Le monde arabe : unité et diversité Parler du monde arabe est moins évident qu’il n’y paraît. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer ce que nous offre la Bibliothèque française sous les chapitres « Histoire de l’Islam » et « Histoire du monde ou des pays arabes ». Du côté anglosaxon, la situation n’est guère différente. A quelques rares exceptions près, celles de deux auteurs chrétiens arabes notamment (Philip Hitti et Albert Hourani), on a préféré comme en France construire des histoires de l’Islam ; on entendait par là la civilisation arabo-musulmane qui comprenait, à son apogée, les provinces de Perse et d’Asie centrale si riches d’histoire et de culture et si présentes dans les structures et la vie de l’empire Abbasside. C’est à cette condition également que les sept à huit siècles de domination turque des Mamelouks et des Ottomans peuvent être appréhendés. Et les Arabes eux-mêmes, comment ont-ils vu leur histoire ? C’est en se dégageant du joug ottoman peu avant la Première Guerre mondiale que des écrivains arabes ont tenté de reconstituer une histoire qui leur serait propre. Leur divorce violent avec les Turcs qui prend la forme d’une rupture définitive avec l’épopée de Lawrence d’Arabie et de Faisal entraîne un rejet de pans entiers du passé. Une fracture précédente faite de guerres et de massacres avait définitivement séparé le monde sunnite et turc du monde iranien et chiite. Désormais, l’histoire du monde arabe serait une histoire tronquée, c’est-à-dire en grande partie occultée par les Turcs et les Persans. En d’autres termes, le modèle romain aidant, cette histoire serait une histoire de grandeur et de décadence. Grandeur des débuts lorsque l’élément dit arabe dominait, décadence lorsque le joug turc s’abat sur les contrées arabes. Mais alors, qu’en est-il de Méhémet le Conquérant, de Sélim 1 er, de Soliman le Magnifique ?… Et la réalité historique ? demandera-t-on. Quelle histoire commune à tous ces peuples ; malgré leur diversité, malgré l’artifice de l’idéologie unitaire également ? Pour comprendre ce monde complexe, il nous faut sans doute commencer par désapprendre ce qu’ont forgé les nationalisme. Nous qui sommes nés pour la plupart dans des Etats-Nations avons oublié ce qu’étaient les empires multiethniques et pluriconfessionnels, aussi bien l’empire austro-hongrois que l’empire ottoman. A l’heure où se construit l’Europe, l’exercice n’est pas vain ! François Zabbal Novembre 2001