiquement des reliefs de montagne intitulés «Vol Libre». Pour arriver à un rendu crédible, il génère des images de montagne sous forme de triangles qu’il multiplie par la suite (annexe p. 112). Règne végétal : toute une histoire (Fig. 8) Monika Bolechová, Příběh buku, couverture mémoire, Faculté des Arts et du Design, 2014,-Université de Jan Evangelista à Ústí nad Labem, République tchèque (Fig.9) Monika Bolechová, Příběh buku, photo mémoire, Faculté des Arts et du Design, 2014,-Université de Jan Evangelista à Ústí nad Labem, République tchèque (Fig. 10) Giuseppe Penone, Continuerà a crescere tranne che in quel punto, Alpe maritime, 1968 27 Règne végétal : toute une histoire (Fig. 11 et 12) Tim Knowles, Tree drawing, traces des dessins d’arbres 28 Règne végétal : toute une histoire (Fig. 13) Tim Knowles, Tree drawing, Zoom stylo/toile (Fig. 14) Tim Knowles, Tree drawing, Mise en situation 29 Intrigué par la nature Dans de nombreux courants artistiques, la nature est une esthétique commune. Nous démontrons un peu plus haut avec notre exemple sur l’artiste Maurice Quentin de La Tour qui lui se réjouissait de ramener l’extérieur à l’intérieur. Les artistes en tous genres représentent la plupart du temps la nature sous des formes méconnues en plaçant l’espèce humaine au centre d’éléments naturels. La nature influence-t-elle nos siècles? Nous ne pouvons pas répondre avec confirmation sur cette problématique, mais nous pouvons remarquer une véritable obsession dans la représentation du règne végétal. Ceci étant dit, c’est pendant la Renaissance que l’on développe l’imitation, qui constitue un principe d’esthétique. Marc Jimenez nous le rappelle quand il décrit: « l’art a pour objet la Nature, l’Homme ou Dieu26 ». C’est justement au XVIIe siècle dans le mouvement du classicisme que les artistes peintres comme Nicolas Poussin (1594-1665) ou Claude Gellée (1600-1682) dit «Le Lorrain» commencèrent à se questionner sur la beauté au genre du paysage. Au service d’une monarchie absolue, les peintres manipulent à la perfection une esthétique de la nature avec un aspect sein et rigoureux. Même le philosophe allemand Friedrich Nietzsche, qui n’appréciait pas vraiment la peinture, a ressenti des émotions picturales devant les tableaux du maître du paysage et de la lumière de Claude Gellée où « il fond en sanglots27 » comme nous le décris Marc Jimenez. Le Lorrain inventa à cette époque un outil révolutionnaire permettant de représenter une nature sous ses plus belles nuances qu’il nomma le “Claude Glass” où miroir de (Fig. 22) Miroir de Claude le Lorrain, Victoria and Albert Museum, Londres. 30 26 Marc Jimenez, Qu’est ce que l’esthétique?, Paris, Gallimard, folio essais, 1997, p.46 27 Ibid, p.281 INTRIGUÉ PAR LA NATURE 28 Owen jones - The grammar of ornament, Chapitre XX, Planche 91-100, Feuilles et Fleurs d’après Nature. Intrigué par la nature Claude Lorrain(Fig. 22). Tournant le dos au paysage qu’il choisissait, l’outil permettait d’isoler un environnement et ainsi dissoudre les tonalités pour avoir une rapide détermination d’un cadrage optimal, faisant abstraction de ce qui entourer l’artiste. Un principe ressemblant à celui d’un photographe qui lui compose et choisi son sujet dans le viseur d’un appareil photographique. Au coeur même du siècle des lumières que l’on peut nommer le siècle de la raison éclairée, le romantisme qui apparut à la fin du XVIIIe et au milieu du XIXe siècle montre des artistes qui observent une nature sublissime avec curiosité. Par la suite, grâce à la présence des tubes de peintures souples créés par les industries du XIXe siècle, les artistes sortent de leurs ateliers pour peindre face à une contemplation de la nature en plein air. Nous avons affaire à l’impressionnisme, courant saisissant les instants de la lumière changeante. Vivant encore proche de la nature, l’Homme préférait travailler sur le «d’après Nature», avec l’apparition de l’école de Barbizon entre 1825 et 1875, où les artistes se spécialisaient dans la peinture de paysage. Les peintres soutenaient alors d’avoir un rapprochement à la nature pour éviter et oublier littéralement le développement d’une industrialisation. N’oublions pas le mouvement du naturalisme, synonyme du réalisme, qui apparut entre 1880 et 1900 qui propose lui aussi de reproduire à la perfection la nature sur lequel l’artiste cherche à montrer une vérité dans la vie quotidienne. Plus récemment, on trouve l’art nouveau qui commence à la fin du XIXe et du début du XXe siècle et qui a pour principe d’introduire le beau, la nature, dans le quotidien de l’humain sous de multiples formes. Cette sensibilité est représentée sous forme d’ornementations par les formes des fleurs, des tiges de plantes, des arbres pour montrer une esthétique naturelle presque oubliée avec le dépassement de l’industrialisation. De siècles en siècles, l’Homme a observé les arrangements du végétal. Il faut souligner que l’art de l’ornementation est visible selon la culture et le savoir-faire. On le retrouve dans des Tribus sauvages, chez les Egyptiens, les Assyriens, les Perses, les Grecs, les Romains, les Byzantins, les Turcs, les Indiens mais aussi au Moyen âge et à la Renaissance. Nous avons aussi l’imitation du végétal dans les marges des livres avec de délicats manuscrits médiévaux, ainsi que dans les décors des tapisseries. C’est le britannique Owen Jones (1809-1874) architecte, artiste des arts décoratifs, auteur et enseignant qui nous décrit le végétal comme un don du Créateur: « Feuilles et Fleurs...elles nous sont données pour réveiller cet instinct naturel qui est implanté en nous: le désir d’imiter dans les ouvrages de nos mains, l’ordre, la symétrie, la grâce, la convenance, que le Créateur a semé à pleines mains sur la terre28 ». 31 Intrigué par la nature Notons que chaque époque, chaque culture, a su donner des formes différentes de représentations et de contemplations sur un paysage naturellement complexe. La nature est pour l’Homme une source d’inspiration, observant son comportement et sa force dans son milieu naturel. C’est aussi un dispositif soumis par la main de l’homme avec nos différents exemples évoqués. Même Platon enseignait à ses disciples son savoir sous les arbres du jardin de l’Académie. Naturellement, nous constatons aujourd’hui que les besoins d’un rapprochement avec la nature s’amplifient. Étrangement, ce constat commence vers la révolution industrielle où les villes se densifient contrairement à la nature qui malgré sa volonté se simplifie. À partir du XIXe siècle, le paysagiste que l’on peut appeler « créateur de jardin » pointe le bout de son nez pour collaborer avec des architectes pour expérimenter la nature dans l’urbanisation avec des conceptions de parcs, d’avenues arborées, de jardins partagés ainsi que des quartiers urbains à caractéristiques écologiques modernes. Ces ambitions ouvrent sur de nouvelles professions qui, comme nous allons le voir sont un véritable marché. Ça pousse comme du chiendent Sous forme de métaphore, nous utilisons ce titre pour symboliser et rappeler la situation délicate entre l’Homme et la Nature. Le terme « chiendent » viendrait de l’utilisation, en apparence, des chiens de berger qui mangeaient cette plante adventice29 en pleine prairie, pour se guérir de certaines affections. C’est justement sur la définition du mot affection que nous allons développer notre questionnement. Nous l’expliquons sous deux spécialités: 32 29 atilf [En ligne], adventice, qui croît sur les terres de culture indépendamment de tout ensemencement par l’homme Pour finir, c’est autour du Land art dans l’art contemporain qui dévoile une représentation simple en travaillant directement au sein de la nature. Débutant en 1968, c’est un art éphémère qui doit la plus part du temps être photographié pour graver les œuvres dans le temps. On peut se demander si une dimension poétique de la nature nous aide-t-elle à révéler nos émotions? C’est peut être sur cela que l’on doit se questionner si nul art ne peut rivaliser la perfection du système végétal. En plus de l’aspect esthétique, c’est Gérard Chazal qui nous informe qu’il y a un travail scientifique sur la faune et la flore qui aide à alimenter les créations artistiques. Il soutient ses idées avec en appui l’un des textes les plus emblématiques qui débat sur le naturel, celui de Jean Jacques Rousseau, Émile. L’auteur énonce l’éducation de l’Homme qui commence dès notre naissance avec un contact grâce aux jeux de notre enfance dans un cadre naturel qui puisse paraître le plus proche du jardin originel. Intrigué par la nature 30 Roberto Burle Marx, La Modernité du paysage, Bâle, Suisse, Birkhäuser Catalogue, 2011, p.279 - Dans le domaine médical, il intervient sur une modification du corps en altérant la santé sous forme de maladie du type, les affections cancéreuses. - Dans le domaine psychologique, il intervient sur une modification qui affecte la sensibilité, les sentiments et la passion du type, les affections d’amour. Le contraste de ces deux domaines nous montre le type de sensibilité que peut ressentir un humain selon sa culture face à un problème majeure sur la santé du règne végétal. Si l’on demande à un aborigène d’Australie de juger la situation écologique de la Terre, l’aborigène évoquera son art et sa Terre, trouvant une relation sous forme d’une seule entité. De même pour le peuple indigène du Brésil qui se contentent de la fôret amazonienne délivrant des âmes pures à leurs yeux. Une attitude bien plus intégrée et bien plus holistique qu’un occidental. «Ça pousse comme du chiendent» nous montre une confrontation dans l’idée d’apporter le végétal dans l’urbanisation pour améliorer la santé de l’humain ou bien pour apporter un soutien au monde des plantes. Certains disent avec une observation insolente et arrogante envers le règne végétal que sans les plantes, l’humain ne peut plus vivre et certains disent que sans les plantes, il n’y a tout simplement plus de vie sur Terre. Pour arriver à considérer l’univers du végétal comme quelque chose de purement sensible, nous pensons que le meilleure dénouement possible est de passer sur le registre du sensoriel. Pour illustrer cela, nous prenons comme exemple l’une des plus grandes figures du XXe siècle pour sensibiliser le paysage moderne, il s’agit de Roberto Burle Marx (19091994). Architecte paysagiste brésilien mais aussi peintre, poète, créateur de bijoux, écologiste, naturaliste et musicien, cet artiste prolifique dévoile une nature qui, pour lui, doit être obligatoirement infiltré dans tout type de construction, tel un jardin comme forme d’art. Les œuvres de R. Burle Marx sont consacrées pour nous avertir sur la destruction de la nature rappelant que l’équilibre et la survie de l’Homme dépendent forcément de celle-ci. Utilisant cette approche sensorielle, il observe le végétal sur ses volumes, ses textures, ses spirales, ses couleurs, ses formes asymétriques lui permettant de jouer avec ce vivant et ainsi essayer de rapprocher avec l’émotion, le jardin pour améliorer notre espace vital(Fig. 23 et 24). Pour lui, le jardin n’est ni le reflet de la nature, ni sa copie, car elle agit de façon distincte et autonome. Dans La Modernité du paysage, on relève une pensée de l’artiste: « Un jardin est le résultat d’un arrangement de matériaux naturels selon des lois esthétiques, entremêlées au regard que porte l’artiste sur la vie30 ». 33 Intrigué par la nature (Fig. 23) Roberto Burle Marx , Palais Gustavo Capanema (Ministère de l’Education et de la construction de la Santé) Rio de Janeiro, Brésil (Fig. 24) Roberto Burle Marx , Plan détaillé et perspective de la piscine avec des sculptures, Projet réalisé pour Rosa, Luxemburg Platz, Berlin, Allemagne , 1993 34 31 R Alexis Tricoire, Dragon à deux têtes, commandée par La Cité de la Mode et du Design. Voir annexe p. 113 32 Charte écologique du site d’Alexis Tricoire : http://www.vegetal-atmosphere.fr/fr/charte/ Intrigué par la nature Le végétal arrive donc à attirer notre attention en étant conscient sur son aspect esthétique. L’humain comprend alors qu’il y a un marché à entreprendre où nombreuses sociétés se créent pour utiliser les plantes comme piste de réflexion, de philosophie de pensée et même comme bien de consommation durable. Une problématique s’installe. À quoi les végétaux ressembleront ils et à quels besoins répondront-ils? Il existe des designers qui, pour le coup, sont en avance dans leur temps avec une observation d’une nature en perpétuelle évolution qui est source d’inspiration. Nous le démontrons par exemple avec le designer et plasticien Alexis Tricoire qui a ouvert son entreprise de design végétal en 2009 intitulé «vegetal-atmosphere» à Montreuil en Île-de-France. Son laboratoire de design végétal comme il l’appelle, est un espace pour assimiler la technique et l’esthétique des plantes et pour examiner leurs fonctionnement avec la richesse que l’on trouve dans la biodiversité. Il créé sous des formes expérimentales en inventant, au sens figuré, des logements, pour une nouvelle végétation urbaine jouant sur les problématiques écologiques. Il fabrique ses idées sous différentes échelles selon son but et sa clientèle avec du design d’objets, du design d’espace mais aussi des sculptures végétales comme le « Dragon à deux têtes » que vous avez certainement déjà vu à La Cité de la Mode et du Design31. Nous relevons sur le site d’Alexis Tricoire, une charte écrite avec une éthique assez originale. Voici ce qu’on lit: Consommer durablement Nous imprimons au minimum et privilégions les présentations sur écran ou projecteur. Le papier et le carton sont envoyés au recyclage dans des bacs dédiés. Les Cartouches d’encre, piles et ampoules sont envoyés au recyclage. Notre consommation électrique est réduite au maximum. Nous privilégions les transports collectifs et le vélo. Produire proprement La production de nos oeuvres est maîtrisée en interne. La proximité est un des critères de choix des fabriquants. Les sous-traitants ayant une charte écologique sont privilégiés. Les matériaux recyclables ou de faible impact énergétique sont privilégiés. Prôner la biodiversité Sensibiliser le public aux problématiques écologiques. Faire aimer la nature pour donner envie de la préserver. Communiquer sur l’écologie à travers les medias. Utiliser des plantes rares pour les préserver32. 35 Intrigué par la nature « Le design végétal s’intéresse aux problématiques liées à l’introduction du vivant dans l’environnement construit, à l’échelle de l’objet et des espaces quotidiens. Il envisage la plante comme sujet à la mesure de l’homme et cherche à mettre en place les conditions d’une coopération. Le végétal est alors regardé comme possible matériau architectural, composant pour les objets ou référence pour le design. Les enjeux des projets sont multiples, mais les préoccupations liées aux qualités sensibles et subjectives de l’espace (plastiques, tactiles, olfactives…) sont primordiales33 ». L’atmosphère du design végétal peut être visionnée sous différentes approches. Dans l’ordre de la typologie le végétal est utilisé dans l’architecture et le design pour son système et sa structure. Dans l’ordre plastique, Patrick Nadeau nous explique l’importance d’un langage botanique et de la qualité plastique pour l’architecture en terme de couleur, de transparence, de densité, de texture, et de la réaction à la lumière mais aussi au son. Nous rappelons qu’un designer agit à l’échelle d’une plante contrairement à l’architecte et au paysagiste qui eux, agissent à celle d’un paysage. Pour l’ordre de l’écologie, il est utile de considérer les végétaux comme alliés sur l’enrichissement de nos cadres de vies avec un registre sensoriel, plutôt que de les examiner comme «prestataires de service» sous forme de dépolluants pollués. L’Homme doit réellement comprendre les avantages qu’elle nous partage. Un des styles les plus représenté dans le design végétal est celui du fameux mur végétalisé avec son écosystème complet à la verticale. Oui, ce concept est bel et bien une œuvre d’art fleurissante. Se focalisant sur cette notion, de nombreux entrepreneurs ouvrent les portes à de nouvelles sociétés comme Green fortune34 connu mondialement pour ses projets à grande échelle. C’est le biologiste et botaniste Patrick Blanc qui vit justement de cette passion. Ce parisien de 61 ans explore et découvre une fascination pour les bois tropicaux et les plantes en général. Auteur de nombreuses publications scientifiques ainsi que de livres sur la biologie, il est plus connu pour être le fondateur des murs végétaux(Fig. 25) et se questionne sur les fonctionnalités des plantes. Il commence dès l’âge de 12 ans à concevoir des murs végétalisés. Suite à plusieurs essais fictifs et réels, il réussit à trouver la bonne méthode. 