Blois 2015 - La décolonisation en Afrique noire

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Blois 2015 - La décolonisation en Afrique noire
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Marc Michel
Blois 2015 - La décolonisation en Afrique noire
par Marc Michel
Mise en ligne : lundi 12 octobre 2015
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Vaste sujet ! Il concerne 53 pays sur les 56 existants sur le continent africain à la fin du siècle
dernier. Tous ont été des possessions coloniales de l’Europe, ce qui a fait de l’Afrique le continent
le plus colonisé du monde… Si l’on limite l’analyse aux 38 pays appartenant à ce qu’il est convenu
d’appeler de l’expression impropre d’Afrique « noire » (Madagascar exclue), leur décolonisation fut
un phénomène encore plus frappants par son ampleur et sa rapidité. Du moins en apparence…En
tout cas, il fallait faire face à un triple défi.
Premier défi. L’entreprise est d’autant plus ambitieuse que les programmes d’enseignement
ne consacrent que quelques heures dans toute une scolarité à la colonisation et à la
décolonisation dans le monde. Un premier défi est donc représenté par la difficulté à rendre
compte d’un phénomène qu’on croit connaître à travers quelques exemples en Afrique
« francophone » en négligeant les « autres Afriques », les pays d’expression anglaise ou
portugaise…
Second défi : il réside dans les ambiguïtés du vocabulaire. Le mot « décolonisation » lui-même
aurait été inventé en anglais dans les années 1930 ; mais il n’est apparu dans la langue
française que dans les années 1950 et il n’est entré dans les dictionnaires anglais et français
que dans les années 1970. Son corollaire, « indépendance », a donné lieu à d’interminables
débats. Il existe, néanmoins, quelques éléments de consensus. Pour les colonisés, il devait
être synonyme de « libération » (Uhuru en swahili, Dipanda décalque inversé de dépendance
en lingala), concept flou et fan tasmé ; mais, du point de vue juridique de droit international,
il implique la reconnaissance d’une souveraineté internationale et le transfert des pouvoirs
d’Etat aux nouvelles autorités nées de cette décolonisation.
Troisième défi : éviter l’anachronisme car il s’agit d’une histoire lue « après coup ». On a
souvent l’illusion d’un mouvement irrésistible, inscrit dans le « sens de l’Histoire », n’en
représentant qu’un court « moment » dans les es années 60… presque comme si la
colonisation n’en avait été qu’une parenthèse et la décolonisation le bref épisode terminal
dans la longue histoire de l’Afrique. Effectivement, 52 pays sur 53 ! ont acquis leur
indépendance après 1945, la majorité en une seule décennie1956-1966. Mais, en réalité, la
décolonisation du continent s’est étalée sur un demi-siècle, au moins jusqu’aux années 1990,
et est loin d’avoir été « un long fleuve tranquille ».
Au total, analyser ce passé sans le simplifier à outrance est le défi majeur. Même s’il y a bien eu
un mouvement général de libération, la décolonisation, au sens classique qu’on lui a donné, n’a
pas revêtu partout les mêmes caractères et le même rythme. Elle a été marquée par des décalages
et des contrastes considérables. Comment en rendre compte ? Comment les expliquer ?
Pour faire comprendre cette diversité, je tenterai d’abord, d’établir une sorte de typologie des
décolonisations en Afrique selon deux indicateurs : le caractère plus ou moins intégrateur, - ou
assimilationniste- des colonisations elles-mêmes et celui des modalités plus ou moins radicales des
processus de décolonisations eux-mêmes. Mais, évidemment, on ne saurait passer sous silence au
moins les suites immédiates. A partir de ces éléments, je m’efforcerai de proposer une construction
raisonnée de ce grand mouvement qui a changé le destin de l’Afrique « noire ».
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I. Essai de typologie
l’Afrique. 1945-1989
La carte des décolonisations de
1. selon les colonisations elles-mêmes.
À cet égard, colonisation et décolonisation sont deux faces inséparables d’une même histoire ;
plusieurs « modèles » ou plutôt « modalités » de colonisation peuvent être distingués, intégrant plus
ou moins les colonies à la métropole et donc plus ou moins disposés à permettre des processus de
décolonisation.
1er cas, la colonisation « à l’anglaise » : en séparant l’exercice de la citoyenneté sur le territoire
métropolitain et dans les colonies, la colonisation britannique a sûrement représenté le moins
« intégrateur » des modèles. Cela a eu pour conséquence que depuis très longtemps, les colonies
britanniques possédèrent leurs propres institutions représentatives et exécutives dans lesquelles
furent progressivement admis des représentants des populations locales. On a vu dans ce
processus tantôt le reflet de l’expérience américaine et d’un pragmatisme de principe, tantôt la
manifestation d’une tactique de retardement d’une évolution inévitable vers une autonomie de
plus en plus grande. Quoiqu’il en soit, elle s’opposait à la colonisation « intégrationniste » affirmé
par exemple par la France à la fameuse Conférence de Brazzaville en 1944 qui, elle, écartait toute
idée d’autonomie et de self-determination.
