Revue mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie 2008 ; 10 (3) : 209-11 Prise en charge diététique de la femme enceinte obèse ou diabétique Dietetical takecare of the obese or diabetic pregnant woman Résumé. L’obésité progresse, notamment en France, et également le nombre de femmes enceintes obèses. La grossesse peut aggraver l’excès pondéral préexistant. L’obésité, pendant la grossesse, favorise également le risque d’HTA, de césarienne, de macrosomie fœtale et de diabète gestationnel. La grossesse est une période privilégiée pour une prise en charge nutritionnelle des femmes enceintes car elles sont particulièrement motivées. Quant au diabète gestationnel, la correction des apports alimentaires est souvent efficace et permet d’éviter, le plus souvent, une mise sous insuline. Un contrôle des glycémies quelque temps après la grossesse est alors recommandé. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Valérie Dumontet-Repiquet Service diététique, Hôpital Cochin, 27 rue du faubourg Saint Jacques, 75014 Paris <[email protected]> Mots clés : diabète gestationnel, collation, fractionnement des repas Abstract. The increase in the prevalence of obese women of childbearing age is of great public health concern. Maternal pregravid obesity is a significant risk factor for adverse outcomes during pregnancy. There is an increased risk of hypertensive disorders, gestational diabetes mellitus (GDM), fetal macrosomia and cesarean section. According to the motivation of pregnant women, there might be a room for dietetic intervention during pregnancy. In women with GDM, the correction of dietary intakes is frequently associated with the achievement of glycemic control and might decrease the need for insulin therapy. In women with GDM, screening for abnormal glucose tolerance is recommended after pregnancy. Key words: gestational diabetes mellitus, light meal L’ obésité, et notamment l’obésité morbide, augmente dans les pays développés et le nombre de femmes enceintes obèses aussi. Il s’agit d’un problème de santé publique. Lors de la grossesse, l’obésité préexistante augmente certains risques (HTA, accouchement par césarienne, macrosomie fœtale, complications néonatales, diabète gestationnel). La grossesse peut aggraver l’excès pondéral préexistant. Obésité et grossesse doi: 10.1684/mte.2008.0156 médecine thérapeutique Médecine de la Reproduction Gynécologie Endocrinologie Tirés à part : V. Dumontet-Repiquet Définition de l’obésité et prise de poids conseillée Définition de l’obésité Elle est basée sur l’indice de masse corporelle (IMC) = poids (kg) taille2 (m2) : – si l’indice est de 26 à 29 : surpoids ; – de 30 à 39 : obésité ; – s’il est supérieur à 39 : obésité morbide. Prise de poids conseillée pendant la grossesse en fonction de l’IMC – IMC de 26 à 29 : 7 à 12 kg – IMC supérieur à 29 : 7 à 10 kg De nouvelles études suédoises préconisent une prise de poids inférieure au cours de la grossesse. Adaptation du métabolisme physiologique de base Définition du métabolisme de base Il s’agit des dépenses minimales de l’organisme au repos pour fonctionner, soit environ 60 % de la dépense énergétique journalière (~1300 à 1 500 calories). Chez les femmes minces, le métabolisme de base diminue en début de grossesse alors qu’il augmente chez les femmes ayant des réserves avant la mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie vol. 10, n° 3, mai-juin 2008 209 Revue grossesse Les femmes obèses devraient donc pouvoir mieux contrôler leur prise de poids en début de grossesse. Cette adaptation peut être un argument pour motiver les femmes obèses à manger équilibré. Prise en charge diététique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Concernant les femmes obèses : deux grands types Certaines femmes obèses n’ont jamais vraiment fait attention à leur alimentation. Elles ont des apports hypercaloriques, avec des quantités d’aliments importants (féculents, matières grasses) et des aliments gras et/ou sucrés. Dans certaines cultures (Afrique, Moyen-Orient, Afrique du Nord), une prise de poids importante pendant la grossesse