5.10. Résolutions et homologie des groupes 219
5.10 Résolutions et homologie des groupes
Considérons un espace contractile (non vide) Xsur lequel un groupe discret
G(noté multiplicativement) agit de façon proprement discontinue (à droite).
La projection sur le quotient π:XX/G est donc un revêtement. Choisis-
sons un point de base dans Xet prenons =π()comme point de base de
X/G. Les groupes d’homotopie de X/G sont nuls sauf le groupe fondamen-
tal π1(X/G)(si Gest non nul bien sûr) qui est alors isomorphe à G. On voit
donc que X/G est un espace d’Eilenberg-Mac Lane de type K(G, 1). Notre
problème est de calculer l’homologie de X/G à coefficients dans un anneau
commutatif unitaire Λ. On va voir que cette homologie ne dépend que de G.
Pour tout nN, la projection π:XX/G induit une application Λ-linéaire
π:Cn(X)Cn(X/G). Comme Gagit à droite sur X,Gagit sur Cn(X),
et Cn(X)est donc un Λ[G]-module à droite. Le bord :Cn(X)Cn1(X)
est alors Λ[G]-linéaire, ce qui est juste une conséquence de sa naturalité,
appliquée aux flèches x→ x.g (gG). De plus, l’augmentation C0(X)Λ
est Λ[G]-linéaire quand on considère Λcomme un Λ[G]-module sur lequel
l’action de Gest triviale, ce qu’on fera dans toute la suite. C(X)est donc un
DGA-Λ[G]-module.
À partir de ce DGA-Λ[G]-module, et par des moyens strictement algébriques,
on peut retrouver (à isomorphisme près) le DGA-Λ-module C(X/G). Il suffit
en effet de considérer le morphisme :
C(X)Λ[G]ΛϕC(X/G)
xλλπ(x)
(où Gagit à nouveau trivialement sur le Λ[G]-module à gauche Λ) qui est
bien défini car l’application (x, λ)→ λπ(x)est clairement Λ[G]-bilinéaire (G
agissant trivialement sur C(X/G)). ϕest alors Λ-linéaire et commute au
bord, puisque ϕ(xλ) = (λπ(x)) = λπ(x) = ϕ((x)λ) = ϕ((x
λ)), la dernière égalité résultant du fait que (λ)=0dans le DGA-Λ[G]-
module trivial Λ. En fait, ϕest un isomorphisme. Ceci devrait paraître assez
évident au lecteur, pour la raison que d’une part l’effet de π:XX/G est
d’identifier tout simplexe singulier de Xavec ses images sous l’action de G, et
d’autre part l’effet de la tensorisation par Λau-dessus de Λ[G]est d’identifier
tout vecteur de C(X)avec ses images sous l’action de G, simplement parce
que Gagit trivialement sur Λ. Mais voyons précisément pourquoi ϕest un
isomorphisme.
Il suffit d’exhiber un inverse pour ϕ. Pour tout n-simplexe singulier yde
X/G, posons ψ(y)=x1xest un relèvement quelconque de yle long
220 5. Théories de chaînes et applications
de π. On va voir que cette application est bien définie. Notons d’abord qu’un
tel relèvement existe. En effet, comme Δnest contractile, et comme toute
application constante ΔnX/G se relève le long de π(car πest surjective),
le théorème de relèvement des homotopies (théorème 158 (page 117)) assure
l’existence de ce relèvement. Par ailleurs, la valeur de x1ne dépend pas
du choix de x, c’est-à-dire ne dépend que de y. En effet, si xet xsont deux
relèvements de yle long de π, il existe un gGtel que x
0=x0.g,oùx0
et x
0sont les sommets numéro 0de xet xrespectivement. Ceci est dû au
fait que comme x0et x
0se projettent sur le même point, ils sont dans une
même orbite sous l’action de G. La partie unicité du théorème de relèvement
des homotopies montre alors que x=x.g, et donc que x1=(x.g)1 =
x(g.1)=x1puisque l’action de Gsur Λest triviale. On a donc une
application ψ:Cn(X/G)Cn(X)Λ[G]Λbien définie. Par ailleurs ψ(ϕ(x
1)) = ψ(π(x))=x1et ϕ(ψ(y)) = ϕ(x1) = π(x)=y, où xest un
relèvement de yle long de π.
En conséquence, l’homologie de X/G est celle du DGA-Λ-module C(X)Λ[G]
Λ. Il ne semble pas à première vue qu’on soit beaucoup plus avancé pour
calculer l’homologie de X/G. Pourtant si, grâce à un phénomène remarquable
qui est que pour calculer l’homologie de C(X)Λ[G]Λ, on peut remplacer
C(X)par n’importe quel DGA-Λ-module acyclique et relativement libres.
C’est ce que nous allons prouver ci-dessous. Or, il est éventuellement facile
de construire un remplaçant pour C(X)qui soit de taille assez petite pour
que les calculs soient faisables. C’est ce que nous allons faire plus loin dans
le cas où G=Z/p. Mais passons d’abord à la démonstration de l’affirmation
précédente, ce qui nécessite une définition :
Revenons à notre projection π:XX/G. Comme Xest contractile, C(X)
est acyclique, et ε:C(X)Λest donc une résolution de Λcomme Λ-module.
