Blois 2015 - La décolonisation en Afrique noire
Copyright © Les Clionautes 4/11
Empire, comme les « Vieilles colonies », achevèrent leur évolution vers l’assimilation totale par la
citoyenneté et le statut départemental, les autres divergèrent plus ou moins vite de ce modèle. La
réalité est que la République française (du moins sa classe politique) a cherché une formule qu’elle
n’a jamais pu bien définir, ni a fortiori réaliser.
Troisième cas : la colonisation belge. La Belgique, métropole, n’a certes pas assimilé le Congo (80
fois la Belgique !). Même si le Congo a été proclamé « dixième province de la Belgique », partie
intégrante du royaume belge depuis sa dévolution à la Belgique en 1908, il est resté une simple
colonie de domination et d’exploitation. Ses institutions publiques fondamentales, son système
administratif, le droit des personnes etc…, ne n’évoluèrent guère jusqu’à la décolonisation. Le seul
changement notable concerna certains évolués de la « population civilisée » (une douzaine de
milliers dans les années 1950), à qui fut concédé après bien des hésitations une carte du « mérite
civique », et/ou par immatriculation, un statut de droit civil européen. Presque à la veille de
l’indépendance, la colonisation belge reste profondément enracinée dans la différenciation raciale
et paternaliste sur le plan social ; en 1955, le colonisateur n’envisage que la création d’une
« communauté belgo-congolaise », « au moment où les évolués, las d’espérer en vain leur
assimilation, commençaient à rêver d’un autre avenir ».
Quatrième cas, le Portugal. Si les régimes constitutionnels et les modes de gouvernement
avaient été comparables, on aurait pu établir un parallèle avec le Portugal. Mais les principes en
étaient évidemment opposés. Après la guerre, le Portugal, placé sous la dictature salazariste depuis
1926, renforça aussi ses liens avec ses colonies. En 1951, celles-ci sont transformées en Provinces
d’Outre-mer de l’Estado Novo ; le régime prétend ainsi avoir assimilé ses territoires d’outre-mer et
leurs ressortissants dans un même ensemble. Il s’appuie sur une idéologie en principe multiraciale,
le luso-tropicalisme, dont le grand intellectuel brésilien Gilberto Freyre se fait alors le chantre. En
réalité, l’esprit en est conservateur ; il maintient la distinction entre civilizados et assmilados d’un
côté et indigenas de l’autre qui continuent à représenter 99% des habitants de l’Angola, par
exemple et vise d’abord à justifier une émigration portugaise vers ces « Provinces », surtout en
Angola. Là aussi, comme au Congo, l’idéologie assimilatrice est déjà dépassée par les nouvelles
élites. Surtout, elle s’identifie à un régime qui est en bout de course avant même le départ du
pouvoir de Salazar en 1968. Comme l’a observé une spécialiste, « c’est une des caractéristiques des
mouvements nationalistes des colonies portugaises que d’être nés en partie de l’opposition à la
dictature ».
D’autres freins tenant moins à l’idéologie qu’à à la nature des colonisations ont pu jouer également
contre l’émancipation des colonisés. Le principal a été l’existence de minorités coloniales dans les
zones d’Afrique subsaharienne les moins inhospitalières au peuplement blanc : Kenya, Rhodésie
du Sud, certaines parties des colonies portugaises et aussi dans certaines régions de l’Afrique
tropicale comme le Kivu au Congo… Il ne faudrait pas toutefois en exagérer l’importance en
Afrique tropicale car les blancs y ont toujours été des « oiseaux de passage » .
Au Kenya, le colonat des « White Highlands » était peu nombreux, 2200 « fermiers » (farmers),
véritables colons (settlers), sur la dizaine de milliers de personnes résidant au Kenya dans les
années 20. Après la Seconde Guerre mondiale, la Grande Bretagne encouragea de nouvelles
installations après la Première Guerre mondiale par le soldier settlement scheme ; en fait, leur
nombre culmina à 55.000 en 1962. Surtout, les settlers accaparèrent des terres, le quart de bonnes
terres des Highlands dans les années 50, et transformé ainsi nombre d’habitants, majoritairement
des Kikuyus en ouvriers agricoles ou en les obligeant à migrer vers les villes. Accusés de constituer
une véritable caste, les settlers avaient des appuis puissants en Grande-Bretagne et freinèrent le
plus possible l’évolution vers une indépendance dont ils avaient tout à craindre.
En Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe), le colonat était encore plus nombreux et surtout plus
puissant (plus de 200.000) Il contrôlait la moitié du domaine forestier et 58% des terres cultivables
à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Dominé par les ranchers, il a été suffisamment fort pour
s’opposer ouvertement à Londres et, finalement, en 1965, proclamer unilatéralement
l’indépendance de la colonie ; la Rhodésie devient une République blanche, régie par l’apartheid,