LE TAURILLON
dans l’Arène
Les Jeunes Européens
Bordeaux
N°31 - Décembre/Janvier 2017
www.je-bordeaux.eu | taurillon.org
Le Journal Eurocitoyen
Inquiétudes européennes
face à Trump
Lélection de Donald Trump, 45ème Président des Etats-Unis a soulevé de vives réactions dans le
monde. En Europe, les inquiétudes se cristallisent autour de certains points : l’OTAN, la Russie et
la construction européenne. Toutefois, cette élection pourrait être l’élément déclencheur d’une
plus forte coopération entre les Etats de l’Union dans de multiples domaines.
Lélection de Donald Trump en novembre dernier
a sonné comme un coup de tonnerre en Europe.
La possibilité que le candidat populiste remporte
la présidence de la première puissance militaire
et économique du monde a été peu envisagée et a
soulevé une forte vague d’inquiétudes. Le candidat
Trump sest en effet montré agressif durant la cam-
pagne à légard des autres Etats, souhaitant « rendre
lAmérique grande à nouveau », tout en restant flou
sur un certain nombre de points décisifs ayant de
potentielles répercussions sur l’Europe.
(Suite de larticle page 3...)
Donald Trump à Réno, Nevada, le 10 janvier 2016 - CC Flickr
SOMMAIRE
EDITORIAL
p. 3 A LA UNE
INQUIETUDES EUROPEENNES
FACE A TRUMP
C’est ociel ! Le 20 janvier 2017, Donald
Trump franchit dénitivement les portes
de la Maison Blanche et devient le 45ème
président des Etats-Unis. Que dit-on ?
Eh bien… Bonne année ! Peut-être au-
riez-vous davantage apprécié un
« poisson d’avril » ? En loccurrence,
cette option tombe à l’eau. Il est clair
que la période ne prête pas à sourire.
Au moment où les jours sont les plus
froids et les plus sombres, l’Europe
s’inquiète. Chose étrange, de tout
temps les peuples européens prêtaient
toutes sortes de célébrations pendant
la période hivernale et ce, bien avant
les fêtes de Noël ou d’Hanoukka. Passé
le solstice d’hiver, l’idée était de chasser
les craintes sur l’année à venir et d’en
appeler à la régénération des forces vi-
tales du monde. A l’honneur : la lumière
et la nature, sensées triompher sur le froid
de l’hiver. Alors que faire ? L’Europe doit
se réinventer et basculer de son propre
solstice. L’heure est donc venue pour
l’Union de prendre ses bonnes réso-
lutions pour 2017. A cela, l’exubérant
Donald Trump semble donner des
éléments de réponse. Eurosceptique
assumé, Trump invite pourtant l’Europe
de la défense à voler de ses propres ailes.
L’homme, dans sa manière résolument
courtoise, adresse une belle carte de vœux
à lUnion Résolution n°1 : cesser de
compter sur la protection de l’OTAN.
Résolution n°2 : arrêter de bouder le
voisin russe. Les choses sont dites.
A nouveau spectateurs d’un attentat
à Berlin le 19 décembre 2016, les di-
rigeants européens se rassemblent
désormais pour renforcer la coopération
en matière de lutte anti-terroriste. Il
ne reste qu’à espérer que l’Union se
saisisse de ces projets pour sortir de
l’ombre qui la retient de son ambition.
- Mathilde Girardeau
2
Maintenant que Donald Trump
occupe ociellement la présidence
américaine, l’Europe retient sa
respiration...
P.7
Elections en Moldavie : la Russie ou l’Europe ?
P. 8-9
P.4
Sandro Gozi : pour une politique
européenne transnationale
P.5
Augmentation des
investissements
chinois en Europe
P.6
Le TiSA, un ami qui
vous veut du bien
FOCUS : La Finlande, une avant-gardiste
du revenu universel
P.10
After Brexit,
what future for english
language in the EU ?
P.11
Lépopée
du projet
d’union fédérale
Politique
Inquiétudes européennes face à Trump
(Suite de larticle à la Une)
La remise en cause de l’OTAN
Le premier enjeu soulevé par l’élection de Trump est celui
de la défense. Durant sa campagne, Donald Trump a com-
paré l’OTAN, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord,
à un instrument obsolète venu d’un autre temps, celui de
la Guerre froide. Il a menacé les Etats européens d’une
moindre implication américaine au sein de l’organisation
si ceux-ci ne parvenaient pas à atteindre la cible de 2% du
PIB en matière de dépenses pour la défense, cible à laquelle
tous les Etats se sont engagés. Aujourd’hui, 72% du budget
de l’OTAN est nancé par les Etats-Unis et seuls quatre pays
européens atteignent l’objectif de 2% du PIB : le Royaume-
Uni, la Grèce, l’Estonie et la Pologne. La revendication de
Trump pour un meilleur partage des dépenses nancières
pour la défense apparait de ce point de vue comme légi-
time. Il faut aussi rappeler que cette demande de la part des
Etats-Unis nest pas nouvelle, au contraire elle est constante
depuis le début des années 1990. Trump l’a juste énoncé de
manière beaucoup plus dure et intransigeante !
Les incertitudes autour d’un possible retrait des Etats-Unis
de l’OTAN ont relancé le débat autour de l’idée d’une défense
européenne. Cette idée nest pas nouvelle, dès le début de la
construction européenne dans les années 1950, est évoquée
la possibilité d’une armée européenne. Mais les Etats euro-
péens nont jamais réussi à s’entendre sur ce sujet hautement
sensible et symbolique en termes de souveraineté nationale.
Se défendre sans les Etats-Unis
Le contexte actuel, marqué par les attaques terroristes,
pourrait pourtant pousser vers une plus grande col-
laboration des pays européens. Lattitude aimable de
Trump vis-à-vis de Poutine, qu’il considère comme
un « leader fort, bien plus fort qu’Obama », fait aussi
craindre aux Européens une possible alliance entre les
deux puissances, ce que redoute notamment les pays
baltes depuis l’annexion de la Crimée par la Russie.
Ainsi, l’élection de Trump pourrait avoir un eet po-
sitif sur la construction européenne en renforçant la
collaboration des pays européens. Toutefois, il est fort
probable que l’émergence d’une réelle défense euro-
péenne ne soit encore freinée par le contexte de crise
économique et l’incapacité des Etats européens à se
mettre d’accord en matière de politique étrangère.
Changements commerciaux et
environnementaux à prévoir
Par ailleurs, Donald Trump est opposé à l’idée même
de l’Union européenne. Il s’est exprimé ravi du vote bri-
tannique en faveur du Brexit en juin dernier et a même
prédit lors d’une interview pour le Sun la désagrégation
future de l’UE et la contagion probable du phénomène à
d’autres Etats européens. Il est fort probable que les re-
lations entre l’Europe et les Etats-Unis pâtissent de cette
méance mutuelle, alors même que la conance entre
les deux zones est déjà faible, particulièrement après la
révélation de la surveillance de masse eectuée par la
NSA à l’échelle mondiale.
Les choses risquent aussi d’évoluer dans d’autres do-
maines. En matière économique, Trump a présen-
un programme très protectionniste en matière de
libre-échange et s’est dit opposé au TTIP, le Partenariat
transatlantique de commerce et d’investissement entre
l’Union européenne et les Etats-Unis. Il est possible que
cela entraine un changement dans les relations écono-
miques et commerciales transatlantiques. De même
concernant le climat : Trump est un climato-sceptique
avoué et pourrait être un frein aux avancées de la COP
21 s’il refuse la mise en œuvre de l’accord de Paris.
Lélection de Trump aura des conséquences sur l’Europe,
reste à savoir lesquelles. Il est probable que le Président
Trump ne mette pas en application toutes les déclarations
du candidat. Dans ce contexte d’’incertitude, l’Union na
qu’une seule chose à faire : se rassembler et agir.
- Alexane Hervy
Trumpophobie - pixabay.com
3
4
Politique
Sandro Gozi : pour une politique
européenne transnationale !
Dans son livre « Génération Erasmus », le secrétaire d’état italien chargé des affaires européennes, Sandro Gozi,
revient sur de nombreuses failles qui ont plongé l’Union européenne dans la crise. Il propose des solutions
concrètes et inspirantes. Focus sur l’une d’entre elles : une politique européenne transnationale.
Actuellement, la politique au niveau européen repose sur ce
que Sandro Gozi appelle des « confédérations des partis na-
tionaux ». C’est donc en tant que membre de partis nationaux
que les députés se présentent aux élections européennes, bien
que leur parti soit associé à un groupe politique européen.
Lors des der-
nières élections
européennes, les
français ont élu 74
députés sur 751 -
putés européens…
Mais une fois au
Parlement euro-
péen, les 74 -
putés français ne
représentent pas
seulement les citoyens français : leur vote a une portée plus
large. Pourtant, ils nont pas été élus par les électeurs espa-
gnols, bulgares et estoniens… et pourtant ils les représentent
en siégeant au Parlement européen, l’institution européenne
qui devrait émaner directement des citoyens européens.
Pour des listes transnationales !
Dans son ouvrage, Sandro Gozi écrit « Si nous pouvions
imaginer un futur pour l’Europe, mon désir serait darriver
le plus rapidement possible à la constitution de forces po-
litiques transnationales. ». Nous pouvons et nous voulons
imaginer un futur pour l’Europe !
Les prochaines élections européennes auront lieu en 2019, il
est donc temps de recongurer l’espace politique européen.
Proposer des listes transnationales aux citoyens européens
permettrait de développer une véritable sphère publique
européenne le débat politique dépassera les questions
nationales et favorisera une meilleure lisibilité des enjeux
européens. C’est un des enjeux majeurs pour l’Union euro-
péenne : rapprocher les institutions des citoyens, briser cette
distance quon lui reproche. Sandro Gozi défend également
cette réforme an de créer un véritable état d’esprit européen
: « si un démocrate italien continue de considérer comme
un étranger un social-démocrate allemand, comment pou-
vons-nous créer un sentiment commun entre nous ? »
Mise en place d’un cycle de primaires
Les élections européennes de 2014 ont tout de même été le
signe d’une avancée démocratique : les groupes politiques
européens ont désigné, en amont des élections euro-
péennes, des candidats à la présidence de la Commission
européenne. A l’issue des élections, le groupe politique
majoritaire, le PPE (Parti populaire européen), a donc vu
son candidat, Jean Claude Juncker, accéder à la tête de la
Commission. L’intérêt de ce qui est désormais appelé le
« Spitzenkandidat » (tête de liste) était de développer le
système démocratique européen, en donnant aux élec-
teurs la possibilité de choisir entre diérents groupes po-
litiques, incarnés par des personnalités européennes.
Ce même processus devrait être appliqué aux élections de
2019. Mais Sandro Gozi y voit une faille et invite à un appro-
fondissement démocratique de ce système « Une proposi-
tion intéressante serait de lancer au niveau européen, un
cycle de primaires qui précéderait la nomination du candi-
dat. En France, en Italie, en Allemagne, et dans tous les pays,
les sympathisants et électeurs des socialistes, des conserva-
teurs, des libéraux démocrates, iraient voter pour choisir leur
propre leader pour les élections successives. » Concrètement,
ces primaires permettront d’impliquer les militants dans le
processus de décision du candidat du groupe politique euro-
péen, tel un véritable parti. Ces primaires rassembleront des
militants de tous les pays, les inciteront à débattre ensemble
sur des questions européennes. De plus, une fois le candidat
élu par son parti, celui-ci bénéciera déjà d’un soutien popu-
lairesoutien quasi absent jusqu’à présent. Et enn, le Pré-
sident de la Commission européenne ne sera pas seulement
issu de son groupe politique, mais jouira d’une légitimité -
mocratique plus large et pourra compter sur une proximité
avec les électeurs européens.
Une Union plus européenne et plus démocratique est un
passage indispensable pour relancer l’Europe. L’Union eu-
ropéenne a besoin d’idées neuves et de véritables change-
ments. Sandro Gozi en propose et vous les explique dans
son ouvrage, « Génération Erasmus ». Bonne lecture !
- Laura Mercier
Economie
Augmentation des investissements chinois en Europe
Acquisition à 67% du port du Pirée par Cosco, rachat de l’in-
dustriel italien Pirelli par China Chemical Corporation, ou
encore, OPA du Conglomérat Fosun sur le Club Med, la Chine
multiplie d’années en années ses investissements vers le conti-
nent européen et ne cache plus son appétit pour de « made in
Europe » depuis 2008. Selon l’agence Thomson Reuters, 62,4
milliards de dollars d’investissements chinois sont comptabi-
lisés aux six premiers mois de l’année 2016 contre 27,7 mil-
liards de dollars en 2015 sur l’ensemble du continent européen.
L’Europe, la nouvelle favorite de Pékin
Avec 4000 milliards de dollars de réserves de change, la Chine est
prête à mener une politique d’expansion internationale. Or, la -
préciation de la monnaie unique par rapport au yuan ne fait qu’ac-
croitre la capacité financière de la Chine. Egalement, la faiblesse
d’un certain nombre d’entreprises européennes, pénalisées par
leur endettement, positionne les investisseurs chinois en situation
de force pour le rachat d’entreprises sur le sol européen. Un autre
atout du continent européen est l’existence d’une concurrence
entre les Etats qui nexiste pas aux Etats-Unis. Brandir la menace
d’investir dans le pays voisin lorsqu’une entité nationale refuse
une proposition nest pas envisageable face au gouvernement
fédéral, unique interlocuteur aux Etats Unis. Toutes les condi-
tions sont donc rassemblées pour faire son shopping en Europe.
Une stratégie expliquée en trois points
Plus largement, le rabattement massif d’IDE chinois en Europe
doit se comprendre dans le déploiement d’une stratégie qui
s’articule autour de trois grands axes. D’une part, l’objectif pre-
mier de Pékin depuis 2008 est de sécuriser l’accès aux marchés
européens afin de contrer la politique du containment menée
par les Etats-Unis sous le mandat de Barack Obama. En ef-
fet, en réponse aux tensions en Mer de Chine méridionale
l’Empire du Milieu tente d’étendre son influence stratégique,
les Etats-Unis font davantage preuve de protectionnisme.
Ainsi, face au blocage d’investissements chinois dans certains
secteurs de l’industrie américaine, les entreprises chinoises
préfèrent l’Europe pour sa plus grande ouverture aux capitaux
étrangers. La privatisation du Port du Pirée d’Athènes par des
capitaux publics chinois, ou encore, la cession par l’Etat fran-
çais de 49,9% des parts de l’aéroport de Toulouse Blagnac au
consortium Symbiose vise à s’assurer des portes d’entrée sur
l’Europe. D’autre part, le second volet de la stratégie consiste
à réorienter le modèle de développement de l’économie
chinoise vers plus de valeur ajoutée et de services. Les autori-
tés chinoises sont donc désormais à la recherche de savoir-faire
pour ne plus voir leurs produits taxés de « bas de gamme ». Le
rachat du groupe Pirelli, géant italien des pneumatiques, par
la China Chemical Corporation visait donc à s’approprier un
symbole du savoir-faire italien dans l’industrie automobile.
Enfin, le dernier objectif au service de la stratégie chinoise est
un objectif de puissance. Les entreprises publiques chinoises
qui placent leurs capitaux en Europe poursuivent une stratégie
définie au sommet de l’Etat. Le cas Syngenta est, à cet égard,
symptomatique. Racheté par le groupe chinois ChemChina, le
géant suisse de l’agrochimie deviendrai la seule alternative de
poids face au mastodonte Bayer-Monsanto, dans un secteur
qui regorge de recherches et développement et d’innovation.
Oscillation entre angoisse et bienveillance
Devant les convoitises de leurs homologues chinois, les diri-
geants européens hésitent entre méfiance et bienveillance. Sou-
vent vécue comme une dépossession des intérêts, l’intrusion de
Pékin se heurte souvent à des résistances, liées à la crainte de voir
les industriels chinois s’approprier les secteurs stratégiques de
certains pays. « Je ne suis pas disposé à sacrifier des emplois et des
entreprises sur l’autel de marchés européens ouverts », s’est écrié
le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, peu avant la visite
d’Angela Merkel en Chine s’agissant du rachat du fabricant de ro-
bots allemand Kuka par un groupe chinois. Or, la Commission eu-
ropéenne voit dans l’arrivée des investissements chinois le moyen
de se procurer des capitaux et d’accéder au marché asiatique.
La course des investisseurs chinois ne faisant que commencer,
le commissaire européen à l’industrie a plaidé en faveur de la
création d’une instance européenne de concertation quant à la
réception d’IDE, afin de stimuler à la fois la réflexion, d’augmen-
ter le pouvoir de négociation de l’Europe et d’atténuer l’anxiété
de l’opinion publique à l’égard des acquisitions étrangères.
- Mathilde Girardeau
Face à l’intérêt grandissant de Pékin pour le marché européen, les dirigeants et industriels
oscillent entre méance et bienveillance.
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Le port du Pirée dAthène, racheté par les investisseurs chinois - CC Flickr
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