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images autour d’une expérience d’anthropologie visuelle du corps appliquée au vaste thème
de la folie féminine2.
En revoyant les images de la folies, rendues publiques par des psychiatres
« visualistes » comme les docteurs Charcot, Luys, Bourneville et Régnard, Londes et
Duchenne de Boulogne, puis en cherchant à élucider les relations entre ces images et les
manifestations de la folie, j’ai suivit deux parcours de terrain : le premier cherche à penser
les relations entre les « images du corps »3 et la folie, tandis que le second s’appuie sur mes
propres expériences de terrain anthropologique, effectuées au sein de l’hôpital Juliano
Moreira à Salvador4. A partir d’une méthodologie appliquée à mes terrains de recherche
antérieurs ( Hygiène corporelle parisienne5 et Culte du corps à Rio de Janeiro6), définie
comme une anthropologie visuelle du corps, j’ai réalisé une recherche de terrain d’une
durée de huit mois dans un Hôpital de Salvador, en focalisant mon regard sur l’aspect
audiovisuel du monde social et matériel d’un groupe d’internées et en cherchant à
comprendre la façon dont cet univers était vu et vécu subjectivement par ces femmes.
En passant de l’autre coté de la normalité en produisant des images et des
enregistrements sonores comme données de recherches, j’ai essayé d’ouvrir un espace de
réflexion interdisciplinaire (Psychiatrie, Psychologie, Psychanalyse, Anthropologie visuelle
et sonore, Anthropologie du corps, Herméneutique...) et réflexif (en tenant compte de mon
contre-transfert et de mes à priori) afin de mettre en évidence non seulement la prolifération
des discours et des représentations que la folie suscite mais également la polysémie de la
folie en soi. Pour renouveler le discours sur la folie, une des possibilité évoquée par le
directeur de l’hôpital Juliano Moreira, consiste à se diriger vers le patient sans aucune
2 Pour des raisons de stratégie de terrain anthropologique et parce qu’il est facile de voir que la folie « version masculine »
est bien différente, dans ses manifestations extérieures, que celle observable dans les aires féminines d’un hôpital
psychiatrique. En outre, le caractère plus “performatique” de la folie féminine explique sans doute le fait que la
photographie psychiatrique française du XIXème siècle ( Archives photographiques de la Salpetrière...) se soit concentré
presque exclusivement et de manière symptomatique sur les études de l’hystérie féminine.
3 Le terme d’image du corps désigne de façon générique, une représentation photographique ou vidéographique du corps,
tout en gardant le sens de représentation sociale du corps mise en image.
4 L’hôpital Juliano Moreira accueille actuellement 168 patients, séparés par sexe en deux espaces : 102 femmes et 66
hommes. L’ hôpital, dirigé par le psychanalyste lacanien Marcello Veras, réalise plus de 3000 consultations par mois. En
effet, depuis un an, l’hôpital fonctionne de manière ouverte, et favorise la sortie des patients qui rentrent chez eux
rapidement (internement d’un mois en moyenne) et qui ne reviennent à l’hôpital que pour des entretiens et pour retirer
leurs médicaments.
5 D.E.S.S d’Ethnométodologie, Sales d’eau: les mises en scènes de l’hygiène corporelle parisienne,1996.