36 33 Thierry de Beaumont, Végétal design”, Paris, Alternatives, ouvrages, 2012, p.62 34 [En ligne] www.greenfortune.com, Voir annexe p. 114 Cette charte écologique montre en quelque sorte, le respect pour l’écologie sous forme de valeurs d’entreprise. C’est sous cette représentation qu’apparaît le principe du design végétal. C’est justement l’auteur Thierry de Beaumont qui dévoile une deuxième charte dans l’ouvrage «Végétal design». Cette charte ouverte nous est proposée par Patrick Nadeau, designer et architecte DPLG qui depuis les années 2000, est l’instigateur de ce mouvement audacieux et visionnaire. Intrigué par la nature 35 Schéma technique d’un mur végétal, voir annexe p. 115 36 Jean-Christhophe Bailly & Anne-Marie Pécheur, Pictural, végétal, Paris, les Affinités, Galerie Baudoin-Lebon, numéro p. inexistant Nous expliquons la formule schématisée35: il suffit d’une ossature en métal pour la forme, du grillage pour soutenir les plantes vivaces (contrairement aux plantes annuelles ou bisannuelles, ces plantes vivent de plusieurs années), des couches de feutres en guise de mousse naturelle sur laquelle les végétaux s’y développent, puis un système d’irrigation fermé, le tout à positionner à quelques centimètres du mur existant. Les plantes pérennes sont choisies à leur tour en fonction du lieu d’exposition. Tout cela suffit pour apporter assez d’éléments nutritifs aux végétaux. Cette formule permet de reproduire un protocole qui normalement est naturel, mais le botaniste a réussi à recréer cette biodiversité. Le mur végétal devient un médium pour l’isolation et protège contre les intempéries et la pollution. Un concept que l’on peut définir comme vivant. Du fait que le végétal vive, nous comprenons qu’il apporte de nouvelles fonctions à la conception de l’objet. Il y a donc une réelle transformation dans l’évolution du végétal dans le design. Le végétal devient donc le tableau, une œuvre non éphémère et donc indéfini dans son temps. C’est le végétal qui décide et dirige son développement au niveau de ses formes, ses couleurs, ses dispositions, ses épaisseurs, ses ambiances etc... comme nous l’explique le philosophe Jean-Christhophe Bailly : « L’infini de la formation dispensé par la nature aboutit à des formes elles-mêmes infiniment variées et périssables, qui se multiplient, se superposent, se déclinent, se dispersent, s’entrecroisent. Par conséquent, des états de forme plutôt que des formes, par conséquent une interminable sculpture de l’être dans le devenir36 ». (Fig. 25) Patrick Blanc, mur végétal. Avignon, les halles, création en 2005 37 Intrigué par la nature En appui sur l’ambiance que proposait le paysagiste Roberto Burle Marx, le concept d’un jardin suspendu à la verticale contre un bâtiment exposé au cœur d’une ville mais aussi pour le privé, est signe d’une nouvelle perspective de dépendance entre l’art et l’architecture naturelle. Se rapprochant de la technologie, des évènements et expositions se créent pour diffuser les avancées de l’Homme sur le monde des plantes. «En Vie/Alive, aux frontières du design», est une exposition qui se déroulait à l’Espace Fondation EDF à Paris. Elle traitait des dernières innovations de la biologie synthétique mais aussi des nouvelles technologies du design. Les designers, artistes et biologistes proposaient avec une vision futuriste, des séries de prototypes, installations et machines servant à améliorer nos cadres de vie. Jouant encore une fois sur l’éthique et l’écologie, cette exposition montrait le travail de designers et chercheurs internationaux qui dévoilaient une nature comme “matériaux vivants” en étant programmé, domestiqué et hybridé pour imiter la puissance de celle-ci. « les plantes deviendraient des machines vivantes, ayant simplement besoin de soleil et d’eau pour être opérationnelles37 ». Nous démontrons ces approches avec la conception “Biolace” (Fig. 26) de Carole Collet, designer et professeur à l’Institute for Sustainable Futures. Dans son concept, elle élabore une nouvelle vision sur l’utilité du végétal à l’aide de la biologie synthétique38 sous forme de design prospectif. Elle développe donc une nouvelle espèce végétale qui est programmée pour développer des racines formant des dentelles. Pour C. Collet, cette métamorphose devient un processus visant les années 2050. De notre point de vue, nous ne sommes pas réellement fascinés et admirateurs sur ce concept. Cette nouvelle génération de designers oublie littéralement le processus de développement du végétal que l’on connaît, aveuglée par la biotechnologie. Certes, elle permet d’avoir un meilleur rendement et d’avoir une double efficacité (nourriture/textile), mais ce n’est point la bonne manière d’utiliser le végétal en cassant volontairement le protocole et le concept naturel que traite une plante. Le designer Ezio Manzini nous explique la situation du concepteur écologique dans le recueil d’articles, Poïétiques du design: « Par l’expression “attitude écologique de concepteur”, on entend donc un travail de conception qui accorde une réelle valeur au respect de la nature. (...) adopter cette attitude de respect signifie qu’on considère comme dépassée l’idéologie de domination de la nature qui a caractérisé la pensée 38 37 http://thisisalive.com/fr/biolace/ [En ligne], Carole Collet, Biolace 38 wikipedia [En ligne], biologie synthétique, domaine scientifique combinant biologie et principes d’ingénierie dans le but de concevoir et construire (« synthétiser ») de nouveaux systèmes et fonctions biologiques. 39 Ezio Manzini, Artefacts, vers une nouvelle écologie de l’environnement artificiel, traduit de l’italien par Adriana Pilia, Paris, éditions du Centre G. Pompidou, essais, 1991, p.108-109 Et la technologie dans tout ça? 40 CNRTL, [En ligne], Révolutionnaire, bouleverse les principes établis; qui tend à transformer des modes de pensée, d’action, des procédés de fabrication 41 http://www.parrot.com/fr/produits/flower-power/ [En ligne], baseline de Parrot Flower Power 42 https://thewaltdisneycompany.com/ [En ligne],The Walt Disney Company, l’un des principaux producteurs et fournisseurs de divertissement et d’information dans le monde. 43 ACM SIGGRAPH, communauté internationale de chercheurs, artistes, développeurs , des cinéastes, des scientifiques et des professionnels qui partagent un intérêt pour l’infographie et des techniques interactives depuis 1974. Intrigué par la nature moderne — sans tomber pour autant dans une attitude naïve de soumission à une nature idéalisée39 ». Nombreux produits de design voient le jour avec l’avancée technologique qui permet d’inventer et de profiter avec une méthode d’apitoiement sur le règne végétal. Nous prenons un deuxième exemple avec le design d’objet de la grande société Parrot® qui avec ses 900 collaborateurs, réalise et commercialise des produits de haute technologie avec comme but de toucher le grand public. Nous démontrons leur concept avec l’objet Parrot Flower Power (Fig. 27) qui permet de suivre l’évolution d’une plante via une application smartphone Android et IOS. Ce produit utilise une technologie de pointe pour analyser les paramètres des plantes. Là où s’épanoui la plante, l’objet est planté dans le sol pour arriver à mesurer la température, les niveaux d’engrais, l’ensoleillement mais aussi l’humidité. Si vous n’avez pas la main verte, vous prétendrez certainement que ce produit est révolutionnaire pour prendre soins des plantes, c’est justement là que se créé une inquiétude sur la pensée du concept. Nous relevons que le terme révolutionnaire40 se traduit sur une altitude qui bouleverse les principes établis; qui tend à transformer des modes de pensée, d’actions ainsi que des procédés de fabrication. Pousser l’Homme à prendre soin d’une plante via une application nous semble irrationnel. La technologie se base sur les statistiques et non sur un registre sensoriel pour une contemplation qui n’aboutit absolument pas sur la même approche. L’humain ne devient donc pas admirateur de ce règne mais devient alors dominant sur ses besoins nutritionnels. Leur signature affirme notre point de vue: « L’incroyable capteur qui mesure les besoins de vos plantes et vous alerte sur votre smartphone41 ». Cela dit, nous pouvons atteindre pour le grand public une contemplation virtuelle grâce aux nouvelles technologies. C’est justement le laboratoire de Disney Research qui eut pour mission de découvrir les prouesses scientifiques et technologiques pour l’innovation de The Walt Disney Company42 et qui a découvert les bienfaits d’une technologie respectueuse. Présentée à ACM SIGGRAPH43 en 2012, Disney Research présente un concept interactif nommé « Botanicus Interacticus » (Fig. 28) qui permet de ressentir pour le grand public, une fragilité du règne végétal grâce au champ électromagnétique. Ils réalisent et développent avec des collaborateurs comme Jonas Loh, le studio NAND, Philipp Schoessler et Munehiko Sato, des graphiques interactifs qui se déploient en suivant le geste, le toucher de l’humain et même la position de la main. Cela montre une interaction visuelle mais aussi sonore pour comprendre que le sujet est bien vivant. De là, une apparence graphique se forme sur un écran avec l’aide de capteurs tactiles pour donner un visuel unique. 39 Intrigué par la nature Ne laissant pas de lésions sur l’organisme végétal, cette innovation semble intéressante d’un point de vue éducatif pour sensibilité la fragilité d’une plante, grâce à une esthétique de simulation via la technologie. Sous une forme poétique l’approche entre l’Homme et le sujet semble réussie. Nous pouvons continuer à développer nos recherches grâce à la technologie que l’on va appeler biotechnologie pour comprendre les performances de la nature. Les exemples que nous venons de voir montrent bien une inspiration envers la nature mais qui, pour certaines, n’ont pas de réel impact sur la compréhension du végétal. Au fil des siècles, la nature est représentée de multiples façons avec des inspirations, des appréciations mais qui par moment montrent une attitude insensible voir même égocentrique. Inventer chaque jour de nouveaux concepts est légitime dans le comportement de l’Homme. Doit-on observer l’optimisation de la nature? Des processus d’innovation comme le biomimétisme montrent une observation ainsi qu’une inspiration pour tirer d’avantage des solutions bénéfiques. Le terme vient du grec, bios (vie) et mimesis (imiter) qui permet donc de retrouver une société humaine qui serait enfin compatible avec le monde des plantes. Ces structures, ces systèmes, ces maîtrises sont des exemples prometteurs pour nos stratégies d’innovation et ainsi arriver à combattre les défis de notre société. Pour illustrer le concept du biomimétisme, nous le démontrons avec le Velcro, un des exemples les plus ordinaires. Ce nom (Vel pour le côté velours et cro pour les crochets) viens d’une plante, la Bardane (Arctium)Fig. 29) qui s’accroche assez facilement et rapidement à l’aide de nombreux crochets placés sur le fruit qui à la base, servent pour pouvoir déplacer ses semences. En 1941, une imitation de la Bardane voie le jour due à l’ingénieur suisse, George de Mestral a constaté ce phénomène qu’il a certainement compris après une observation rigoureuse. Vous l’avez déjà utilisé pour vos chaussures, pour maintenir vos gants ou pour serrer votre casquette, cette observation de la nature a fait un miracle pour l’innovation. C’est dans ces situations que nous pouvons observer une nature nous dépassant littéralement sur ses réussites en ayant ses propres coûts énergétiques inférieurs aux nôtres. La nature étant bien faite, elle nous dévoile une facilité pour optimiser ses besoins nutritionnels, son développement ainsi que son épanouissement. C’est peut-être dans cet univers-là, que nous devons nous inspirer pour atteindre une humilité pour admirer, comprendre et donc préserver un futur moins orgueilleux. 40 Intrigué par la nature (Fig. 26) Carole Collet, Biolace - Strawberry Noir, 2010-2012 41 Intrigué par la nature (Fig. 27) Parrot Flower Power, objet mise en situation (Fig. 28) Disney Research, Botanicus Interacticus, installation au SIGGRAPH 2012, (Fig. 29) Bardane (Arctium), Zoom sur les crochets, inspiration du Velcro 42 44 CNRTL, [En ligne], métaphysique, Partie fondamentale de la réflexion philosophique qui porte sur la recherche des causes, des premiers principes. Partie 2 Une réussite JE POUSSE, DONC JE SUIS… Nous démarrons la deuxième partie avec un détournement d’une citation phare du Discours de la Méthode « je pense donc je suis », œuvre du philosophe Descartes, dans laquelle il conclut avec certitude son existence pour établir une nouvelle métaphysique44. Notre titre est utilisé pour une compréhension d’un milieu étranger pour certains, sur laquelle nous allons partir à la conquête du végétal pour obtenir une meilleure compréhension de celui-ci. Nous l’avons vu avec l’aide de la biotechnologie ou du biomimétisme, les principes et outils qui démontrent pour la plupart, que la nature peut nous dépasser dans son processus ainsi que dans son déploiement. Le végétal peut être vu comme un objet ayant une relation dominant/dominé dans une création artistique. Pour faire face à cette double relation, nous pouvons nous appuyer sur la pensée goethéenne qui s’interroge sur la contemplation d’une plante avec de nouveaux points de vue pour contempler la nature d’une certaine manière. Goethe (1749-1832) eu traversé tout au long de sa carrière plusieurs activités telles que romancier, dramaturge, poète, théoricien de l’art, ainsi qu’homme d’État allemand. Il été passionné par les sciences, l’optique, la géologie ainsi que la botanique. Il se situe dans le courant de pensée anthroposophique (de anthropos et sophia, littéralement « la sagesse de l’homme ») que l’on peut appeler la « science de l’esprit » qui est créée par le philosophe Rudolf Steiner au début du XXe siècle. Ce courant de pensée aidait à cultiver sa connaissance, éduquer sa volonté et vivre le destin de son temps pour donner à son âme une orientation basée sur la conscience. Les enchaînements de la plante se métamorphosent habilement comme celui du carpelle au pistil, de l’étamine aux pétales colorés puis avec la plus forte extension du développement végétatif, le fruit. Chez les enfants, étonnamment, ceci est inné pour relever les détails d’une plante, alors que chez l’adulte cela demande plus de volonté 43 Je pousse, donc je suis... Saviez-vous que certaines plantes s’associent au règne animal sans leur porter préjudice? Cela s’appelle en biologie du « commensalisme45», qui traduit la puissance de l’organisme comme une action sociale. Ce système montre une interaction durable entre végétal et animal pour arriver à une sorte « d’association ». Il y a de quoi nous surprendre et nous questionner sur ce que nous sommes. Prenons le type du poisson clown qui a le privilège de nager dans les récifs coralliens. Pour éviter les attaques de ses prédateurs, il s’associe avec les anémones de mer pour trouver un abri. En échange, il nettoie et prend soin de l’anémone pour garder cette affiliation. Mais d’où proviens cette habileté? En deuxième exemple qui est pour le coup encore plus surprenant, prenons celui de l’Acacia (Acacia) qui ne peut malheureusement pas s’enfuir pour échapper à ses prédateurs. Sur la plage de Zicatela au Mexique, l’arbre utilise alors une défense naturellement produite avec des fourmis qui assurent et contrôlent sa santé. Les abris des fourmis se situent directement dans les cavités des épines d’Acacia qu’on peut dénommer comme des domaties (du latin domus, maison), une armature végétale spécialement adaptée en guise de logement. L’arbre procure en plus, des fruits nommées corps beltiens qui sont exceptionnellement bon pour ses défensives. Le biologiste Wouter Van Hoven de l’Université de Pretoria en Afrique du Sud, démontre que ces Acacias développent un nuage d’éthylène à plusieurs kilomètres de distance, pour prévenir leurs congénères d’un danger imminent. On retrouve cette réelle mutualité dans plusieurs arbres tropicaux notamment celui du «Tococa guianensis» avec ses fourmis qui ont encore une fois, un rôle de protection de la plante vis à vis des prédateurs. L’objet « dominé » nous montre bien les possibilités qu’il peut atteindre en devenant un élément qui nous dépasse par sa force et ses compétences. 44 45 CNRTL, [En ligne] commensalisme, Animal ou végétal vivant associé à un autre d’une espèce différente et profitant de ses aliments sans lui porter préjudice. dû à de multiples connaissances qui créent une sorte de filtre entre le « donné » à connaître et sa conscience. Sans observer les différentes étapes de croissance chez une plante, de la germination jusqu’à son dépérissement, il nous est impossible de comprendre son développement dans le temps. Un jugement intuitif peut être vu comme une faculté que l’on peut acquérir par des exercices d’observation. Il faut faire appel à l’imagination, à un mode de pensée qui dit « vivant » pour saisir les procédés du «dominant». Nos pensées sont alors des instruments de perception pour arriver peut être à une compréhension et donc à une mutualité entre deux règnes vivant. Je pousse, donc je suis... 46 Ernst-Michael Kranish,Traduit de l’allemand par : René Wisser, le règne végétal et la plante primordiale de Goethe, Paris, Triades, 2010, p.21 Son système Nous rappelons que le vivant est venu sur terre il y a plus de 4,5 milliard d’années avec l’apparition des arbres il y a maintenant 300 millions d’années. Leurs systèmes nous sont primordiaux. Ils jouent un rôle clé pour conserver un équilibre fragile qui nous permet d’être « libre comme l’air ». Comme nous l’avons vu dans la propre harmonisation du végétal, Goethe nous évoque les phénomènes de la nature que l’on découvre comme une évolution et une métamorphose dans le temps. Les successions des états végétatifs dévoilent un produit ayant une pure élongation et des reprises infinies dans son cycle de vie grâce à son système. Venant d’horizons différents, certains artistes, designers, biologistes ou simples penseurs s’interrogent sur cette dernière, se réunissant sur la même éthique. Nous avons déjà parlé de l’artiste sculpteur italien Giuseppe Penone, qui grâce à ses recherches et ses objectifs, révèle un expert en la matière. Né dans la province de Coni à Garessio en 1947, il explore dans sa globalité tous les effets réciproques entre l’Homme et la Nature. Plus connu pour ses sculptures atypiques de troncs, la plupart du temps de Cèdres (Cedrus) (Fig. 30) , il examine dans un travail lent et délicat l’intérieur de l’arbre au cours duquel il se laisse guider par son matériau lui-même. Sous l’aspect assez imposant de l’arbre, l’artiste supprime cerne après cerne les parties qui composent les entrailles du grand conifère. Pourquoi cet acharnement? Tout simplement pour découvrir une partie rendue invisible par le temps avec le développement du cèdre en question. En échange, G. Penone donne un résultat inattendu sur l’inconnu du végétal en sculptant le cœur du tronc pour retrouver l’essence et le passé de l’arbre. Pouvons-nous contempler la nature qui est toujours à l’œuvre? La végétation est livrée et influencée par les forces environnementales, ce qui engendre son processus et donc son système. Goethe nous décrit ce phénomène sous le nom d’adaptation. Pour lui, cet organisme est doté de qualité, c’est un être doué. L’adaptation apparaît par transformation des uns en les autres, ce qui les lie entre eux de manière vivante, car le type est, en soi, de bout en bout mobile. Lorsque sous la pression des circonstances extérieures, l’un des processus formateur agit avec plus de forces, cela influence en totalité le reste de l’être végétal.46 Pour éclaircir cette pensée goethéenne, utilisons la biologie et gardons l’arbre comme type exemplaire. Il est doté de cernes annuels ou d’anneaux de croissance qui sont géométriquement, des cercles concentriques partant du centre à la circonférence. Ces cernes sont uniquement visibles sur la section d’un tronc. On peut calculer la croissance saisonnière d’un arbre à l’aide de ces cernes, où l’on distingue graphiquement les tissus ligneux qui sont d’apparence marron claire, pour symboliser l’été et le printemps, mais