À contrario, la France, la Belgique et le Portugal fournissent des exemples paradoxaux et
contradictoires du modèle « intégrateur ». En effet, le « système » colonial français a eu pour
caractéristiques une extrême concentration du pouvoir administratif sous une forme pyramidale
(territoires, fédérations, métropole), mais aussi un projet d’assimilation politique. En réalité, la
France n’a jamais surmonté la contradiction originelle entre citoyens et sujets (« sujets » comme on
disait sous l’Ancien Régime des « sujets du souverain »), intégration/assimilation. Après 1945, elle a
même renforcé ses liens avec l’outre-mer par la proclamation d’une Union française fort
idéologique dans ses principes et, concrètement, une série de réformes politiques (droit de vote, en
particulier) et sociales (droit du travail), d’esprit assimilateur à une époque où l’assimilation était
mise en question. Compte tenu de l’hétérogénéité des territoires qui la composait, l’Union
française fut une construction contradictoire et boiteuse. Tandis que certaines parties de l’exCopyright © Les Clionautes
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Empire, comme les « Vieilles colonies », achevèrent leur évolution vers l’assimilation totale par la
citoyenneté et le statut départemental, les autres divergèrent plus ou moins vite de ce modèle. La
réalité est que la République française (du moins sa classe politique) a cherché une formule qu’elle
n’a jamais pu bien définir, ni a fortiori réaliser.
Troisième cas : la colonisation belge. La Belgique, métropole, n’a certes pas assimilé le Congo (80
fois la Belgique !). Même si le Congo a été proclamé « dixième province de la Belgique », partie
intégrante du royaume belge depuis sa dévolution à la Belgique en 1908, il est resté une simple
colonie de domination et d’exploitation. Ses institutions publiques fondamentales, son système
administratif, le droit des personnes etc…, ne n’évoluèrent guère jusqu’à la décolonisation. Le seul
changement notable concerna certains évolués de la « population civilisée » (une douzaine de
milliers dans les années 1950), à qui fut concédé après bien des hésitations une carte du « mérite
civique », et/ou par immatriculation, un statut de droit civil européen. Presque à la veille de
l’indépendance, la colonisation belge reste profondément enracinée dans la différenciation raciale
et paternaliste sur le plan social ; en 1955, le colonisateur n’envisage que la création d’une
« communauté belgo-congolaise », « au moment où les évolués, las d’espérer en vain leur
assimilation, commençaient à rêver d’un autre avenir ».
Quatrième cas, le Portugal. Si les régimes constitutionnels et les modes de gouvernement
avaient été comparables, on aurait pu établir un parallèle avec le Portugal. Mais les principes en
étaient évidemment opposés. Après la guerre, le Portugal, placé sous la dictature salazariste depuis
1926, renforça aussi ses liens avec ses colonies. En 1951, celles-ci sont transformées en Provinces
d’Outre-mer de l’Estado Novo ; le régime prétend ainsi avoir assimilé ses territoires d’outre-mer et
leurs ressortissants dans un même ensemble. Il s’appuie sur une idéologie en principe multiraciale,
le luso-tropicalisme, dont le grand intellectuel brésilien Gilberto Freyre se fait alors le chantre. En
réalité, l’esprit en est conservateur ; il maintient la distinction entre civilizados et assmilados d’un
côté et indigenas de l’autre qui continuent à représenter 99% des habitants de l’Angola, par
exemple et vise d’abord à justifier une émigration portugaise vers ces « Provinces », surtout en
Angola. Là aussi, comme au Congo, l’idéologie assimilatrice est déjà dépassée par les nouvelles
élites. Surtout, elle s’identifie à un régime qui est en bout de course avant même le départ du
pouvoir de Salazar en 1968. Comme l’a observé une spécialiste, « c’est une des caractéristiques des
mouvements nationalistes des colonies portugaises que d’être nés en partie de l’opposition à la
dictature ».
D’autres freins tenant moins à l’idéologie qu’à à la nature des colonisations ont pu jouer également
contre l’émancipation des colonisés. Le principal a été l’existence de minorités coloniales dans les
zones d’Afrique subsaharienne les moins inhospitalières au peuplement blanc : Kenya, Rhodésie
du Sud, certaines parties des colonies portugaises et aussi dans certaines régions de l’Afrique
tropicale comme le Kivu au Congo… Il ne faudrait pas toutefois en exagérer l’importance en
Afrique tropicale car les blancs y ont toujours été des « oiseaux de passage » .
Au Kenya, le colonat des « White Highlands » était peu nombreux, 2200 « fermiers » (farmers),
véritables colons (settlers), sur la dizaine de milliers de personnes résidant au Kenya dans les
années 20. Après la Seconde Guerre mondiale, la Grande Bretagne encouragea de nouvelles
installations après la Première Guerre mondiale par le soldier settlement scheme ; en fait, leur
nombre culmina à 55.000 en 1962. Surtout, les settlers accaparèrent des terres, le quart de bonnes
terres des Highlands dans les années 50, et transformé ainsi nombre d’habitants, majoritairement
des Kikuyus en ouvriers agricoles ou en les obligeant à migrer vers les villes. Accusés de constituer
une véritable caste, les settlers avaient des appuis puissants en Grande-Bretagne et freinèrent le
plus possible l’évolution vers une indépendance dont ils avaient tout à craindre.
En Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe), le colonat était encore plus nombreux et surtout plus
puissant (plus de 200.000) Il contrôlait la moitié du domaine forestier et 58% des terres cultivables
à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Dominé par les ranchers, il a été suffisamment fort pour
s’opposer ouvertement à Londres et, finalement, en 1965, proclamer unilatéralement
l’indépendance de la colonie ; la Rhodésie devient une République blanche, régie par l’apartheid,
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hors du Commonwealth. Le colonat pensait réaliser ainsi une aspiration à la Sécession, qui a été
celle de toutes les minorités colonisatrices depuis l’émancipation des colonies d’Amérique. En
1965, la Rhodésie rejoignait l’Afrique du Sud rebelle sortie, elle, du Commonwealth depuis 1961.
Dans les colonies portugaises, le peuplement blanc fut encore plus important que dans les autres
colonies européennes. Du moins, dans les années 60, il atteint alors des proportions peu
différentes en % avec celui de l’Algérie par les Pieds Noirs. Mais il était pour la majorité formé par
des colons pauvres d’origine et récent, au point qu’on a pu dire que le Portugal commença
réellement à coloniser quand les autres repliaient le drapeau.
Cette présence, fortement aiguillonnée par le pouvoir salazariste, a été instrumentalisée pour
démontrer la « vocation » colonisatrice du Portugal et justifier sa présence outre-mer, avec les
investissements massifs des plans quinquennaux des années 60 (avec des capitaux étrangers), plus
qu’il n’a constitué une force véritable en lui-même. L’obstination d’un pouvoir cramponné
jusqu’au bout, avril 1974, à la ligne fixée par Salazar en avril 1961,« Rapidement et massivement »,
pour justifier l’envoi des troupes outre-mer, s’explique surtout par cette idéologie d’un lien quasiorganique du Portugal avec « son » outre-mer.
Au total, la nature profonde des colonisations plus ou moins assimilatrices, plus ou moins
différencialistes, et la présence ponctuelle d’un peuplement allogène ont donc constitué des
facteurs non négligeables des processus de décolonisation. Ils ne suffisent pas, cependant, à eux
seuls, à en dresser une typologie.
2. Selon les modalités des processus de décolonisation
Seconde possibilité de classement des décolonisations en Afrique « noire ». Evidemment, on fait
toujours la distinction entre l’indépendance « conquise » et non « attribuée », les décolonisations de
« lutte armée » et les décolonisations « négociées », les secondes correspondant plutôt à une
première phase de décolonisation jusqu’au début des années 60, les secondes à la phase
postérieure.
Cas des luttes armées : colonies portugaises, (1961-1974, une guerre-guérilla de treize ans) ;
Rhodésie du Sud (1965-1979-80), une guerre de quatorze ans)… On y reviendrai loin plus.
Cas des décolonisations « négociées ». L’évolution des territoires français vers les indépendances de
1960 est bien connue. On ne la reprendra pas dans le détail. On soulignera cependant trois points.
1. Elle ne fut pas véritablement souhaitée par les premiers leaders africains rapidement très à l’aise
dans le système parlementaires français, comme le montre les nombreux cas de ministres noirs
dans les gouvernements de la 4e République. 2. Elle fut accélérée brusquement par une série
d’accélérateurs des années 50 : la pression populaire en Afrique et la rupture franco-guinéenne –
ou plus exactement entre Sékou Touré et Charles de Gaulle - de 1958. 3. Elle fut comme un byproduct de la Guerre d’Algérie et celle-ci dictait à la France une attitude souple vis à vis de
l’Afrique noire.
Plus important, pour notre propos ici, est l’exemple de la Gold Coast (actuel Ghana). Pourquoi ?
Parce que la Gold Coast donna le signal des demandes d’indépendance en Afrique « noire » et
fournit le meilleur exemple de décolonisation négociée. La précocité et l’exemplarité du Ghana, a
plusieurs raisons : l’existence d’une véritable classe intermédiaire, une sorte de bourgeoisie formée
d’intellectuels, de professions libérales et de commerçants ; l’irruption des masses rurales et
surtout urbaines sur la scène politique à travers de multiples associations religieuses, sportives,
musicales, de jeunesse, de femmes etc… et la montée en puissance des syndicats ; enfin la prise en
charge des aspirations populaires par un chef charismatique, Kwame Nkrumah. Celui-ci s’est
imposé d’abord au Congrès panafricain de Manchester en 1945, puis en 1949, à son retour en Gold
Coast où il fonde un parti de masse le Convention People’s Party (CPP) sur le modèle du Parti du
Congrès indien,. Après une phase d’affrontement avec le pouvoir britannique, celui-ci choisit
l’accommodement lorsque les élections de 1951 démontrèrent l’emprise du jeune parti sur tout le
pays. On entra désormais dans une phase de transfert programmé des responsabilités vers
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l’indépendance du pays baptisé du nom de Ghana par Kwamé Nkrumah le 6 mars 1957.
