Le théorème de Tate en caractéristique positive

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LE THÉORÈME DE TATE EN CARACTÉRISTIQUE POSITIVE
(D’APRÈS A.J. DE JONG)
O. BRINON
Table des matières
1. Introduction
2. Réductions
3. Compléments et anneaux auxiliaires
4. La filtration par les pentes
5. Descente de Γc à Ω et preuve du théorème 2.7
Références
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13
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1. Introduction
Soient p un nombre premier, S un schéma connexe normal et η = Spec K son point générique.
On s’interesse à la pleine fidélité du foncteur de restriction
BT(S) → BT(η)
(ou BT(S) est la catégorie des groupes p-divisibles sur S), ie. étant donnés G, H deux groupes
p-divisibles sur S, de fibres génériques Gη et Hη , à la bijectivité de
(∗)
HomS (G, H) → Homη (Gη , Hη ).
Tate a montré ([13, Theorem 4]) que cette application est un isomorphisme lorsque K est de
caractéristique 0. L’objet de cet exposé est d’expliquer la preuve, due à J. de Jong, de l’analogue
en caractéristique p.
Théorème 1.1. (de Jong, [7, Corollary 1.2]). Si K est de caractéristique p, l’homomorphisme (∗)
est un isomorphisme.
Parmi les conséquences de cet énoncé, on a
Théorème 1.2. (Critère de bonne réduction, cf. [7, 1.2]). Soient R un anneau de valuation discrète
hensélien de caractéristique p, de corps des fractions K, et A une variété abélienne sur K, de groupe
p-divisible G. Alors A a bonne réduction (resp. réduction semi-stable) si et seulement si G aussi.
Théorème 1.3. ([7, Theorem 2.6]). Soient F un corps de type fini sur Fp et A, B des variétés
abéliennes sur F . Alors
Hom(A, B) ⊗Z Zp ≃ Hom A[p∞ ], B[p∞ ] .
On montre (proposition 2.1) que pour prouver le théorème 1.1, il suffit de savoir traiter le cas où
S = Spec R, avec R = kJtK, où k est un corps algébriquement clos. Supposons donc, pour le reste
de cette introduction, que S = Spec R, où R est un anneau de valuation discrète de caractéristique
p. On note σ le morphisme de Frobenius de S. On voit S comme un Zp -schéma, l’idéal p Zp étant
muni de ses puissances divisées canoniques. On note alors Scris le site cristallin de S relativement
à Zp , et OS/ Zp le faisceau canonique sur Scris .
Date: 20 mars 2006.
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O. BRINON
Définition 1.4. (cf. [1, Définition 4.4.1]). Rappelons qu’un F -cristal sur S (relativement à Zp )
est un OS/ Zp -Module localement libre de rang fini M sur Scris muni d’un morphisme de OS/ Zp Modules
FM : σ ∗ M = M σ ⊗OS/ Zp OS/ Zp → M .
Un F -cristal est non-dégénéré s’il existe n ∈ N et un morphisme de OS/ Zp -Modules V : M → σ ∗ M
tels que V F = pn Id. Un morphisme de F -cristaux (non-dégénérés) est un morphisme entre les
Modules sous-jacents qui commute aux Frobenius. On obtient ainsi une catégorie Zp -linéaire, notée
F -cris(S) (resp. F -cris+ (S)).
Notons j : η → S l’immersion ouverte. On dispose du foncteur de localisation :
j ∗ : F -cris+ (S) −→ F -cris+ (η).
Grâce au foncteur de Dieudonné, on montre (cf. proposition 2.3) que le théorème 1.1 découle de
l’énoncé suivant.
Théorème 1.5. (de Jong, [7, Theorem 1.1]). Si R admet une p-base, alors j ∗ est pleinement
fidèle.
Comme il a été dit plus haut, on a en fait seulement besoin du cas R = kJtK, où k est un corps
algébriquement clos. De toutes façons, pour prouver le théorème 1.5, on se ramène aussi à ce cas
(proposition 2.5).
2. Réductions
Proposition 2.1. (cf. [1, 4.1]). Pour prouver le théorème 1.1, il suffit de traiter le cas où S =
Spec kJtK, où k est un corps algébriquement clos.
Démonstration. Pour n ∈ N>0 , soient Gn et Hn les noyaux de la multiplication par pn dans G et
H respectivement. Quitte à considérer un recouvrement affine {Uα } de S et à restreindre Gn et
Hn à chacun des Uα , on peut supposer que S est affine : S = Spec R.
e une R-algèbre et (Ri )i∈I une famille de sous-R-algèbres de R.
e On suppose
Lemme 2.2. Soient R
T
e
e
Ri = R dans R.
que pour tout i ∈ I, les applications R → Ri et Ri → R sont injectives, et que
i∈I
T
HomRi (Gn Ri , Hn Ri ) dans HomR
Alors HomR (Gn , Hn ) =
e(Gn Re, Hn R
e).
i∈I
Démonstration. Soient An et Bn les algèbres affines de Gn et Hn respectivement. On a alors
HomR (Gn , Hn ) ≃ HomR -Hopf (Bn , An ) (morphismes d’anneaux compatibles aux comultiplications
de Bn dans An ). Par ailleurs, les R-algèbres An et Bn sont localement libres : pour tout i ∈ I, on
e et donc les inclusions
e et Bn ⊆ Bn ⊗R Ri ⊆ Bn ⊗R R,
a les inclusions An ⊆ An ⊗R Ri ⊆ An ⊗R R
e
e
HomR -Hopf (Bn , An ) ⊆ HomRi -Hopf (Bn ⊗R Ri , An ⊗R Ri ) ⊆ HomR
e -Hopf (Bn ⊗R R, An ⊗R R),
les éléments de HomR -Hopf (Bn , An ) (resp. HomRi -Hopf (Bn ⊗R Ri , An ⊗R Ri )) étant ceux qui envoient Bn dans An (resp. Bn ⊗R Ri dans An ⊗R Ri ). En particulier, on a HomR -Hopf (Bn , An ) ⊆
T
e
e
HomRi -Hopf (Bn ⊗R Ri , An ⊗R Ri ) dans HomR
e -Hopf (Bn ⊗R R, An ⊗R R). Réciproquement, si
i∈I
T
e
e
HomRi -Hopf (Bn ⊗R Ri , An ⊗R Ri ) dans HomR
f∈
e -Hopf (Bn ⊗R R, An ⊗R R), alors f envoie Bn
i∈I
T
T
Ri (par platitude de An sur R) ie. dans An .
An ⊗R Ri = An ⊗R
dans
i∈I
i∈I
On se ramène alors au cas où R est un anneau de valuation discrète
complet, à corps résiduel
T
algébriquement clos. En effet, l’anneau R étant normal, on a R = Rp , où p parcourt l’ensemble
p
des idéaux premiers de hauteur 1 de R. Grâce au lemme 2.2, on peut donc déjà supposer R local.
Dans ce cas, il existe une extension R′ de R, qui est un anneau de valuation discrète complet, à
corps résiduel algébriquement clos, et tel que R = R′ ∩ K. En effet, si k est le corps résiduel de R
b où R
b est le complété de l’anneau
b k R,
et k une clôture algébrique de k, on peut prendre R′ = k⊗
local R. On applique alors de nouveau le lemme 2.2.
LE THÉORÈME DE TATE EN CARACTÉRISTIQUE POSITIVE
(D’APRÈS A.J. DE JONG)
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Notons BT(S) la catégorie des groupes p-divisibles (= de Barsotti-Tate) sur S. Rappelons (cf.
[2]) qu’on dispose du foncteur de Dieudonné :
D : BT(S)◦ → F -cris(S).
Il commute aux changements de base, et si G ∈ BT(S), le faisceau de OS/ Zp -modules sous-jacent
à D(G) est localement libre de rang la hauteur de G.
Proposition 2.3. Le théorème 1.5 implique le théorème 1.1.
Démonstration. D’après la proposition 2.1, il suffit de traiter le cas S = Spec R avec R = kJtK, où
k est un corps algébriquement clos. Le foncteur de Dieudonné est alors pleinement fidèle sur S et
sur η d’après [3, Théorème 4.1.1], car R est normal et admet une p-base. Si G, H ∈ BT(S), on a
donc le diagramme
HomS (G, H)
∼
HomF -cris(η) (j ∗ D(H), j ∗ D(G))
(∗)
Homη (Gη , Hη )
/ HomF -cris(S) (D(H), D(G))
∼
∼
/ HomF -cris(η) (D(Hη ), D(Gη ))
où les flèches horizontales sont des isomorphismes. Par ailleurs, les applications
HomF -cris+ (S) (D(H), D(G)) → HomF -cris+ (η) (j ∗ D(H), j ∗ D(G))
et
HomF -cris+ (η) (j ∗ D(H), j ∗ D(G)) → HomF -cris+ (η) (D(Hη ), D(Gη ))
sont des isomorphismes par pleine fidélité de j ∗ et commutation de D aux changements de base
respectivement. La proposition en résulte.
