Titre de la thèse: Etude des forces d’interactions responsables de l’adhésion bactérienne par microscopie à force atomique en solution : de la molécule à la cellule Directeur de thèse et comité d’encadrement: Magali Phaner-Goutorbe (ED Matériaux) Domaine et contexte scientifique mots clés : Dans le monde hospitalier ou agroalimentaire, la colonisation par des bactéries pathogènes de surfaces en contact avec des fluides biologiques est un véritable problème de santé publique. Par exemple, les infections nosocomiales (IAS : Infections Associées aux Soins générées, impliquant principalement les bactéries Escherichia coli, Staphylococcus aureus et Pseudomonas Aeruginosa) touchent environ 5% des personnes hospitalisées par an en France et causent de nombreux décès (4000 décès par an) parmi les personnes les plus faibles et immuno-déficiantes. L’adhésion bactérienne sur une surface se fait en deux étapes successives [1]: - l’attachement des bactéries individuelles sur la surface par des liaisons physicochimiques (interactions électrostatiques, de van der Waals ou hydrophobes lorsque les interactions sont gouvernées par l’entropie) et par des interactions liées au mouvement brownien. - l’adaptation de la bactérie à la surface, elle adapte sa physiologie et sa conformation pour une adhésion plus forte et va jusqu’à former un biofilm bactérien plus résistants à l’action des antibiotiques que les bactéries isolées. D’autres facteurs liés au milieu liquide dans lequel se fait cette adhésion joue un rôle important comme le pH, la force ionique, mais aussi les conditions de flux. D’autres facteurs tels que la température et le temps d’exposition ou de contact interviennent aussi. De fait, malgré les enjeux sociétaux, et malgré le nombre important d’études, l’adhésion bactérienne n’est pas encore très bien comprise car il faut l’étudier à différentes échelles de la molécule à la surface et selon différents points de vue scientifiques ceux de la Physico chimie des interfaces, de la Biochimie, de la Mécanique des milieux continus et de la Mécanique des fluides. Depuis plusieurs années, l’équipe « Chimie et Nanobiotechnologie » de l’INL a pour projet de participer au développement de nouveaux médicaments pour empêcher l’adhésion cellulaire de bactéries. Des études ont été menées sur l’adhésion de la bactérie pseudomonas aeruginosa (PA) qui pour les personnes atteintes par la mucoviscidose, est la cause principale de mortalité par une infection grave en se fixant sur les cellules des poumons. PA comme de nombreux virus et bactéries pathogènes se fixe à la surface des cellules-hôtes par une interaction entre des protéines (lectines) présentes dans ou sur sa membrane et des sucres présents sur la membrane cellulaire. L’interaction lectine-sucre joue un rôle important dans l’adhésion de la bactérie puis dans la fabrication d’un biofilm pathogène. L’idée était de créer et d’introduire des sucres synthétiques (glycomimétisme) de plus grande affinité que les sucres présents sur les cellules (ANR Glycomime 2013-2016). Des outils et des protocoles ont été développés pour créer des sucres synthétiques adaptés [2, 3], et une étude fondamentale de l’interaction bactérie-cellule, et sucre synthétique lectine a été réalisée par microscopie à force atomique (AFM) pour comprendre le mécanisme d’adhésion [4-6]. Des liens forts entre les mécanismes à l’échelle de la molécule et à l’échelle de la bactérie ont été établis [6]. Aujourd’hui, l’équipe souhaite poursuivre ce travail en étudiant d’autres bactéries pathogènes afin de déterminer le moyen d’éviter la formation d’un biofilm. Mots clés : adhésion bactérienne, AFM, force de surface, interaction intermoléculaire, interaction bactérie/cellule, Fonctionnalisation de surface, interface liquide/solide Objectifs de la thèse, verrous scientifiques et contribution originale attendue L’objectif de la thèse est de mesurer les forces d’interaction mises en jeu lors de l’adhésion de bactérie sur des cellules ou des surfaces : et ceci à différentes échelles, entre la bactérie et une surface solide, entre la bactérie et la cellule, entre les protéines présentes sur la membrane de la bactérie et les sucres présents sur la cellule puis entre les protéines et des sucres synthétiques créés et introduits afin d’inhiber l’adhésion cellulaire. Ces mesures seront effectuées par microscopie à force atomique (AFM) en mode spectroscopie, en milieu liquide. Pour analyser l’interaction à l’échelle moléculaire, le mode Single Molecule Spectroscopy est