II. Dans ces conditions, comment organiser l’exposé ? Essai de chronologie
Tout s’est passé comme si la décolonisation du continent africain s’était effectuée par « vagues » et
avait revêtu des aspects très contrastés , ce qui permet de parler de décolonisations au pluriel,
différentes de nature et marquées par des décalages considérables. Grosso modo, on pourrait
distinguer, trois phases de décolonisation de durée inégale :
1. Une première phase de résistances coloniales : circa 1945-1953/56
Au lendemain de la guerre, les Puissances coloniales sont fragilisées à la grande différence de la
Première Guerre mondiale. En 1919, la Conférence de la Paix avait plutôt consacré le triomphe des
Puissances coloniales en englobant d’ailleurs dans ce club des Puissances coloniales les Dominions,
l’Afrique du Sud en tête. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la situation est très différente. Le
colonialisme est officiellement condamné par la nouvelle institution internationale de l’ONU ; mais
seule l’Italie est vraiment écartée du jeu international parce que cette fois, elle fait partie du camp
des vaincus.
Le cas de l’Italie mérite pourtant attention pour deux raisons : d’une part, l’intervention de l’ONU
comme arbitre et tribune, et d’autre part, la pression d’un nouveau partenaire international
représenté par la Ligue arabe créée en 1945. Ce second point sort du champ de l’exposé et
j’insisterai donc sur le premier.
En 1945, l’Italie, toutes proportions gardées, se trouve dans la situation de l’Allemagne en 1919 ; il
n’est pas question de lui rendre ses colonies. Au moins pour le moment. Par l’article 23 du traité
qui clôt la conférence de paix avec les alliés de l’Allemagne, le 10 février1947, elle « renonce à tous
ses droits et titres sur son domaine africain » . En fait, elle avait déjà dû évacuer l’essentiel de son
ancien domaine. En 1941-42, elle a déjà dû abandonner ses conquêtes d’Afrique orientale
(l’Ethiopie, l’Erythrée et la Somalie) aux forces britanniques. Au lendemain de la guerre, l’Ethiopie
redevient un Etat souverain admis à l’ONU. Le sort de l’Erythrée et de la Somalie est plus
problématique, compliqué par les ambitions de l’Ethiopie et les rivalités locales. Les deux
territoires restent plusieurs années sous administration provisoire britannique sous la tutelle de
l’ONU. En 1952, on crut trouver pour l’Erythrée une solution fédérative avec l’Ethiopie qui échoua
et dégénéra en conflit armé à partir de 1961-62. En Somalie, le régime d’occupation britannique
entamé en 1941 se prolonge après la guerre, comme en Erythrée, jusqu’à ce l’administration locale
soit de nouveau confiée pour dix ans à l’Italie, rentrée en grâce à la faveur de la Guerre froide,
pour préparer l’indépendance du pays en 1960. En Libye, divisée en trois grandes zones de
clivages régionaux, la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Fezzan, la situation reste très confuse,
tiraillée entre forces contradictoires. Finalement, en novembre 1949, les Nations Unies s’étant
prononcé pour l’indépendance et en novembre 1950 une solution est trouvée sous la forme d’un
royaume fédéral confié au roi Idriss, chef de la confrérie sénousite (jusqu’au coup d’Etat de
Khadafi en 1969).
Trois constations :
1. l’ONU peut jouer un rôle nettement plus important que la défunte SDN… sous conditions
cependant.
2. La Libye devient ainsi le premier pays « décolonisé » du continent africain à être admis à l’ONU.
3. Les vieilles Puissances coloniales ne sont pas encore complètement mises hors jeu… y compris
l’Italie.
De leur côté, les vieilles Puissances coloniales, la Grande-Bretagne, la France et l’Afrique du Sud,
(le Portugal et l’Espagne n’ayant aucun poids international à l’époque) sont certes acculées à la
défensive, mais elles sont loin d’avoir perdu la partie.
Pourquoi ?
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la relative « timidité » » de la Charte des NU et des institutions internationales (Commission
de tutelle, Agences internationales etc…) ;
la capacité de ces Puissances à faire front, voire front commun : cf. consultations réciproques
à l’ONU création d’institutions de développement nationales (ex. le FIDES) ou
internationales ;
surtout, l’entrée rapide du monde d’après-guerre dans la guerre froide qui relativise la portée
de l’anticolonialisme américain, si bien qu’on peut soutenir que la guerre froide a pu tout
aussi ralentir qu’accélérer les décolonisations ; elle a plutôt souligné la relative faiblesse des
« blocs » neutralistes (arabo-asiatique puis arabo-africain).