aussi d’apparence sombre pour symboliser l’automne et l’hiver. Un deuxième exemple avec l’artiste Bryan Nash Gill qui lui, 45 Je pousse, donc je suis... met en image des coupes transversales d’arbres sous forme de gravures. Basé dans le Connecticut au Nord-est des États-Unis, Bryan Nash Gill utilise de son côté, le papier comme transfert (Fig. 31). De l’arbre au papier, il dévoile des impressions somptueuses de cernes purement graphiques pour montrer des modèles d’une grande beauté, mais aussi les caractères d’une vie d’année en année sur des troncs qu’il choisit dans l’état actuel avec son vivant (champignons, lichens) qui s’y développent. Sans retouches, il fixe simplement les dernières évolutions de ses sujets. Les deux artistes révèlent sous différents médiums cette puissance que l’on retrouve enfermée dans les anneaux arboricoles. Leurs techniques plastiques sont matériellement différentes pour nous dévoiler les entrailles de la plante primordiale, ce qui nous aide à visualiser une nature en évolution avec ses étapes progressives. Ces deux méthodes permettent aussi de figer le vécus d’un objet réel, pour montrer l’existant et ainsi admirer une métamorphose que nous délivre la nature, interrompu par la main de l’Homme assaillant. (Fig. 30) Giuseppe Penone, Cedro di Versailles, (Cèdre de Versailles) 2000-2003 46 Je pousse, donc je suis... (Fig. 31) Bryan Nash Gill, Woodcut, pigment prints 47 Je pousse, donc je suis... (Fig. 31) Bryan Nash Gill, Woodcut, pigment prints 48 47 CNRTL [En ligne], phyllotaxie, partie de la botanique qui étudie la disposition des feuilles sur les tiges des plantes 48 CNRTL [En ligne], Modulor, Unité de base dont les mesures du bâtiment sont des multiples; élément simple d’une structure répétitive. voir annexe p. 116 49 Wikipedia, [En ligne], Nombre d’or, valeur d’une proportion, d’un rapport entre deux grandeurs de même nature comme deux longueurs, deux angles, deux nombres de branches. Je pousse, donc je suis... Des propriétés mathématiques Nous avons évoqué dans le passage de la propre harmonie du végétal différentes manières de s’inspirer et de reproduire sous de multiples supports le monde du végétal. Parcourant les siècles, nous relevons que la structure et le système des plantes sont par moment identiques avec des représentations graphiques humaines. Quand nous parlons de système, nous faisons appel à la découverte d’une suite que l’on retrouve dans la nature, comme par exemple dans la composition des pétales de fleurs qui sont majoritairement au nombre de 3, 5, 8, 13, 21, 34 ou 55. Cette phyllotaxie47 est basée sur une suite de nombre découverte par le mathématicien italien Leonardo Fibonacci qui en 1202 achève son premier ouvrage, le Livre d’Abaque (Liber Abaci), qui réunit la totalité de ses connaissances mathématiques. La suite de Fibonnaci est utilisée chez de nombreux peintres, artistes, architectes comme Sandro Botticelli, Salvador Dali ou encore Le Corbusier avec son brevet intitulé le «Modulor48» qui soumet les mêmes lois mathématiques. Le Corbusier créé une grille en se basant sur la silhouette d’un homme debout ayant le bras levé. Il défend son concept en proposant un espace architectural s’appuyant sur le «Nombre d’or49» pour que le corps humain puisse s’adapter et donc se reconnaître dans son habitacle. Au fil des siècles, la production architecturale se montre sous des formes et structures concrètement naturelles. Les artistes recopiaient donc ce système arithmétique pour reproduire la nature qui elle, utilise ce concept naturellement. Si l’on compare avec la structuration des végétaux, nous trouvons bien la suite de Fibonacci qui utilise cette règle pour sa construction. En exemple, nous retrouvons ce design dans la structure des fleurs de tournesols, des marguerites, des cactus, des cônes de certains conifères ainsi que dans les cyclones météorologiques jusqu’à la galaxie. C’est justement à cet endroit que l’on observe la spirale logarithmique appelée aussi spirale d’or. Pour arriver à cette spirale, Fibonacci trouve un formidable calcul naturellement fabriqué en additionnant les deux nombres précédents de la suite. Si vous additionnez le 2 et le 3 vous obtenez le 5, si vous additionnez le 3 et le 5 vous obtenez le 8, si vous additionnez le 5 et le 8 vous obtenez le 13 puis le 21, le 34, le 55, 89, 144, 233, ce qui nous donne à chaque étapes le nombre d’or de 1.618… 49 Je pousse, donc je suis... “J’ai compris qu’il devenait intéressant de les observer, même dans l’optique de créer des projets qui ne font pas intervenir le végétal, afin de construire des environnements qui sont en phase avec le vivant”. Patrick Nadeau En 1914, un botaniste nommé Hans Molisch a découvert la physiologie50 végétale, ou phytobiologie. Cette science étudie le fonctionnement des organes et des tissus végétaux et cherche à préciser la nature des mécanismes grâce auxquels les organes remplissent leurs fonctions. Elle cherche en somme à percer les secrets de la vie chez les plantes. Pour cette découverte, H. Molisch dépose un pochoir d’une photographie en négatif sur une feuille d’une plante verte pour atteindre une perturbation sur le rôle de la lumière dans la photosynthèse. Suite à un traitement à l’iode, il est apparu des zones exposées et des zones non exposées. Les parties opaques du pochoir ont empêché la formation des sucres de la plante. Cette expérience fait place à la chimie pour essayer de comprendre un règne qui nous est étranger. Quand le designer P. Nadeau observe le végétal, il entend par là de comprendre leur fonctionnement pour arriver à leurs niveaux de satisfaction. Pour rebondir sur la pensée goethéenne, la botanique classique n’assimile pas le domaine d’une réalité car il décrit dans le règne végétal qu’il y a une relation intime et ordonnée. Goethe avait une vision avancée par rapport aux idées tenues sur les végétaux de son époque. Il réalise qu’il y a une forme fondamentale unique en son genre dans le règne végétal sous les multiples styles de plantes. Il divise cette forme pour arriver à deux positionnements: une forme qui est stable, durable, permanente, et une autre forme qui change, qui est en mouvement et ponctuelle. De là, il découvre qu’il existe un caractère chez la plante et que tous les organes des plantes confondus sont au final construits selon la même forme fondamentale. J. Wolfgang von Goethe essaye de défendre sa plante primordiale dans l’ouvrage de Ernst-Michael Kranish. De son concept, il remarque que chaque plante est un ensemble harmonieux partant d’autres plantes. Pour son raisonnement il nous dévoile des missions thématiques sur la science botanique goethéenne qui pour lui, peut apporter à l’avenir une conception moderne du monde. Il nous explique la différence avec la botanique classique qui elle a une approche phénoménologique51. Avec cette approche, la botanique perd la capacité d’une confiance pour dévoiler la réalité. En exemple la couleur des pétales de rose n’est pas rose mais bel et bien une longueur d’onde, et le parfum qu’elle dégage est en réalité une somme de molécules. Il détaille sa pensée avec la science de la taxinomie52, que l’on retrouve dans l’évolution du 50 50 CNRTL [En ligne], physiologie, Science qui étudie les fonctions normales ainsi que les propriétés des tissus des organismes vivants, humains, végétaux ou animaux 51 CNRTL [En ligne], phénoménologique, Relatif ou propre aux phénomènes; qui se fonde sur l’observation des phénomènes, sur les données de l’expérience. 52 CNRTL [En ligne], taxinomie, Science des lois et des principes de la classification des organismes vivants. Comprendre le règne végétal Je pousse, donc je suis... monde des plantes. Pour une meilleure compréhension, nous détaillons les différents niveaux de classification des végétaux: Les Algues font partie d’un monde végétal bien à part et atypique. Leur environnement se confond avec l’eau où l’on en retrouve même jusqu’à plus de 100 mètres de profondeur en pleine pénombre. Les algues se développent en suivant le mouvement ondulant de l’eau, ce qui est contradictoire avec la plante verte que l’on fabrique en image pour se rappeler de la plante primordiale. Il y a environ 33 000 espèces connues. Les algues brunes (Phaeophyceae) sont celles qui se rapprochent le plus des plantes supérieures, Cette algue est composée d’un cauloide qui semble être l’équivalent d’un ruban, d’une laminaire pour présenter une tige ainsi que des phyllodes qui ressemblent à des feuilles ayant les mêmes fonctions physiologiques. Les algues vertes (Chlorophyceae) sont pour la plupart, attirées par l’eau douce, dans les rivières, dans les lacs, les fleuves. Étant plus présente en flottement, elle participe d’avantage à la photosynthèse. Les algues rouges (Rhodophyta) se distinguent sous différents nuances de rouge, allant du rose au violet en passant par le rouge brillant, pour montrer peut être une tentative de floraison. Cette algue vit dans le milieu plutôt littoral. On évalue qu’elle est présente depuis 1,2 à 1,4 milliards d’années. Le phytoplancton du grec phyton ou «plante», est microscopique et vit en suspension de l’eau. Étant le poumon de notre planète, il agit avec l’aide de la photosynthèse. Il est la base de la chaîne alimentaire océanique et fournit donc l’oxygène indispensable pour la respiration des animaux marins. Les Ptéridophytes ont un système vasculaire, ils ne produisent ni fleurs, ni graines mais possèdent une tige, des feuilles ainsi que des racines ce qui prouve qu’ils font partie du règne végétal. Les fougères (Filicophyta) se manifestent uniquement sous la forme d’une feuille qui est l’organe dominant. Les grandes feuilles que l’on nomme les frondes, ce développent et grandissent en spirales depuis la tige mère. Il y a environ 10 000 espèces connues. Les prêles (Equisetophyta) ont une anatomie des tiges qui est assez complexe. Contrairement à une feuille, elles se forment autour d’une 51 Je pousse, donc je suis... seule tige mère et construisent une collerette d’écailles. Cette famille est vue comme une mauvaise herbe qui est difficile à supprimer de son habitacle. Il existe malheureusement plusieurs herbicides pour la combattre. Il y a environ 30 espèces connues. Les lycopodiales sont beaucoup moins connues que les deux précédentes car elles se développent soit dans les endroits sombres des forêts tropicales, soit comme épiphytes où elles poussent sur d’autres végétaux sans se nourrir à leurs dépens. Il y a environ 1100 espèces connues. Les Bryophytes du grec (bruon) mousse et (phytos) végétal, sont des végétaux qui n’ont pas en l’occurrence de systèmes vasculaires. Les Briophytes n’ont pas de racines mais remplacé par des rhizoïdes qui leur permettent d’adhérer à leurs substrat. Les mousses ont une organisation bien plus simple que les Ptéridophytes. La richesse de leur aspect nous montre un monde végétal à part. Il y a environ 16 000 espèces connues. Les hépatiques sont plus sensibles à la sécheresse que les mousses. On les distingue par leur petite taille étant proche des algues et peu phénoménale. Nous les trouvons dans les milieux humides ainsi qu’ombragés. Il y a environ 10 000 espèces connues. Les Gymnospermes du grec (gumnospermos) signifiant semence nue, font partie d’une division primaire des plantes dont l’ovule est à nu et est maintenu par des pièces foliaires qui sont visuellement regroupées sur un rameau que l’on appel cône. Ils font aussi partie des végétaux avec un système vasculaire qui constituent les plantes à graines, les Spermatophytes. Il y a environ 800 espèces connues. Les Pinophytes, plus communément appelés conifères, ont une croissance que l’on appelle monopodiale, c’est à dire avec un seul et unique tronc droit et ses branches qui se développent latéralement. Les Ginkgoales est la plus ancienne espèce apparue depuis environ 270 millions d’années. Il existe seulement l’arbre aux quarante écus, (Ginkgo biloba) qui représente uniquement cette famille. Il faut souligner que cet arbre a survécu au bombardement de Hiroshima en présentant un signe de vie au printemps 1946. Les Cordaitales font malheureusement partie d’une espèce éteinte 52 Je pousse, donc je suis... des gymnospermes. Selon des fossiles de l’ère secondaire, ils colonisaient des forêts entières. Les Bennettitales sont eux aussi des plantes uniquement connues sous forme de fossile. Ressemblant fortement aux Cordaitales, ce groupe montrait d’incroyables fleurs hermaphrodites avec une couronne d’étamine, l’organe mâle, ainsi qu’un cône pour accueillir le pistil, l’organe femelle de la fleur. Les Angiospermes font partie eux aussi des plantes à graines. Ce sont simplement des plantes à fleurs, et donc des végétaux portant le fruit. C’est sous cette division que la plante primordiale de Goethe se manifeste d’une façon la plus fabuleusement accomplie. Il y a environ 200 000 à 300 000 espèces connues. Les Dicotylédonnes montrent une dominance sur nos paysages terrestres. Pendant sa germination, la plante créé deux cotylédons qui servent à capter le plus possible de photosynthèse pour ses premiers jours. Il y a environ 172 000 espèces connues. Les Monocotylédones sont particulièrement herbacée avec l’absence de bois dans la tige lignifiée. Ces espèces vont de la tulipe au palmier. Il y a environ 54 000 espèces connues. Les sans chlorophylle peuvent être vue comme parasites. ils puisent leur alimentation dans la matière organique en décomposition. Les Lichens nous dévoile une sobriété hors norme. Cette plante se métamorphose et colonise très lentement de multiples supports comme l’écorce des troncs d’arbres morts ou vivants, les roches et les sols sableux. Il y a environ 10 000 espèces connues. Les Champignons quant à eux, ont un univers étrange et énigmatique qui les différencie. Leur classement reste encore un mystère à savoir s’ils ne sont pas les intermédiaires entres les animaux et les végétaux. Pourtant, ils ont des racines connues sous le nom de mycélium. Pour la reproduction, ils utilisent des graines appelées les spores que l’on trouve dans leur chapeau. Il y a environ 55 000 espèces connues. 53 Je pousse, donc je suis... Nous voyons bien dans ces différents niveaux de classification des végétaux, une multitude d’espèces de plantes qui parfois rend l’objet d’étude non précis. Plusieurs designers s’interrogent justement sur le développement d’une plantes au niveau de sa partie aérienne, mais certains s’interrogent également sur un développement plus discret mais pourtant bien plus important, celle de la partie souterraine. Nous savons que la structuration du végétal se développe et se métamorphose sur sa longueur, sa largeur, son diamètre, sa surface mais aussi son volume et sa masse. Du côté des racines, le développement se met en marche dès le début d’une germination. Se fixant au sol, ces organes souterrains engloutissent tous les éléments nutritifs essentiels pour développer sa croissance aérienne. Pour éviter d’introduire naïvement une plante dans un pot affectant son système racinaire qui joue un rôle important sur son développement, de nouvelles perspectives peuvent être visionnées sur l’aspect du végétal. En observant les circonstances extérieures, les plantes recréent leurs métamorphoses en subissant un impact forcé, ce qui les mène à s’enrouler naturellement contre l’intérieur du pot cherchant un espace nouveau. Certainement un instinct de survie. Est-t-il possible de créer une liaison entre objet et plante? Ce concept semble difficilement réalisable. Néanmoins, nous relevons des designers qui s’interrogent sur le développement de la partie souterraine des végétaux. Laisser libre choix à la plante de développer son système racinaire est intéressant. Prenons l’exemple du projet Growth du studio de design Ayaskan. Basé à Londres, le studio créé ses objets à travers des interventions de qualité simple et efficace. Pour le projet Growth(Fig. 32), il propose un pot en plastique construit en origami pour permettre de s’agrandir lors de l’épanouissement de la plante. Le pot se transforme, se métamorphose et donc, grandit en suivant le développement de la plante. Nous trouvons dans ce design d’objet, aucune perturbation au cours de l’évolution du sujet. Ce système s’adapte donc avec respect sur la partie souterraine du végétal et lui laisse libre choix pour développer ses racines. 54 Je pousse, donc je suis... (Fig. 32) studio de design Ayaskan, Growth Basé à Utrecht au Pays-Bas, c’est au tour du designer Tim van de Weerd de dévoiler une autre gamme de pot avec la création de nouvelles «espèces» de pots de fleurs. Dans l’objectif du designer, «le design doit être fonctionnel, accessible et distinctif». Sous une tension subtile, il développe son projet sous la série Monstera et Carnivora(Fig. 33), avec une conception dévoilant un aspect nouveau par rapport au pot traditionnel rigide. Pour sa fabrication, il utilise de l’acier, de la céramique et d’une couche de vernis brillant pour harmoniser le tout. Avec une communication ludique, cette élaboration nous donne une impression de mouvement avec les jambes élégantes réalisées par le designer, en choisissant les courbes et les postures, qui force l’idée que l’objet et le plant ne font qu’un. En conséquence, T. van de Weerd nous simule les envies de liberté d’une plante par la magie du design, ce qui nous donne une poésie libérant le sujet emprisonné de son pot classique. Cette conceptualisation nous rappelle l’imagination futuriste du réalisateur James Cameron avec son plus grand succès dans l’histoire du cinéma, Avatar. Sortant au cinéma en 2009, ce film de science-fiction révèle une biodiversité époustouflante en 2154 sur la planète Pandora, où le peuple Na’vis, habite dans un arbre immense et éternel à leurs yeux et sont en symbiose avec la faune et la flore. 