Dans le cas où la base est affine et admet une p-base, les F -cristaux ont une description terre
à terre, donnée par la proposition suivante.
Proposition 2.4. (cf. [3, Proposition 1.3.3]). Soient A un anneau de caractéristique p admettant
une p-base, et (A∞ , σ) un relèvement de A, ie. un anneau de caractéristique 0, séparé et complet
pour la topologie p-adique tel que A∞ /pA∞ ≃ A, muni d’un morphisme d’anneaux σ : A∞ → A∞
relevant le Frobenius sur A (il en existe toujours en vertu de [3, Proposition 1.1.7 & Corollaire
1.2.7]). Alors la catégorie des (F -)cristaux sur Spec A (relativement à Spec Zp ) est équivalente
à la catégorie des A∞ -modules (localement libres) séparés et complets, munis d’une connexion
intégrable topologiquement quasi-nilpotente (et d’un opérateur de Frobenius F qui est σ-linéaire et
horizontal).
Proposition 2.5. (cf. [7, 3]). Pour prouver le théorème 1.5, il suffit de traiter le cas R = kJtK,
où k est un corps algébriquement clos.
Démonstration. (cf. preuve de la proposition 2.1). Soit R un anneau de valuation discrète de
caractéristique p qui admet une p-base. Soit R′ une extension de R, qui est un anneau de valuation
discrète complet, à corps résiduel k algébriquement clos, et tel que R = R′ ∩ K. On a R′ = kJtK,
où t est une uniformisante de R. Posons S ′ = Spec R′ . Comme R et R′ ont une p-base, il existe des
relèvements (Ω, σ) et (Ω′ , σ ′ ) de (R, σ) et (R′ , σ) respectivement, ainsi qu’un relèvement Ω → Ω′
de R → R′ . Les structures de Frobenius ne sont pas supposées être compatibles a priori. D’après la
proposition 2.4, la donnée d’un F -cristal M sur S équivaut à la donnée d’un triplet M = (M, F, ∇)
où M est un Ω-module muni d’un endomorphisme (de Frobenius) σ-linéaire F : M → M et d’une
connexion ∇ : M → M ⊗Ω Ω d t topologiquement quasi-nilpotente. Le F -cristal MR′ correspond
alors au triplet M ′ = (M ⊗Ω Ω′ , F ′ , ∇′ ) où ∇′ est déduit de ∇, et F ′ de F et ∇ (on a pas supposé
Ω → Ω′ compatible à σ et σ ′ ).
Notons Γ, Γ′ les complétés pour la topologie p-adique de Ω[t−1 ] et Ω′ [t−1 ] respectivement.
Alors, toujours en vertu de la proposition 2.4, les F -cristaux Mη et Mη′ correspondent à M ⊗ Γ =
(M ⊗Ω Γ, F ⊗ σ, ∇ ⊗ 1 + 1 ⊗ d) et à M ′ ⊗ Γ = (M ⊗Ω Γ′ , F ′ ⊗ σ, ∇ ⊗ 1 + 1 ⊗ d) respectivement.
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O. BRINON
Soient maintenant M1 et M2 deux F -cristaux sur S. Avec les notations qui précèdent, il s’agit
de voir que l’application naturelle
Hom(M 1 , M 2 ) → Hom(M 1 ⊗ Γ, M 2 ⊗ Γ)
est bijective. Cela résulte alors de l’égalité
Hom(M 1 , M 2 ) = Hom(M 1 ⊗ Ω′ , M 2 ⊗ Ω′ ) ∩ Hom(M 1 ⊗ Γ′ , M 2 ⊗ Γ′ )
dans Hom(M 1 ⊗ Γ, M 2 ⊗ Γ) (qui résulte de l’égalité Ω = Ω′ ∩ Γ ⊆ Γ′ et du fait que les Ω-modules
M1 et M2 sont libres) si le théorème est valide sur S ′ .
Supposons donc R = kJtK, avec k algébriquement clos, posons Ω = W(k)JtK et notons Γ le séparé
complété de Ω[t−1 ] pour la topologie p-adique. Remarquons que les modules des différentielles
continues de Ω et Γ relativement à Zp sont Ω d t et Γ d t respectivement. Soit q une puissance de
p. On munit Ω et Γ d’un relèvement σ de x 7→ xq (cela revient à choisir un élément σ(t) ≡ tq
mod pΩ).
Définition 2.6.
(a) Un F -cristal sur Ω (resp. Γ) est un Ω-module (resp. Γ-module) libre M
muni d’une connexion W -linéaire ∇ : M → M d t et d’une isogénie F : σ ∗ M → M (ie. le
noyau et le conoyau de F sont tués par une puissance de p) horizontale.
(b) Soit A un anneau sans p-torsion muni d’un endomorphisme σ : A → A relevant le Frobenius
sur A/pA. Un F -module sur A est un A-module de type fini sans torsion M , muni d’une
isogénie F : σ ∗ M → M (le noyau et le conoyau de F sont tués par une puissance de p.)
D’après les propositions 2.4 et 2.5, il suffit donc de prouver que si M1 , M2 sont deux F -cristaux
sur Ω, et si ψ : Γ ⊗Ω M1 → Γ ⊗Ω M2 est un morphisme de F -cristaux sur Γ (ie. horizontal et
compatible aux Frobenius), alors ψ(M1 ) ⊆ M2 .
Il existe ℓ ∈ N tel que pℓ M2 ⊆ ΩF2 (M2 ). Posons M = M1 ⊗Ω M2∨ , et munissons-le de la
structure de F -cristal donnée par :
F (m1 ⊗ m∗2 ) = pℓ F1 (m1 ) ⊗ σ ◦ m∗2 ◦ F2−1
∇(m1 ⊗ m∗2 ) = ∇1 (m1 ) ⊗ m∗2 + m1 ⊗ ddt ◦ m∗2 − m1 ⊗ (m∗2 ◦ ∇2 ).
La première formule a un sens par le choix de ℓ.
Posons ϕ : M1 ⊗Ω M2∨ → Γ; m1 ⊗ m∗2 7→ m∗2 (ψ(m1 )). On voit facilement qu’il vérifie les
hypothèses de l’énoncé suivant :
Théorème 2.7. (Kedlaya, [10, Theorem 2.5]). Soient M un F -module sur Ω et ϕ : M → Γ une
application Ω-linéaire telle qu’il existe ℓ ∈ N avec ϕ(F (m)) = pℓ σ(ϕ(m)) pour tout m ∈ M . Alors
ϕ(M ) ⊆ Ω.
Cet énoncé est une version renforcée du résultat de de Jong [7, Theorem 9.1] où il suppose en plus
M muni d’une connexion et ϕ horizontale. En outre il suppose q = p et σ(t) = tp (contrairement
à la catégorie des F -cristaux sur Ω, la catégorie des F -modules dépend du choix de σ).
Dans le cas qui nous intéresse, on en déduit que pour tout m1 ∈ M1 , on a m∗2 (ψ(m1 )) ∈ Ω pour
tout m∗2 ∈ M2∨ . Comme M2 est libre sur Ω, on a donc ψ(m1 ) ∈ M2 (il suffit de regarder la base
duale d’une base de M2 ), et on a bien ψ(M1 ) ⊆ M2 .
Il s’agit donc de prouver le théorème 2.7.
3. Compléments et anneaux auxiliaires
3.1. Compléments sur les F -modules.
Définition 3.2. Soit M un F -module. Un sous-F -module de M est un sous-module N ⊆ M tel
que F (N ) ⊆ N et tel que (N, F|N ) est un F -module. Un sous-F -module N d’un F module M est
dit saturé si le quotient M/N est sans torsion. Une isogénie de F -modules (M, F ) → (M ′ , F ′ ) est
une application linéaire M → M ′ commutant aux Frobenius dont le noyau et le conoyau sont tués
par une puissance de p.