Autrement dit, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants des anciennes grandes
Puissances coloniales ont l’illusion que les choses pourraient redevenir (presque) « comme avant »
moyennant quelques concessions à des mouvements encore embryonnaires. Il faut ajouter que
dans les métropoles, l’anticolonialisme n’a pas encore de poids réel et qu’en Afrique « noire », la
pression nationaliste est encore trop faible pour constituer un danger majeur pour la domination
coloniale. Si le recul colonial est amorcé en Asie, il ne l’est pas encore en Afrique qui, au contraire,
devient comme le « continent-refuge » du colonialisme européen.
Pour combien de temps ? Ce qui apparaîtra plus tard comme une illusion dure moins d’une
décennie. Au début des années 50, que les choses commencent vraiment à changer en Afrique
noire. Ce changement correspond à l’émergence du Tiers Monde dans le jeu international, le
moment symbolique et fondamental à la fois, de cette émergence étant la conférence de Bandoeng
en avril 1955. Les mouvements nationalistes africains n’y ont qu’une présence marginale, mais la
conférence permet à de nouveaux leaders de s’imposer ; dès l’année suivante, Kwamé Nkrumah
rejoint le Panthéon des héros du Tiers-Monde. Ce moment correspond aussi à l’émergence de
partis de masse.
2. La seconde phase est celle du « vent du changement » (1956-1960/65) qui souffle sur
l’Afrique « noire » (expression empruntée à Harold Macmillan dans un célèbre discours de février
1960 à Cape Town, prononcé devant un parlement sud-africain très hostile .
En fait, la décolonisation du Ghana entraîna celles des autres colonies britanniques, avec des
soubresauts plus ou moins dramatiques. La Nigéria, le plus important territoire colonial de la
Grande-Bretagne en Afrique noire en fournit une illustration. L’indépendance fut retardée ici par
la structure du pays en une grande fédération tiraillée entre un Nord où les Anglais ont maintenu
des aristocraties musulmanes très conservatrices et un Sud « moderniste », mais lui-même divisé
par des clivages ethniques entre partis nationalistes rivaux.
Au moment où le Premier britannique évoque le « vent du changement » dans les colonies
anglaises, la France est elle-même engagée dans un processus irréversible depuis que le général de
Gaulle a reconnu la possibilité d’indépendance des partenaires africains de la France en 1958. Le
premier acte est la célèbre rupture avec Sékou Touré, en août 1958. Les tentatives pour maintenir
une nouvelle sorte d’Union française sous le nom de Communauté échouèrent en moins de trois
ans. Successivement en 1960, tous les Etats francophones sortent de la Communauté et acquièrent
leur indépendance…
Ces évolutions « pacifiques » caractérisèrent la période des années 5à-60. Pour autant il ne faudrait
pas en conclure que cette phase a été complètement pacifique. Elle a connu de durs affrontements.
Trois exemples, d’importance inégale :
La Côte d’Ivoire avant le « retournement » du principal leader africain de l’époque, l’Ivoirien
Houphouet-Boigny en 1951. Il a entrainé derrière lui la majorité du RDA (Rassemblement
démocratique africain) le grand parti fédéraliste de AOF-AEF-Togo-Cameroun, créée en 1946
alors qu’on avait frôlé l’affrontement ouvert. En effet, les affrontements avec l’administration
coloniale en 1949 ne durent leur apaisement qu’au rapprochement entre la majorité du RDA
derrière HB et le gouvernement français grâce à F.M. évitant ainsi une répétition des
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événements de 1947 à Madagascar.
Le Cameroun. On vient de dire que la majorité RDA se rallia donc au compromis. Mais pas
au Cameroun où, depuis 1945, couvait une situation insurrectionnelle qui conduisit en 1955 à
la rébellion armée de l’UPC dans le sud du pays puis à une guerre civile qui se prolongea audelà de l’indépendance. L’implication de la métropole dans la répression menée par le
pouvoir postcolonial est indéniable à l’époque. Dans la phase précédente de 1955 à 1958, il
s’agit une répression coloniale « classique ». Le caractère idéologique de l’insurrection, à la
fois nationaliste et marxiste, ne cessa d’être affirmé par ses leaders, non sans référence à
l’Algérie et à l’Indochine.
Le Kenya. Au Kenya la violence s’y déchaîna dans les années 50, avec l’insurrection Mau
Mau. Mais Jomo Kenyatta, le grand leader historique du pays, en désavoua l’usage.
L’insurrection Mau Mau (mot d’origine peu élucidée encore) peut être rattachée aux
soulèvements « primaires », spontanés et antimodernistes, contre le colonisateur et comme le
fait observer une historien anglo-saxon, « il est plus facile de définir les catégories auquel il
n’appartient pas que d’expliquer ce qu’il a été ». En tout cas, une insurrection furieuse qui a
entraîné une répression violente du pouvoir colonial (arrestations de masse, camps de
regroupements, état d’urgence, guerre civile) : « This was indeed a battle for hearts and
minds, and a savage war ». L’état d’urgence ne fut levé qu’en 1960, une amnistie ne fut
prononcée qu’en 1961 et la vie politique reprit très progressivement ; ce fut seulement après
les élections de 1961 ; la victoire de la KANU et la libération de Jomo Kenyatta (accusé de
sympathie Mau-Mau et de collusion communiste) que le pays obtient son indépendance en
octobre 1963.
