
Note de l’IAM
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I. Afrique : Une croissance confirmée sans développement
La croissance économique africaine impressionne avec l'émergence comme horizon. Depuis 2000, un consensus
s’est dégagé quant au potentiel qu’a l’Afrique de devenir le prochain pôle de croissance mondiale. En effet,
durant les dix dernières années - et en particulier avant la crise financière mondiale de 2008 - l’Afrique a connu
une croissance accélérée. Alors que les taux de croissance sont en berne dans les pays développés et que les
économies émergentes connaissent un ralentissement important, l’Afrique affiche des taux de croissance
supérieurs à 6% et attire de plus en plus d’acteurs. L’Afrique subsaharienne a ainsi émergé dans la conscience
de nombreux pays et toutes les puissances ont adopté une stratégie dans sa direction, de la Chine aux Etats-
Unis et au Brésil, en passant par la Russie, l’Inde, le Japon et la Turquie. Les États africains ont également la
volonté d’amorcer un réel développement, comme en témoigne les programmes d’émergence en cours dans
plusieurs pays (Côte d’Ivoire, Gabon, Cameroun, Sénégal…).
La mondialisation y participe au travers : des échanges internationaux matériels et immatériels qui ont explosé,
entraînant une compétition elle aussi globale et en partie dématérialisée ; de la nécessité de nouvelles règles
du jeu pour les réguler ; et enfin, de la transformation de notre société globale en société de l’information, avec
des moyens de communication et d’expression immédiats et planétaires qui induisent des modes de
fonctionnement et de décision nouveaux. Nombreux sont en tout cas, au Nord comme au Sud, ceux qui y voient
un signe encourageant d’une possibilité d’émergence, qui serait plus rapide si les efforts d’intégration régionale
étaient plus soutenus. La dynamique de croissance, qui suscite autant d'espoirs, s'appuie aussi sur deux leviers
puissants : l'exploitation des ressources énergétiques et minérales et la croissance de la demande intérieure.
En 2013, l’Afrique a connu une croissance de 4 %, supérieure d’un point à la croissance planétaire. La même
année, l'Afrique de l’Ouest et de l’Est caracolaient en tête avec une croissance de 6 % ou plus devançant
l’Afrique du Nord. L’édition 2014 des Perspectives économiques en Afrique témoigne de l’amélioration constante
des conditions économiques et sociales en Afrique de l’Ouest, qui reste la région du continent qui connaît la
croissance la plus rapide.
Toutefois, le dernier livre de l’économiste-géographe Sylvie Brunel met en garde sur la fragilité d'un
développement encore à consolider. Les inégalités sociales fragilisent son développement. Les lignes de
faiblesse du continent demeurent : aujourd'hui, la croissance africaine n'est pas durable. En effet, alors qu'à
Maputo, en 2003, les chefs d'Etat avaient pris l'engagement de consacrer 10 % de leur budget à l'agriculture,
moins de 10 ont respecté leur engagement. L'ampleur des inégalités internes crée des tensions sociales d'autant
plus fortes que les réseaux de communication et d'information mettent directement en contact des univers
autrefois cloisonnés. Face à cet « afro-optimisme » forgé au gré des rapports stratégiques et études
prospectives, Sylvie Brunel rappelle que la croissance économique du continent ne doit pas faire oublier son
manque de développement : « Encenser l’Afrique aujourd’hui paraît pourtant aussi excessif que l’accablement
dont elle était hier l’objet. L’engouement qu’elle suscite est tout aussi caricatural que l’était le catastrophisme à
tous crins des quinze ans qui ont suivi la fin de la guerre froide, avec l’effondrement en dominos de la plupart
des Etats, minés par la crise de la dette, les rivalités politiques internes, l’instauration brutale du multipartisme
sous l’influence des bailleurs de fonds, la baisse drastique de l’aide publique au développement» . En tant que