des mouvements d’émancipation et de conquête de l’autonomie cultu-
relle et politique du continent noir1».
La théologie de la fondation de la chrétienté n’est rien moins que
la transposition du christianisme tel que vécu en Occident dans le
contexte culturel et géographique de l’Afrique subsaharienne. Un
christianisme limité à la sphère des valeurs était pour beaucoup de
missionnaires le plus important pour l’Afrique. La théologie de la
fondation des missions trouve un appui philosophique dans la pensée
de Placide Tempels qui publie en 1944 un ouvrage intitulé La philo-
sophie de bantoue2, à l’origine d’un débat toujours d’actualité sur
l’essence de la pensée africaine. Des générations de philosophes afri-
cains y ont constamment fait recours, soit pour adopter sa méthode
d’investigation rationnelle, soit pour la récuser. Certains le considè-
rent comme le point de départ de la théologie africaine.
Tempels établit une ontologie négro-africaine qui selon lui repose
sur la force vitale. Cette force vitale structure toute l’existence de
l’être africain. Toute sa quête de plénitude consiste dans le renforce-
ment de sa force vitale. Il en déduit que de cette même force vitale
découlent sa liberté et son éthique. Pour lui, ce dont le «nègre» a le
plus besoin, ce n’est pas de développement économique, mais de la
reconnaissance de sa dignité et de sa valeur humaine, ainsi que du
moyen de faire croître sa force vitale.
Au vu de ces positions, il était devenu évident pour certains théo-
logiens réactionnaires africains que la pratique missionnaire de déve-
loppement socio-caritatif n’était pas accompagnée et portée par une
théologie du salut holistique, mais était le moyen le plus efficace pour
faciliter la fondation de la chrétienté en Afrique, cette chrétienté
comprise comme un ensemble de valeurs et de systèmes, de pratiques
et de rites, profondément immergés dans la culture occidentale.
La théologie de la fondation de la chrétienté va générer un
ensemble de frustrations liées d’abord à la méconnaissance des
valeurs et de la dignité africaines, ce que Tempels tentera timidement
de mettre en exergue dans son ouvrage cité, mais aussi liées à l’im-
portance médiocre accordée aux questions de développement écono-
mique et de promotion humaine. De la première frustration naîtra la
théologie de l’adaptation, de l’incarnation et de l’inculturation, et de
la seconde naîtra la théologie de la reconstruction.
1. MUSHETE, A. NGINDU, les thèmes majeurs de la théologie africaine, L’Har-
mattan, Paris, 1989, p. 34.
2. Paris, Présence Africaine, 1944.
177BRÈVE HISTOIRE DE LA THÉOLOGIE AFRICAINE
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