Conclusion : cette phase est celle de la génération des « Pères de la Nation » ; Nkrumah, Kenyatta,
Nyerere, Senghor, Modibo Keita, Sékou Touré, HB, les plus connus, Azikiwe, Banda, Boganda,
Ahidjo, Youlou… moins connus mais dans la même cohorte des nouveaux « rois de l’Afrique »…
des leaders nés dans l’entre-deux-guerres et une génération appartenant à l’immédiat aprèsSeconde Guerre mondiale
3. La troisième phase est celle des décolonisations violentes en Afrique des années 60-70
dans un contexte de guerre froide exportée sur le continent africain.
En Afrique tropicale, la violence armée de grande échelle se manifeste d’abord avec la
décolonisation « ratée » du Congo belge en 1960. En effet, si l’on devait classer les décolonisations
selon leurs suites, celle du Congo belge serait sans doute à placer parmi les plus désastreuses.
Commencée en catastrophe (1959-1960), elle débouche immédiatement sur la désintégration de
l’Etat postcolonial et sur la guerre civile qui entraîne des interventions étrangères. En 1960, la crise
congolaise, fait sortir les décolonisations africaines du champ bilatéral classique (métropolecolonie) et les fait entrer dans celui de la géopolitique mondiale. Pour la première fois, Est et Ouest
s’affrontent ouvertement à l’ONU à propos de la décolonisation en Afrique et en 1961, la mort du
SG de l’ONU, de Dag Hammarksjöld, au Congo illustre dramatiquement ce passage.
Par la suite, la décolonisation en Afrique combine des facteurs locaux et des facteurs
internationaux et idéologiques et revêt l’aspect de conflits armés sous forme de « guerres-guérillas »
qui éclatent à partir de 1961 dans toute l’Afrique centrale. La majorité des dirigeants nationalistes
de cette époque sont imprégnés de culture marxiste ; ils affichent des options révolutionnaires
radicales et proclament leurs sympathies pour les « pays de l’Est » non sans contradiction
cependant après la cassure URSS-Chine en 1965.
La décolonisation des colonies portugaises s’achève en 1975 dans une atmosphère de violence à
l’issue d’un conflit armé comparable à l’Algérie, qui a épuise la métropole et engendre trente
années de guerre civile. Il reste cependant encore deux bastions coloniaux en Afrique : la Rhodésie
et le Sud-Ouest africain.
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En 1965, la Rhodésie a proclamé son indépendance, une indépendance unilatérale « blanche », Le
Sud-Ouest africain est sous la coupe la République d’Afrique du Sud. Les nationalistes noirs y sont
divisés entre « marxistes » et « modérés. En 1977, après une décennie de combats, les Rhodésiens
blancs finissent se rallier à un plan anglo-américain de règlement ; l’indépendance donne le
pouvoir à la ZANU de Mugabe, en avril 1980.
Dernier bastion : le Sud-Ouest africain. Une décolonisation à part ? En tout cas, un pays
dont l’histoire est méconnue en France, au plus un pays connu par son tourisme de safaris, la
campagne de protection des guépards par Angélina Jolie et, aussi, dramatiquement, à cause du
génocide des Hereros qui a resurgit récemment dans les débuts de mémoire en Allemagne…
Pourquoi cette méconnaissance, du moins en France ? Evidemment, parce que ce pays
n’appartient pas à l’espace francophone et parce qu’il est longtemps passé à côté du « vent de
l’Histoire », maintenu en vase clos par l’Afrique du Sud, puissance de tutelle de l’ex-colonie
allemande depuis la Première Guerre mondiale… Il y a pourtant des raisons qui rendent la
décolonisation du dernier pays colonisé d’Afrique continentale est particulièrement intéressante :
1. Elle démontre la montée en puissance de l’organisation internationale avec la création
en 1961 d’un comité spécial de la décolonisation au sein de la IVe commission qui prend le pas sur
l’ancienne commission de tutelle. Il engage l’ONU dans des actions de soutien beaucoup plus
« combatif » aux organisations nationalistes en Afrique. Ainsi, en 1960, une organisation politicosyndicale exclusivement ovambo, une des ethnies du pays, la SWAPO, avait été formée à New
York, qui, rapidement obtient l’appui des pays du bloc de l’est elle-même. En 1966, la SWAPO
entre en guérilla ; en 1973, elle se fait reconnaître comme représentant unique de la Namibie et
trois ans plus tard, en 1976, elle obtient le soutien de l’ONU à sa lutte armée. Cependant cette
lutte armée n’a jamais véritablement inquiété l’armée sud-africaine et elle traverse, en 1976, une
crise interne provoquées par des accusations d’exactions qui entraîne des dissidences graves et
enfonce durablement le parti dans l’isolement.