55 Je pousse, donc je suis... (Fig. 33) Tim van de Weerd, Carnivora 56 Vieille branche VIEILLE BRANCHE Nous utilisons cette expression désuète pour montrer l’ampleur de notre regard sur le règne végétal le considérant comme un appui solide et fiable, tel un ami proche. Malgré divers discours sur la fragilité des poumons verts de la planète, l’humain n’est pas conscient et ne saisit pas le moindre danger qui l’attend. Toutefois, certaines méthodes arrivent à captiver l’attention avec l’appui du designer. Trouvons nous une pensée naturellement positive visant le végétal? Plusieurs créateurs jouent sur ce discours avec des petites idées peu ordinaires, comme le studio de design YOY qui est basé à Tokyo qui offre pour son projet “the life of plants” un questionnement sur la fonctionnalité du végétal mettant en relation la forme de l’objet, sa fonction et son aspect esthétique. Autre artiste qui se questionne sur le vivant, le japonais Koshi Kawachi avec son concept le “Manga Farming”. Après un ficelage d’un livre et un arrosage abondant, il suffit d’insérer des graines entre les pages pour arriver à faire germer les centaines de millions de Manga lu au Japon. Des idées germent un peu partout en essayant de répandre un regard protecteur envers le monde des plantes. C’est en 1970 à Manhattan où l’artiste Liz Christy balance des bombes de graines par-dessus les palissades des terrains vagues à l’abandon pour transformer illégalement les terrains en jardins. Une sorte de vandalisme écologique. Suite à cela et sans le vouloir, les premiers jardins collectifs urbains ou jardins partagés apparurent. La petite entreprise Kabloom qui a pour signature “inspiring design with nature in mind” s’inspire de cette initiative. Cette société propose aussi des bombes de graines “Seedboms“ avec des design d’objets et un packaging ludique, unique et écologique pour contempler la nature et l’environnement urbain. (Fig. 33) Tim van de Weerd, Carnivora 57 Vieille branche Pour continuer dans ce procédé de cohabitation et de compréhension, il existe une méthode pour inscrire un graffiti à base de mousse. Rien de plus divertissant pour laisser un message! Avec les graffitis mousses, vous pouvez vous exprimer sans polluer et voir votre œuvre évoluer avec le temps puisqu’il s’agit d’une matière vivante. Ceci permet de laisser une trace, un message, pour avoir une meilleure compréhension auprès des citadins dans un espace public. Nous avons essayé cette méthode, mais par malheur notre graffiti en mousse a été dégradé. Pour vous donner une idée, voici la recette pour préparer votre bombe aérosol écologique: - 3 verres de mousse - 2 verres de yaourt - 2 verres d’eau - 1/2 cuillère de sucre - Un mixer - Un pinceau - Un récipient - Un spray d’eau Utiliser une surface assez poreuse pour que votre graffiti vivant puisse s’agripper à l’aide de ses rhizoïdes. Une fois la mousse récoltée, nettoyer et débarrasser la terre de la mousse. Comme nous l’avons démontré, la mousse est un végétal à part. Elle demande suffisamment d’humidité et peu de soleil pour s’épanouir. Contemplation du végétal Tous ces exemples de concept ainsi que tous ces éléments pour contempler la beauté du monde des plantes, montre l’idée que l’Homme se questionne sur la santé du règne végétal. Non sensibles par la sauvegarde de la nature, de nombreux individus lambda considèrent le règne végétal comme un élément banal dit immobile. L’humain est égocentrique en se focalisant sur ses propres intérêts. Pour la plupart, investir pour la protection de la planète n’est pas primordial ainsi que pensable. Aujourd’hui, nous n’avons pas le bon état d’esprit pour se questionner sur notre situation envers la nature. Jean-Marie Pelt dans l’ouvrage l’âme de la nature nous parle de l’amour et de l’entretien physique sur la nature. Botaniste-écologue et pharmacien agrégé, Jean-Marie Pelt a multiplié des missions scientifiques aux quatre coins du globe (Afghanistan, Togo, Dahomey, Côte d’Ivoire, Maroc). Né le 24 octobre 1933 à Rodemack en Moselle, il enchaîne différents secteurs en tant qu’enseignant 58 53 Poème de Victor Hugo, Parfois, je me sens pris d’horreur, recueil : l’art d’être grand père (1877) Vieille branche de botanique, de biologie végétale, de cryptogamie ainsi que pharmacognosie et nous quitte le 23 décembre 2015 à Metz. En plus d’être écrivain et biologiste, il se consacre en tant qu’homme politique dans l’écologie urbaine et ancien adjoint au Maire de Metz. Par la même occasion, il est Fondateur de l’Institut Européen d’Ecologie. Dans ses idées, J.M. Pelt nous dévoile la sensibilité qu’il a envers notre mère nourricière, la planète Terre. Depuis son plus jeune âge, son grand-père lui a transmis l’amour et la passion du jardinage et l’entretien physique sur la nature. Dû à une enfance plutôt douloureuse, il se réfugie dans son jardin pour découvrir et contempler un autre monde. Quand il s’agit de contempler un objet digne d’admiration, ce sont nos sens visuels et auditifs qui agissent à l’aide d’un simple regard. Par la seule force de la parole et de l’écriture, l’auteur défend l’environnement contre les créations technologiques et manipulatrices de l’Homme. Dans son ouvrage, il accuse la pensée de l’Homme et nous met en garde contre les projets politiques en matière d’écologie. L’auteur démontre que nous sommes de simples utilisateurs du règne végétal alors que notre devoir est d’être en collaboration avec celui-ci. Pour arriver à cette collaboration, il faudrait d’ores et déjà s’aimer soi-même pour pouvoir vivre dans de meilleures conditions tel le Commandement: «tu aimeras ton prochain comme toi-même». Le prochain en question peut être vu comme tout organisme qui peuple notre planète. «Je regarde une rose et je suis apaisé53», le grand écrivain Victor Hugo l’avait bien décrit sous forme de poésie. La nature favorise l’ouverture des chemins pour l’imagination et la créativité. Le message d’alerte de J.M. Pelt dans son ouvrage est bien présent, mais nous pensons qu’il est difficile d’interpréter son ressenti ainsi que son avertissement lorsqu’on lit entre 4 murs blancs ou dans une zone artificielle créée par l’Homme, comme il nous explique qu’il est impossible d’étudier les plantes dans les laboratoires, sans limiter considérablement le champ de ses observations. Pour alléger cette angoisse, c’est la jeune graphiste française Julie Ferrieux qui sait questionner pour trouver un remède luttant contre cet embarra. Réalisé comme projet étudiant à l’école Intuit-lab d’Aixen-Provence, la graphiste cherche à mettre au point une identité visuelle sous le nom de «Anticrise»(Fig. 34) pour entreprendre la réintroduction du vert chez soi. Avec l’appui d’un webdesign et de packagings en papiers ensemencés, le client peut se distraire en décrochant les cases d’un calendrier pour planter des graines en fonction des saisons. Elle transmet donc le goût pour arriver à émettre une familiarisation en donnant du plaisir à jardiner grâce à l’identité poétique qu’elle accomplit. Toute personne peut ressentir un bien-être et se changer les idées en favorisant l’action de cultiver. En prenant exemple du concept de Julie Ferrieux, nous prouvons qu’il y a un manque de temps de plus en plus fréquent pour partager des moments avec la nature. 59 Vieille branche « La vie n’est une belle aventure que lorsqu’elle et jalonnée de petits ou grand défis à surmonter, qui entretiennent la vigilance, suscitent la créativité, stimulent l’imagination et, pour tout dire, déclenchent l’enthousiasme, à savoir le divin en nous54». 60 54 Pierre Rabhi, Vers une sobriété heureuse, Paris, actes sud, 2015, p.23, Pour rester dans cette transmission, l’artiste Frédérique Soulard trouve l’idée de nommer des herbacées considérées comme “mauvaises” pour changer le regard des gens. Entre les fentes du macadam et les mégots de cigarettes, endroits qu’on regarde peu et qu’on dénie, des adventices poussent pour montrer une puissance contre les réalisations urbaines de l’Homme. C’est à cet endroit que Frédérique Soulard décide sous une signalétique ludique et sauvage de dévoiler l’anonymat de ces herbes sauvages (Fig. 35). Grâce à ces noms botaniques ainsi que poétiques, les plantes prennent plus d’ampleur avec des écritures sur les trottoirs Nantais. En apportant leurs noms vernaculaires ou lettres de noblesse comme le Mouron des oiseaux, l’arbre à papillons ou encore les dents de lion (plus connu sous le nom de pissenlit), l’artiste réalise un art éducatif sur un vivant délaissé. Cela peut être vu comme du street-art activiste sans dégrader l’espace urbain mais nous le voyons plutôt comme un projet artistique avec un apprentissage sous forme de trace au sol, qui donnent aux plantes, des identités remarquables. Avant cette action, les habitants Nantais passaient devant les plantes sans y prêter attention. Depuis l’ouverture de l’association “Belles de Bitume”, ils ont droit d’écrire au pinceau ou au marqueur blanc sur le trottoir pour participer à une contemplation de la biodiversité, histoire de se réapproprier son quartier en ouvrant l’imaginaire. Chaque participant est invité à faire ses propres marquages au sol. Sous un aspect de partage et de convivialité, les promenades ludiques dévoilent une harmonisation entre l’Homme et le monde des plantes par l’aide de l’écriture, de la botanique et de la poésie. Pour comprendre cette délicatesse puissante, nous devons déployer notre intelligence de manière moins égocentrique pour découvrir la richesse qui nous entoure, celle du règne végétal. Aujourd’hui, nous devons faire face à une surabondance qui ne se marie point avec la définition du bonheur qui parfois devient même antinomique. Pour donner du sens et de la saveur sur les décisions des prochaines générations, l’écrivain Pierre Rabhi nous explique sa sobriété sous forme de conformité: Vieille branche (Fig. 34) Julie Ferrieux, Anticrise, projet étudiant, Intuit-lab, Aix-en-Provence 61 Vieille branche (Fig. 35) Frédérique Soulard, Belles de Bitume, Nantes 62 Vieille branche Accepter une fragilité « On devrait construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur ! » Alphonse Allais 55 Jean-Marie Pelt, L’âme de la nature, 2015, Paris, Genèse, p128 Sous l’humour évidente de l’écrivain Alphonse Allais, le monde des plantes devrait faire partie de nos quotidien à savoir si c’est l’Homme qui doit se diriger vers la nature ou si c’est elle qui se déplace à contre cœur vers nous. Dans l’environnement urbain, nous trouvons des jardins associatifs, des jardins partagés, des jardins collectifs qui montrent une initiative entre habitants, décidant d’un meilleur cadre de vie pour éviter d’atteindre cette fragilité. Cette densification croissante de nos villes bouleverse l’interdépendance que l’on cherche à trouver entre l’Homme et la nature. Nous défendons le combat qu’a mené Jean-Marie Pelt pour la ville de Metz avec ses idées de préserver et d’enrichir la biodiversité au sein de la ville. Catherine Muller, présidente de l’UNEP - entreprises du paysage, démontre ces interventions: « Les Français redécouvrent les vertus des jardins et espaces verts. D’un environnement ou la nature était étouffée pour s’adapter aux contraintes de l’homme, on assiste aujourd’hui à une “revanche” du végétal : la ville se construit autour d’un cour d’eau, aménage ses berges, se réinvente autour d’une forêt et l’invite au cœur de la cité55. » Prenons l’exemple sur les décisions de la ville de Paris. En plus des parcs, des toits végétalisés, des jardins et des murs végétaux, la place de la nature en milieu urbain est de plus en plus vue comme un sujet de prévention pour notre santé. Notre capitale fait partie des villes les moins vertes d’Europe avec seulement 3000 hectares de zones végétales. Les remises de végétaux en milieu urbain font place à un objectif prioritaire sous la responsabilité de la Maire de Paris, Anne Hidalgo. Depuis 2014, la mairie propose à ses habitants et ses entreprises de donner vie à des projets audacieux. Nous relevons 33 partenaires qui ont signé la charte imposée par la mairie «Objectif 100 hectares». Ces collaborations permettent d’élaborer une meilleure efficacité et crédibilité pour végétaliser la capitale. Dans ce processus, nous relevons les sociétés Monoprix, ERDF, RATP, JCDecaux, Eau de Paris ou encore Habitat Social Français. Le but étant de rendre la ville plus «respirable» possible grâce à ce règne si prodigieux, sous l’impulsion de Pénélope Komitès, adjointe à la Maire en charge des espaces verts, de la nature et de la biodiversité. Pour arriver à cet objectif, plusieurs projets se mettent en place. Des concepts de différentes échelles montrent de véritables stratégies pour apporter une harmonisation de la nature dans la capitale. Il y a par exemple un projet attractif «des graines à tous les étages» avec le 63 Vieille branche Nous relevons une dernière idée qui elle est venue en proposant DansMaRue, une application lancée en juin 2013 disponible sur Android et IOS. Elle permettait de transmettre les anomalies constatées sur l’espace public pour améliorer nos cadres de vie dans nos quartiers avec une simple photo renvoyée au service gestionnaire. Cela se déployait sur une rue délabrée, une impasse encrassée, des objets encombrants laissés à l’abandon, ou bien même un espace vert abandonné. Au vu des commentaires et les statistiques relevés sur Google Play et App Store, l’application n’était pas vraiment fonctionnelle. De là, le concept s’élargit avec la campagne «du vert près de chez moi» pour définir le projet de végétalisation. Dès lors, les utilisateurs pouvaient proposer des espaces verts pour cacher les rues grisâtres parisiennes. Pénélope Komitès agit en proposant un nouveau dispositif donnant l’envie d’avoir sa propre parcelle verte. Présenté au Conseil de Paris les 29 et 30 juin 2015, le projet propose un permis de végétalisation (annexe p. 117) visant les citadins pour devenir des jardiniers de l’espace public. Cette initiative nous a convaincu sur le champ. Curieux, nous avons donc demandé à la mairie de Paris d’avoir notre propre permis de végétalisation. Suite à un formulaire simpliste en demandant le pourquoi du comment, vous pouvez choisir quels types de surfaces vous désirez: pied d’arbre, potelet, fa64 56 Compagnie de phalsbourg, [En ligne], Mille arbres, vidéo explicative: https://www.youtube.com/watch?v=eOgghKrNyOs don de 30 000 sachets de graines distribués aux habitants pour un concours photographique notant les critères esthétiques et environnementaux (annexe p. 117). Dans la même lignée, nous trouvons des ventes spécialisées dans les plantes et arbustes, qui consistent à dénicher pour la modique somme de 1 euro, des surplus issus de la pépinière municipale. Cet excédent était jusqu’à présent broyé, mais Pénélope Komitès a pris les devants pour donner une deuxième vie à ces végétaux. Le projet de plus grande ampleur que l’on peut relever est celui de la modification des berges de la Seine avec 8000 m² supplémentaires d’espaces verts entre le port de l’Arsenal et le Jardin des Tuileries. Cette décision écologique vise à améliorer la qualité de l’air. Pour accompagner ce sujet délicat, il y a eu appel à projet urbains innovants «réinventer Paris» où nous relevons le projet phare «Mille arbres» qui sera construit au-dessus du périphérique parisien. Visant à introduire une cité végétale entre la Porte Maillot et la Porte des Ternes à la lisière du 17ème arrondissement, ce concept utopique montre une réelle initiative en termes de vigilance pour notre santé ainsi que pour notre capitale. Ce qui est intéressant, c’est la pratique d’un design et d’une architecture qui désormais, intègre le souci d’éthique pour l’écologie. En apportant son écosystème, «Mille arbres» dévoile un village vivant, qui fusionnera innovation et développement durable d’ici 2020. En collaborant avec les promoteurs OGIC et la Compagnie de Phalsbourg, le projet futuriste est signé par les architectes Sou Fujimoto et Manal Rachdi: «Mille arbres, avec son village et sa forêt habitée propose une nouvelle skyline verte pour Paris56». Vieille branche çade, installation de mobilier urbain… tout en étant créatif. Après autorisation de la mairie de Paris, vous pouvez mettre en place votre jardins sans le moindre souci, tout en respectant les espèces locales et sans utiliser de pesticides. Le principe est simple, mais la procédure pour avoir le permis est assez longue. Dans notre cas, nous avons demandé de créer des pots de fleurs adaptés au diamètre des potelets, afin de les rendre plus captivant au regard des chauffeurs désaxés (voir rough). Le sujet est à manipuler avec précaution en matière de domination, en disant que nous sommes dans l’obligation d’avoir un “permis” pour pouvoir entretenir un espace vert. Ce permis de végétalisation est un peu à double tranchant dans le sens où nous protégeons et prenons la responsabilité seulement sur cette zone fleurie, mais qui montre par la même occasion, une décision pour offrir cette liberté pour le végétal qui n’aurait pas lieu d’être “légalement” présent sans notre prise d’initiative. La mairie de Paris présente une multitude de projets écologiques qui forcent à croire que le monde des plantes dirige nos décisions pour nos prochains. Le mot protection nous interpelle. Littéralement, la protection est définie comme une action ou fait de soustraire quelqu’un ou quelque chose à un danger, à un risque qui pourrait lui nuire, fait de se protéger ou d’être protégé. Pouvons-nous voir la protection d’une germination semblable à celle d’un nourrisson? C’est justement Alice Kim, une artiste diplômé de l’Université Kingston qui se questionne sur la relation Homme/Nature, nourrisson/germination. Pour son projet de fin d’étude, elle utilise un gilet en PVC transparent pour porter et nourrir sa petite plante à chaque moment (Fig. 36). Sous une main protectrice, elle explique que nous pouvons apporter une vigilance et mêmes un soin, ce qui joue sur les responsabilités que nous avons sur la croissance du végétal. Traiter la plante comme des enfants est une bonne com65 Vieille branche paraison. Imaginons donner du lait caillé à un bébé pour une évolution précipitée telle que les OGM que l’on retrouve dans nos cultures. Les plantes peuvent être vues comme des proches ou bien même des membres de la famille, elles en ont besoin pour croître et agit sur notre satisfaction, créant l’harmonie. L’artiste Susanna Bauer montre à son tour, une fabrication d’objets trouvés dans la nature qui sont la plupart du temps, négligés par les passants. Nous parlons des feuilles mortes, des morceaux de bois et des pierres. Pour faire un rapprochement à la fragilité du règne, concentrons-nous sur ses travaux minutieux et précis des feuilles mortes qu’elle découpe et rassemble à l’aide d’une couture parfaitement maîtrisée, comme ce furent les plantes qui eurent poussées et qui se furent métamorphosée naturellement de cette façon(Fig. 37). L’artiste londonienne s’amuse à construire un travail riche entre fragilité et force pour dévoiler un équilibre entre tension et tendresse, homme et végétal. Retenant l’attention de ses spectateurs, S. Bauer conçoit un travail sein et respectueux, obligeant l’artiste à connaître la fragilité du règne végétal. Pas