Infections nosocomiales : Le Conseil Constitutionnel

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Infections nosocomiales : Le Conseil Constitutionnel déclare le régime
de responsabilité conforme à la Constitution
Le 6 janvier dernier, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 1ère 6 janvier 2016, n° 1516.894, publié au bulletin) a transmis aux Juges de la rue Montpensier une question prioritaire de
constitutionnalité (QPC) relative au régime de responsabilité tel que l’article L.1142-1, I, du Code de
la santé publique le prévoit. Il devait se prononcer sur le régime de responsabilité applicable aux
médecins libéraux en présence d’une infection nosocomiale. C’est désormais chose faite par sa
décision du 1er avril 2016.
Rappelons qu’en cas d’infection nosocomiale, la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits
des malades et à la qualité du système de santé, modifiée par la loi n° 2002-1577 du 30 décembre
2002, a institué un régime d’indemnisation qui distingue la situation du médecin libéral (exerçant en
cabinet privé ou en clinique), de celle des établissements de santé privés ou publics.
S’agissant des établissements de santé, la loi du 4 mars 2002 consacre une responsabilité sans faute,
avec la cause étrangère comme seul moyen exonératoire.
Le médecin qui exerce à titre libéral est quant à lui, personnellement responsable des fautes
commises entraînant des dommages au patient. La loi du 4 mars 2002 a prévu que celui-ci ne voit sa
responsabilité engagée qu’en cas de faute prouvée. Dans ce cas, l’indemnisation sera réalisée par
son assureur de responsabilité, soit par voie amiable, sur demande directe de la victime ou par le
biais de la CCI, soit par voie judiciaire si la victime le souhaite. C’est le cas lorsqu’il exerce en cabinet
libéral ou en exercice libéral dans une clinique.
L’ONIAM, en vertu de l’article L.1142-1-1 du Code de la santé publique, indemnisera les victimes
décédées ou dont le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique est supérieur à
25 %.
Cette différence de régime traduit la volonté du législateur de restreindre le risque indemnitaire qui
pèse sur les professionnels de santé exerçant à titre libéral. Une telle distinction permet d’éviter une
augmentation de leurs primes d’assurances, et par conséquent de protéger l’exercice de la médecine
libérale, aux côtés des établissements de santé.
C’est sur cette différence de traitement que la Cour de cassation a invité le Conseil Constitutionnel à
se prononcer.
I)
La question prioritaire de constitutionnalité : la conformité de
l’article L.1142-1 du Code de la santé publique à la Constitution
En l’espèce, le patient avait contracté une infection nosocomiale à l’occasion d’un acte pratiqué par
un radiologue qui exerçait son activité à titre libéral. Le patient, dont l’expertise avait confirmé
l’existence d’une infection nosocomiale, a assigné le radiologue, le centre de radiologie et l’assureur
de ce centre en réparation du préjudice subi.
Le Tribunal de Grande Instance de Pau retient la responsabilité du radiologue. Par la suite, la Cour
d’appel de Pau met ce dernier hors de cause et déclare le centre de radiologie responsable. Un
pourvoi est formé contre cet arrêt par le radiologue, le centre de radiologie et l’assureur du centre.
A l’occasion d’un pourvoi incident formé par le patient, celui-ci demande à la Cour de cassation de
renvoyer au Conseil Constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à « la
conformité de l’article L. 1142-1, I, alinéa 1er et alinéa 2 du code de la santé publique au principe
d’égalité des citoyens devant la loi garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789 ».
Cette question a été jugée suffisamment sérieuse par la Cour de cassation pour être transmise au
Conseil Constitutionnel.
II)
Le 1er avril 2016, Le Conseil Constitutionnel a confirmé le régime de
responsabilité en matière d’infections nosocomiales.
Dans sa décision du 1er avril 20161, le Conseil constitutionnel a affirmé, contrairement à
l'argumentation du requérant, que cette différence de traitement ne méconnaissait pas le principe
d'égalité.
Il retient notamment que les actes de prévention, de diagnostic ou de soins pratiqués dans un
établissement, service ou organisme de santé se caractérisent par une prévalence des infections
nosocomiales supérieure à celle constatée chez les professionnels de santé, tant en raison des
caractéristiques des patients accueillis et de la durée de leur séjour qu'en raison de la nature des
actes pratiqués et de la spécificité des agents pathogènes de ces infections. La différence de
traitement dans les conditions d'engagement de la responsabilité issue des dispositions contestées
repose ainsi sur une différence de situation.
Le Conseil constitutionnel a en conséquence déclaré le deuxième alinéa de l'article L. 1142-1 du code
de la santé publique conforme à la Constitution.
« Considérant que les actes de prévention, de diagnostic ou de soins pratiqués dans un établissement,
service ou organisme de santé se caractérisent par une prévalence des infections nosocomiales
supérieure à celle constatée chez les professionnels de santé exerçant en ville, tant en raison des
caractéristiques des patients accueillis et de la durée de leur séjour qu'en raison de la nature des actes
pratiqués et de la spécificité des agents pathogènes de ces infections ; qu'au surplus, les
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Décision n° 2016-531 QPC du 1 avril 2016
établissements, services et organismes de santé sont tenus, en vertu des articles L. 6111-2 et suivants
du code de la santé publique, de mettre en œuvre une politique d'amélioration de la qualité et de la
sécurité des soins et d'organiser la lutte contre les évènements indésirables, les infections associées
aux soins et l'iatrogénie ; qu'ainsi, le législateur a entendu prendre en compte les conditions dans
lesquelles les actes de prévention, de diagnostic ou de soins sont pratiqués dans les établissements,
services et organismes de santé et la spécificité des risques en milieu hospitalier ; que la différence de
traitement qui découle des conditions d'engagement de la responsabilité pour les dommages
résultant d'infections nosocomiales repose sur une différence de situation ; qu'elle est en rapport avec
l'objet de la loi ; qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 6 de
la Déclaration de 1789 doit être écarté ».
Pour plus de précisions sur les infections nosocomiales, se référer à la brochure de la COREME :
« LES INFECTIONS NOSOCOMIALES : Aspects médico-juridiques », 4ème édition, 2014
Disponible sur le site de l’AREDOC : www.aredoc.com
Vous trouverez le dossier du Conseil Constitutionnel sur le sujet en cliquant sur le lien suivant :
www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2016/2016531qpc.htm
Les membres de la COREME :
• Michel GERMOND (Président)
• Elodie ARNONE
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SHAM
LA MEDICALE DE FRANCE
GEMA
AXA
ALLIANZ
MMA
FFSA
SHAM
MAIF
MACSF
MATMUT
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