2. Elle est paradoxale. L’histoire du Sud-Ouest africain, soumis à la tutelle de Pretoria, est
intimement liée à l’histoire de l’apartheid en Afrique du Sud. Depuis 1949, ce territoire a été le
théâtre de manœuvres à retardement du pouvoir blanc pour y maintenir sa suprématie. De 1967 à
1977, le gouvernement sud-africain envisage « l’auto-détermination y compris l’indépendance du
pays » pour en contrôler le processus à son profit. En 1978, finalement, un gouvernement de
coalition est mis en place. La période de transition de dix ans qui a suivi a permis, non sans
difficultés et sous pression de l’ONU, la réintégration de la SWAPO dans la vie politique du pays
et sa victoire finale aux élections de 1989. La Namibie, nouveau nom du Sud-Ouest africain,
devient ainsi le dernier pays décolonisé d’Afrique, « noire ».
III. Quelles suites ?
Évidemment, la question fait débat : « suites » ou « séquelles » ? « Immédiates » ou « lointaines » ?
Le débat est si large, dépendance, dépendances héritées, dépendances nouvelles de la
mondialisation, qu’il a suscite des débats sans fin et soulève toujours les passions. Revenant à la
décolonisation en Afrique noire », on limitera la problématique à deux suites immédiates : les
retours et les frontières. Mais, il y en a eu évidemment d’autres dont le transfert des pouvoirs aux
administrations postcoloniales…
1. Les retours
Un paradoxe apparent est, à ce sujet, qu’on peut soutenir que le nombre des Blancs a été plus
important après qu’avant les indépendances, du moins dans certaines parties de l’Afrique et
pendant un certain temps.
Sauf dans les colonies portugaises, les retours n’ont pas représenté des effectifs importants.
Evidemment, puisque la colonisation en Afrique noire n’a pas été une colonisation de peuplement.
Cependant, la question des retours ne s’est pas posée partout de la même façon. 1er exemple,
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l’exemple français : en 1958, on compte environ 100.000 Français en Afrique noire, y compris les
femmes, les enfants (plus de la moitié). Les couples mixtes ; les replis vers la métropole furent
insignifiants sauf en Guinée (4500 Français en 1957). Par contre les apports de la Coopération ont
représenté plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les années 60. Autrement dit, c’est à
un remplacement et même à une augmentation du chiffre des ressortissants français qu’on a
assisté, accru encore par le nombre croissant des unions mixtes.
Un phénomène comparable s’est produit dans les colonies tropicales de l’Angleterre, quoique plus
difficile à apprécier dans la mesure où les départs du Kenya et plus tard de Rhodésie (Zimbabwe)
se sont orientés vers les autres pays du Commonwealth de peuplement blanc, Afrique du Sud,
Australie, Canada… Ces départs ont été compensés par l’arrivée d’assistants techniques, d’experts,
d’enseignants…Beaucoup plus délicat a été le départ de membres des minorités allogènes. Admis
sans restriction jusqu’en 1962, ils se virent ensuite refuser l’entrée en GB sans contrats de travail
par le Commonwealth Immigrants Bill et bloqués dans les ex-colonies britanniques où ils servirent
parfois de boucs émissaires dans les crises locales.
Au Congo belge et au Rwanda-Urundi, la population blanche s’élevait à 117.400 personnes en
1960, dont 92.700 Belges. La décolonisation hâtive et tragique du Congo en 1960 entraîna d’abord
un exode massif avec mise en place d’un pont aérien de près de 45.000 Européens (44.484) et par
la suite de départs par petites vagues, si bien qu’il restait moins de 3000 Belges à la fin du XXe
siècle au Congo (2800 en 1993). Et ici la Coopération belge ou internationale n’a pas compensée le
départ des Blancs… Par contre, le nombre des Congolais-Zaïrois en Belgique s’élevait déjà à 20.000
personnes.
Enfin, le cas des colonies portugaises après le 25 avril 1974 : « en douze mois, entre 500.000 et
600.000 retornados abandonnèrent leurs provinces d’accueil dans des circonstances
particulièrement difficiles et pénibles qui évoquent le repli des Français d’Algérie ». Ce
mouvement fut précipité par les événements du 5 août 1974 à Luanda (comparables à ceux du 26
mars 1962 à Alger) qui entraînèrent la mise en place d’un pont aérien entre Luanda et Lisbonne.
Par la suite, l’Angola et le Mozambique se vidèrent de leurs populations blanches et métisses qui
revinrent au Portugal ou partirent en grand nombre vers l’Australie, le Canada et surtout l’Afrique
du Sud (700.000 Portugais en 1992).
2. La question des frontières… une question qui a toujours divisé ceux qui les jugeaient
arbitraires et ceux qui les acceptaient et faisaient même remarquer, avec Félix Houphouët-Boigny,
que la « colonisation avait plutôt rassemblé les Africains dans des territoires qu’elles ne les avaient
séparés… » Le dépassement des frontières coloniales jugées – à tort ou à raison - arbitraires a
toujours été un objectif majeur du mouvement panafricain animé par les intellectuels noirs des
deux continents américain et africain depuis les premiers Congrès au début du XXe siècle. Dans
les années 50, Nkrumah l’a repris à son compte voyant dans les indépendances la première étape
de rassemblements plus larges. Il aurait pu être suivi par d’autres leaders francophones comme
Léopold Sédar Senghor ou Sékou Touré qui déploraient la « balkanisation de l’Afrique » opérée,
selon eux, par la dislocation des anciennes fédérations d’AOF et d’AEF. Il n’en fut rien ; en 1963,
la conférence fondatrice de l’OUA a sacralisé les frontières coloniales héritées des partages de la
fin du XIXe siècle et de la Conférence de la Paix en 1919. D’ailleurs, l’OUA « was only an organ
for cooperation in specific areas and not a political union involving loss of sovereignty by any of its
member states ».