le droit à l’erreur, un seul mouvement brusque, et la feuille se brise entre ses mains. Les créations de Susanna Bauer nous démontrent bien la collaboration avec la nature. (Fig. 36) Alice kim, plant pregnancy, projet étudiant 66 Vieille branche (Fig. 37) Susanna Bauer, Part of Each Other magnolia leaves 41.1 W x 42 H cm | Moon ll, magnolia leaf, cotton yarn, 29 H x 21 W cm, Leaves 2D 67 Vieille branche Pour la dernière sous-partie de ce chapitre une force cachée, avant de continuer votre lecture, je vous demande de bien vouloir vous munir d’un ordinateur, pour participer à une de nos expériences sonores. Le but de cette expérience est d’augmenter nos références, propos et exemples sur la force cachée du règne végétal à l’aide d’un son composé, dans la durée de votre lecture d’environ : 10 minutes Avec l’appui de cette expérience, vous aurez des images plus approfondies grâce à l’ambiance auditive. Si vous voulez bien respecter et participer, ce test va vous mener plus facilement pour comprendre la puissance que nous offre la nature. Connectez-vous sur la page : soundcloud.com/martial-prudhomme/test1 Banchez votre casque audio ou réglez vos enceintes pour que l’expérimentation soit suffisamment agréable. Lancez la piste pour créer l’action de cette harmonie Démarrez votre lecture Notre espèce doit trouver l’envie d’être attirée vers ce qui se ressemble, et non ce qui se sépare, pour arriver à une sorte de convergence. Par sa couleur, son fond mélodieux ainsi que sa richesse d’éléments, la nature nous délivre de manière agréable un environnement poétique qui est source d’inspiration en continue. Peu importe le type de forêts, elle nous dévoile des sons confus mais aussi nets sur sa biodiversité. Prenons l’exemple de l’Estonie, où les zones boisées s’étendent sur 55 à 60 % du territoire. Cette symphonie attire une équipe d’étudiants en architecture de l’Académie des Beaux-Arts en installant des immenses cornets acoustiques en bois au cœur de la forêt. Sous sa forme symbolique, ces mégaphones, runp, nous aident à nous connecter avec la nature et à écouter des sons amplifiés(Fig. 38). Notre ouïe agit sous une manière différente afin d’observer la nature. De là une contemplation se réalise avec des sonorités qui sont, la plupart du temps, oubliés et même inécoutés. En intensifiant les bruits naturels ambiants, la construction de ces cornets d’une envergure de 3 mètres, permettent aux promeneurs et amateurs du règne végétal d’arriver à contempler une nature dans l’instantané. Nous appuyons cette conceptualisation serviable avec l’engagement que Victor Papanek démontre dans son édition design pour un monde réel. Dans le recueil d’articles, Poïétiques du design, nous relevons le passage de Manola Antonioli, docteur en philosophie et sciences sociales de l’EHESS (Paris) ainsi que Alessandro Vicari, architecte à l’Université de Florence. Ils décrivent la réflexion de V. Papanek disant que nous ne devons plus poursuivre des intérêts exclusivement commerciaux mais aussi réfléchir à des solutions appropriées pour des produits et services socialement utiles et respectueux pour l’environnement57. 68 57 Gwenaëlle Bertrand et Maxime Favard, Poïétiques du design, éco-conception, Paris, l’Harmattan, Recueil d’articles, 2015, p.102 Une force cachée 58 Ezio Manzini, Artefacts, vers une nouvelle écologie de l’environnement artificiel, Paris, éditions du Centre G. Pompidou, essais, 1991, p. 246-247 Vieille branche Du côté du botaniste-écologue Jean-Marie Pelt, il nous révèle d’une manière plus poétique, une compassion pour cette beauté naturelle que nous offre la planète Terre. Pour lui, le végétal dans la nature est source de bien-être. La végétation nous permet de soigner nos dépressions, nos stress, nos angoisses. Il affirme aussi que le jardinage, ou le simple fait de se promener parmi ce règne, nous aide à oublier nos soucis, à nous faire rêver, à se détendre, à atteindre une sérénité. Il défend aussi sa connaissance sur des faits réels et imagine son futur comme un jardin d’Éden, un paradis que l’auteur aimerait tant atteindre. Il exprime aussi les dégâts causés par l’homme, voulus ou non. Pour lui, grâce à un environnement parfumé et coloré, on obtient une notion d’équilibre entre deux espèces vivantes. Se “connecter” à la nature nous aide à vivre l’instant présent pour développer une aptitude de patience et d’attention dont nous manquons dans la société moderne. Parfois, le simple fait de se promener en forêt ou de se balader dans un parc, nous aide à resserrer des liens avec nos proches et nos amis. C’est dans ce passage que nous sommes entièrement d’accord avec lui. Remémorons-nous la représentation de Pompéi dans lequel toutes les maisons de l’Empire romain étaient accompagnées de jardins. Suite à des fouilles archéologiques abondantes, les dallages manquants de certaines villas étaient en fait destinés pour des jardins intérieurs, avec l’appui de peintures murales qui montraient des scènes champêtres donnant l’illusion d’un jardin plus vaste. Arbres fruitiers, champs d’oliviers et de vigne, les romains réalisaient de véritables exploitations agricoles dans l’enceinte de Pompéi parfaitement intégrée dans leur cadre urbain, ce qui donnait un lieu d’échange et de compréhension du règne végétal. L’Italien Ezio Manzini nous rappelle le sens primordial des artefacts que nous comparons aux éléments d’un jardin: « Essayons de considérer les artefacts non pas comme des machines pour lesquelles notre tout premier objectif est une automation totale et un minimum de manutention, mais comme s’il s’agissait des plantes de notre jardin. Essayons d’imaginer des objets qui soient aussi beaux et utiles qu’un arbre fruitier : des objets qui durent et qui aient une vie bien à eux, des objets qui, comme un arbre, soient appréciés pour ce qu’ils sont autant que pour ce qu’ils font, des objets qui rendent un service et réclament des soins58 ». La force cachée du végétal est bel et bien une réalité. Les plantes dévoilent une puissance incomparable à la nôtre. Avec ses multiples vertus, la plante montre bien une beauté apaisante, un moyen de décompression, des offrandes sans rien demander en retour tout cela, grâce à son vivant et à son changement esthétique si imposant. Pourquoi lui donner des noms de noblesse si appétissants? C’est une évidence. Cer69 Vieille branche Pour faire un rapprochement au design, le Studio Boskke, dérivé du mot “bosky”, se questionne sur la force cachée des plantes. En cassant les codes, les designers arrivent à conceptualiser un système de fixation avec le concept du sky Planter, mettant la plante à l’envers c’est à dire que leur concept de pot est designé pour être suspendu, ce qui nous pousse à imaginer que la plante a la tête en bas (Fig. 39). Basé à Londres, le studio encourage à apporter une nature abondante à l’intérieur, pour favoriser une vitalité dans l’environnement bâti. Vivre avec des plantes suspendues libère de l’espace pour des surfaces étroites. Nous avons donc testé personnellement ce genre de concept dans notre habitacle pour son originalité. Il est vrai que concernant l’encombrement, nous gagnons en place avec l’idée d’utiliser le plafond comme support de jardinière. Lever les yeux pour observer la croissance de notre plante est assez attrayant. Nous observons au fil des semaines que la plante retrouve automatiquement la gravité. Mais comment s’y prend-t-elle pour capter le sens de la pesanteur? Cela parait cohérent, les plantes sont obligatoirement menées à maîtriser la gravité pour savoir dans quelle direction pousser. Dans la physiologie végétale, nous appelons cela le gravitropisme, signifiant la tendance60 d’un organisme à croître où les plantes cherchent à se développer en relation avec la gravité. À l’Institut de biologie de l’Université de Bonn en Allemagne, Universität Bonn, des chercheurs ont trouvé l’action de cette métamorphose. Nous l’expliquons avec l’exemple des charophytes, une des divisions des algues vertes, dans lesquelles nous trouvons au bout de ses ra70 59 Jean Marie Pelt, L’âme de la nature, 2015, Paris, Genèse, p.91 60 CNRTL [En ligne], tendance, impulsion, force qui anime un corps et le dirige vers un sens déterminé. taines plantes ont même eu le droit à des appellations sacrées comme la cœur de Marie (Dicentra spectabilis) avec ses courbes sous le dessin d’un cœur qui sont exceptionnellement belles, ou comme la plante Gant de Notre Dame (Digitalis purpurea) qui montre à son tour, des fleurs sous formes de clochettes épousant la forme des doigts. Une dernière appellation pour montrer cette poésie qui nous dépasse, celle du Chapeau du Bon Dieu (Aquilegia winky) pour la forme de ses fleurs rappelant un pompon. C’est justement Jean-Marie Pelt qui nous rappelle dans son ouvrage l’intelligence dans la création du mondes des plantes. Pour appuyer ce qu’il démontre, nous prenons l’exemple de l’Ophrys abeille, (Ophrys apifera) faisant partie des orchidées. Sous forme de commensalisme, cette plante mythologique attire en produisant une odeur qui imite celle de l’abeille. De plus, l’orchidée métamorphose les pétales de sa fleur pour faire croire que c’est un partenaire sexuel: « La fleur s’habille de pétales colorés. Elle se parfume. En fait, chacune adopte une odeur qui répond à ses besoins. Parfois, elle pousse la créativité encore plus loin : elle prend purement et simplement la forme d’un insecte spécifique (…) croyant apercevoir un partenaire sexuel, se précipite sur la fleur59 ». Vieille branche 61 CNRTL [En ligne], statolithe, nom donné aux grains d’amidon, censés rendre les végétaux sensibles à l’action de la pesanteur cines, des micro-cailloux lourds appelés statolithes61. Ces cailloux créent la direction de la racine en suivant la gravité. Si l’on décide de retourner la plante, ils se dirigent automatiquement. La paroi supérieure de la racine pousse donc plus vite que celle de la paroi inférieure dessinant une courbe. Poussant à l’inverse des racines, la tige s’épanouit donc vers le haut pour la lumière, cherchant la photosynthèse. (Fig. 38) projet étudiant, Runp, Tallinn, Estonie 71 Vieille branche (Fig. 39) Studio Boskke, sky Planter 72 Vieille branche 62 Michel Maxime Egger, La Terre comme soi-même, Repères pour une spiritualité, Genève, labor et fides, 2013, p. 229 Parmi tous les exemples que nous avons dévoilés et décrits dans cette partie, nous avons bien démontré que le règne végétal est un exemple à prendre et à respecter pour sa puissance. La nature agit sur un système qui nous dépasse et qui ne doit plus être vue comme objet à dominer. Les chercheurs et designers explorent le monde des plantes en étant toujours surpris par sa force de richesse esthétique, par le courage de sa résistance et par les multiples vertus qu’elles nous déversent avec charité. Nous devons trouver l’optimisation pour atteindre cette harmonisation entre Homme et Nature. Nous relevons la démonstration de Michel Maxime Egger: «Oui, la nature et l’homme ont besoin l’un de l’autre pour atteindre le salut. Non pas parce qu’il manquerait quelque chose d’essentiel à leur être, mais parce que l’interdépendance est la clef de la création, le moteur de son fonctionnement. Il convient, pour bien le comprendre, d’appréhender la création comme un tout. Indissociable62.» Obtenir une coopération élégante entre la nature et le design touche la notion d’éthique pour les valeurs qu’elle transmet dans une perpétuelle évolution. Le partage sonore peut être vu comme une esthétique métamorphosant le comportement d’une plante sans lui porter préjudice. Développons ce concept comme un support de communication, pour trouver un système de signes conventionnels vocaux et/ou graphiques, pour atteindre une meilleure compréhension du règne végétal. 73 Vieille branche Vous avez remarqué dès à présent que le son est terminé. Cette expérience sonore vous a aidé à pousser votre imaginaire sur votre propre représentation du règne végétal. Le succès sous la splendeur des plantes est peut être mieux compris avec l’appui de l’audition. Trouver la corrélation entre objet et le vivant est certainement la solution pour atteindre le concept d’esthétique simpliste. 74 Partie 3 63 Michel Maxime Egger, La Terre comme soi-même, Repères pour une spiritualité, Genève, labor et fides, 2013, p. 55 64 Ibid, p. 187 65 Semen L. Frank (éd), A Solovyev Anthology, London, SCM Press, 1950, p.58 Un usage JAILLISSEMENT D’UNE NOUVELLE DIMENSION Nous démontrons dans cette 3ème et dernière partie, l’usage du végétal dans un partage respectueux. Nous verrons que l’humain est fortement observateur du règne végétal et accepte de l’utiliser sous différents médiums et moyens, pour essayer d’atteindre une corrélation. Divers individus continuent à vouloir être maîtres et possesseurs d’un environnement en exploitant la terre pour leurs propres envies ainsi que pour leurs propres besoins. Ces personnes se dénaturent en cherchant désespérément à atteindre le bonheur qui est devenu un droit et un devoir. La création est un ensemble entre l’humain et la nature qui demande une certaine éthique et culture pour l’appréhender. Le sociologue Michel Maxime Egger nous explique dans son ouvrage les fondements d’une éco-spiritualité qui est capable de répondre aux défis soulevés par la destruction de la planète. Une anthropologie qui remet en question la notion de l’écologie. La tragédie de l’individu qui — coupé de ses racines, célestes et son être profond — se prend pour Dieu et se place hors et en-dessus de la nature pour mieux la conquérir et la dominer par sa puissance rationnelle et technologique63. Pour parvenir à une réussite, nous pensons, que la meilleure des solutions et la plus raisonnée, est de créer une interdépendance avec la nature. Le lien viscéral est-il une solution pour inspirer le designer? La nature est réifiée et nous sommes nature. L’auteur démontre qu’entre l’Être humain et la Nature, — il n’y a en réalité ni discontinuité ni étrangeté, mais plutôt une forme de lien ombilical64. Sous le regard du philosophe Russe Vladimir Soloviev, nous devrons dans un premier temps: «Traiter notre environnement social et cosmique comme un être vivant et réel avec lequel nous sommes dans une inter-action la plus étroite, presque totale, sans être confondus avec lui65» 75 Jaillissement d’une nouvelle dimension Restons surpris Trouver une coopération élégante entre la nature et le design est certes, intéressante, mais de quelle manière doit-on réellement s’y prendre sans lui porter préjudice? Nous avons dévoilés des inspirations, des reproductions d’une esthétique, des préservations sur une fragilité ainsi que des perceptions semblables à notre règne. C’est au tour de Gavin Munro qui nous dévoile des productions de design de mobilier au choix modéré dans sa petite parcelle en Angleterre. Ce designer produit de façon très respectueuse des chaises, des tables, des miroirs ainsi que des luminaires d’une manière la plus naturelle possible (Fig. 40). Il utilise la plupart du temps des Saules (Salix) pour ses teintes et sa qualité de bois. Ne cherchant pas à produire un objet sur sa durée de vie, sa production est assurément moins dense. Le discours de G. Munro soutient qu’on peut supprimer certaines étapes que nous retrouvons au sein des grandes distributions à l’image d’un mobilier prêt à poser et à monter en kit. Nous réunissons sa technique à la pensée goethéenne. Le designer laisse pousser librement ses arbres en dirigeant le plant à suivre les moulages de ses mobiliers. Un concept profitant de la splendeur du végétal dans son temps. Suite à quelques années de croissance, le saule est abattu seulement et non élagué pour garder la forme de sa pousse puis taillé en fonction du résultat qu’il souhaite avoir, donnant une pièce unique. Nous avons là, une expression artistique jouant sur la patience et la collaboration harmonieuse avec la nature. Il est vrai que dans notre système, nos techniques sont par moment une perte de temps avec une manipulation incorrecte pour le monde des plantes. Quand on analyse grossièrement les étapes de productions massives, les arbres élagués sont de nouveau assemblés avec leurs confrères. Cela n’a pas vraiment de sens. Un deuxième concept qui joue sur l’impact écologique avec la création de la typographie Ryman Eco qui utilise par sa forme et sa graisse que 27% soit un tiers de moins d’encre qu’une police classique telle la Helvetica, la Futura ou encore la Century Gothic. Ce fabuleux projet est mené par le directeur de création Andy Lockley, qui décide de faire participer 26 designers du Royaume-Uni pour créer une affiche avec la responsabilité d’un seul caractère chacun. Des collaborations avec des 76 66 Pierre Rabhi, Vers une sobriété heureuse, Paris, actes sud, 2015 p.57, Nous sommes dans un système contrôlé avec un rythme frénétique sous la disposition d’outils de communications rapides avec manifestement un manque de temps constant. Pierre Rabhi nous rappelle dans son ouvrage que le ratio de déchets produits par un tel système témoigne de l’irrationalité de ce qui se veut rationnel66. L’Homme invente paradoxalement des instruments jour et nuit pour gagner du temps, cela trouble la productivité. Jaillissement d’une nouvelle dimension studios de design comme le studio Bunch, Crispin Finn, Design Studios DBLG, ou encore l’artiste Richard Hogg et Marcus Walters (Fig. 41 & 42). Sur un but écologique, les designers montrent les multiples manières d’imaginer la police pour diffuser sa beauté rappelant le but de ce concept. Pour que le projet soit concret, Andy Lockley a décidé de n’imprimer qu’une seule fois ces affiches, mais laisse la possibilité de télécharger la typographie Ryman Eco. Nous relevons que si nous utilisons ce genre de caractères confinés et durables lors des impressions, il y aurait une économie de 490 millions de cartouches d’encre par an. (Fig. 40) Gavin Munro, full grown 77 Jaillissement d’une nouvelle dimension (Fig. 41) Richarch Hogg, Be considerate, “B” (Fig. 42) Marcus Walters, Where there’s a will, “W” 78 67 La Paillasse, 2011: lieu d’innovation open source, souhaitant favoriser l’émergence de projets participatifs, qui utilise des technologies du vivant: biotechnologies, informatique, électronique, design, etc… 226 Rue Saint-Denis, 75002 Paris 68 Youtube, [En ligne], Thomas Landrain, Biology without borders, TEDx Paris Universités, 2013 Jaillissement d’une nouvelle dimension Pour rester dans l’encre, nous dévoilons le projet d’un graphiste parisien, Ariel Martin Perez, qui découvre dans son projet, sous la maîtrise de la biotechnologie. Nous rappelons que la biotechnologie résulte d’un mariage entre la science et les êtres vivants. Cette science est surprenante et magique quand on la confronte avec le design de nos jours. Le graphiste Ariel Martin Perez, profite de l’une de ses nouvelles techniques en collaborant avec un bio hacker qu’il rencontre à la Paillasse67. Nous avons pu visiter à quelques reprises ce bâtiment dédié à un lieu d’échange entre bio hacker, chercheurs et jeunes entrepreneurs. Le biohacking plus connu sous le nom de “DIY-BIO” (Do It Yourself Biologist) est un mouvement de réappropriation de la biologie. Le designer a pu créer une typographie biologique qu’il a nommée “Physarum Type”. Il faut savoir que le physarum (Physarum polycephalum) est une bactérie non pathogène et non toxique. Naturellement, elle pousse dans les sols d’Amérique du sud. Elle produit un pigment de couleur bleue avec abondance qui est facile à reproduire. Les biohacker testent donc cette bactérie pour atteindre une matière brute, où l’on peut extraire le pigment, ce qui nous donne de l’encre biodégradable et inoffensive. Ariel Martin Perez se sert de cette encre pour dessiner sa police. Nous remarquons par la suite que la bactérie va migrer et se diriger à l’endroit où se trouvent les nutriments disposés selon la forme du caractère. De ce fait, c’est la bactérie Physarum qui va elle-même dessiner le caractère typographique(fig. 43). Ne peut-on pas voir une révolution sur l’approche du vivant dans le design? C’est dans la conférence de «TEDx Paris Universités» que Thomas Landrain, Biologiste et cofondateur de la Paillasse nous évoque l’avenir de l’encre avec ce processus: «Pourquoi ne pas fabriquer un stylo qui produirait lui-même son encre? De manière biologique, nous pouvons imaginer un genre de bioréacteur où se trouve à l’intérieur la bactérie en question qui produirait des pigments à la place de la cartouche d’encre68 ». Il suffit donc de nourrir les bactéries pour avoir de l’encre, nourrir le stylo en quelque sorte. Une idée qui serait révolutionnaire mondialement. L’objet est donc transformé, on ne peut littéralement plus appeler l’objet un stylo, mais bien une nouvelle espèce vivante dans la production du design. 