Mais en fait, c’est aussi une résolution de Λcomme Λ[G]-module, car aussi
bien Λque Cn(X)sont des Λ[G]-modules, :Cn(X)Cn1(X)est Λ[G]-
linéaire de même que ε0:C0(X)Λ. De plus, comme l’action de Gsur Xest
libre, Cn(X)est un Λ[G]-module libre (pour constituer une Λ[G]-base, choisir
un simplexe dans chaque orbite de l’action de Gsur Sn(X)). En résumé ε:
C(X)Λest une résolution libre de Λcomme Λ[G]-module. Elle est donc
homotopiquement équivalente à n’importe quelle autre résolution libre de Λ
comme Λ[G]-module.
Une équivalence d’homotopie étant de nature purement équationnelle, elle
est préservée par tout foncteur, en particulier par le foncteur qui consiste à
tensoriser par Λsur Λ[G]. Ceci montre que l’homologie de X/G est celle de
PΛ[G]Λ, où PΛest n’importe quelle résolution libre de Λcomme Λ[G]-
module. On voit donc que l’homologie de X/G à coefficients dans Λne dépend
5.10. Résolutions et homologie des groupes 221
que de G. On l’appelle l’« homologie du groupe G(à coefficients dans Λ) », et
on la note H(G; Λ).
Nous allons maintenant calculer H(Z/p;Z)à titre d’illustration et pour un
usage futur.
296 Théorème. On a, pour tout iN:
H0(Z/p;Z)Z
H2i+1(Z/p;Z)Z/p
H2i+2(Z/p;Z)0
Démonstration. L’anneau Z[Z/p]est isomorphe (par définition) à l’anneau
quotient Z[X]
Xp1. Si A(X)Z[X], on notera encore A(X)sa classe dans
Z[X]
Xp1. La multiplication par A(X),P(X)→ A(X)P(X)est une applica-
tion Z[X]
Xp1-linéaire de Z[X]
Xp1vers lui-même, qu’on notera encore A(X).
Comme le produit (X1)(Xp1+Xp2+· · · +X+ 1) est égal à Xp1dans
Z[X], il est nul dans Z[X]
Xp1. La composition (dans un ordre quelconque)
des multiplications par X1et par Xp1+· · · +1 est donc nulle, et on a donc
un DGA- Z[X]
Xp1-module :
. . .
Xp1+···+ 1
Z[X]
Xp1
X1
Z[X]
Xp1
Xp1+···+ 1
Z[X]
Xp1
X1
Z[X]
Xp1
ε
Z
εest défini par ε(P(X)) = P(1), puisqu’alors ε((X1)P(X)) = (1
1)P(1) = 0. En fait, la suite ci-dessus est exacte. εest surjectif puisque
ε(1) = 1. Si P(X)est dans le noyau de ε, autrement-dit si P(1) = 0, on peut
faire la division euclidienne de P(X)par X1, ce qui est possible dans Z[X]
car X1est un polynôme normalisé. On a alors P(X) = (X1)Q(X) + a,
222 5. Théories de chaînes et applications
aest une constante, mais comme P(1) = 0, on a a= 0, et on voit
que P(X)est dans l’image de la multiplication par X1. Pour termi-
ner, si (X1)P(X) = 0, alors en divisant P(X)par Xp1+· · · + 1, ce
qui est possible dans Z[X]puisque Xp1+··· + 1 est normalisé, on ob-
tient P(X)=(Xp1+··· + 1)Q(X) + R(X), où R(X)est de degré au plus
p2. Dans Z[X]
Xp1, on a alors 0 = (X1)P(X)=(X1)R(X), c’est-à-dire
(X1)R(X) = (Xp1)S(X)dans Z[X]. Comme (X1)R(X)est de degré
au plus p1, on voit que S(X)doit être nul. Comme Z[X]est intègre, on voit
que R(X)=0,etP(X)est alors un multiple de Xp1+· · · + 1. On traite de
même l’autre cas.
Ainsi, on a une résolution libre PZde Zcomme Z[X]
Xp1-module. Quand on
tensorise Ppar Zau dessus de Z[X]
Xp1, on obtient la suite :
. . . βZαZβZαZ0
dans laquelle α= (X1) 1et β= (Xp1+· · · + 1) 1. Mais comme l’action
de Xsur Zest triviale (c’est l’identité de Z), on voit que α=0et que βest la
multiplication par p. Le noyau de la multiplication par pest 0, et son conoyau
est isomorphe à Z/p, d’où le résultat.
Exercice 44. Calculer H(Z/p;Z/p)de deux façons : (1) par la même mé-
thode que dans la démonstration précédente, (2) en utilisant le résultat pré-
cédent et le théorème des coefficients universels.
Exercice 45. Montrer que pour tout groupe G,H1(G;Z)est isomorphe à
l’abélianisé G
[G,G]de G.
Exercice 46. Soit Gun groupe admettant une présentation par un
nombre fini de générateurs et un nombre fini de relations. Montrer que la
dimension de H1(G;Q)minore le nombre de générateurs, et que la dimen-
sion de H2(G;Q)minore le nombre de relations.
Exercice 47. Montrer que si Gest un groupe abélien libre, Hi(G;Z) = 0
pour i2.
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