utilisé. Il consiste à approcher la pointe AFM fonctionnalisée avec un type de molécules sondes vers une surface fonctionnalisée avec les molécules cibles, de mettre en contact et provoquer l’interaction entre une paire de molécules sonde/cible puis de retirer la pointe jusqu’à ce que la liaison se brise. Ces études ont souvent été réalisées avec des systèmes modèle, ADN/ADN, Streptavidine/ Biotine… Les forces mises en jeu sont des forces chimiques de l’ordre de la dizaine de pN et dépendent de la vitesse de mise en contact des molécules, et du milieu liquide [7]. A l’échelle de la cellule, la pointe AFM est aussi utilisée pour mettre en contact la cellule et la bactérie, l’une étant fixée sur le levier et l’autre sur la surface. On mesure alors les forces d’interactions entre une paire cellule/bactérie et les forces mises en jeu sont le résultat d’un ensemble de processus d’interaction entre les différentes parties de la cellule et de la bactérie. Elles sont de l’ordre du nN et doivent aussi tenir compte de propriétés mécaniques comme l’élasticité des membranes cellulaires, de la viscosité du milieu liquide et du temps de contact [8]. Très peu d’études portent sur des mesures de forces couplées à ces deux échelles. Dans une étude précédente, nous avons analysé l’interaction entre un sucre synthétique et la lectine PA IL responsable de l’adhésion de la bactérie pseudomonas aeruginosas sur les cellules épithéliales des poumons. Nous avions poursuivi par des mesures de force entre une cellule et la bactérie en présence et en absence du sucre synthétique. Nous avons ainsi pu établir des liens entre les forces chimiques et mécaniques mesurées aux deux échelles [6]. L’idée de la thèse est de poursuivre dans cette voie en s’intéressant aussi au rôle joué par le milieu liquide, à la fois par sa nature chimique mais aussi par ses propriétés en mécanique des fluides. Ce dernier aspect n’a jamais été traité à notre connaissance, or lors de l’interaction, de la mise en contact, la conformation des molécules (protéine/sucre), la compacité et l’élasticité des membranes cellule/ bactérie dépendent de la nature du liquide, de sa température, de sa viscosité et de la vitesse avec laquelle se fait le contact. Cette étude initiée sur le système PA/cellule épithéliale des poumons serait ensuite étendue à d’autres bactéries pathogènes. Ce travail devrait permettre de mieux comprendre l’adhésion bactérienne sur une surface et le rôle du milieu liquide en interprétant les phénomènes d’interaction par le biais de la Biologie, la Physicochimie, la Mécanique et de la Nanofluidique. Les applications sont nombreuses dans les domaines biomédical ou agroalimentaire où l’enjeu est d’éviter la formation de biofilms bactériens. Dans un cadre plus général, il apportera aussi des réponses concernant les forces mises en jeu entre deux surfaces dures (solides) ou molles (membranes) à quelques nanomètres l’une de l’autre en solution. Programme de recherche et démarche scientifique proposée: Après une initiation à l’AFM en modes imagerie, et spectroscopie, le(la) doctorant(e) commencera par l’étude de la fonctionnalisation de pointes terminées par une molécule. Au sein du laboratoire INL, et de l’équipe, il (elle) effectuera la chimie de surface, et contrôlera la concentration en lectines pour créer des pointes robustes et reproductibles. Elles seront ensuite utilisées pour interagir avec des glycoarrays, surfaces terminées par différents sucres, préparées au sein de l’équipe. L’interaction sera mesurée, dans notre équipe, en fonction de l’affinité du sucre, de sa concentration mais aussi des propriétés du fluide environnant. Les pointes seront ensuite utilisées pour interagir avec les cellules, en collaboration avec le partenaire allemand. Le(la) doctorant(e) élaborera un autre protocole de fonctionnalisation de pointes terminées par une bactérie ou une cellule pour étudier l’adhésion cellulaire et pour se rapprocher du système réel. Enfin, l’interaction bactérie/cellule sera effectuée en présence des sucres synthétiques pour étudier l’inhibition de l’adhésion. Finalement, le(la) doctorant(e) effectuera l’analyse des courbes de forces en confrontant ces résultats à différents modèles prenant en compte les forces chimiques et mécaniques et devra aussi prendre en compte l’aspect nanofluidique. Encadrement scientifique, intégration au sein du laboratoire (Département/Equipe(s) impliquées), collaboration(s)/partenariat(s)extérieurs: le (la) doctorante effectuera sa thèse dans l’équipe « Chimie et Nanobiotechnologie » de l’INL et sera encadrée par Magali Phaner-Goutorbe, Professeure de l’Ecole centrale de Lyon. Il (elle) travaillera en interaction forte dans l’équipe avec Yann Chevolot pour la partie fonctionnalisation chimique et biologique des pointes et des surfaces, avec Hermann Schillers de l’Institut de Physiologie de Münster (Allemagne) pour la partie étude par AFM de l’interaction cellule-bactérie et tous les acteurs de l’ANR Glycomime pour les interactions lectines- sucres, i.e. Sébastien Vidal, Institut de Chimie et de Biochimie Moléculaires et Supra Moléculaires, Laboratoire de Chimie Organique 2 – Glycochimie, Université Lyon 1, François Morvan et Jean Jacques Vasseur de l’Institut des Biomolécules Max Mousseron, Département des Analogues et Constituants des Acides Nucléiques (DACAN) Université de Montpellier 2, Olivier Vidal de l’Unité de glycobiologie structurale et fonctionnelle, Université de Lille. Les analyses de l’aspect nanofluidique de la mesure se feront en collaboration avec Richard Perkins du Llaboratoire de Mécaniques des Fluides et Acoustiques de l’Ecole Centrale de Lyon. Profil du candidat recherché (prérequis) : Master 2 Recherche et/ou diplôme d’ingénieurs généraliste, en physique ou biophysique, en chimie ou physicochimie des surfaces. Le (la) candidat(e)doit avoir un goût prononcé pour le travail expérimental (préparation de pointes, mesures AFM), éventuellement aussi pour la modélisation (forces d’interaction) et doit être capable de travailler à l’interface entre la physique, la chimie, la mécanique des milieux continus, la mécanique des fluides et la biologie. Toutefois, aucune compétence particulière n’est exigée en biologie. Compétences développées au cours de la thèse et perspective professionnelle : Le (la) doctorant(e) aura acquis en fin de thèse des compétences en physico-chimie des surfaces, avec l’élaboration des fonctionnalisations chimiques et biologiques de surfaces, en mécanique et nanofluidique avec l’analyse des forces d’interaction et sera un expert en microscopie champ proche (AFM) sur objets biologiques et en solution. Il (elle) saura aussi valoriser ses travaux sous forme de publications et de brevets. Il (elle) aura aussi appris à travailler sur un sujet multidisciplinaire et en collaboration avec des équipes françaises et allemandes ce qui sera un grand atout pour postuler sur des postes dans la recherche académique et industrielle. Contacts : Magali Phaner-Goutorbe [email protected] Références bibliographiques sur le sujet de thèse 1- L'adhésion bactérienne sondée à l'échelle moléculaire, Emilie Bulard, Thèse de Doctorat Université Paris Sud, Institut des Sciences moléculaires d’Orsay, soutenue le 19 octobre 2012 2- DNA directed immobilization glycocluster array: applications and perspectives, Y. Chevolot, E. Laurenceau, M. Phaner-Goutorbe, V. Monnier, E. Souteyrand, A. Meyer, T. Gehin, J. J. Vasseur, F. Morvan, Current Opinion in Chemical Biology, 18,46-54 (2014) 3- Effects of the Surface Densities of glycoclusters on the determination of their IC50 and Kd value determination by using a Microarray, L. Dupin, F. Zuttion, T.Gehin, A. Meyer, M. Phaner-Goutorbe, J-J Vasseur, E. Souteyrand, ChemBioChem, 16, 2329-2336 (2015) 4- AFM investigation of Pseudomonas aeruginosa lectin LecA (PA-IL) filaments induced by multivalent glycoclusters, D. Sicard, S. Cecioni, M. Iazykov, Y. Chevolot, S. E. Matthews, J.-P. Praly, E. Souteyrand, A. Imberty, S. Vidal and M. Phaner-Goutorbe, Chem. Commun., 2011, 47, 9483–9485 5- Caractérisation par microscopie à force atomique des arrangements protéine/sucre impliquant la lectine PA-IL de la bactérie pseudomonas aeruginosa, Delphine Sicard, Thèse de doctorat, Université de Lyon, Institut des Nanotechnologies de Lyon, soutenue le 26 novembre 2012 6- Etude par microscopie à force atomique de l’interaction bactérie pseudomonas aeruginosa – cellule épithéliale impliquée dans la mucoviscidose, Francesca Zuttion Thèse de doctorat en cours, Université de Lyon, Institut des Nanotechnologies de Lyon, soutenance prévue en septembre 2016 – 3 articles en cours de soumission 7- Localization and Conformational Analysis of Single Polysaccharide Molecules on Live Bacteria Detection, G. Francius, S. Lebeer, D. Alsteens, L. Wildling, H.J. Gruber, P. Hols,S. De Keersmaecker, J. Vanderleyden, Y.F., Dufrêne, ACS Nano 2, 1921–1929, (2009) 8- Atomic force microscopy : a nanoscopic window on the cell surface, D. J. Mûller, Y. F. Dufrêne, Trends in Cell Biology, 21,8 , (2011)