79 Jaillissement d’une nouvelle dimension (Fig. 43) Ariel Martin Perez, physarum type, 2013 80 Jaillissement d’une nouvelle dimension (Fig. 43) Ariel Martin Perez, physarum type, 2013 81 Jaillissement d’une nouvelle dimension 82 Jaillissement d’une nouvelle dimension Nous avons rencontré Émilie-laura Accipe, une jeune graphiste diplômée d’un DNSEP option design visuel graphique à l’école Supérieure d’Art et de Design d’Orléans. Par ses recherches graphiques et plastiques, elle se questionne sur de nouvelles manières de production du design avec l’appui de l’alimentation. Notre entretien était basé sur les problématiques que nous avons sur l’environnement et l’écologie. Grâce à ses productions très atypiques, elle transmet un message via le goût, qui pour elle, est un très bon intermédiaire entre la nature et l’Homme. On peut ici voir une technique pour arriver à faire penser ce que l’on mange ainsi que manger ce que l’on pense. Émilie-laura Accipe décrit dans sa biographie, l’importance de l’alimentation pour sauvegarder notre environnement : «Manger est devenu un acte banal, dans une société où le consumérisme à outrance, nous a peu à peu détaché de notre rapport à la nature et à la terre. Je souhaite interroger cet acte et lui redonner toute son importance. — Il m’arrive également de collaborer avec d’autres, pour créer et réaliser des projets mêlant plusieurs disciplines (design objet, design espace, restauration, textile, musique...)69». 69 [En ligne], Émilie-laura Accipe, l’Atelier au poêle Nous nous rendons donc dans son charmant petit atelier du 19ème arrondissement de Paris, pour échanger sur ces problématiques et découvrir les éléments décisifs de ses productions comestibles. 83 Jaillissement d’une nouvelle dimension Moi : Un petit rappel de ton parcours étudiant Émilie-Laura A. : J’ai commencé par une MANAA puis un BTS en communication visuelle, par la suite j’ai fait un DNAP et un DNSEP option design visuel graphique à l’école Supérieure d’Art et de Design à Orléans. Mon projet pour mon DNSEP questionnait essentiellement sur le graphisme et l’alimentation en tant que pratiques conviviales. Des liens se créent donc entre les individus et la nature. Ce sont là des outils pour parler d’autres choses avec la mise en place de repas et d’un potager. Ce sont les prétextes visibles et sensibles pour évoquer des choses plus «puissantes», mais aussi le fait que chaque geste du quotidien comporte une dimension politique (au sens noble du terme). Moi: Peux-tu nous dire comment t’ai venu l’idée du concept de graphisme / alimentation? Émilie-Laura A. : Pour mon BTS communication visuelle je travaillais déjà pour la cuisine avec comme projet professionnel une gamme bio sans gluten. J’avais mis en place un packaging et toute son identité visuelle. Je pense qu’il y avait déjà des prémisses de l’Atelier au Poële sans le savoir! Étant allergique au gluten, je suis arrivée au végétal par l’alimentation avec tous les liens que l’on a avec la terre en tant qu’individus. Moi: L’Atelier au Poële, peux-tu nous en parler en quelques mots? Émilie-Laura A. : C’est né assez naturellement dans mon parcours de vouloir faire le lien entre le graphisme et la cuisine, une passion que j’avais à côté, et j’ai eu comme première idée, comme première recherche, de réaliser une affiche qui se mange. Tu as derrière toute la symbolique de manger un message. Cela transmet de manière beaucoup plus imagée justement même si il y a un message politique, économique ou social, c’est avant tout imagé pour transmettre à l’enfant, avec un côté plus subtil et avec un ton beaucoup plus ludique. De là j’ai commencé à chercher, faire les liens, voir comment je pouvais transmettre cela pour que ça ne soit pas une simple affiche que tu exposes. C’est comme ça que des ateliers où j’avais vraiment envie de produire avec des enfants et des adultes sont nés. Moi: Quel a été l’élément décisif pour lancer l’Atelier au Poële? Émilie-Laura A. : Il y a eu une rencontre qui a été décisive avec le collectif Cochenko à Saint-Denis en 2013. Ils sont venus déjeuner à Orléans pour La Table Rouge 84 Jaillissement d’une nouvelle dimension (mon projet des repas avec les étudiants). J’invitai plusieurs artistes (le Collectif ETC, Gilles Clément, Vincent Perrottet, Pierre Di Sciullo) à venir échanger et partager avec nous, pour les notions de nature, d’engagement graphique, social etc. C’est à la suite de cette rencontre qu’ils m’ont pris en stage. Cochenko vient malheureusement de fermer ses portes. Leurs travaux étaient sur la notion des citoyens avec l’engagement des citoyens, la réappropriation de l’espace public avec la convivialité le partage etc. Moi: Le fait d’être allergique au gluten ça t’a permis de découvrir énormément de solutions, de recettes pour se nourrir. Émilie-Laura A. : Oui et c’est tout une culture alimentaire qui s’est ouverte. Pourquoi est-ce que ces produits sans gluten tu ne les trouves qu’en bio et pas ailleurs? Et c’est là où tu prends conscience de toute cette notion économique/politique, le monopole de la farine de blé ce n’est pas pour rien hein! C’est toutes ces choses qui s’imbriquent, tu comprends mieux le système après! Moi : Ces soucis-là te poussent donc à créer une édition, peux-tu nous en dire plus? Émilie-Laura A. : Je suis en train de faire un livre exclusivement sans gluten et végétarien! Pour montrer qu’on peut être heureux et bien cuisiner! Il sera accompagné d’illustrations (et non photographié), pour amener un nouvel imaginaire, une autre manière de parler de la cuisine et de l’alimentation. L’édition va s’appeler «Bêtes comme chou» une collection avec plusieurs volumes, c’est la suite de toute l’identité graphique de La Table Rouge développée pour mon DNSEP. Moi: Peux-tu nous parler maintenant de la maison d’édition Hakea Collina ? Émilie-Laura Accipe : Pour moi c’est vraiment la suite logique de l’Atelier au Poële. Avec l’amour que j’ai pour l’édition, j’ai voulu distinguer ces deux catégories avec l’identité de l’Atelier au Poële et la maison d’édition pour arriver à mieux classer mes projets. Ça me permet d’avoir deux activités différentes. Cette maison sera dédiée à la création et la publication d’œuvres graphiques et poétiques en lien avec la Nature. Il y aura du graphisme, de l’illustration, du texte et j’aimerai beaucoup avoir de la poésie aussi, plusieurs manières d’aborder la nature. C’est un peu le fil conducteur. J’aimerais bien sortir la première édition pour fin février, début mars. 85 Jaillissement d’une nouvelle dimension Moi: Avec ce fort rapport à la nature, tu te sentais à ta place dans cette école Supérieure d’Art et de Design? Émilie-Laura Accipe : J’avais Suzanne Husky en 4e année qui donnait des cours de paysage. En 5e année, elle était ma consultante (un peu comme une troisième tutrice, en plus des deux tuteurs officiels que j’avais). C’est une artiste que j’aime beaucoup. Elle nous formait pour des cours de paysage, à la base elle intervenait dans la section design objet/espace. Moi: Comment elle organisait-elle ses cours? Vous apprenait-elle le design végétal? Émilie-Laura Accipe : Non les cours s’appelaient «paysage» cela traduit forcément le végétal mais c’était assez ouvert, assez libre, il y a jamais vraiment eu de sujets sans même des enseignements théoriques liés à la nature. On la voyait 3h par semaine. Dans le cadre de son cours, nous avons participé à un concours de paysage. Pas forcément de l’aménagement paysagé. Pas que en tout cas. Il y a une dimension assez artistique dans ce concours de jardins et c’est à ce moment-là que j’ai eu l’idée pour mon projet professionnel pour mon DNSEP de faire un potager étudiant au sein de l’établissement. Moi: Dans ton entourage, peux-tu nous parler de tes collaborations? Émilie-Laura Accipe : Forcément Suzanne, sinon il y a Joris et Maxime avec l’Atelier Phorbe, ils ont contribué au potager pour mon DNSEP et travaillent ensemble sur le design végétal. Sinon il y a Alexis Paul qui est à la base musicien, il est proche de la nature avec son rapport au monde. Pendant presque 8 ans son label s’appelait Humanist Records où justement il explique que la musique à un fort pouvoir de justice sociale. C’est un peu son idéal, d’où le rapport entre musique et la nature. Depuis décembre son label Humanist Records se transforme et devient le label Armures Provisoires. Il y a Arnaud qui s’occupe du graphisme d’Alexis et lui aussi à un fort rapport avec la nature. Il travaille beaucoup sur les minéraux. Moi: Penses-tu que la musique est un bon moyen pour recréer un lien avec la nature? Émilie-Laura Accipe : Oui forcément! Après je pense qu’on a tous un rapport différent à la musique. Pour mon projet «Parole(s) Imagée(s)» je reviens à la musique; puisque je mets en images les mots d’auteurs qui me touchent par la force poétique, l’engagement et la conscience politique et sociale qu’ils transmettent par les mots. Pour moi, je sais que j’écoute tout le temps la musique, ça m’a toujours ac86 Jaillissement d’une nouvelle dimension compagné lorsque je dessine, je n’ai jamais dissocié les deux, bien au contraire! Il faut dire que j’ai commencé la musique au même moment que le dessin et il y en a un qui a pris le dessus! Mais je reviens petit à petit à la musique avec mon entourage… Moi: Avant de terminer, j’aimerais que tu nous parles du projet en cours de Alexis Paul avec Street Organ Ritornellos & le Saudaa Group: un projet où il voyage avec son instrument. Émilie-Laura Accipe : Là il est actuellement à Casablanca qui était sa première destination. C’est un projet qu’il développe depuis 2 ans. Il a une passion pour les instruments mécaniques, surtout pour l’orgue. Pour lui, c’est un instrument à part entière car il vit tout seul. Pour ses concerts il a juste à tourner la manivelle pour faire avancer les cartons. En amont, il y a un travail de composition. Il a fait fabriquer son orgue par un facteur d’orgue qu’il peut brancher en midi avec un clavier sur son ordinateur. Son projet s’est construit autour de ces orgues et il va faire 10 pays pendant 1 an pour rencontrer des musiciens locaux mais surtout l’environnement dans lequel il va être pour composer. Une rencontre musicale et humaine qui est toujours en lien avec la nature. Moi: Pour finir cette interview, un évènement? Une exposition où l’on peut voir tes travaux? Émilie-Laura Accipe : Alors là actuellement il y’a l’exposition 8 mois au Point Ephémère et ensuite en février j’ai deux ateliers de prévus à la Petite Rockette pour enfants avec un puzzle sérigraphié comestible et pour adultes avec de la céramique comestible. Moi: Miam Miam! 87 Jaillissement d’une nouvelle dimension «Nous sommes maîtres de la terre Nous nous croyons des presque Dieu Et pan ! Le nez dans la poussière Qu’est-ce que nous sommes : des pouilleux70» Nous voyons bien parmi ces exemples, de nouvelles dimensions où les artistes cherchent à trouver une communication plus ludique et plus imagée pour répondre à nos problématiques. Pour trouver cette éco-spiritualité, c’est autour de l’agence FCB de Buenos Aires qui décide de rendre à la nature ce qui lui appartient en créant le premier livre qui se plante, “un libro que se planta” (fig. 44). En collaboration avec la maison d’édition Pequeno Editor, ils décident de proposer au lecteur de planter la mini édition une fois lue. Destiné aux enfants, le livre est illustré par l’argentin Gusti et la française Anne Decis, qui dévoile une histoire sur les aventures d’un père dans la jungle équatoriale. L’édition nommée Tree Book Tree est bien évidement composée de papier sans acide et recyclé, d’encres biodégradables ainsi que d’une couverture ensemencée de graines de Jacarandà, arbre originaire d’Argentine. Cette méthode nous semble juste en proposant un message éducatif pour sensibiliser les enfants, afin de donner naissance à un arbre à la suite d’une lecture. (Fig. 44) FCB buenos aires advertising agency, un libro que se planta, pequeno editor 88 70 Extrait de la chanson Tout fout l’camp, interprétée par Édith Piaf, composée par Raymond Asso, 1937 Donnant-donnant Jaillissement d’une nouvelle dimension Peut-on imaginer le processus à la suite d’un décès? Comment l’humain pourrait ne refaire qu’un avec la nature? C’est le projet ingénieux d’Anna Citelli et Raoul Bretzel, deux designers Italiens qui proposent une toute nouvelle manière de renouer le corps humain à la nature avec une approche opposée de ce que nous pensons de la mort. Leur design signé Capsula mundi est construit telle une capsule funéraire qui permet de transformer le décès en un arbre(fig. 45). Cela paraît irréalisable, mais les designers dévoilent un cercueil biodégradable, sous forme d’œuf adapté au défunt qui, en amont par ses goûts botaniques, choisi le type d’arbre qu’il aimerait voir pousser au-dessus de sa «tombe» biologique. Afin d’arrêter de traiter la mort comme un tabou, les designers mettent en place un système pour faire comprendre aux occidentaux que la mort peut être visualisée comme le début d’un chemin pour rattacher l’homme au règne végétal. Anna Citelli et Raoul Bretzel dévoilent un nouveau type de cercueil pour l’avenir de notre planète Terre. Nous sommes attiré par le concept de la Capsula mundi, s’opposant à la tradition judéo-chrétienne. Pourquoi se contenter d’être “enterré” dans un cercueil en bois obéissant à des valeurs absolues? Cela nous rappelle le discours du designer Gavin Munro qui était contre les étapes d’une production massive. Nous savons qu’un cercueil apporte un fort impact environnemental et impose la découpe d’un arbre. L’objectif des deux designers est de dévoiler la mort de l‘homme pour créer de nouvelles vies, et planter des arbres au lieu de les abattre. Sous une position fœtale, le corps aide l’arbre à s’épanouir au rythme des saisons, grâce à sa matière organique. Dans les années 2000, des analyses sont (Fig. 45) Anna Citelli & Raoul Bretzel, Capsula mundi 89 Jaillissement d’une nouvelle dimension réalisées sur des corps enterrés depuis 30 ans. Entrepreneurs de pompes funèbres et scientifiques relèvent ses analyses et constatent que les corps se décomposent beaucoup plus lentement que la normale. De multiples hypothèses sont alors proposées en essayant de comprendre d’où venait ce ralentissement sur la décomposition des défunts. Est-ce la faute des conservateurs dans notre alimentation ainsi que dans nos produits cosmétiques? Est-ce dû à des problèmes de pesticides et de pollution dans nos sols qui éliminent des bactéries essentielles? Ceux sont encore des hypothèses pour trouver les problèmes sur le ralentissement des décompositions humaines. En utilisant nos corps comme fertilisants, les designers créent un environnement pour le moins mémorial, où les arbres seront des témoins des personnes disparues et renaîtront sous forme végétale. Malheureusement, le concept fait vite polémique par rapport à la législation italienne qui refuse d’imaginer un cimetière sous l’aspect d’une forêt. Rendre visite aux personnes défuntes dans cette forêt sacrée et priée à l’appui d’un arbre, nous dévoile une interdépendance sous un héritage pour la postérité et l’avenir de notre planète. (Fig. 45) Anna Citelli & Raoul Bretzel, Capsula mundi 90 Jaillissement d’une nouvelle dimension Nous trouvons ce concept novateur dans le procédé, une action qui nous parait logique. Pour trouver un lien viscéral, l’écrivain Pierre Rabhi refuse tout anéantissement pour sauver sa terre, labourée par la machine économique comme il prétend le dire. Depuis plus de 40 ans, il est reconnu comme un expert dans l’agroécologie. Il s’engage pour la lutte contre la désertification, la sécurité alimentaire des populations et la sauvegarde des patrimoines nourriciers. De son vrai nom Rabah Rabhi, cet homme prolifique montre de nombreuses productions en tant qu’agriculteur biologiste, romancier et poète français et fondateur du mouvement Colibris en 2007. Une histoire qu’il raconte régulièrement avec sensibilité lors de ses conférences: «Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : «Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu !» Et le colibri lui répondit : «Je le sais, mais je fais ma part». Suite à la lecture de ses différents ouvrages et interviews, nous avons voulu questionner