LA PROVINCE ET LE GOUVERNEMENT DE ROME.
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Que, parmi les Afri, ils aient compté les Carthaginois,
c’est ce qu’on pourrait inférer du surnom Africanus, donné au
vainqueur d’Hannibal(1), Mais le terme Afri ne désignait pas
seulement les habitants de Carthage, et même il est presque
certain qu’il ne s’était pas d’abord appliqué à eux(2). Les Afri
que mentionnent Tite-Live et Justin, abréviateur de Trogue
Pompée(3), que le premier oppose aux Poeni(4), aux Cartha-
ginienses(5), étaient ceux que les Grecs appelaient Λίβυες, au
sens restreint de ce mot(6) : les indigènes qui vivaient sur le
territoire punique. L’Africa terra était donc ce territoire(7), qui,
annexé par Rome, devint la provincia Africa.
Dans l’antiquité et de nos jours, on a donné du mot Afri-
ca diverses étymologies : on y a reconnu soit un terme latin(8),
soit un terme sémitique(9) ; on l’a expliqué par des noms de
peuples berbères ou étrangers(10), ou par le nom d’un homme
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1. Lequel est qualifié d’Afer par Horace, Odes, IV, 4, 42. Mais il s’agit d’un poète,
qui n’était pas tenu à une précision rigoureuse. — Terentius Afer, qui dut naître vers 190,
était originaire de Carthage, selon Suétone (édit. Roth, p. 292); on peut d’ailleurs, si l’on
veut, supposer que ses parents étaient des indigènes, domiciliés dans cette ville.
2. Suidas (s. v. Άφριχανός) prétend que la ville de Carthage tut aussi appelée
Άφριχή, mais cette assertion, isolée, parait être dénuée de toute valeur.
3. Voir t. II, p. 99.
4. XXIII, 29, 4 et 10 ; XXVIII, 14, 19 ; etc.
5. XXVIII, 14, 4 ; XXX, 33, 5.
6. T. II, l. c. ; t. V, p. 103.
7. Zonaras (IX, 14, p. 443, c) dit, à propos du surnom Africanus, donné à Scipion
l’Ancien : « le pays autour de Carthage était déjà appelé Άφριχή,
8. D’aprica (parce que l’Afrique est un pays chaud) : étymologie indiquée par
Servius (qui ne la prend pas à son compte), In Aeneid., V, 128 ; VI, 312 ; conf. Isidore de
Séville, Etym., XIV, 5, 2.
9. D’une racine FRQ, qui exprime l’idée de séparation : Léon l’Africain, Descr,
de l’Afrique, trad. Temporal, édit. Schefer, I, p. 1 ; d’Avezac, Esquisse générale de l’Afri-
que, p. 5 (dans Afrique ancienne, Collection de l’Univers pittoresque, 1844) ; etc. Je ne
sais quelle étymologie sémitique pouvaient bien invoquer ceux qui, au dire d’El Bekri,
prétendaient que le mot Ifrlkiya signifie « la reine du ciel » : voir t. IV, p. 257, n, 6.
10. Les Ifuraces, peuplade de la Tripolitaine, mentionnée par Corippus (voir t. V,
p. 4, n. 1) : Castiglioni, Recherches sur les Berbères Atlantiques (Milan, 1826), p. 107,
et d’autres après lui, Movers, Vivien de Saint-Martin, Tissot, etc. — Les Aourîgha, peu-
ple de la souche berbère des Beranès, mentionné par les généalogistes du moyen âge :
Carette, Recherches sur l’origine des tribus de l’Afrique septentrionale (Paris, 1853), p.
308 et suiv., et, après lui, Vivien de Saint-Martin et Tissot : ces Aourîgha auraient habité