n’est pas considérée à risque et il est même « normal » de prendre beaucoup de poids pendant la grossesse. Les conseils donnés à ces femmes doivent tenir compte de ces paramètres pour que les femmes puissent les suivre et les mettre en application tout au long de la grossesse. D’autres femmes obèses ont un vécu difficile vis-à-vis de l’alimentation. Elles ont fait de nombreux régimes et ne sont pas prêtes à faire des régimes qu’elles pensent restrictifs au cours de leur grossesse. Leur alimentation est le plus souvent déséquilibrée (alimentation hyperlipidique, boissons sucrées et sucres simples en grande quantité...) et mal répartie (2 repas copieux/j). Les conseils consistent à rééquilibrer l’alimentation avec une meilleure répartition et une régularité des apports. Dans un second temps, les conseils sont plus ciblés. Ces femmes sont en général prises en charge dès le début de leur grossesse, elles doivent réussir à suivre ces conseils jusqu’à l’accouchement. Concernant les femmes en surpoids Elles ont souvent fait des régimes restrictifs avec des variations de poids (perte et reprise de poids). Ces femmes ne sont pas systématiquement prises en charge ou le sont tardivement au cours de leur grossesse. Elles sont plus à risque d’obésité et de diabète gestationnel qu’une femme de poids « normal ». Une surveillance plus précoce au cours de la grossesse serait souhaitable afin de limiter ces risques. Dans tous les cas, il est important de donner des conseils bien adaptés au cas par cas, en fonction de leur « histoire pondérale » et de ce qu’elles peuvent mettre en place. Lorsque la grossesse est souhaitée ou tardive (notamment chez les femmes obèses), l’adhésion et le suivi des conseils sont meilleurs. Prise en charge diététique L’objectif est de limiter la prise de poids pendant la grossesse, tout en assurant la couverture des besoins et la croissance normale du fœtus. Un recueil de données est fait avec le dossier obstétrical et la patiente, une enquête alimentaire est ensuite réalisée et évaluée. Des objectifs diététiques, en fonction de l’objectif médical, sont fixés 210 avec la patiente. Des conseils personnalisés sont remis compte tenu de l’évaluation précédente. Ces conseils sont toujours rapportés aux besoins de la patiente (unité mère fœtus). Conseils pouvant être donnés On conseillera : – un équilibre alimentaire avec choix des aliments (moins caloriques et plus satiétogènes) ; – la régularité des apports ; – le fractionnement des repas : 3 repas et collations pour éviter les repas copieux et le grignotage ; – l’adaptation des conseils en fonction de la culture ; – la limitation des boissons sucrées (soda, jus de fruits...). Dans tous les cas, l’apport calorique est diminué en fonction de l’apport calorique spontané de la patiente mais ne doit pas être inférieur à 1 500 calories. Surveillance glycémique L’obésité et la surcharge pondérale pendant la grossesse augmentent les risques de complications et notamment les troubles de la tolérance glucidique. Il existe divers tests de surveillance glucidique, mais il n’y a pas de consensus sur leur utilisation. Le dépistage du diabète de type II chez toutes les patientes à risques devrait être vérifié dès le début de la grossesse. Pour les femmes ayant un diabète de type II avant la grossesse, le traitement oral est supprimé et une insulinothérapie est instaurée. Le diabète gestationnel À partir du second trimestre de la grossesse, l’organisme devient plus résistant à l’insuline. Cette insulinorésistance associée à un besoin accru d’insuline du fait de l’augmentation de la masse corporelle, peut entraîner des perturbations de la glycémie. Ces risques sont majorés chez les patientes en surpoids, obèses ou ayant une ration calorique et glucidique excessive. A Port Royal, le dépistage du diabète gestationnel se fait entre 24 et 28 SA, avec un contrôle glycémique à jeun (< 0,95 g/L) et postprandial (2 heures après le début du déjeuner) [<1,20 g/L]). Cette pratique dépiste le diabète gestationnel, mais aussi les intolérances au glucose. La surveillance des glycémies doit être