cet homme pour défendre notre problématique. Suite à quelques échanges par email avec son assistante, Caroline Bourret nous informe que Pierre Rabhi traverse actuellement une période de travail très chargée entre des conférences, des réunions, des suivis de projets et éditoriaux. N’étant pas en mesure de nous répondre, son assistante nous a transmis une Chronique du Magazine Kaizen: “La Nature nous offre chaque jour, à chaque saison, mille et un éclats de beauté et la chance de pouvoir nous y abreuver à volonté. Elle a le pouvoir de réveiller en chacun la capacité de s’émerveiller de la magie et de la profusion de vie qui nous entourent — auxquelles nous ne prêtons souvent pas attention. Il y a fort à parier que si nous prenions le temps de nous émerveiller davantage, nous aurions plus d’aptitude et de volonté à prendre soin de nous et de la vie et serions bien inspirés pour créer une société plus équilibrée. Les personnes qui vivent proches de la nature, qui retrouvent ce lien sacré à la Terre et la cadence juste adaptée à leur propre nature, se réalignent à l’essentiel et émanent à leur tour cette beauté intérieure. — Il s’agit là pour moi de la beauté fondamentale, celle qui émane de l’amour, de la générosité, de la bienveillance, du respect… et que le lien avec notre Terre-Mère ne peut que faire fleurir. Nous espérons que la beauté dont l’enfant est un des témoignages les plus prodigieux et que nous fûmes toutes et tous ne soit plus perverti par la laideur du monde. La beauté sauvera le monde proclament certains mystiques et cela parait une évidence. » 91 Les plantes s’expriment musicalement «Dans ce milieu métaphorique je suis heureux d’être perdu car je finis toujours par trouver l’inattendu. Une graine ou un fragment de quelque chose qui pousse lentement, pour donner vie à un poème une chanson71». Essayons d’imaginer un monde sans la présence de l’œuvre musicale. Cela nous est impossible. La musique nous est utile, par sa nécessité, par son rythme qui est support du temps, par sa représentation mais aussi comme un modèle de communication. Créée par l’homme, cette œuvre sert à nous rassembler, à nous divertir, à nous rendre nostalgique, à nous évader comme nous le décrit le grand compositeur français Claude Debussy (1862-1918): «la musique commence là où la parole est impuissante à exprimer». Le végétal peut-il traduire et apprécier la musique comme le fait l’auditeur riche en émotion? Dans la pensée goethéenne, la plante primordiale est considérée comme un être vivant qui n’est pas entièrement présent en un instant donné. Il soutient l’idée que l’être humain doit faire totalement confiance à la précision de son approche sensorielle, qui permet d’atteindre la réalité du sensible. Prenons l’exemple d’un œnologue qui détecte grâce à ses sens et à la science du vin, des falsifications dont l’analyse de laboratoire ne détermine pas. Le végétal est plutôt visible et reconnaissable, dans la durée du temps. Cette phénoménologie72 nous dévoile un processus qui se développe dans un milieu précis et unique pour chaque plante. Nous pouvons le rapprocher au genre musical, avec un morceau de musique. La musique peut être, elle aussi, perçue qu’au fil du temps. Imaginons faire une analyse sur une note ou l’ensemble des notes écoutées en un instant. Cela ne donnerait aucune idée sur la forme de la mélodie. Surpris de ses facultés sensorielles En dévoilant les détails des cellules, nous constatons une polarité électronique circulant de haut en bas de la plante. Le système de la polarité est composé de deux pôles distincts révélant une force électronique. En montrant les capacités du végétal, le couple d’artistes Grégory Lasserre et Anaïs connus sous le nom de Scenocosme, dévoilent les diverses relations invisibles que nous avons avec l’environnement. Venants de la région Rhône-Alpes, ils développent avec affection, des performances sonores à base de végétal sous le projet Akousmaflore(Fig. 46). Pour cela ils utilisent la technologie numérique pour retranscrire le vivant parmi le règne végétal. 92 71 interview relevé de Piers Faccini dans le magazine walter de fabien barral | Mr Cup 72 CNRTL, [En ligne], phénoménologie, Observation et description des phénomènes et de leurs modes d’apparition, considéré indépendamment de tout jugement de valeur LES PLANTES S’EXPRIMENT MUSICALEMENT Les plantes s’expriment musicalement Interpellant leurs spectateurs avec une relation corporelle et sociale, ils conçoivent une réelle harmonisation entre nos sens et nos connaissances. En captivant donc la polarité électronique de la plante, le couple d’artistes conceptualise des émetteurs de sons lors du contact physique de l’humain. Sous cette technique, le spectateur d’Akousmaflore entre en relation avec le monde des plantes sous un langage sonore. Nous voyons là, un mariage entre hybridation, technologies et éléments du vivant dévoilant une expérience totalement sensorielle qui remet en cause les relations que nous avons avec les plantes à travers une énergie invisible. (Fig. 46) Scenocosme, Akousmaflore 93 Les plantes s’expriment musicalement C’est le botaniste Français Jean Thoby qui à son tour créé des concerts botaniques pour permettre à des plantes de s’exprimer musicalement. Pour arriver à ces performances, il utilise un boîtier(Fig. 47) qui capte et retranscrit la musique des plantes (Music of the Plants). Ce boîtier de conception italienne, est réalisé au moment d’une commande et c’est la pépinière botanique de Gaujacq qui revend ces boîtiers. Ce capteur de couleur noire métallique lisse est placé comme intermédiaire entre plante et instrument de musique. De la taille d’un radio réveil ancien de forme rectangulaire, il est doté d’une prise MINI jack au milieu pour permettre de brancher un casque ou des haut-parleurs ainsi que d’une prise MIDI, sur la gauche de la facette, que l’on branche directement à un synthétiseur numérique. On y trouve aussi sur l’une des faces, un potard pour égaliser les fréquences du son et pour gérer le gain du canal ainsi que trois autres potards pour le taux d’échantillonnage, la vélocité ainsi que pour filtrer les sons. Le résultat de ce produit est plutôt en évolution dans le temps. Nous dévoilons là, une action où l’objet retranscrit la musique des plantes, dans le même style d’expérience pour Akousmaflore. La partition est belle et bien composée par la plante avec des sonorités dans le genre électronique faisant penser à des variations de méditation. Pour la partie technique, J. Thoby implante un capteur directement sur le sol du végétal pour capter une de ses racines, puis un deuxième capteur, palpeur, sur une feuille ou fleur si possible la plus haute et non abîmée. De là, le système va capter la différence de polarité électrique que produit la plante, ce qui créé des ondulations que le botaniste transcode par la suite dans le boîtier pour ensuite entendre les sons que produit la plante. Ce qui est surprenant dans ce concept, c’est que les plantes réagissent à ce qui les entoure, à leur entourage ainsi qu’à leurs environnements. (Fig. 47) Jean Thoby, Music of the Plants - boîtier 94 Les plantes s’expriment musicalement (Fig. 48) Data Garden, Quartet, pochette d’album ensemencée Un dernier argument et exemple pour démontrer les développements des facultés sensorielles des végétaux avec l’idée d’un label de musique, qui nous propose d’écouter des sons générés par des plantes. Ce label, Data Garden, a dévoilé ses essais au Musée d’art de Philadelphie en 2012. C’est un collectif de quatre musiciens qui déclinent leur art, en faisant jouer quatre plantes tropicales. Toujours à l’aide de capteurs mesurant l’activité électrique, les végétaux déploient donc leurs sons grâce à une action menée par l’humain. Certes le son est seulement traduit par des machines reproduisant les émanations sonores des plantes, mais elles suivent les choix dirigé par les quatre musiciens. Elles ne sont donc pas réellement les auteurs de ses compositions. Le collectif décide alors de laisser une empreinte sous forme de pochette d’album ensemencée(Fig. 48) en enregistrant les partitions sur quatre pistes pour un total de 116 minutes. Sous un design d’un monochrome vert, la pochette rejoins l’idée de la maison d’édition “Pequeno editor” pour le livre “un libro que se planta”, en laissant libre choix de planter l’objet. Au commencement, un code de téléchargement est inscrit au dos de la pochette pour récupérer les pistes sur leur site internet. Le concept nous émerveille avec l’idée de redonner vie en transférant la musique à la terre. 95 Les plantes s’expriment musicalement Supposons créer un rapprochement entre le monde des plantes et la musique. L’expérience sonore que nous avons proposé dans (Une force cachée p. 68 à 74) se présentait comme un intermédiaire pour atteindre une meilleure compréhension. Pouvons-nous partager un plaisir sonore avec le règne végétal? Soulevons la possibilité d’utiliser le végétal pour jouer des émotions. C’est à Munich en Allemagne avec l’artiste Bartholomaus Traubeck, que nous trouvons une liaison entre mélodie et règne végétal. Nous avons vu que les cernes, anneaux, nous déterminent l’âge de l’arbre. Cette fois-ci, la mélodie s’échappe des fines coupes de troncs d’arbres sortant un son mélodieux grâce à la lecture de ses cernes. Le concept appelé “Years”(Fig. 49 et 50) marche de la même manière qu’un simple tourne-disque hormis la tête de lecture qui elle, est remplacée par un appareil photo numérique analysant l’épaisseur, la force, le taux de croissance et la texture des cernes. De là, Bartholomaus Traubeck transforme ces relevés sur un logiciel permettant de produire les notes d’un piano sous un design génératif73. En raison d’une forte demande l’artiste a dû demander au label autrichien Ordia Muszc, de fabriquer les enregistrements de ces «vinyl-naturels». Vous pouvez aussi télécharger numériquement, l’enregistrement de sept arbres différents car l’artiste défend que chaque tronc d’arbre produit sa propre mélodie obsédante qui est unique en son genre. Ce qui renvoie à se demander si l’arbre ne nous offre pas une sorte de poésie grâce à sa croissance végétatif. Imaginons le nombre de chants mélodieux que l’on pourrait avoir juste sur la découpe d’un seul tronc d’arbre sur toute sa hauteur. (Fig. 49) Bartholomäus Traubeck, Years, 2011 96 73 Arts-numeriques, [En ligne], Design génératif, destiné à générer des formes et dont on détermine le comportement, plutôt que de dessiner directement. Captivations sonores Les plantes s’expriment musicalement (Fig. 50) Bartholomäus Traubeck, Years, 2011 97 Les plantes s’expriment musicalement 98 74 Soundcloud, [En ligne], soundcloud.com/the-vegetable-orchestra Un deuxième exemple dans la capitale de l’Autriche où un groupe d’artistes utilise des légumes pour composer ses musiques. Cela peut être manifesté comme absurdité, mais vous seriez surpris de voir la qualité de sons que les légumes libèrent. The Vegetable Orchestra74, diffuse des performances jouées en live, enregistre des trouvailles croustillantes en studio et partage même gratuitement, une soupe à son public à la fin de son concert. Nous pouvons nous questionner sur la technique qu’ils utilisent pour construire ses outils achetés le jour même de l’audition. Une fois découpés et rafistolés, les légumes frais sont de véritables machines instrumentale, qui dévoilent des sons d’instruments à vent, à cordes, ainsi que des sons sous formes de percussions. The Vegetable Orchestra montre un univers musical atypique avec une esthétique sonore unique. Ils cherchent à redonner une harmonisation entre la création musicale et les sons que dévoilent les légumes pour partager un plaisir sonore surprenant son public. Ce groupe est composé de différents milieux artistiques avec des musiciens, plasticiens, architectes, designers et artistes médiatiques qui produisent différents styles et rythmes de musique selon le résultat sonore du légume, comme par exemple du Jazz, du Dub ainsi que de la musique électronique. Dans la totalité des exemples, ces nouveaux modes d’expression créative entre plante, technologie, biologie et humain sont fascinants, mais ils ne diffusent pas vraiment une approche de compassion pour protéger le monde des plantes. Donnez nos capacités artistiques aux plantes pour leur épanouissement nous semble plus judicieusement respectueux. Les plantes s’expriment musicalement 99 Voir la nature sous un autre angle Nous savons que le son est un distributeur d’engrais naturel pour les plantes, qui favorise leur croissance. Bien évidemment, elles n’ont pas le sens de l’écoute. Pour cela, elles se focalisent sur les ondes musicales ainsi que les bruits blancs. Nous allons dévoiler l’une des méthodes prouvée scientifiquement, celle de la génodique, contraction de «génétique» et «mélodique». Joël Sternheimer, physicien et musicien français sous le nom d’Évariste, cherche depuis 1960, à déployer un lien entre la musique et la plante en se focalisant sur le fonctionnement des protéines. Diplômé de l’Université de Princeton aux États-Unis, il étudie ce phénomène pour trouver une harmonisation entre les ondes musicales et les protéines75 d’organismes vivants. En 2007, quinze ans après le dépôt de son brevet, il obtient la réussite sur ses études menées sur la «régulation épigénétique de la biosynthèse des protéines par résonance d’échelle». Dans la matière, ces ondes sonores provoquent chez le végétal l’ouverture de ses stomates plus longtemps ainsi et de façon plus amples, permettant un échange plus dense avec l’air et donc, favorisant sa croissance. Faisant ses preuves dans le développement des végétaux, ceci est d’abord pour censurer les pesticides et engrais chimiques tels l’arsénite de sodium utilisé encore dans certaines productions agricoles. Il démontre que les vignobles utilisent ce merveilleux système sonore pour lutter contre les maladies comme l’esca, une des plus anciennes maladies de la vigne. Aujourd’hui, 80 vignerons utilisent cette science qui est commercialisée par l’entreprise Genodics. Faire valser nos géraniums Pour se familiariser davantage au règne végétal, c’est l’artiste Peter Coffin qui installe une serre grandeur nature pour l’exposition «M, nouvelles du monde renversé» au Palais de Tokyo. Dans cette serre en polycarbonate, il installe une sono, amplis et micros ainsi que plusieurs instruments de musiques comme guitare, batterie, basse, synthétiseur, privilégiant les plantes de différents genres, à assister à un concert. Sous un éclairage de lampes halogènes reproduisant la photosynthèse, cette pièce Untitled (Greenhouse)(FIg. 51), montre un lieu de concert exclusivement conçu pour les plantes. La réalisation de l’artiste contemporain américain, dévoile alors des performances où s’installent des musiciens qui jouent en live dans la serre pour favoriser la croissance des végétaux. 100 75 CNRTL, [En ligne], protéine, Nom d’ensemble des composés organiques azotés, animaux et végétaux, qui donnent par dégradation hydrolytique soit des acides aminés (holoprotéines ou protéines simples), soit des acides aminés et des substances non azotées diverses : glucides, lipides, pigments, etc. VOIR LA NATURE SOUS UN AUTRE ANGLE Voir la nature sous un autre angle (Fig. 51) Peter Coffin, Untitled (Greenhouse), 2002 101 Voir la nature sous un autre angle Profitant de cette théorie, le musicien Jan-Grünfeld créé à son tour avec un titre parlant, de la musique pour plantes. Il décrit sur la page du label Headphonica: «les plantes poussent mieux avec ma musique!». Sous forme d’expérience sonore, les sons de Jan-Grünfeld ont été improvisés en live sur un balcon d’une villa à la frontière germano-polonaise à Bad Muskau. Muni d’une guitare électrique et d’une machine de bouclage, il enregistre des sons inattendus et non maîtrisés provenant de l’environnement autour de la villa. L’artiste laisse libre choix à ses écouteurs de télécharger gratuitement son album (fig. 52) pour diffuser ses compositions et ainsi, les partager avec le monde des plantes. (Fig. 52) Jan-grünfeld, Music for plants, 2015 102 76 Dorothy Retallack, The Sound of Music and Plants, États-Unis, devorss & company, 1973 Nous démontrons la théorie de Dorothy Retallack qui en 1973, expérimente des plantes au cours de ses études pour leur faire écouter de la musique. Dans son livre The Sound of Music and Plants76, elle dévoile toute une série de plusieurs expérimentations sur les plantes. En installant des radios dans différentes pièces, Dorothy Retallack constate que les plantes penchent leurs tiges sainement vers la sono avec un degré plus ou moins important selon le style de musique. Pourrions-nous échanger ce plaisir sonore avec les plantes? Communiquer avec les plantes via la musique est prouvé scientifiquement. La mise en place d’un échange entre Homme/Nature dévoile une création intéressante, regroupant notre sensibilité et celle des plantes tel un stimulus favorisant leur croissance. Voir la nature sous un autre angle Naissance d’une harmonisation Pour cette sous-partie, nous essayons de démontrer la naissance d’une harmonisation entre Homme/Nature. Le terme naissance peut être traduit comme le début de quelque chose, comme une création pour marquer une apparition. L’harmonisation quant à elle, dévoile le résultat d’une action pour arriver à mettre en équilibre, à coordonner, pour rendre quelque chose d’harmonieux. Chez l’artiste, l’harmonisation de ses couleurs par exemple, est une recherche jouant sur les contrastes et les tons, ainsi que sur les teintes. Après réflexions sur ses propres goûts, il arrive à trouver l’harmonie pour déployer son art et rendre son travail dans un parfait équilibre. Trouver l’harmonie entre Homme/Nature est signe d’un geste de compassion, de sensibilité. Comment arriver à donner cet équilibre? Nous devons mettre en place un dialogue qui invite l’humain à s’engager volontairement et sensiblement avec le monde des plantes. Nous avons découvert ensemble une multitude de techniques et de moyens d’actions pour essayer de créer cette mutualité. Nous voulons défendre notre travail, portant sur la notion que l’Homme, peu importe son éthique, prend l’ambition de communiquer avec un autre règne vivant. Par le biais d’un intérêt commun au végétal et à l’humain: la musique. Essayons donc de déployer un concept pour trouver l’harmonie d’un idéal. 