Pourquoi ? Dès les lendemains des indépendances, les raisons pratiques l’emportèrent sur l’idéal
panafricain d’intégration continentale. Il est vrai qu’elles étaient beaucoup impérieuses. Toute une
série de raisons jouèrent en même temps contre cette idée panafricaine : la puissance des
empreintes culturelles des colonisations, les nouveaux liens noués avec les anciennes métropoles
(aides et appartenance à des zones monétaires), la crainte des éclatements internes (qu’on appelait
alors « tribalismes » et plus tard « identitarismes ethniques »), également les tensions entre
nouveaux Etats et les nouveaux égoïsmes nationaux (cf. le rôle de HB en 1957 dans l’éclatement de
l’AOF).
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Cependant, la prudence qui présida à la reconnaissance des frontières territoriales héritées de la
colonisation n’empêcha pas une rapide mise à l’épreuve de l’Etat postcolonial avec ce qu’on a
appelé la « Guerre du Biafra » (1967-1970) au Nigeria, quatre ans seulement après son
indépendance. La défaite des Biafrais, au prix de la première guerre d’anéantissement de
l’adversaire en Afrique, ne signifie pas seulement la victoire des unitaristes contre les
sécessionnistes, mais aussi la victoire des partisans de la continuité territoriale des Etats issus de la
décolonisation sur des reconstructions postcoloniales.
Conclusion
La décolonisation, une parenthèse comme la colonisation ? « What then is the real significance of
colonialism for Africa ? Was it a mere interlude that it did not and will not affect the course of
African history, or has it left an indelible imprint on Africa which is destined to influence its
future ? » se demandait le grand historien nigérian Adu Boahen en 1987 en se prononçant pour une
prise en compte réaliste des transformations introduites part la colonisation. La même question
pourrait se poser à propos des décolonisations ; on ne saurait soutenir qu’elles ne furent qu’un
interlude. La principale conséquence de ces décolonisations fut-elle alors que les gouvernements
postcoloniaux se trouvèrent mis à la tête d’Etat-territoires qu’il leur fallait maintenant transformer
en Etats-Nations ?
L’autre grande question posée que posèrent les décolonisations a été formulée par le titre des
mémoires d’un grand dirigeant syndicaliste kenyan, Tom Mboya, « L’indépendance et après ? »
(Présence africaine, 1963). A l’époque, sa réponse était particulièrement optimiste : « nous sommes
heureux à l’idée que, dans peu d’années, nous pourrons sans aucun doute, enseigner au reste du
monde ce que le mot indépendance signifie réellement ». Il est facile aujourd’hui d’ironiser sur les
vices des Etats postcoloniaux et les illusions de la décolonisation en Afrique ; on doit constater
qu’ils ont en majorité résisté à l’usure autant, en tout cas, que les Etats européens depuis le XIXe
siècle, sans plus de conflits internationaux majeurs et qu’en la matière, comme dans d’autres, la
comparaison devrait inciter à la modestie. Du moins jusqu’à l’irruption des extrémismes
identitaires et religieux contemporains qui mettent en péril leur indépendance. En ce sens,
décolonisation ne devrait pas devenir abandon.
Marc MICHEL
Éléments de bibliographie
Ouvrages généraux
AGERON Charles-Robert, MICHEL Marc éd, L’Afrique noire française, L’heure des
indépendances, CNRS éditions, 2e édition, 2010
d’ALMEIDA-TOPPOR Hélène, Naissance des Etats africains, Casterman Guinti,1996
DROZ Bernard, Histoire de la décolonisation au XXe siècle, Le Seuil, 2006
MICHEL Marc, Décolonisations et émergence du Tiers Monde, Carré Histoire, 2e ed. 2005
SHIPWAY Martin, Decolonization and its Impact : A comparative Approach to the End of the
Colonial Empires, Blakwell, 2007
Quelques orientations géographiques
COOPER Frederick, Français et Africains ? Être citoyen au temps de la décolonisation, Payot,
2016
DIENER Ingolf, Namibie, Une histoire, un devenir, Karthala, 2000
ENDERS Armelle Histoire de l’Afrique lusophone, Chandeigne, 1994
MIEGE Jean-Louis, DUBOIS, Colette éd. L’Europe retrouvée, les migrations de la décolonisation,
L’Harmattan, 1994
NDAYWELL è NZIAM Isidore, Histoire générale du Congo, 1998
OLIVEIRA A.H. Marques de, Histoire du Portugal et de son empire colonial, Karthala, 1998
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