Le Gnomonist
Le Gnomoniste
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Volume XVI numéro 1, mars 2009
choisis, de façon à illustrer ma propre démarche dans ma
découverte et mon approfondissement de l’art des cadrans.
Mais, dans ces deux cas pré-cités, je tâcherai de voir des
liens avec la gnomonique, et avec d’autres exemples québé-
cois d’utilisation de ces mêmes objets.
Une dernière information sur le contexte de ces souvenirs.
Ma formation générale et préuniversitaire était centrée sur
l’étude de langues modernes et anciennes, et sur une hon-
nête manipulation des mathématiques, et des sciences physi-
ques et expérimentales. Pourtant, malgré mon intérêt mani-
festé auprès de mes enseignants, je suis resté un autodidacte
en biologie et en astronomie. J’ai souvent cru que l’énoncé
du curriculum du baccalauréat ès arts n’avait pas retenu plu-
sieurs cours structurés sur ces disciplines, pour des raisons
idéologiques et par souci d’orthodoxie philosophique. J’ai
dû par mes travaux universitaires, mes lectures et mes parti-
cipations à des congrès et conférences scientifiques pallier
les lacunes d’information que j’estimais nécessaire pour
comprendre le monde dans lequel je vivais.
Enfin, l’étude d’Aristote (Phys. III) m’interpella, car j’appris
encore qu’Anaximandre pouvait, grâce à son cadran solaire,
déterminer les points cardinaux, le midi vrai, l’époque des
solstices, et de manière indirecte les équinoxes, l’obliquité
de l’écliptique et la hauteur du pôle au lieu. Quelle révéla-
tion! Ce fut ma première initiation à l’astronomie. Mais je
demeurai convaincu que je saurais exploiter ces informa-
tions un jour ou l’autre; mais j’ignorais que ce serait quelque
vingt-deux ans plus tard, lors de l’achat d’un télescope à
mon fils de 9 ans, et à la suite de nos conversations à l’occa-
sion de l’observation de la Lune ou des Perséides.
Essentiellement, il s’agit d’une façon de relier mon passé
aux questions identitaires de mon milieu familial, social et
politique. Mes deux exemples (Newton et Darwin) me servi-
ront de catalyseurs pour démontrer la nature intrinsèque
d’une commémoration, en tant que phénomène social et po-
litique profondément ancré dans le milieu d'où elle est issue.
Et enfin pour montrer qu’elle est l'une des manifestations de
la mémoire en proposant une lecture du passé et en l’asso-
ciant au processus patrimonial.
Ainsi, à l’occasion de l’année 2009, pourquoi vouloir parti-
ciper à la commémoration de deux anciens savants et à par-
tir d’anecdotes pour évoquer mes souvenirs? Pourquoi célé-
brer seulement l’année mondiale de l’astronomie? Pourquoi
ne pas aussi fêter celle de la théorie de l’évolution?
1. Isaac Newton et son télescope à miroir
Souvenons-nous de l’arrivée des hommes sur la Lune, en
juillet 1969. "That's one small step for a man, one giant leap
for mankind", disait Neil Armstrong (le premier à marcher
sur la Lune). Je vivais déjà une expérience d’enseignement
en Afrique de l’Est. Le jour de l’arrivée des Américains sur
la Lune, je discutais d’un problème de mathématiques mo-
dernes avec mes élèves d’ Éthiopie.
J’avais alors vingt-sept ans; et ils en avaient 10 ou 12 ans de
moins que moi. Les images de la Lune à la télévision
étaient-elles réelles? Certainement pas pour eux!
Surtout, ils contestaient cette information au nom de leurs
préceptes religieux qui enseignaient, à partir de la Bible, que
la terre n’était pas ronde, et à partir de leur langue mater-
nelle, qui ne possède pas de forme de futur dans sa structure
linguistique. Je ne crois pas avoir réussi à leur transmettre
autre chose que mon goût de l’aventure et mon enthou-
siasme pour le savoir, la langue anglaise et les mathémati-
ques… En campant sous la tente dans la savane, cet été
1969, je me souviens avoir utilisé mes lunettes d’approche
en direction de la Lune, pour voir si les Américains n’a-
vaient pas laissé des traces de leur séjour (car je n’avais pas
de télescope en ma possession)!
Trouvez-moi donc un savant plus anglais qu’Isaac Newton.
Même la monnaie anglaise a émis un billet de ONE POUND
à son effigie, montrant le savant avec des livres et son
télescope! « Ayant eu accès aux premiers ouvrages d'inspi-
ration scientifique pour la jeunesse, Isaac Newton étonnait
le personnel de la ferme familiale en fabriquant cadrans
solaires, horloges à eau et cerfs-volants à pétards. Il est
clair que le futur génie de la mécanique a puisé dans ces
livres une partie de son inspiration » témoignage de Nicolas
Witkowski La Recherche n°330 | 01/04/2000
André E. Bouchard
Fig. 3
Fig. 4
Fig. 5