103 104 Conclu. La nature nous montre bien un environnement paisible qui est une source pour développer notre imagination. L’Homme laisse une trace de dominance sur le végétal vu comme un sentiment de nécessité. Nous avons dévoilés progressivement les inspirations, les reproductions de sa propre esthétique, les préservations sur sa fragilité, qui dévoilent par moment des perceptions semblables à notre système d’évolution. Nous savons que la nature favorise l’ouverture des chemins pour l’imagination et la créativité. Il est temps que l’Homme doit comprendre les avantages qu’elle nous partage. Nous avons exposé l’utilité première du règne végétal qui sert encore aujourd’hui d’inspiration sous une forme d’appropriation. Nous avons vu que la nature, étant bien faite, dévoile une facilité pour optimiser ses besoins nutritionnels, son développement ainsi que son épanouissement. La plante assume son propre cycle de vie à sa convenance à l’aide d’un processus d’autotrophie. Désormais, cela doit avoir un plus grand impact sur les réflexions du designer pour développer une corrélation respectueuse et donc préserver un futur moins orgueilleux. Évitons d’engendrer la croissance d’un état végétatif en lui imposant une dominance. Laissons les pousser dans une perpétuelle évolution sous son art de rugosité. Comme nous l’avons démontré dans de nombreux courants artistiques, le monde des plantes est une esthétique commune où nul art ne peut rivaliser la perfection du système végétal, peu importe la manière de le représenter. Le monde des plantes est un arrangement de matériaux naturels selon des lois esthétiques, entremêlés au regard que porte l’artiste comme nous le décrit délibérément Roberto Burle Marx. Par la suite nous avons cherché une meilleure compréhension sur le règne végétal. Il peut être vu comme un objet entrant dans une dimension dominant/dominé, mais la nature n’a pas cessé d’évoluer vers une coopération et une adaptation tel le gravitropisme, contrairement à l’humain qui lui, entre en conflit dans ses propres activités. 105 Conclusion Basons-nous sur les thèmes du commensalisme, du mutualisme de l’éco-conception et de la symbiose qui sont les points de départ pour conceptualiser le nouveau. Des designers tentent de comprendre le comportement de la partie souterraine/aérienne des végétaux pour améliorer notre productivité, d’autres cherchent à réintroduire le vivant en zone urbaine en termes de vigilance pour notre santé. Cela force à croire que le monde des plantes dirige nos décisions pour nos prochains. Un élément qui nous dépasse. Entre la fragilité et la force, la tension et la tendresse, nous devons admirer ce règne pour trouver les conditions d’une coopération. Après cela, nous avons révélé l’usage respectueux du végétal pour arriver à cette coopération entre Homme et Nature. Nous avons des concepts qui dévoilent une compréhension d’un Être fragile comme l’exemple de l’édition un libro que se planta, ou la conception de la pochette ensemencée de Data Garden. Rendre à la nature ce qui lui appartient est un geste tout à fait compréhensible pour arriver à un équilibre. Nous avons donc fait le rapprochement entre le développement d’une plante et celui du son, et nous constatons que nous ne pouvons seulement en juger qu’au fil du temps. L’énergie invisible que nous avons avec les plantes s’entend grâce à la musique, pourquoi alors ne pas l’utiliser comme une faveur? La musique nous aide à développer une approche sensorielle. Servons nous en pour communiquer avec le monde des plantes. Le comportement des plantes peut servir dans le commencement d’un projet artistique pour parvenir à une évolution logique. Leur rapport pour leur convenance leur permet de trouver à la fois satisfaction et agrément dans leurs propres besoins. Le design signé Capsula mundi est un bon exemple pour comprendre l’échange où corps et arbre s’épanouissent. Elles sont confrontées à l’artifice à l’encontre d’un monde dans son ensemble, avec l’Homme capricieux qui lui, apporte ses transformations mettant en scène sa naïveté. Mêmes les mauvaises herbes peuvent avoir leur place dans l’art et changer la pensée des gens sur son monde délaissé, comme Frédérique Soulard le défend dans ses créations. Pour la sauvegarde de la nature, les designers cherchent des techniques ayant un impact sur l’écologie, comme par exemple la typographie Ryman Eco ou l’encre biologique du graphiste Ariel Martin Perez. C’est là que l’on doit observer l’optimisation de la nature et se questionner sur de nouvelles manières de production du design pour adapter des besoins homogènes. Le créateur doit s’intéresser au langage botanique pour découvrir les couleurs, les transparences, les densités, les textures, les réactions à la lumière mais aussi au son, pour comprendre dans l’ensemble le règne végétal. 106 Conclusion Être à l’écoute d’une harmonisation par le biais de la musique nous semble adéquat. Il faut d’ores et déjà développer un design jouant sur la patience et la collaboration harmonieuse avec le végétal, ce qui montre une compréhension avec celui-ci sans lui porter préjudice. Nous devons trouver l’envie d’être attirés vers ce qui se ressemble, et non ce qui se sépare, pour arriver à une éco-spiritualité. Il faut faire attention à ne pas oublier le processus de développement du végétal dans la création comme avec la biotechnologie. Il faut se concentrer sur une réelle valeur pour le respect de la nature évitant l’idéologie de domination de celle-ci. Nous devons peut-être revoir et repenser à nos futures créations pour éviter de se dénaturer de plus en plus, en cherchant un bonheur qui est devenu un droit et un devoir sacré. Regardons tout simplement le système arithmétique que produit une plante, reproduisant automatiquement la suite de Fibonacci, cela devrait suffire pour comprendre l’importance de ce règne vivant. Ezio Manzini demande de concevoir des objets qui durent et qui aient une vie bien à eux et qui doivent être appréciés pour ce qu’ils sont, autant que pour ce qu’ils font, réclament des soins tel le principe d’un arbre. Donnez nos capacités artistiques aux plantes pour leur épanouissement nous semble plus judicieusement respectueux. Imaginons récupérer les découpes de déforestation pour retranscrire la croissance des plantes sous une forme sonore, qui permettrait par la suite de faire pousser des végétaux grâce aux mélodies de leurs confrères. Ce qui nous intéresse, c’est d’arriver à transmettre un message éducatif pour diffuser la fragilité d’une plante sous une émanation sonore. Ne laissant pas de lésions sur l’organisme végétal, c’est avec compréhension que nous déployons notre art pour donner naissance à un nouveau langage. Sous un registre sensoriel, l’Homme pourra communiquer avec un règne vivant différent du siens par le biais d’un intérêt commun: la musique. C’est à notre tour de chercher une esthétique sonore pour faire valser nos géraniums (Pélargonium). 107 © Martial Prudhomme, Néflier du Papi, 2015 108 Anecdote Anecdote sur le son et les plantes77 _____ 77 music for your plants, [En ligne], Anecdote relevé sur le site www.musicforyourplants.com Je me rappelle bien dans ma jeunesse (il y a donc plus de 33 ans, avant la mode écolo actuelle), un copain musicien guitariste nommé Martial, botaniste parisien d’origine, installé dans le Lot à Gourdon pour un retour à la terre, et qui allait tous les soirs jouer des morceaux de musique à ses plantes... Il allait vendre ses légumes sur le marché, et les paysans du coin n’en revenaient pas de voir la grosseur et la beauté de ses légumes, lui demandant à chaque fois: «Putaing eh cong!, qu’est-ce que vous donnez donc à vos légumes pour qu’ils soient aussi gros?» Martial souriait avec sa clope au bec, et leur répondait narquois: «Oh, pas d’engrais, rien que de l’amour, et je leur chante des chansons, vous devriez essayer...» Pas revu Martial depuis cette époque chérie...puisque parti sur Paris 20 ans... Bien cordialement, Alain 109 Bibliographie Ouvrages / Jean Marie Pelt, L’âme de la nature, Paris, Genèse, 2015 / Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse, Paris, actes sud, 2015 / Gwenaëlle Bertrand et Maxime Favard, Poïétiques du design, éco-conception, Paris, l’Harmattan, Recueil d’articles, 2015, / Michel Maxime Egger, La Terre comme soi-même, repères pour une écospiritualité, Genève, labor et fides 2013 / Thierry de Beaumont, Design végétal / Patrick Nadeau, Paris, Alternatives, 2012 / Ezio Manzini, Artefacts, vers une nouvelle écologie de l’environnement artificiel, Paris, éditions du Centre G. Pompidou, essais, 1991 / Marc Jimenez, Qu’est ce que l’esthétique?, Paris, Gallimard, folio essais, 1997 / Gérard Chazal, Les lumières et l’idée de la nature, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, ouvrage, 2011 / Ernst-Michael Kranic, le Règne végétal et la plante primordiale de Goethe, Paris, Triades, 2010 / Jules Verne, Les enfants du capitaine Grant, t.2, Hachette, Vanves, 1972 / Roberto Burle Marx, La Modernité du paysage, Bâle, Suisse, Birkhäuser Catalogue, 2011 PDF / Owen Jones, Grammaire de l’ornement, 1865 / Samuel Boissière, Dynamique de la Phyllotaxie, 2003 110 Bibliographie Entretien Émilie-Laura Accipe Poème / Victor Hugo, Parfois, je me sens pris d’horreur, recueil: l’art d’être grand père, 1877 Musique / Édith Piaf, Tout fout l’camp, composée par Raymond Asso, 1937 / Piers Faccini, soundcloud.com/piers-faccini / Boule, soundcloud.com/martial-prudhomme/test1 / The Vegetable Orchestra, soundcloud.com/the-vegetable-orchestra / Jan-Grünfeld, headphonica.com/jan-gruenfeld-music-for-plants/ Vidéo / Loren Carpenter, Vol Libre source: https://vimeo.com/5810737 / Jean-Marie Pelt et Jean-Pierre Cuny, L’Aventure des Plantes, 1986 source: https://www.youtube.com/watch?v=CZusHosY6as / Fractales, à la recherche de la dimension cachée source: https://www.youtube.com/watch?v=Tpsu2uz9rCE 111 Annexes Loren Carpenter, Vol libre (p. 26) source: https://vimeo.com/5810737 112 Annexes Vegetal-atmosphere, Dragon à deux têtes, 2015 (p. 35) source: http://www.vegetal-atmosphere.fr/fr/element/286 113 Annexes greenfortune, Plantwall and Plantwire, Göteborg Energi, Gothenburg, Sweden (p. 36) source: http://www.greenfortune.com/plantwall.php 114 Annexes Schéma technique d’un mur végétal (p.37) source: http://www.plantdesign.be/fr/wp-content/uploads/2013/01/Schema-technique.jpg 115 Annexes Le corbusier, Modulor, unité de mesure architecturale inventée, 1945 (p. 49) source: http://www.neermanfernand.com/images/corbu.jpg 116 Annexes Mairie de Paris, Concours photographique, dons de graines (p. 64) Mairie de Paris, Permis de végétalisation (p. 64) 117 Tables des illustrations PARTIE 1 PAGE 16 (Fig.1) exemple jardins à la française, André le Notre, Vaux le compte, Maincy en France source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/0e/Kasteel_van_Vaux-le-Vicomte_-_Maincy_06.jpg (Fig.2) exemple jardins à l’anglaise, Henry Hoare II, stourhead garden, Wiltshire en Angleterre source : http://www.plume-escampette.com/wp-content/uploads/2014/06/1280pxStourhead_Bridge3.jpg PAGE 17 (Fig.3) Maurice Quentin de La Tour, portrait de Madame de Pompadour, 1749-1755, pastel, 1,77 x 1,36 m, Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques source : http://www.panoramadelart.com/sites/default/files/F123-a-la-tour-pompadour.jpg PAGE 20 (Fig.4) Modèles de Makhila Basque source : http://www.alberdimakila.com/images/makila-fr1.jpg (Fig.5) Zoom sur l’outil pour incisée l’écore du Néflier source : http://www.makhila.com/makhila/img/pointille_1.jpg (Fig.6) séchage des bâtons source : http://www.makhila.com/makhila/img/Bois_colores.jpg (Fig.7) Zoom sur le haut du Makhila basque où est caché la dague source : http://bluemars.org/buzzin/event-images/makhila8.jpg PAGE 22 (Fig. 15) © Martial Prudhomme, croquis saule pleureur (Salix babylonica) PAGE 23 (Fig. 16) © Martial Prudhomme, croquis Bouleau (Betula) (Fig. 17) © Martial Prudhomme, croquis l’olivier (Olea europaea) (Fig. 18) Pablo Picasso - Dove of Peace source : http://www.leninimports.com/pablo_picasso_dove_peace_print_14a.jpg (Fig. 19) John Collins, Alias Colombe de la paix, encre, The Gazette, 1940 source : http://www.musee-mccord.qc.ca/largeimages/M965.199.1856.jpg 118 Tables des illustrations PAGE 26 (Fig. 20) inflorescence du chou de romanesco source : http://i.imgur.com/NLi0aAt.jpg (Fig. 21) Hokusai, La Grande Vague de Kanagawa, 1830-1831, estampe, 25,7 × 37,91 cm, New York, Metropolitan Museum of Art, source : https://grandegaijin.files.wordpress.com/2014/01/the_great_wave_off_kanagawa.jpg PAGE 27 (Fig.8) Monika Bolechová, Příběh buku, couverture mémoire, Faculté des Arts et du Design, 2014,-Université de Jan Evangelista à Ústí nad Labem, République tchèque source : http://graduationprojects.eu/assets/editions/2014/Bolechova_Monika/file_1.jpg (Fig.9) Monika Bolechová, Příběh buku, photo mémoire, Faculté des Arts et du Design, 2014,-Université de Jan Evangelista à Ústí nad Labem, République tchèque source : http://graduationprojects.eu/assets/editions/2014/Bolechova_Monika/file_7.jpg (Fig.10) Giuseppe Penone, Continuerà a crescere tranne che in quel punto, Alpe maritime, 1968 source : https://micheledantini.files.wordpress.com/2013/04/utf-8bz2l1c2vwcgugcgvub25llcbjb250aw51zxldoc1hlwnyzxnjzxjllxryyw4-utf-8bbmuty2hllwlulxf1zwwtchvudg8slte5njhfmjawmybjb3bpysaylmpwzw.jpg PAGE 28 (Fig.11 et 12) Tim Knowles, Tree drawing, traces des dessins d’arbres source : http://www.timknowles.co.uk/Portals/9/Waterwalks/HGtrackDrawingV2MR2.jpg source : http://culturayocio.diariodeavisos.com/wp-content/uploads/2012/08/Tim-Knowles-dibujo.jpg PAGE 29 (Fig.13) Tim Knowles, Tree drawing, Zoom stylo/toile source: http://www.timknowles.co.uk/Portals/9/Tree%20Drawings/TDDragonSpruceLR.jpg (Fig. 14) Tim Knowles, Tree drawing, Mise en situation source : http://www.timknowles.co.uk/Portals/9/[email protected] PAGE 30 (Fig. 22) Miroir de Claude le Lorrain, Victoria and Albert Museum, Londres. source : http://www.vam.ac.uk/__data/assets/image/0006/235833/P.18-1972_1000px.jpg PAGE 34 (Fig. 23) Roberto Burle Marx, Palais Gustavo Capanema (Ministère de l’Education et de la construction de la Santé) Rio de Janeiro, Brésil source : http://graphics8.nytimes.com/images/2009/01/21/arts/burle2.jpg 119 Tables des illustrations (Fig. 24) Roberto Burle Marx , Plan détaillé et perspective de la plscine avec des sculptures, Projet réalisé pour Rosa, Luxemburg Platz, Berlin en Allemagne, 1993 source : http://41.media.tumblr.com/tumblr_lvibxhZL4p1qe0nlvo1_1280.jpg PAGE 37 (Fig. 25) Patrick Blanc, mur végétal. Avignon, les halles, création en 2005 Source : http://media.murvegetalpatrickblanc.com/sites/default/files/styles/slideshow/public/ medias/image/7-4-201011-43-40808.jpg?itok=0wF8tc1q PAGE 41 (Fig. 26) Carole Collet, Biolace - Strawberry Noir , 2010-2012 source: http://www.itfashion.com/wp-content/uploads/2015/06/tejido-futuro-encaje.jpg PAGE 42 (Fig. 27) Parrot Flower Power, objet mise en situation source : http://www.decotendency.com/wp-content/uploads/2013/10/pourquoi_1.jpg (Fig. 28) Disney Research, Botanicus Interacticus, installation au SIGGRAPH 2012, Source: https://i.ytimg.com/vi/17QOyr2d5-I/maxresdefault.jpg vimeo thegreeneyl : https://vimeo.com/47524838 (Fig. 29) Bardane (Arctium), Zoom sur les crochets, inspiration du Velcro source : http://www.lestaxinomes.org/IMG/jpg/grande_bardane_-_sous_reserve.jpg PARTIE 2 PAGE 46 (Fig. 30) Giuseppe Penone, Cedro di Versailles, (Cèdre de Versailles) 2000-2003 source : http://imgur.com/gallery/tUyGc PAGE 47 - 48 (Fig. 31) Bryan Nash Gill, Woodcut, pigment prints source : http://www.bryannashgill.com/woodcuts/ PAGE 55 (Fig. 32) studio de design Ayaskan, Growth source : http://weekiz.fr/wp-content/uploads/2015/07/responsive-pot-fleur.jpg PAGE 56 - 57 (Fig. 33) Tim van de Weerd, Monstera & Carnivora source : http://timvandeweerd.nl/wp-content/uploads/2015/01/monstera-magnifica.jpg http://timvandeweerd.nl/wp-content/uploads/2015/01/carnivora-three-on-a-row1.jpg PAGE 61 (Fig. 34) Julie Ferrieux, Anticrise, projet étudiant, Intuit-lab, Aix-en-Provence 120 Tables des illustrations source :https://www.behance.net/gallery/24971361/Anticrise-Jardin-intrieur PAGE 63 (Fig. 35) Frédérique Soulard, Belles de Bitume, Nantes Source: https://www.facebook.com/Belles-de-bitume-626650114108673/ PAGE 66 (Fig. 36) Alice kim, plant pregnancy, projet étudiant source : https://vimeo.com/70051967 PAGE 67 (Fig. 37) Susanna Bauer, Part of Each Other magnolia leaves 41.1 W x 42 H cm | Moon ll, magnolia leaf, cotton yarn, 29 H x 21 W cm, Leaves 2D source : http://www.susannabauer.com/leaves-2d/ PAGE 71 (Fig. 38) projet étudiant, Runp, Tallinn, Estonie source http://www.tonutunnel.com/ruup/ PAGE 72 (Fig. 39) Studio Boskke, sky Planter source: http://www.design-3000.com/out/pictures/master/product/1/sky_Planter_Small_1.jpg source: https://www.touchofmodern.com/sales/boskke--2/boskke-sky-planter-clear PARTIE 3 PAGE 77 (Fig. 40) Gavin Munro, full grown source: http://fullgrown.co.uk/ PAGE 78 (Fig. 41) Richarch Hogg, Be considerate, “B” source: http://www.rymaneco.co.uk/poster-b.html (Fig. 42) Marcus Walters, Where there’s a will, “W” source: http://www.rymaneco.co.uk/poster-w.html PAGE 80 - 81 (Fig. 43) Ariel Martin Perez physarum type, 2013 source: http://www.arielgraphisme.com/ PAGE 88 (Fig. 44) FCB buenos aires advertising agency, un libro que se planta, pequeno editor source: http://pequenoeditor.com/gestion-cultural/171-un-libro-que-se-planta.html 121 Tables des illustrations PAGE 89 - 90 (Fig. 45) Anna Citelli & Raoul Bretzel - Capsula mundi source: http://www.capsulamundi.it/en/ PAGE 93 (Fig. 46) Scenocosme, Akousmaflore source: http://www.scenocosme.com/akousmaflore.htm PAGE 94 (Fig. 47) Jean Thoby, Music of the Plants - boîtier source : https://www.pepiniere-botanique.com/jardins/musique-des-plantes/boitier-capteurmusique-des-plantes.html PAGE 95 (Fig. 48) Data Garden, Quartet, pochette d’album ensemencé source: http://datagarden.org/6422/quartet/ PAGE 96 - 97 (Fig. 49) Bartholomäus Traubeck, Years, 2011 source: http://traubeck.com/years/ (Fig. 50) Bartholomäus Traubeck, Years, pochette vinyl source: https://traubeck.bandcamp.com/album/years PAGE 101 (Fig. 51) Peter Coffin, Untitled (Greenhouse), 2002 source: http://petercoffinstudio.com/greenhouse-music-for-plants/ PAGE 102 (Fig. 52) Jan-grünfeld, Music for plants, 2015 source: http://headphonica.com/jan-gruenfeld-music-for-plants/ 122 Typographies: / Adobe Caslon Pro / Open sans / Ryman Eco Papiers: / Couverture ensemencée : 250g / Papier blanc recyclé : 80g / Intercalaire ensemencé: 100g Imprimeurs: / In-pressco - Chambéry / Scriptlaser - Paris