
Le magazine de l'Observatoire français des think tanks
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n° 17 | décembre 2011
D
inguerie », « concept réactionnaire » ou « ringard » pour ses détracteurs, « promesse d’un monde
meilleur », « nécessaire » ou « équitable » pour ses partisans, la démondialisation a fait couler
beaucoup d’encre ces derniers mois. Point culminant de sa médiatisation en France: la candi-
dature d’Arnaud Montebourg aux primaires du parti socialiste et du parti radical de gauche. Les débats
sur la démondialisation renforcent l’idée qu’un nouveau clivage viendrait structurer le paysage électoral.
La distinction classique droite/gauche ne sufrait plus à construire une analyse politique pertinente. La
typologie défendue par le politologue Pascal Perrineau autour des notions d’ouverture et de fermeture face
à la mondialisation prend alors tout son sens. De Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, de nombreuses
personnalités politiques afchent leur soutien à la démondialisation. Ce dépassement des clivages tradi-
tionnels constitue une excellente raison de se pencher sur le parcours de cette idée.
De la mondialisation à la dé-mondialisation
Le premier réexe pour aborder un mot au préxe « dé » consiste à comprendre le sens de son sufxe.
La dé-mondialisation serait un néologisme qui s’oppose au mot sur lequel il se construit. Pour résumer,
la mondialisation (ou globalization en anglais), dans son sens courant, dénit la situation dans laquelle
se retrouve l’économie mondiale suite à l’effondrement des économies dites socialistes en Europe de
l’Est, à la n des années 1980, et résulte conjointement de l’avènement de la pensée néolibérale dans le
monde et de l’essor des technologies de l’information et de la communication. En une vingtaine d’années,
cette mondialisation aurait eu un double effet: elle participerait à un mouvement d’homogénéisation des
cultures sur le modèle américain et renforcerait dans le même temps des formes de repli identitaire.
Face à ce phénomène global, les années 1990 ont vu apparaître de nombreux mouvements contestant
cette vision du monde. Les antimondialistes d’une part, qui s’opposent au processus de mondialisation
au sens littéral et strict du terme (celui de devenir mondial), à sa nature, à sa méthode et à ses effets. Et
les altermondialistes d’autre part, qui ne s’opposent pas au mouvement de mondialisation en soi mais
en critiquent son évolution néolibérale.
C’est en 2002, sous la plume du sociologue philippin Walden Bello, que le concept de démondialisation
apparaît véritablement et prend place dans les débats internationaux. Dans son ouvrage intitulé Deglo-
balization, Ideas for a New World Economy, l’auteur explique que la mondialisation s’est construite aux
dépens des pays dits « du Sud ». Appelant à un contrôle politique du système économique, Walden Bello
dénonce la vision magniée de la mondialisation. Selon lui, cette dernière désolidarise l’économie du reste
de la société. Il propose notamment, dans son ouvrage, traduit en français en 2011 (aux éditions du Ser-
pent à plumes), un démantèlement des institutions nancières internationales (OMC, Banque Mondiale,
FMI) et se prononce en faveur d’une relocalisation des activités économiques. Dans un contexte de crise
économique, ses propos ont trouvé de nombreux échos dans le monde entier et en France en particulier.
L’arrivée de la démondialisation sur la scène
médiatique française
Le débat sur la démondialisation en France permet de nous éclairer sur les différentes acceptions de
cette idée. Dans La voie (Fayard, 2011), Edgar Morin épouse les thèses développées par Walden Bello
et explique que « la démondialisation donnerait une nouvelle viabilité à l’économie locale et régionale. […]
la démondialisation signifie également le retour d’une autorité des États […] et constitue un antagonisme
nécessaire, c’est-à-dire complémentaire à la mondialisation ». Avant de passer dans l’agenda politique, et
au delà de cette conception originelle, la démondialisation a trouvé de nouveaux promoteurs, qui, à tour
de rôle, lui ont donné une priorité et une visibilité médiatique supplémentaire. Plusieurs formes complé-
mentaires de démondialisation émergent alors: commerciale, monétaire, ou nancière.
Pour Jacques Sapir (La démondialisation, Seuil, 2011), la démondialisation passe d’abord par une rena-
tionalisation de notre politique commerciale. Sa promotion relance le débat sur le patriotisme économique.
Au sein d’une « guerre économique », il s’agit d’instaurer un système de taxes à l’importation. Emmanuel
Todd poursuit ce raisonnement protectionniste au niveau européen. Il est intéressant de constater le
«