lorsqu’elle tomba, elle ne laissa au pouvoir de ses vainqueurs que la place
qu’avaient occupée ses murailles, et un droit de suprématie sur les provinces les
plus voisines, droit souvent contesté, qu’il fallait sans relâche soutenir les armes
à la main. L’insurrection de Jugurtha fut une guerre nationale; si elle eût été
couronnée de succès, elle aurait pu compromettre à jamais la puissance de Rome
en Afrique. Le sénat le sentit, et ne négligea rien pour s’assurer le triomphe.
Cette guerre est importante à connaître, car elle a beaucoup d’analogie avec
notre situation actuelle en Algérie.
La guerre contre Jugurtha dura sept ans, sans interruption. Six grandes
armées, commandées par les généraux les plus habiles, y furent successivement
envoyées, et chacune d’elles, à diverses reprises, reçut d’Europe des renforts qui
la renouvelèrent presque entièrement. Quoique maîtres des côtes et d’une partie
du pays, quoique alliés à plusieurs tribus numides et maures qui combattaient
dans leurs rangs, les Romains n’étaient pas moins obligés de faire venir d’Italie
presque tout le matériel nécessaire pour l’entretien et la subsistance des
troupes. Le génie opiniâtre du prince numide tirait parti de tout : du temps, des
lieux, des saisons. Le premier consul C. Bestia, envoyé contre lui, s’était laissé
séduire, et avait signé un traité honteux; le second, Albinus, hésitant entre le
désir de suivre cet exemple et la crainte d’être puni s’il le suivait, consuma dans
cette indécision l’année entière de son consulat, et revint à Rome pour les
comices, sans avoir fait aucun progrès. Son frère Aulus, chargé pendant son
absence du commandement de l’armée, trompé par des paroles de paix et de
feintes promesses de soumission, se laissa entraîner, à la poursuite des Numides,
dans des lieux difficiles, coupés de bois et de défilés. Là, enveloppé, trahi par
une partie de ses officiers et de ses soldats, qui ne faisaient qu’imiter l’exemple
contagieux de leurs généraux, il fut obligé, pour sauver le reste de son armée, de