LE THÉORÈME DE TATE EN CARACTÉRISTIQUE POSITIVE
(D’APRÈS A.J. DE JONG)
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Avec les notations de la définition 2.6, supposons σ : A → A plat (ce qui sera le cas dans ce
qui suit). Le module M ⊗A Aσ est sans torsion, si bien que F est une isogénie si et seulement
si son conoyau est tué par une puissance de p. En effet, l’homomorphisme M ⊗A Frac(A)σ →
M ⊗A Frac(A) déduit par localisation est surjectif, donc injectif (égalité des dimensions). Le
A-module M ⊗A Aσ étant sans torsion, il s’injecte dans M ⊗A Frac(A)σ , d’où l’injectivité de
M ⊗A Aσ → M . Dans ce cas, tout sous-A-module de type fini N de M tel que F (N ) ⊆ N et tel
que la torsion de M/N n’est constituée que de p-torsion est un sous-F -module de M . C’est en
particulier le cas lorsque N est saturé.
Si (A, σ) → (A′ , σ ′ ) est un morphisme d’anneaux intègres munis d’endomorphismes, et si (M, F )
est un F -module sur A, on dispose d’un changement de base (M, F ) 7→ (M ⊗A A′ )/T, σ ′ ⊗ F
où T désigne la torsion de M ⊗A A′ vu comme A′ -module. Cela définit bien un F -module sur A′
car (M ⊗A A′ ) ⊗A′ A′σ ≃ M ⊗A Aσ ⊗A A′ , ce qui fait que le linéarisé de Frobenius s’identifie à
(F ⊗ 1) ⊗ IdA′ , qui est un isomorphisme quand on a inversé p vu que c’est le cas pour F ⊗ 1.
3.3. Plaçons nous maintenant dans le cas où A = W (L) avec L parfait de caractéristique p. Un
F -module sur W(L)[p−1 ] n’est autre qu’un F -isocristal sur L (cf. [8]).
Lorsque L est algébriquement clos, ces objets forment une catégorie abélienne semi-simple, dont
les objets simples sont paramétrés par Q (cf. [5, IV.2]) : si V est un F -module sur W(L)[p−1 ], il
existe une base e1 , . . . , er et des rationnels s1 , . . . , sr (les pentes de V ) tels que pour n convenable
(nsi ∈ Z), on a F n ei = pnsi ei pour i ∈ {1, . . . , r}. On a alors une décomposition suivant les
pentes :
M
V =
Vs
s∈Q
où V s est le sous-espace engendré par les ei tels que si = s. La filtration associée s’écrit simplement
en termes de V et F :
o
n
M
V s = v ∈ V, lim p−ns0 F n (v) = 0
s>s0
M
s<s0
n→∞
n
V s = v ∈ V, lim pns0 F −n (v) = 0
n→∞
o
(rappelons que F est bijectif sur V car L est parfait). Cette décomposition existe encore lorsque L
est seulement supposé parfait : on la déduit du cas L algébriquement clos par descente galoisienne.
Si maintenant M est un F -module sur W(L), il est muni de la filtration stable par F induite
par la filtration par les pentes de V = M [p−1 ]
{0} = M0 ( M1 ( · · · ( Mr = M
avec Mi /Mi−1 isocline de pente si pour i ∈ {1, . . . , r} et s1 > s2 > · · · > sr .
3.4. Les lemmes qui suivent seront utiles pour se ramener au cas d’un F -module libre.
Lemme 3.5. (cf. [7, Lemma 6.1]). Soit M un F -module sur Ω. Alors le Ω-module
M ′ = HomΩ HomΩ (M, Ω), Ω
est libre et admet une structure naturelle de F -module telle que l’homomorphisme de bidualité
M → M ′ est une isogénie.
Démonstration. Le dual HomΩ (M, Ω) de M est réflexif de type fini. Comme Ω est un anneau local
régulier de dimension 2, il est donc libre ([4, §4 Corollaire 3]) : le bidual M ′ de M est libre sur Ω.
On munit M ′ d’une structure de F -module sur Ω par :
FM ′ (f )(α) = σ ◦ f (σ −1 ◦ α ◦ FM )
pour f ∈ M ′ et α ∈ HomΩ (M, Ω). Cela définit bien une structure de F -module sur M ′ . En effet,
un calcul complètement formel montre que FM ′ est σ-linéaire. Par ailleurs, le linéarisé de FM étant
un isomorphisme lorsqu’on étend les scalaires à Ω[p−1 ], il en est de même de FM ′ .
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O. BRINON
On dispose de l’application canonique ev : M → M ′ . Un calcul complètement formel montre
qu’elle est compatible aux Frobenius. Elle est injective (M est sans torsion). Pour tout idéal p ⊂ Ω
de hauteur 1, l’homomorphisme induit Mp → Mp′ est un isomorphisme, car Ωp est un anneau de
valuation discrète (étant normal de dimension 1), et Mp est libre (car sans torsion) donc réflexif.
On en déduit que le support du Ω-module Coker(ev) est inclus dans {m} (où m = (p, t) est l’idéal
maximal de Ω). Si Coker(ev) 6= {0}, on a donc Ass(Coker(ev)) = {m} ([11, Theorem 6.5]), et
l’annulateur de Coker(ev) est primaire de radical m ([11, Theorem 6.6]) : comme Coker(ev) est de
type fini, il est de longueur finie. Ainsi, ev est une isogénie.
Lemme 3.6. La conclusion du théorème 2.7 ne dépend que de la classe d’isogénie de M .
Démonstration. Soit i : M → M ′ une isogénie de F -modules sur Ω et ϕ′ : M ′ → Γ tel que ϕ′ ◦FM ′ =
pℓ σ ◦ ϕ′ . Si le théorème 2.7 est valide pour M , alors ϕ := ϕ′ ◦ i vérifie ϕ(M ) ⊆ Ω. Comme i est
une isogénie, il existe s ∈ N tel que ps M ′ ⊆ i(M ), on a donc ϕ′ (M ′ ) ⊆ p−s Ω, mais comme
Γ ∩ Ω[p−1 ] = Ω, on a en fait ϕ′ (M ′ ) ⊆ Ω.
3.7. Surconvergence.
Soit A un anneau de caractéristique p et vA : A → R ∪{∞} une valuation.
Pour a = (a0 , a1 , . . .) ∈ W(A) et n ∈ N, on pose 1
v(a, n) = min
0≤i≤n
vA (ai )
∈ R ∪{∞}.
pi
On définit ainsi une application
W(A) × N → R ∪{∞}.
Cette dernière jouit des propriétés suivantes :
Proposition 3.8.
(1) n 7→ v(a, n) est une application décroissante ;
(2) v(a + b, n) ≥ min{v(a, n), v(b, n)} avec égalité si v(a, n) 6= v(b, n) ;
(3) v(ab, n) ≥ min {v(a, i) + v(b, n − i)} avec égalité si le min n’est atteint qu’une seule fois ;
0≤i≤n
(4) v(F a, n) = pv(a, n) (où F est le Frobenius sur les vecteurs de Witt).
Démonstration. Les assertions (1) et (4) sont évidentes. Pour (2) et (3), il faut travailler avec les
polynômes universels définissant l’addition et la multiplication dans l’anneau des vecteurs de Witt
(cf. [12, Proposition 7]).
Remarque 3.9. Supposons A parfait. La famille des « valuations partielles » v(., n) n∈N définit
une topologie sur W(A) appelée la topologie faible. Elle est moins fine que la topologie p-adique,
mais a de meilleures propriétés à beaucoup de points de vue.
Définition 3.10. Un élément a ∈ W(A) est dit surconvergent s’il existe des constantes C1 , C2
telles que (∀n ∈ N) v(a, n) ≥ C1 + C2 n. Le sous-ensemble des éléments surconvergents est noté
Wc (A). D’après les propriétés (1)-(4) de la proposition 3.8, c’est un sous-anneau de W(A), stable
par F .
Notons OA = {a ∈ A, vA (a) ≥ 0} l’anneau des entiers de A. La proposition suivante sera utile
pour descendre la filtration par les pentes.
Proposition 3.11. (cf. [12, Proposition 10 & Corollary 11]). Soit Φ une matrice (r, r) à coefficients dans Wc (A) (resp. W(OA )) et y ∈ W(A)r tel que Φy = F b y avec b ∈ N>0 . Alors
y ∈ Wc (A)r (resp. W(OA )r ).
Démonstration. Écrivons Φ = [φi,j ]1≤i,j≤r et y = [yi ]1≤i≤r . On a alors
r
X
φi,j yj = F b yi
pour i ∈ {1, . . . , r}.
i=1
1. cette définition est l’opposée de celle de [7, 4.1] et de [12, 2], pour correspondre aux « valuations partielles »,
cf. plus bas.
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(D’APRÈS A.J. DE JONG)
7
Soit C ≤ 0 une constante telle que pour tout 1 ≤ i, j ≤ r, on a v(φi,j , 0) ≥ C et v(φi,j , n) ≥ Cn
pour tout n ∈ N>0 (dans le cas de coefficients dans W(OA ), on prend C = 0). Montrons par
récurrence sur n ∈ N que pour tout i ∈ {1, . . . , r}, on a v(yi , 0) ≥ C et v(yi , n) ≥ Cn pour
n ∈ N>0 .
Pour n = 0, choisissons i ∈ {1, . . . , r} tel que v(yi , 0) est minimal, puis j ∈ {1, . . . , r} tel que
v(φi,j yj , 0) est minimal. On a alors
pb v(yi , 0) = v(F b yi , 0) ≥ v(φi,j yj , 0) = v(φi,j , 0) + v(yj , 0) ≥ C + v(yi , 0)
d’où (pb − 1)v(yi , 0) ≥ C et v(yi , 0) ≥ C (vu que C ≤ 0).
Pour n ≥ 1, supposons que v(yi , u) ≥ Cu pour tout u ∈ {1, . . . , n − 1} et tout i ∈ {1, . . . , r}.
Choisissons i ∈ {1, . . . , r} tel que v(yi , n) est minimal, puis j ∈ {1, . . . , r} tel que v(φi,j yj , n) est
minimal. On a
(1)
pb v(yi , n) = v(F b yi , n) ≥ v(φi,j yj , n) ≥ min v(φi,j , u) + v(yj , v) .
u+v=n
Si le minimum est atteint pour u 6= 0 et v 6= 0, on a v(φi,j , u) ≥ Cu et v(yj , v) ≥ Cv. L’inégalité (1)
implique alors pb v(yi , n) ≥ C(u + v) = Cn : on a bien v(yi , n) ≥ Cn vu que C ≤ 0. Si le minimum
est atteint pour u = 0, l’inégalité (1) donne pb v(yi , n) ≥ v(φi,j , 0) + v(yj , n) ≥ C + v(yi , n). On
a alors v(yi , n) ≥ C/(pb − 1) ≥ Cn (car C ≤ 0). Enfin, si le minimum est atteint pour v = 0,
l’inégalité (1) s’écrit pb v(yi , n) ≥ v(φi,j , n) + v(yj , 0) ≥ Cn + C, d’où v(yi , n) ≥ C(n + 1)/pb ≥ Cn,
car (n + 1)/pb ≤ n et C ≤ 0.
Proposition 3.12. (cf. [12, Proposition 12]). Soit a = (a0 , a1 , . . .) ∈ Wc (A) tel que a0 ∈ A× .
Alors a est inversible dans Wc (A).
Démonstration. L’élément a est inversible dans W(A) : soit b son inverse. Soit C ≤ 0 une constante
telle que −v(a, 0), v(b, 0)/2, v(b, 1)/2 ≥ C et v(a, n) ≥ Cn pour tout n ∈ N>0 . Montrons par
récurrence sur n que v(b, n) ≥ 2Cn.
Pour n ∈ N>0 , on a v(ab, n) = 0 ≥ min v(a, i) + v(b, n − i) avec égalité si le min est
0≤i≤n
n’est atteint qu’une seule fois (proposition 3.8). Si le min n’est atteint que pour i = 0, on a
0 = v(a, 0) + v(b, n). Dans tous les cas, on a donc
v(a, 0) + v(b, n) ≥ min 0; v(a, i) + v(b, n − i), 1 ≤ i ≤ n
et donc v(a, 0) + v(b, n) ≥ min 0; Ci + 2C(n − i), 1 ≤ i ≤ n ≥ 2Cn − C (car C ≤ 0). Comme
−v(a, 0) ≥ C, on a bien v(b, n) ≥ 2Cn.
Corollaire 3.13. Si L est un corps parfait et v : L → R ∪{∞} une valuation. Alors Wc (L) est un
anneau de valuation discrète, admettant p pour uniformisante, et de corps résiduel L. En outre,
le Frobenius de W(L) induit un automorphisme de Wc (L).
3.14. Les anneaux et leurs propriétés.
Posons W = W(k) et K = k((t)). On note O = kJtK son anneau des entiers et vK la valuation
t-adique sur K. On note K alg et K perf une clôture algébrique de K et la clôture parfaite de K
dans K alg respectivement. La valuation vK se prolonge à K alg . On note Oalg et Operf les anneaux
des entiers de K alg et K perf respectivement.
On pose Ωalg = W Oalg et Ωperf = W Operf . Bien sûr, on a une inclusion Ωperf ⊂ Ωalg . Il
existe un unique homomorphisme j : Ω → Ωperf compatible à σ et relevant l’inclusion O ⊂ Operf .
On peut le construire par approximations successives, c’est ce que Katz appelle le “Σ-Teichmüller
point” de Ω (cf. [8, 2.4]). C’est une injection de W -algèbres.
On pose Γalg = W(K alg ) et Γperf = W(K perf ). Ce sont les séparé complété, pour la topologie
p-adique, de Ωalg [t−1 ] et de Ωperf [t−1 ] respectivement. Ce sont des anneaux de valuation discrète,
admettant p pour uniformisante. Ils sont munis de la valuation p-adique, que l’on note v. On a les
inclusions Γ ⊂ Γperf ⊂ Γalg , compatibles à σ et relevant les inclusions K ⊂ K perf ⊂ K alg .
alg
Définition 3.15. On pose Γalg
), Γc = Γ ∩ Γalg
et Γperf
= Γperf ∩ Γalg
c = Wc (K
c
c
c .
8
O. BRINON
D’après le corollaire 3.13, les ensembles Γc , Γperf
et Γalg
sont des sous-anneaux de valuation
c
c
discrète de Γ, Γperf et Γalg respectivement. Ils sont stables par σ.
Remarque 3.16. Rappelons que Γ est le séparé complété de Ω[t−1 ] = W ((t)) pour la topologie
p-adique. C’est un anneau de valuation discrète complet, admettant p pour uniformisante et de
corps résiduel k((t)). Cet anneau admet une interprétation analytique :
(
)
X
Γ=
an T n , an ∈ W, lim an = 0
n→−∞
n∈Z
est l’anneau des fonctions analytiques qui convergent et sont bornées sur la couronne de centre 0,
d’épaisseur nulle (vide) et de rayon 1.
Sur l’anneau Γ, la notion de surconvergence donnée coincïde avec la notion habituelle. Supposons, pour simplifier, que q = p et σ(t)P= t (l’élément t de Γ s’identifie alors au représentant de
ai ti ∈ Γ. On a ai ∈ W pour tout i ∈ Z et lim ai = 0.
Teichmüller de t dans Γperf . Soit f =
i→−∞
i∈Z
Pour i ∈ Z et n ∈ N, on a
i
v(ai t , n) =
(
i
+∞
si v(ai ) ≤ n
sinon
donc v(a, n) = min v(ai ti , n) d’après la propriété (2) de v, et v(a, n) = min{i ∈ Z, v(ai ) ≤ n}.
i∈Z
Supposons qu’il existe des constantes C1 , C2 telles que (∀n ∈ N) v(a, n) ≥ C1 + C2 n.
Si C2 ≥ 0, on a min{i ∈ Z, v(ai ) ≤ n} ≥ C1 pour tout n ∈ N, d’où xi = 0 dès que i < C1 , soit
f ∈ Ω[t−1 ]. La réciproque est évidente.
Si C2 < 0, écrivons C2 = −1/r avec r ∈ R>0 . Pour j ∈ Z, on a j ≥ v(f, v(aj )) ≥ C1 − v(aj )/r,
ie. v(aj ) ≥ rC1 − rj : la série f converge sur la couronne {0 < v(t) < r}. Là encore, la réciproque
est évidente.
On a la situation suivante
Ωalg
O
/ Γalg
cO
/ Γalg
O
Ωperf
O
/ Γperf
cO
/ Γperf
O
Ω
/ Γc
/Γ
Lemme 3.17. Un élément γ ∈ Γperf s’écrit de façon unique sous la forme
X
(2)
γ=
γα [tα ]
α∈Z[p−1 ]
0≤α<1
où (γα ) est une suite d’éléments de Γ qui converge vers 0 (pour la topologie p-adique) selon le filtre
complémentaire des parties finies de Z[p−1 ] ∩ [0, 1[.
En outre, on a γ ∈ Γperf
si et seulement si dans (2), on a γα ∈ Γc pour tout α ∈ Z[p−1 ] ∩ [0, 1[.
c
Démonstration. L’extension Γ → Γperf est non ramifiée d’extension résiduelle
M
K → K perf =
Ktα .
α∈Z[p−1 ]
0≤α<1
La première partie du lemme en résulte.
Pour n ∈ N, on a v(γα [tα ], n) = α + v(γα , n). Si v(γα [tα ], n) = v(γβ [tβ ], n), on a donc β − α ∈ Z.
Si α, β ∈ Z[p−1 ] ∩ [0, 1[, cela implique α = β. D’après la propriété (2) des valuations partielles,
, il existe C1 , C2 ∈ R
pour γ de la forme (2), on a donc v(γ, n) = min v(γα [tα ], n). Si γ ∈ Γperf
c
α∈Z[p−1 ]
0≤α<1
LE THÉORÈME DE TATE EN CARACTÉRISTIQUE POSITIVE
(D’APRÈS A.J. DE JONG)
9
tels que v(γ, n) ≥ C1 n + C2 pour tout n. On a alors v(γα , n) ≥ C1 n + C2 − α pour tout n : on a
γα ∈ Γc pour tout α ∈ Z[p−1 ] ∩ [0, 1[.
Proposition 3.18. (cf. [7, Proposition 8.1], [9, Proposition 4.1] & [12, Proposition 15]) Les
applications naturelles
→ Γperf
µ : Γ ⊗Γc Γperf
c
et
alg
ν : Γ ⊗Γc Γalg
c →Γ
sont injectives.
Démonstration. Injectivité de µ. Le complété p-adique de la source étant égal au but, il suffit de
est séparé pour la topologie p-adique. En vertu du lemme 3.17, cela résulte
voir que Γ ⊗Γc Γperf
c
de l’injectivité de l’application
Y Y
Γ
Γc ⊗Γc Γ →
α
α
(où α parcourt Z[p ] ∩ [0, 1[). Cette dernière résulte de ce que pour tout sous-Γc-module de type
fini M de Γ, on a le diagramme
Q Q
Γc ⊗Γc M ∼ / M
α 
α
_
−1
Q
α
et que tout élément de
Q
α
Γc ⊗Γc Γ
/
Q
Γ
α
Q Γc ⊗Γc Γ provient d’un élément de
Γc ⊗Γc M pour M convenable.
α
Injectivité de ν. L’application ν n’est autre que le composée
µ⊗Γalg
c
perf
alg
⊗Γperf
Γalg
.
Γ ⊗Γc Γalg
c −−−−→ Γ
c →Γ
c
perf
Comme Γalg
, la première flèche est injective d’après ce qui précède. Il suffit donc
c est plat sur Γc
perf
alg
de voir que νe : Γ
⊗Γperf
Γ
→ Γalg est injective. On utilise pour cela un argument galoisien.
c
c
alg
perf
perf
Rappelons que G = Gal(Γ /Γ ) ≃ Gal(Γalg
) ≃ Gal(K alg /K perf ).
c /Γc
r
P
fi ⊗ gi ∈ Ker(e
ν ) \ {0} avec r minimal. Quitte à diviser
Supposons νe non injective et soit x =
i=1
par un gi de valuation p-adique minimale et à réindexer, on peut supposer g1 = 1. Si τ ∈ G, on a
r
r
P
P
fi ⊗ (τ (gi ) − gi ) ∈ Ker(e
ν ). Par minimalité
fi ⊗ τ (gi ) ∈ Ker(e
ν ), et donc τ (x) − x =
τ (x) =
i=1
i=2
G
G
de r, on a donc τ (x) = x. En particulier, on a x ∈ Γperf ⊗Γperf
Γalg
= Γperf ⊗Γperf
(car
Γalg
c
c
c
c
Γperf est plat sur Γperf
et invariant sous G). On a donc x ∈ Γperf . Mais alors νe(x) = x, et on a
c
x = 0 : contradiction.
Si M est un F -module sur l’un des anneaux Ω, Γ∗c , Γ∗ (avec ∗ ∈ {∅, perf, alg}), les pentes de
M sont par définition les pentes du F -module M ⊗ Γalg [p−1 ] (cf. section 3.3, rappelons que Γalg
est un anneau de valuation discrète complet, à corps résiduel algébriquement clos). Remarquons
que dans le cas d’un F -module sur Ω, on peut aussi considérer les pentes du F -module M ⊗Ω W
(via Ω → W ; t 7→ 0).
3.19. Cas particulier où le polygone de Newton est constant.
Comme on vient de le voir, si M est un F -module libre sur Ω, il a deux polygones de Newton,
un au point générique et un au point spécial de Spec kJtK. D’après un théorème de Grothendieck
(cf. [8, Theorem 2.3.1]), celui au point spécial est au-dessus de celui au point générique, de mêmes
extrémités. Dans le cas où ces deux polygones coïncident, on dispose du théorème suivant :
10
O. BRINON
Théorème 3.20. (Katz, cf. [8, Corollary 2.6.3]). Soit (M, F ) un F -cristal sur Spec kJtK dont le
polygone de Newton est constant, et dont les pentes sont λ1 < λ2 < · · · < λs . Alors (M, F ) est
isogène à un F -cristal (M ′ , F ′ ) sur Spec kJtK, qui admet une filtration
(3)
{0} ( (M1′ , F ′ ) ( · · · ( (Ms′ , F ′ ) = (M ′ , F ′ )
′
tel que pour tout i ∈ {1, . . . , s}, le gradué (Mi′ /Mi−1
, F ′ ) est localement libre de rang fini, de pente
λi . En outre, cette filtration se scinde de façon unique sur la clôture parfaite de kJtK.
Proposition 3.21. Soit M un F -cristal sur Ω et ϕ : M → Γ comme dans les hypothèses du
théorème 2.7. Supposons le polygone de Newton de M constant. Alors on a ϕ(M ) ⊆ Ω.
Démonstration. D’aprèsle lemme 3.6, on peut supposer que M admet une filtration (3). Rappelons
que Ωperf = W kJtKperf est l’anneau des vecteurs de Witt à coefficients dans la clôture parfaite
de kJtK. Pour tout n ∈ N>0 et tout anneau A, posons An = A/pn A.
Lemme 3.22. L’homomorphisme Ωn → Ωperf
est fidèlement plat.
n
Démonstration. Comme il s’agit d’un morphisme local d’anneaux locaux, il suffit de vérifier la
platitude. Il suffit d’appliquer le critère local de platitude (cf. [11, Theorem 22.3]), l’idéal pΩn ⊂ Ωn
perf
perf
étant nilpotent. On a tout d’abord Ωperf
est plat sur Ωn /pΩn = kJtK car sans
n /pΩn
= kJtK
Ωn
perf
t-torsion. Par ailleurs, on a Tor1 Ωn , Ωn /pΩn = 0, ce qui résulte de la résolution
p
pn−1
p
→ Ωn → Ωn /pΩn → 0.
··· −
→ Ωn −−−→ Ωn −
Ωperf
n
Il résulte du lemme précédent que l’homomorphisme Γn /Ωn →
⊗Ωn Γn /Ωn est injectif,
et donc que Ωn = Γn ∩ Ωperf
:
le
théorème
2.7
se
vérifie
après
extension
des scalaires à Ωperf : il
n
′
perf ϕ⊗1
perf
perf
s’agit de montrer que si ϕ : M ⊗Ω Ω
−−−→ Γ ⊗Ω Ω
→ Γ , on a ϕ′ M ⊗Ω Ωperf ⊆ Ωperf .
Mais d’après le théorème 3.20, la filtration par les pentes (3) se scinde de façon unique lorsqu’on
étend les scalaires à Ωperf : on peut supposer M isocline, de pente s sur Ωperf .
En étendant le scalaires
à Γalg , le morphisme ϕ donne lieu à un morphisme de F -modules
alg
isoclines M ⊗Ω Γ , F → Γalg , pℓ σ . Il est nul si s 6= ℓ : on a ϕ = 0 dans ce cas.
Reste à traiter le cas où s = ℓ. Le morphisme M ⊗Ω Γperf → Γperf induit par ϕ est donné,
après le choix d’une base de M sur Ωperf , par un vecteur ligne γ = [γj ]1≤j≤r avec γj ∈ Γperf
pour j ∈ {1, . . . , r}. Il s’agit de voir qu’en fait on a γj ∈ Ωperf pour j ∈ {1, . . . , r} : il suffit de
vérifier que pour tout n ∈ N, on a v(γj , n) ≥ 0. Remarquons déja que v(γ, n) := min v(γj , n) est
1≤j≤r
indépendant de la base de M choisie : notons-le v(ϕ, n). On a le diagramme commutatif
M ⊗Γperf ,σ Γperf
/ Γperf
σ
∼ σlin
p−ℓ Flin ∼
M
1⊗ϕ
ϕ
/ Γperf
Comme p−ℓ Flin est un isomorphisme, on a v(ϕ, n) = v p−ℓ ϕ ◦ Flin , n) et donc
v(ϕ, n) = v(σ ◦ ϕ, n) = qv(ϕ, n)
(propriété (4) des valuations partielles). On a donc v(ϕ, n) = 0 ou v(ϕ, n) = +∞, soit v(ϕ, n) ≥ 0
pour tout n ∈ N, ce qu’on voulait (moralement, on a utilisé la proposition 3.11 avec Φ à coefficients
dans W(OK perf )).
La preuve qui précède s’appuie sur le fait qu’on est le cas favorable où la filtration par les
pentes de Frobenius est définie (à isogénie près) sur Ω, ie. sur le disque ouvert {t, v(t) > 0}.
Bien sûr, ce n’est pas le cas en général. La preuve du théorème 2.7, repose sur l’idée qu’il est
néanmoins possible de s’approcher de cette situation. Plus précisément, la filtration par les pentes
en un point générique géométrique (correspondant à un anneau de fonctions qui convergent sur
une couronne d’épaisseur nulle de rayon 1), qui ne s’étend pas au disque ouvert en général, s’étend
LE THÉORÈME DE TATE EN CARACTÉRISTIQUE POSITIVE
(D’APRÈS A.J. DE JONG)
11
à une couronne non vide {t, C > v(t) > 0}. Ensuite, on descend à Ω en utilisant une généralisation
(due à Kedlaya) d’une astuce de Dwork (cf. proposition 5.3).
4. La filtration par les pentes
Soit L un corps parfait de caractéristique p, muni d’une valuation vL : L → R ∪{∞}. Rappelons
(cf. 3.7) qu’on dispose alors des anneaux Wc (L) ⊆ W(L). Par ailleurs, tout F -module M ′ sur W(L)
admet une unique filtration stable par F
(4)
{0} = M0′ ( M1′ ( · · · ( Mr′ = M ′
′
avec Mi′ /Mi−1
isocline de pente si pour i ∈ {1, . . . , r} et s1 > s2 > · · · > sr (cf. 3.3).
Le but de cette section est de prouver que c’est encore vrai pour les F -modules sur Wc (L)
Proposition 4.1. Soit M un F -module sur Wc (L). Alors il existe une unique filtration
{0} = M0 ( M1 ( · · · ( Mr = M
de M par des sous-F -modules saturés tels que Mi /Mi−1 est isocline de pente si pour i ∈ {1 . . . , r}
et s1 > s2 > · · · > sr .
Lemme 4.2. (cf. [12, Lemma 17]). Soit A → A′ un morphisme d’anneau injectif. Soient M un
A-module projectif de rang fini et N ′ ⊆ M ⊗A A′ un facteur direct de rang constant r. Alors il
existe un facteur direct N ⊆ M tel que N ′ = N ⊗A A′ si et seulement s’il existe un facteur direct
V
V
e ⊗A A′ = r N ′ .
e ⊆ r M tel que N
N
V
Démonstration. Soient X la grassmanienne des sous-modules de rang r de M et Y = P r M ∨
V
r
induit une immersion fermée X → Y (le morphisme de
avec M ∨ = HomA (M, A). L’opération
′
e donne lieu à un diagramme commutatif
Plücker. La donnée de N et de N
/Y
XO f
O
/ Spec A
Spec A′
Il s’agit de voir qu’on peut y insérer une flèche Spec A → X en le laissant commutatif. Comme
X → Y est un monomorphisme, la question est locale sur Spec A : on peut supposer que Spec A →
Y se factorise par un ouvert affine Spec B ⊆ Y . Soit Spec B ′ l’image inverse de Spec B dans X.
On a le diagramme
π
B
B′ o
u′
v
u
" A
A′ o
′
et il s’agit de voir qu’il existe v : B → A laissant le diagramme commutatif. Comme A → A′ est
injectif, on a u(Ker(π)) = 0, et comme π est surjectif, on bien l’existence de v.
Démonstration. (de la proposition 4.1). Posons M ′ = M ⊗Wc (L) W(L). Il est muni de la filtration
(4). Il s’agit de descendre cette dernière à M . Il suffit de montrer qu’il existe un facteur direct
M1 ⊆ M tel que M1′ = M1 ⊗Wc (L) W(L).
Écrivons s1 = c/d avec c, d ∈ N et d 6= 0. Le F -module M ′ est isogène à un F -module N ′
tel que F d N ′ ⊇ pc N ′ . Si N = N ′ ∩ m[p−1 ], alors N est isogène à M et F d N ⊇ pc N . Comme la
proposition ne dépend que de la classe d’isogénie de M : on peut supposer, quitte à remplacer M
par N , que F d M ⊇ pc M .
Par ailleurs, on peut, en vertu du lemme 4.2 et quitte à remplacer M par une puissance extérieure
convenable, supposer M1′ de rang 1. Soit m′ un générateur de ce dernier. Posons
φ = pc F −d : M → M.
Il existe u ∈ W(L)× tel que φm′ = um′ (égalité dans M1′ ).
Supposons L algébriquement clos. On peut résoudre l’équation F d α = u−1 α dans W(L)× (argument classique par approximations successives en construisant une suite de Cauchy, on commence
12
O. BRINON
d
en prenant α0 ∈ W(L) tel que αp0 −1 ≡ u−1 mod p W(L)). L’élément m = αm′ ∈ M1′ vérifie alors
φm = m. Après le choix d’une base de M sur Wc (L), l’opérateur φ est donné par une matrice Φ
à coefficients dans Wc (L) et m par un vecteur colonne y. En termes matriciels, la relation précedente s’écrit alors Φσ −d y = y. D’après la proposition 3.11, y est à coefficients dans Wc (L) et donc
m ∈ M.
Dans le cas général, on se donne une clôture algébrique L de L. D’après ce qui précède, il existe
M 1 ⊆ M ⊗Wc (L) Wc (L) tel que M 1 ⊗Wc (L) W(L) = M1′ ⊗W(L) W(L). Comme ce dernier est stable
par Gal(L/L), il en est de même de M 1 . Par descente galoisienne, ce dernier est défini sur Wc (L),
ce qu’on voulait.
Remarque 4.3.
(1) Bien sûr, cet énoncé va nous servir avec L = K perf . C’est un résultat
de descente entre Γperf et Γperf
. On a pas d’énoncé de descente analogue de Γperf
à Γc (ni
c
c
perf
même de Γ
à Γ). Par exemple, considérons le F -module M de base (e1 , e2 ) sur Γ défini
par F e1 = e1 et F e2 = qe2 + te1 . Ses pentes sont 0 et 1, mais il n’admet pas de filtration
analogue à celle de la proposition 4.1, car il ne contient pas d’élément de pente 1. En effet, si
m = αe1 + βe2 est tel que F m = qηm avec η ∈ Γ× , on a
(
σ(α) + tσ(β) = qηα
qσ(β) = qηβ
On a en particulier v(β) = v(tσ(β)) = v(qηα − σ(α)) = v(α) (et donc m 6= 0 ⇒ β 6= 0) : si
γ = α/β ∈ Γ, la première égalité implique σ(γ) + t ∈ pΓ, ce qui modulo p signifie γ q = −t,
qui n’a pas de solution dans K = Γ/pΓ, d’où une contradiction.
Bien sûr, il est clair que le système précédent a une solution dans Γperf , ce qui résulte aussi
de la proposition 4.1.
(2) Cette filtration n’est pas scindée en général, même lorsqu’on étend les scalaires à Wc (L).
En effet, plaçons-nous dans le cas où σ est donné par σ(t) = tp dans Γ, et considérons le Γalg
c module N de base (e1 , e2 ). Munissons-le de la structure de F -module définie par F e1 = pe1
et F e2 = e2 + t−1 e1 . On a une suite exacte
alg
0 → Γalg
c (1) → N → Γc → 0
mais il n’y a dans N aucun élément n tel que F n = n. En effet, il s’écrirait n = αe1 + βe2 et
l’égalité F n = n impliquerait σ(β) = β, d’où β ∈ Zp et pσ(α) + t−1 β − α = 0. En particulier,
on a β 6= 0. Comme v(α) = v(pσ(α) − α) = v(t−1 β) = a, quitte à diviser n par β, on peut
supposer que β = 1. On aurait alors (1 − pσ)α = t−1 . Dans Γalg , cette équation admet une
∞
P
r
unique solution, donnée par α =
pr t−p . Mais pour r ∈ N, on a v(α, r) = p−r , ce qui
r=0
n’est pas minoré par C1 r + c2 pour tout C1 , C2 ∈ R. On a donc α 6∈ Γalg
c , contradiction.
Lemme 4.4. Soit M un F -module sur Wc (L) et φ : M → W(L) une application Wc (L)-linéaire
telle qu’il existe ℓ ∈ N avec (∀m ∈ M ) φF m = pℓ σφm.
(i) Si toutes les pentes de M sont < ℓ, alors φ = 0 ;
(ii) avec les notations de la proposition 4.1, on a Mi ⊆ Ker(φ) dès que si > ℓ.
(i) Si toutes les pentes de M sont < ℓ, on a lim pnℓ F −n m = 0 pour tout
n→∞
m ∈ M . Mais φm = σ n pnℓ F −n φm −→ 0 ie. φm = 0.
n→∞
(ii) Si si > ℓ et m ∈ Mi , on a lim p−nℓ F n m = 0. On a alors φm = σ −n φ p−nℓ F n m −→ 0
n→∞
n→∞
ie. φm = 0.
1/b Si b ∈ N>0 , on prolonge σ à l’anneau W(L) p
en posant σ(p1/b ) = p1/b .
Démonstration.
Proposition 4.5. Supposons L algébriquement clos.Soit M un F -module sur W
c (L),
isocline de
pente s. Alors il existe b ∈ N>0 tel que bs ∈ Z et M p1/b := M ⊗Wc (L) Wc (L) p1/b est isogène
à Ns⊕d où Ns = Wc (L) p1/b n avec F n = ps n.
LE THÉORÈME DE TATE EN CARACTÉRISTIQUE POSITIVE
(D’APRÈS A.J. DE JONG)
13
Démonstration. Écrivons s = u/v avec u, v ∈ Z et v > 0. Comme dans la preuve de la proposition
4.1, quitte à remplacer M par un F -module isogène, on peut supposer que pu M ⊆ F v M . Notons
d le rang de M et fixons une base de M sur Wc (L), et notons Φ la matrice de pu F −v dans cette
base. Elle est à coefficients dans Wc (L).
D’après le théorème de Dieudonné-Manin, il existe b ∈ N>0 tel que M ⊗Wc (L) W(L) p1/b est
⊕d
1/b isogène à Ns ⊗Wc (L) W(L)
. Cela signifie qu’il existe matrice P à coefficients dans W(L) p
,
−1/b −1
−1
inversible sur W(L) p
telle que P Φσ P = Id , soit σ(Φ)P = σ(P ). Comme σ(Φ) est à coef
ficients dans Wc (L), la proposition 3.11 implique que P est en fait à coefficients dans Wc (L) p1/b
b−1
L i/b
p Wc (L)), et M p1/b est isogène à Ns⊕d .
(on a la décomposition Wc (L) p1/b =
i=0
Proposition 4.6. Soient M un F -module non nul sur Γc et ϕc : M → Γ une application Γc linéaire injective telle que ϕc (F m) = pℓ σ(ϕc (m)), avec ℓ ∈ N. Alors la plus grande pente de M
est ℓ, de multiplicité 1, et ϕ−1
c (Γc ) est un sous-F -module de rang 1 et de pente ℓ de M .
Démonstration. D’après la proposition 4.1 le F -module M ⊗Γc Γperf
admet une filtration
c
{0} ( M1′ ( · · · ( Mr′ = M ⊗Γc Γperf
c
′
avec Mi′ /Mi−1
isocline de pente si pour i ∈ {1, . . . , r} et s1 > · · · > sr . Par ailleurs, il existe
alg 1/b
alg 1/b
p
n défini
est
le
F
-module
Γ
p
où
N
→ M1′ ⊗Γperf
Γ
b ∈ N>0 et une isogénie Ns⊕d
s
1
c
c
1
c
s1
par F n = p n (proposition 4.5).
1/b ν alg 1/b 1/b ϕc ⊗Id
p
−
→Γ p
est injectif, car ϕc et
p
−−−−→ Γ ⊗Γc Γalg
Le composé ϕalg : M ⊗Γc Γalg
c
c
alg
ν le sont (proposition 3.18) et Γc est plat sur Γc . Le composé
1/b ϕalg alg 1/b −−→ Γ p
p
Nsd → M1′ ⊂ M ⊗Γc Γalg
c
est donc lui aussi injectif.
1/b p
n, on a ps1 ϕalg n = pℓ σ(ϕalg n). En prenant les
Sur chacune des copies de Ns1 = Γalg
c
valuations p-adiques, il vient s1 = ℓ. Par ailleurs, σ(ϕalg n) = ϕalg n implique ϕalg n ∈ Zq p1/b .
L’injectivité de ϕalg implique alors d = 1. Par descente galoisienne, on a alors une isogénie Γperf
n→
c
M1′ , avec F n = pℓ n. La plus grande pente de M est donc ℓ, et sa multiplicité est 1.
′
′
Soit M1 = ϕ−1
c (Γc ). Il suffit de voir que que M1 6= 0. Soit m ∈ M1 \ {0} et m1 , . . . , mδ une
δ
P
γi ⊗ mi . D’après le lemme 3.17, on a une écriture unique
base de M sur Γc . On a m′ =
i=1
P
γi =
γα,i [tα ] avec (γα,i ) une suite d’éléments de Γc qui tend vers 0 pour la topologie
α∈Z[p−1 ]
0≤α<1
p-adique selon le filtre complémentaire des parties finies. On a donc m′ =
P
α
mα =
δ
P
i=1
γα,i mi ∈ M . On a ϕperf (n) =
P
α
mα ⊗ [tα ] avec
ϕc (nα )[tα ] ∈ Γperf
. Cela implique ϕc (nα ) ∈ Γc ie.
c
mα ∈ M1 pour tout α ∈ Z[p−1 ] ∩ [0, 1[. Par ailleurs, la non nullité de m′ implique qu’il existe
α ∈ Z[p−1 ] ∩ [0, 1[ tel que mα 6= 0.
5. Descente de Γc à Ω et preuve du théorème 2.7
Lemme 5.1. Un F -module libre de rang 1 sur Ω est isomorphe à (Ω, pℓ σ) avec ℓ ∈ N.
Démonstration. Soit M un tel F -module et m un générateur. On a F m = λm avec λ ∈ Ω tel
que Ω/λΩ est tué par une puissance de p. Comme Ω est factoriel, on a λ = pℓ u−1 avec ℓ ∈ N et
u ∈ Ω× . Si ε ∈ Ω× , on a F (εm) = σ(ε)pℓ u−1 m, d’où F (εm) = pℓ (εm) ⇔ σ(ε) = uε.
Comme k est algébriquement clos, il existe ε0 ∈ W tel que σ(ε0 ) ≡ uε0 mod tΩ. Si ω =
−1
ε−1
σ(ε0 ) ∈ Ω, on a ω ≡ 1 mod tΩ et le produit ε = ε0 ωσ(ω)σ 2 (ω) · · · converge dans Ω pour
0 u
la topologie (p, t)-adique, et σ(ε) = uε.
14
O. BRINON
Proposition 5.2. Soient M un F -module sur Ω et N ⊆ M un sous-F -module saturé de rang 1
et de pente ℓ tel que les pentes de M/N sont < ℓ. Alors il existe un sous-F -module N ′ de M tel
que N ⊕ N ′ → M est une isogénie.
Démonstration. Comme N est saturé, il suffit de monter qu’à isogénie près, on peut trouver 2 une
rétraction à l’inclusion N ⊆ M .
∗
Considérons le dual M ∗ = HomΩ (M, Ω) de M . Par platitude de σ : Ω → Ω, on a M ⊗Ω,σ Ω =
M ∗ ⊗Ω,σ Ω. Le linéarisé de Frobenius Fe : M ⊗Ω,σ Ω → M est un isomorphisme lorsqu’on inverse p :
∗
il existe n ∈ N tel que Coker Fe est tué par pn . On dispose alors de pn Fe−1 : M ∗ ⊗Ω,σ Ω → M ∗
(dual de pn Fe −1 : M → M ⊗Ω,σ Ω). Cela munit M ∗ d’une structure (non canonique) de F -module
(idem pour N ∗ ).
On a un homomorphisme de F -modules M ∗ → N ∗ . Comme dans la preuve du lemme 3.5, on
voit que son conoyau est de longueur finie. La pente de N ∗ est ℓ∗ = n − ℓ, et les autres pentes de
M ∗ sont toutes > ℓ∗ . Il s’agit de montrer qu’à isogénie près, on a une section N ∗ → M ∗ .
∗
D’après les lemmes 3.5 et 5.1, on a une isogénie i : Ω, pℓ σ → N ∗ . Soit n∗ = i(1) ∈ N ∗ . Quitte
à remplacer i par pr i pour r ∈ N convenable, on peut supposer que n∗ appartient à l’image de
M ∗ → N ∗ (rappelons que le conoyau de ce dernier est de longueur finie). Soit alors e∗0 ∈ M ∗
relèvement de n∗ .
Posons Q∗ = Ker(M ∗ → N ∗ ). D’après la théorie de Dieudonné-Manin, la suite exacte de F modules 0 → Q∗ [p−1 ] → M ∗ [p−1 ] → Ω[p−1 ] → 0 (via i : Ω[p−1 ] ≃ N ∗ [p−1 ]) se scinde après
extension des scalaires à Γalg [p−1 ] : on a
(5)
M ∗ ⊗Ω Γalg [p−1 ] = Q∗ ⊗Ω Γalg [p−1 ] ⊕ Γalg [p−1 ]
comme F -modules sur Γalg [p−1 ], les pentes de Q∗ étant strictement plus grandes que ℓ∗ . Dans la
décomposition (5), on a 1 ⊗ e∗0 = λ0 ⊕ 1, car e∗0 relève i(1).
∗
Pour b ∈ N>0 convenable (on peut prendre b = rg(Q∗ )!), l’action de F b est divisible par pbℓ
sur M ∗ ⊗Ω Γalg [p−1 ]. Plus précisément, dans la décomposition (5) on a
∗
p−bℓ F b = ν ⊕ σ b
où ν est un opérateur σ b -linéaire topologiquement nilpotent sur Q∗ ⊗Ω Γalg [p−1 ] (car les pentes de
N
∗
ce dernier sont > ℓ∗ ). Pour N ∈ N, soit e∗N = p−bℓ F b (e∗0 ) ∈ M ∗ . Dans la décomposition (5),
on a 1⊗e∗N = λN ⊕1, où (λ∗n )n∈N tend vers 0 pour la topologie p-adique. La topologie p-adique sur
M ∗ étant induite par la topologie p-adique sur M ∗ ⊗Ω Γalg [p−1 ], la suite (e∗N )N ∈N converge dans
M ∗ , vers un élément e ∈ M ∗ tel que 1 ⊗ e = 0 ⊕ 1 dans la décomposition (5). Cet élément e fournit
la section à isogénie près recherchée : c’est le morphisme de F -modules N ∗ → Ωe ⊆ M ∗
On a un résultat de descente de Γc à Ω.
Proposition 5.3. (cf. [10, Theorem 3.4]). Soit M un F -module sur Ω et Nc un sous-F -module
saturé de M ⊗Ω Γc . Alors il existe un sous-F -module saturé N de M tel que Nc = N ⊗Ω Γc .
Démonstration. (du théorème 2.7). Plaçons-nous sous les hypothèses du théorème 2.7. Notons ϕc
le composé
Mc := M ⊗Ω Γc → Γ ⊗Ω Γc → Γ.
Il vérifie ϕc (F m) = pℓ σ(ϕc m) pour tout m ∈ Mc . Si Nc = Ker(ϕc ) ⊆ Mc , on a F (Nc ) ⊆ Nc et Nc
est saturé dans Mc : d’après la propriété 5.3, il existe un sous-F -module saturé N de M tel que
Nc = N ⊗Ω Γc . On a alors N ⊆ Ker(ϕ) : quitte à remplacer M par M/ Ker(ϕ), on peut supposer
ϕc injective.
On peut alors appliquer la proposition 4.6 à ϕc : si Nc = ϕ−1
c (Γc ), alors Nc est un sous-F module saturé de rang 1 et de pente ℓ de Mc , et les autres pentes de M sont toutes < ℓ : d’après
la propriété 5.3, il existe un sous-F -module saturé N de M tel que Nc = N ⊗Ω Γc . Comme N
2. Ca semble assez surprenant a priori vu que les pentes ne sont pas « dans le bon sens », ici c’est possible grâce
à un argument topologique car Ω est complet et N de rang 1, de pente entière.
LE THÉORÈME DE TATE EN CARACTÉRISTIQUE POSITIVE
(D’APRÈS A.J. DE JONG)
15
est de rang 1 sur Ω, et les pentes de M/N sont < ℓ, il existe un sous-F -module N ′ de M tel que
N ⊕ N ′ → M est une isogénie (proposition 5.2). D’après le lemme 4.4, le composé
ϕc ⊗Γperf
µ
c
−
→ Γperf
N ′ ⊗Ω Γperf
−−−−−
−→ Γ ⊗Γc Γperf
c
c
est nul. Par injectivité de µ (proposition 3.18) et fidèle platitude de Γperf
sur Γc , la restriction de
c
ϕc à N ′ ⊗Ω Γc est donc nulle. Comme ϕc est injective, on a N ′ ⊗Ω Γc = 0. Comme N ′ est isogène
à un F -module libre (lemme 3.5), on a en fait N ′ = 0, ie. M = N . Le F -module M étant de rang 1 et de pente ℓ, il est isogène à Ω, pℓ σ (en vertu des lemmes 3.5 et
5.1) : on a M [p−1 ] ≃ Ω[p−1 ], pℓ σ) en tant que F -modules. Ainsi, on a ϕ(M ) ⊆ Ω[p−1 ]∩Γc = Ω. Références
[1] P. Berthelot – « Théorie de Dieudonné sur un anneau de valuation parfait », Annales Scientifiques de l’ENS
4ème série 13 (1980), p. 225–268.
[2] P. Berthelot, L. Breen & W. Messing – Théorie de Dieudonné cristalline II, Lecture Notes in Mathematics,
vol. 930, Springer-Verlag, 1982.
[3] P. Berthelot & W. Messing – Théorie de Dieudonné cristalline III. Théorèmes d’équivalence et de pleine
fidélité, Progress in Mathematics, vol. 86, Birkhäuser, 1990.
[4] N. Bourbaki – Algèbre commutative, chapitre 10, éléments de mathématique, Masson, 1998.
[5] M. Demazure – Lectures on p-divisible groups, Lecture Notes in Mathematics, vol. 302, Springer-Verlag, 1972.
[6] A. J. de Jong – « Barsotti-tate groups and crystals », in Proceedings of the International Congress of Mathematicians, Vol. II (Berlin, 1998), Doc. Math., 1998, p. 259–265.
[7]
, « Homomorphisms of Barsotti-Tate groups and crystals in positive characteristic », Invent. Math. 134
(1998), p. 301–333.
[8] N. Katz – « Slope filtration of F -crystals », in Journées de Géométrie Algébrique de Rennes (Rennes, 1978),
Vol. I, Astérisque, vol. 63, SMF, 1979, p. 113–163.
[9] K. Kedlaya – « Full faithfulness for overconvergent F -isocrystals », in Geometric Aspects of Dwork’s Theory
(Vol. II), de Gruyter, 2004, p. 819–835.
[10]
, « Frobenius modules and de Jong’s theorem », Math. Res. Lett. 12 (2005), p. 303–320.
[11] H. Matsumura – Commutative ring theory, Cambridge university Press, 1986.
[12] W. Messing & T. Zink – « De Jong’s theorem on homomorphisms of p-divisible groups », 2002, disponible à
l’adresse http://www.math.uni-bielefeld.de/~zink/z_publ.html.
[13] J. Tate – « p-divisible groups », in Proceedings of a conference on local fields, Springer Verlag, 1967, p. 158–183.
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