Economie
Augmentation des investissements chinois en Europe
Acquisition à 67% du port du Pirée par Cosco, rachat de l’in-
dustriel italien Pirelli par China Chemical Corporation, ou
encore, OPA du Conglomérat Fosun sur le Club Med, la Chine
multiplie d’années en années ses investissements vers le conti-
nent européen et ne cache plus son appétit pour de « made in
Europe » depuis 2008. Selon l’agence Thomson Reuters, 62,4
milliards de dollars d’investissements chinois sont comptabi-
lisés aux six premiers mois de l’année 2016 contre 27,7 mil-
liards de dollars en 2015 sur l’ensemble du continent européen.
L’Europe, la nouvelle favorite de Pékin
Avec 4000 milliards de dollars de réserves de change, la Chine est
prête à mener une politique d’expansion internationale. Or, la dé-
préciation de la monnaie unique par rapport au yuan ne fait qu’ac-
croitre la capacité financière de la Chine. Egalement, la faiblesse
d’un certain nombre d’entreprises européennes, pénalisées par
leur endettement, positionne les investisseurs chinois en situation
de force pour le rachat d’entreprises sur le sol européen. Un autre
atout du continent européen est l’existence d’une concurrence
entre les Etats qui n’existe pas aux Etats-Unis. Brandir la menace
d’investir dans le pays voisin lorsqu’une entité nationale refuse
une proposition n’est pas envisageable face au gouvernement
fédéral, unique interlocuteur aux Etats Unis. Toutes les condi-
tions sont donc rassemblées pour faire son shopping en Europe.
Une stratégie expliquée en trois points
Plus largement, le rabattement massif d’IDE chinois en Europe
doit se comprendre dans le déploiement d’une stratégie qui
s’articule autour de trois grands axes. D’une part, l’objectif pre-
mier de Pékin depuis 2008 est de sécuriser l’accès aux marchés
européens afin de contrer la politique du containment menée
par les Etats-Unis sous le mandat de Barack Obama. En ef-
fet, en réponse aux tensions en Mer de Chine méridionale où
l’Empire du Milieu tente d’étendre son influence stratégique,
les Etats-Unis font davantage preuve de protectionnisme.
Ainsi, face au blocage d’investissements chinois dans certains
secteurs de l’industrie américaine, les entreprises chinoises
préfèrent l’Europe pour sa plus grande ouverture aux capitaux
étrangers. La privatisation du Port du Pirée d’Athènes par des
capitaux publics chinois, ou encore, la cession par l’Etat fran-
çais de 49,9% des parts de l’aéroport de Toulouse Blagnac au
consortium Symbiose vise à s’assurer des portes d’entrée sur
l’Europe. D’autre part, le second volet de la stratégie consiste
à réorienter le modèle de développement de l’économie
chinoise vers plus de valeur ajoutée et de services. Les autori-
tés chinoises sont donc désormais à la recherche de savoir-faire
pour ne plus voir leurs produits taxés de « bas de gamme ». Le
rachat du groupe Pirelli, géant italien des pneumatiques, par
la China Chemical Corporation visait donc à s’approprier un
symbole du savoir-faire italien dans l’industrie automobile.
Enfin, le dernier objectif au service de la stratégie chinoise est
un objectif de puissance. Les entreprises publiques chinoises
qui placent leurs capitaux en Europe poursuivent une stratégie
définie au sommet de l’Etat. Le cas Syngenta est, à cet égard,
symptomatique. Racheté par le groupe chinois ChemChina, le
géant suisse de l’agrochimie deviendrai la seule alternative de
poids face au mastodonte Bayer-Monsanto, dans un secteur
qui regorge de recherches et développement et d’innovation.
Oscillation entre angoisse et bienveillance
Devant les convoitises de leurs homologues chinois, les diri-
geants européens hésitent entre méfiance et bienveillance. Sou-
vent vécue comme une dépossession des intérêts, l’intrusion de
Pékin se heurte souvent à des résistances, liées à la crainte de voir
les industriels chinois s’approprier les secteurs stratégiques de
certains pays. « Je ne suis pas disposé à sacrifier des emplois et des
entreprises sur l’autel de marchés européens ouverts », s’est écrié
le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, peu avant la visite
d’Angela Merkel en Chine s’agissant du rachat du fabricant de ro-
bots allemand Kuka par un groupe chinois. Or, la Commission eu-
ropéenne voit dans l’arrivée des investissements chinois le moyen
de se procurer des capitaux et d’accéder au marché asiatique.
La course des investisseurs chinois ne faisant que commencer,
le commissaire européen à l’industrie a plaidé en faveur de la
création d’une instance européenne de concertation quant à la
réception d’IDE, afin de stimuler à la fois la réflexion, d’augmen-
ter le pouvoir de négociation de l’Europe et d’atténuer l’anxiété
de l’opinion publique à l’égard des acquisitions étrangères.
- Mathilde Girardeau
Face à l’intérêt grandissant de Pékin pour le marché européen, les dirigeants et industriels
oscillent entre méance et bienveillance.
5
Le port du Pirée d’Athène, racheté par les investisseurs chinois - CC Flickr