Introduction PLAN Section 1 §I § II § III Section 2 §I § II Section 3 § § § § § § I II III IV V VI La notion L’absence de définition juridique La distinction entre le parrainage et le mécénat La distinction entre le parrainage et la publicité Les formes de sponsorisme Variantes juridiques du sponsorisme Variantes opérationnelles du sponsorisme La protection des programmes de sponsorisme : la lutte contre l’ambush marketing Par le droit des propriétés intellectuelles et industrielles Par les droits de propriété Par le droit de la consommation La prohibition de la concurrence déloyale Par les méthodes de droit des conventions Par des dispositifs législatifs ad hoc 1 Étude d’un contrat essentiel pour le sport. – Parmi les différentes sources de financement du sport, le sponsoring (ou parrainage) occupe une place privilégiée. À cela, deux raisons majeures. D’abord les entreprises, grandes ou petites, ont compris l’intérêt qu’il y avait d’associer leurs propres marques à la notoriété des clubs, des spectacles sportifs et des athlètes. Les valeurs véhiculées par le sport et les sportifs, la très forte médiatisation des compétitions et des athlètes constituent des vecteurs de communication particulièrement recherchés par les sociétés commerciales, qu’elles interviennent ou non dans le domaine de l’économie du sport. Ensuite, le monde du sport lui-même a besoin du sponsoring. Les entreprises « mangeuses de renommée »1 ne sont pas les seules à tirer profit des opérations de parrainage. Bien au contraire, les acteurs du sport y ont leur intérêt et il n’est pas mince. Un athlète individuel trouvera ainsi dans ses contrats d’image la source la plus importante de ses revenus, un club trouvera dans son contrat d’équipementier une ressource matérielle et financière lui permettant d’être plus compétitif et les organisateurs d’événements sportifs verront dans leurs partenaires officiels et autres sponsors titres le moyen le plus commode de réduire leur dépendance à l’égard des acheteurs de droits audiovisuels. (1) Selon l’expression de J.-M. MOUSSERON, « Les contrats de transfert de renommée », Cah. dr. entr. 1989, Fasc. 2, p. 24. LES CONTRATS DE SPONSORING SPORTIF Sans aller jusqu’à croire que le sport ne serait rien sans le sponsoring, on peut au moins souligner qu’il serait... différent. C’est dire que le contrat de sponsoring est un acte essentiel, un acte qui, parce qu’il véhiculera toutes les attentes des parties, devra susciter d’elles la plus grande attention. Car l’opération de parrainage n’est pas une opération nécessairement paisible. Les enjeux y sont bien trop importants, les risques, juridiques comme financiers, y sont sérieux. Entre le souci des sponsors d’optimiser l’impact médiatique de l’opération et le désir des parrainés d’en tirer le maximum de moyens, l’entente est certes naturelle mais elle reste fragile, d’autant plus fragile qu’elle est destinée à durer. Dès lors, la réussite d’une opération de sponsoring tient à un véhicule contractuel bien pensé, une convention cohérente, claire, souple et évolutive. C’est la construction de cette convention qui nous occupera au fil des pages qui vont suivre. SECTION 1 La notion § I - L’absence de définition juridique 2 Du latin au franglais. – Le sponsoring ! Encore un contrat en « ing » ! Une importation anglo-saxonne ? Comme le leasing, le factoring et le parenting. « Gardons-nous donc de ces appellations acculturées ! » diront ainsi certains qui voient d’un mauvais œil ces pratiques étrangères bousculer les catégories paisibles de notre droit. Il n’y a toutefois pas lieu de s’effrayer. Le mot « sponsor » a une origine latine (spondeo, spondere, promettre à titre de caution, s’engager ; Sponsio, sponsionis, engagement, garantie ; Sponsor, sponsoris, répondant, caution), certes un peu trompeuse en l’occurrence, mais qui lui permettrait de s’intégrer sans mal dans le corpus linguistique français par le mot « sponsorisme ». Ce ne serait pas le premier vocable latin intégré à la langue française après un petit détour outre-Manche. Le mot « sport » lui-même a fait ce voyage2. 3 Un contrat innommé. – Juridiquement, le contrat de sponsoring3 est un laissé pour compte. C’est un « contrat en mal d’identité »4. Il n’est pas admis dans le cercle fermé des contrats nommés, ceux pour qui la loi impose un nom parce qu’elle leur a construit un régime juridique supplétif. Le contrat de sponsoring est un contrat innommé. Et ce désintérêt que marque le législateur à son endroit n’est rien d’autre qu’une impuissance : le contrat de sponsoring ne saurait se laisser enfermer dans un carcan simplifié. C’est un contrat complexe aux mille visages. