La confiance, enjeu majeur pour l`avenir de l`économie américaine

La confiance, enjeu majeur pour l'avenir de l'économie américaine. Mohamed A. El-
Erian, Chief Economic Adviser at Allianz, the corporate parent of PIMCOProject Syndicate
Mohamed A. El-Erian, Chief Economic Adviser at Allianz, the corporate parent of PIMCO where
he served as CEO and co-Chief Investment Officer, was Chairman of US President Barack
Obama’s Global Development Council. He previously served as CEO of the Harvard
Management Company and Deputy Director at t… read more. MAR 20, 2017. Traduit de
l’anglais par Patrice Horovitz
Les financiers semblent convaincus que le regain de confiance des entreprises et des
consommateurs va bientôt se traduire dans les principaux indicateurs économiques (le taux de
croissance du PIB, le niveau d'investissement des entreprises, de la consommation et des salaires).
Pourtant les économistes et les responsables politiques ne sont pas aussi optimistes, car ils
prennent en compte des facteurs qui pourraient être lourds de conséquences pour les USA et pour
l'économie mondiale.
L'élection de Donald Trump a suscité une vague d'optimisme en matière d'économie, car il a
promis une politique fondée sur trois grands axes : la dérégulation, les baisses d'impôt et les
réformes, et la construction d'infrastructures. Dans les deux Chambres du Congrès la majorité
républicaine a renforcé l'enthousiasme en indiquant qu'elle ne bloquera pas systématiquement les
projets de loi présentés par le nouveau président - contrairement à ce qu'elle a fait lors de la
présidence d'Obama.
Ce regain de confiance des entreprises et des consommateurs reflète une idée profondément encrée
dans la psyché des citoyens des USA : la dérégulation et les baisses d'impôt encourageraient
toujours l'entreprenariat et l'innovation. Hors des USA, cette idée est jugée parfois naïve.
La confiance peut augmenter ou diminuer. Comme celles de Trump, les déclarations favorables aux
entreprises peuvent encourager la confiance, parfois exagérément, par contre l'impression qu'un
dirigeant est hostile aux entreprises peut entraîner une chute de confiance. La confiance influence
les comportements, aussi ses variations ont-elles des effets de grande ampleur.
Dans sa célèbre Théorie générale de l'emploi de l'intérêt et de la monnaie, Keynes définit les esprits
animaux [le mimétisme] comme "une caractéristique de la nature humaine qui fait qu'une grande
partie de nos activités positives procèdent davantage d'un optimisme spontané que d'une prévision
mathématique". Jack Welsh qui a dirigé pendant 20 ans General Electric en est l'illustration
parfaite, il a déclaré que nombre de ces décisions venaient non pas de modèles analytiques ou de
savantes prévisions économiques, mais "directement de ses tripes".
Mais les émotions ne reflètent pas toujours la réalité économique et ses perspectives. Ainsi que le
prix Nobel d'économie Robert J. Shiller l'a montré, l'optimisme peut se transformer en
"exubérance irrationnelle", conduisant les investisseurs à attribuer aux actifs une valeur
déconnectée des fondamentaux économiques. Ils peuvent maintenir cette surévaluation pendant
une période assez longue, mais seulement dans la mesure où les entreprises et l'économie
participent à cette exubérance.
Jusqu'à présent la réaction exubérante des marchés à la victoire de Trump (les indices boursiers
américains ont battu des records) n'a pas eu grand d'impact sur les indicateurs économiques. Et les
prévisionnistes n'ont fait qu'une légère révision à la hausse de leur projection de croissance.
Il n'est pas surprenant que les investisseurs en Bourse aient réagi à la vague d'optimisme en
envisageant la possibilité d'une amélioration économique. Il est de leur fonction d'anticiper
l'évolution de l'économie réelle et des affaires. De toute façon, ils estiment qu'ils peuvent renverser
rapidement leurs positions en boursières s'ils revoient leurs prévisions.
Ce n'est pas le cas des entreprises qui investissent dans des usines ou dans du matériel. Elles sont
moins promptes à modifier leur attitude avant que les annonces politiques ne commencent à se
traduire dans la réalité. Mais plus elles attendent, moins efficaces sont les mesures de stimulation
de l'économie et des salaires, et plus les consommateurs doivent recourir à leur épargne pour que
leur confiance suscite des achats de biens et de services.
C'est dans ce contexte que les acteurs économiques attendent des dates précises de mise en œuvre
des mesures annoncées. Même si les négociations ou les marchandages politiques entraînent du
retard, l'impression d'incertitude pourrait être renforcée par le calendrier des décisions. En
décidant de commencer par la réforme du système de santé (une question intrinsèquement
compliquée et très clivante dans la vie politique des USA), le gouvernement de Trump risque de
perdre une partie du soutien politique dont il pourrait avoir besoin pour mener à bien les réformes
budgétaires attendues par les marchés.
Si les indicateurs économiques s'améliorent, cela pourrait n'être que provisoire, à moins que le
gouvernement Trump n'adopte une politique d'encouragement à la productivité à long terme par
exemple en réformant le système éducatif, en développant l'apprentissage et la formation
professionnelle et en reconfigurant les emplois. Il devrait aussi renoncer à renforcer un
protectionnisme qui perturberait la chaîne de valeur très complexe des opérations transfrontalières
- au détriment des producteurs et des consommateurs.
Si le rebond de la confiance dans l'économie américaine ne génère pas une hausse des principaux
indicateurs économiques, les espoirs déçus en terme de croissance et de bénéfices des entreprises
pourraient provoquer une baisse boursière et une volatilité accrue. La locomotive économique
américaine pourrait alors s'essouffler, avec des conséquences pour l'économie mondiale d'autant
plus lourdes que le gouvernement de Trump prendrait des mesures protectionnistes pour faire face
à la situation.
Les USA sont en relativement bonne position pour parvenir à une croissance forte. En
encourageant à l'optimisme en matière d'économie, le gouvernement Trump a préparé le terrain au
secteur privé pour qu'il accomplisse une grande partie de la tâche. Mais il faut faire davantage. Si le
gouvernement Trump ne travaille pas avec un Congrès ouvert à ses idées pour transformer ses
projets concernant le marché en mesures bien ajustées, de mauvais indicateurs économiques
pourraient ébranler la confiance. Les difficultés iront alors bien au-delà d'une simple volatilité
financière.
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