envisagée dès le début de grossesse pour des patientes à risque (obésité, antécédents (ATCD) de diabète dans la famille, ATCD de diabète gestationnel lors d’une grossesse précédente, prise de poids rapide). Lorsque des glycémies sont perturbées, une prise en charge diététique est prescrite. Une enquête alimentaire est réalisée. Les erreurs mises en évidence sont un apport excessif en glucides, une mauvaise répartition des apports au cours de la journée et mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie, vol. 10, n° 3, mai-juin 2008 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. de la semaine et parfois une alimentation totalement déstructurée. Conseils Une alimentation sous forme de 3 repas par jour et 2 à 3 collations est proposée. La stratégie diététique consiste en : – une répartition des glucides sur la journée en plus petites quantités ; – une limitation voire une suppression des sucres ajoutés (sucre, confiture...) ; – suppression de toute boisson sucrée (jus de fruits, soda) ; – un apport de fibres (légumes) et de matières grasses (en quantités contrôlées) permet de ralentir l’absorption des glucides et contribue à baisser les glycémies postprandiales. Intérêt des collations Les collations permettent le fractionnement et la répartition des apports glucidiques sur la journée (donc d’éviter des apports trop importants de glucides aux repas principaux) afin de limiter les hyperglycémies postprandiales. La collation en soirée a toute son importance pour limiter le jeûne de la nuit et éviter des glycémies à jeun et/ou postprandiales du matin élevées. Un exemple de répartition journalière à 1 800 Kcalories et 220 g de glucides est donné (tableau 1) ainsi que des exemples de collations apportant 20 g de glucides (tableau 2). Suivi Dans tous les cas, les conseils doivent être suivis jusqu’à l’accouchement, même si les glycémies se sont normalisées. La plupart du temps, le régime alimentaire suffit à réguler la ou les glycémies. Lorsque les glycémies ne sont pas régularisées malgré le régime alimentaire, la patiente est prise en charge par le diabétologue. Une insulinothérapie est parfois nécessaire, le régime et les collations sont maintenus. Période postnatale La grossesse est une période à risque pour l’installation d’une surcharge pondérale ou d’une obésité. Une prise en Tableau 1. Exemple de répartition journalière/1 800 Kcalories et 220 g de glucides Petit-déjeuner : - lait ou laitage - pain (1/4 baguette) - beurre 10 g Déjeuner et dîner - viande ou poisson (100 g) ou 2 œufs - légumes crus, cuits à volonté - féculents (200 g cuits) ou pain (1/3 de baguette) - huile (1 cuillerée à soupe) - laitage ou fromage Collation (10 heures, 16 heures, 22 heures) - 1 fruit - 1 laitage Tableau 2. Exemples de collations apportant 20 g de glucides Exemples de collations Au domicile : À l’extérieur : - 3 petits beurres + 1 verre de lait - 1 fruit - ~1/6 baguette + 1 portion de fromage - 1 pain au lait - 1 fromage blanc + 1 compote - 2 crêpes fines charge diététique serait souhaitable dans la période postnatale pour favoriser le retour au poids initial. Dans le cas de diabète gestationnel, les glycémies se normalisent après l’accouchement mais un contrôle des glycémies est vivement recommandé. Si la patiente est obèse ou en surpoids, une réduction pondérale sera encouragée pour prévenir l’apparition du diabète de type II. Conclusion Pendant la grossesse, des mesures diététiques simples permettent le plus souvent de limiter la prise de poids des femmes obèses ou en surpoids. Une consultation diététique dès le début de la grossesse est souhaitable. Des conseils adaptés tenant compte des antécédents de chaque patiente sont nécessaires et permettent une meilleure compliance. Dans le cas de diabète gestationnel, une alimentation adaptée est le plus souvent suffisante pour éviter une insulinothérapie. Les patientes seront encouragées à surveiller leur poids et leurs glycémies, puisqu’elles sont plus exposées à développer un diabète de type II. mt Médecine de la Reproduction, Gynécologie Endocrinologie vol. 10, n° 3, mai-juin 2008 211