L'histoire en forme de poire
Fabrice Erre raconte comment ce fruit est devenu la
caricature de la bourgeoisie.
Pourquoi la poire? Pourquoi cette forme associée au visage de Louis-Philippe est-elle
apparue au début de la monarchie de Juillet (1830-1848) au point d'en devenir la
représentation subliminale? Ces questions ont fourni
au jeune historien Fabrice Erre (né en 1973) la
matière d'un livre très original qui entraîne le lecteur
du côté de la caricature politique.
A l'origine de ce dessin, il y a non pas Daumier mais
Charles Philipon. L'homme possède un culot
monstre, un sacré coup de crayon et il crée deux
périodiques, La Caricature et Le Charivari, qui feront
beaucoup pour le succès de cette histoire en forme
de poire. Autour de cette image piriforme se
construisent une identité et une conscience de
classe. La poire, c'est le bourgeois, le «Philipotin»,
mélange de Louis-Philippe et de Félix Potin – qui ne
connaîtra le succès qu'à la fin du XIX' siècle –, dont
l'archétype est justement l'épicier. Mais la caricature vise aussi les grosses légumes de
la politique. Le «juste milieu» prôné par Louis-Philippe devient le ventre. «Après le
bourgeois, le juste milieu se calque lui aussi sur un contour en forme de poire.» Le roi
succombe à la dégradation. L'identification du souverain et de son régime à une poire
devient familière aux Français. Le grotesque affiche le vrai. La «poire tyrannique et
maudite» – dixit Baudelaire – s'affirme comme la représentation d'une politique. La
poire se transforme en boulet pour la France. Aussi un désir de contestation, face à un
pouvoir impuissant se fait jour. C’est ainsi qu'apparaissent des poires-graffitis sur les
murs de Paris, une sorte de motif vivant appelé à un bel avenir. L'objet satirique
devient symbole. Helmut Kohl puis Edouard Balladur seront aussi, par la suite,
caricaturés en poires...
En appui de sa démonstration
sémiologique, Fabrice Erre cite des
extraits de nombreuses œuvres
littéraires oubliées, des pièces, des
articles ou des poésies et propose bien
sûr nombre d'illustrations de ces
ventrus et repus incarnant les
bourgeois du Parlement. « Bien
qu'étant devenu le pivot de la société
moderne, notamment sous la
monarchie de Juillet; premier régime