aux libre-échangistes. Mais cela n’est pas étonnant. Il y a quarante ou cinquante ans, la plupart
des élites arabes partaient se former en URSSS, ils en revenaient socialisants. Les élites arabes
sont aujourd’hui formées en Europe et aux Etats-Unis. Elles reviennent avec des idées et des
concepts néolibéraux et elles n’ont absolument pas les moyens intellectuels de concevoir un
modèle alternatif ni même de réaliser que l’économie de rente est à la base du despotisme et de
l’absence de développement.
Quels sont les principaux défis économiques à moyen terme?
Il faut d’abord reprendre conscience des questions de ruralité, de pauvreté et d’inégalité. Il reste
encore beaucoup d’arabes qui vivent dans des conditions de dénuement total dans les campagnes.
Quelques 80 millions d’individus sont analphabètes, dont une bonne partie se trouve dans les
zones rurales.
Il y a également ceux qui vivent dans des gourbis, des shantytowns ou des cimetières,
notamment en Egypte, pendant que les fortunes des milliardaires arabes ne font que s’accroître.
Ce phénomène n’attitre pas l’attention mais tant que ces poches d’analphabétisme et d’extrême
pauvreté existent, il n’y a point de développement possible.
En ce qui concerne le chômage et l’emploi, il est quasi-impossible de rentrer dans un réel cycle
de créations d’emplois, sans mettre en pratique la science et la technologie, sauf à ne produire
que des emplois à faible valeur ajoutée, comme c’est le cas depuis plusieurs décennies. La
recherche et le développement, l’électronique, l’informatique, la santé, sont autant de secteurs
vers lesquels les sociétés arabes doivent s’orienter et se reconvertir.
Il existe aujourd’hui quelques succès, certes, mais ils sont éparpillés et ne s’inscrivent pas dans
des politiques globales de diversification économique et de mobilisation de la société.
Qu’en est-il de la politique fiscale dans le monde arabe?
L’impôt ne joue pas son rôle redistributif dans cette région du monde. La politique fiscale est le
reflet de la force sociale dominante qui est la force des bénéficiaires de l’économie rentière. La
taxation ne touche pas aux rentes, notamment aux plus-values résultant de l’appropriation de la
rente foncière. Les plus values boursières sont elles aussi, en règle générale, à l’abri de tout
prélèvement fiscal. En revanche, toute activité productrice est taxée. Même si ce phénomène est
aujourd’hui observable avec plus ou moins d’intensité aux quatre coins du monde, il remonte à
plus d’un demi siècle dans la région, bien avant que le néolibéralisme économique ne triomphe.
Cela a été exacerbé par la création de nombreuses zones franches fiscales. On a détaxé les
nouveaux investissements, même quand il s’agissait de l’ouverture d’un hôtel qui ne produit pas
de grande valeur ajoutée ou de sous-traitance tout à fait passive avec une multinationale. En
Tunisie, un des gros problèmes a été l’existence d’une zone franche qui a coupé en deux
l’économie du pays au détriment de la création d’un véritable tissu industriel productif.
Aujourd’hui, l’un des principaux défis est de pouvoir défaire ces anciennes structures.
Quelles sont les erreurs à éviter de l’expérience post-soviétique en Europe de l’Est ?
Au lendemain de la chute de l’URSS, le phénomène de privatisations massives a été qualifié par
un ouvrage collectif sur le sujet de « grande braderie à l’Est ». La vente d’actifs appartenant à
l’Etat s’est produite de manière non éthique, non productive et non économique. Cela ne veut pas
dire pour autant qu’il ne faille pas privatiser certains secteurs, notamment ceux où le secteur
privé est susceptible d’être plus performant que l’Etat. Dans la conclusion d’un de mes ouvrages,
je préconise d’ailleurs la privatisation des secteurs pétroliers dans le monde arabe dans l’objectif
de mieux redistribuer la richesse, et ceci par la création de fonds d’investissements qui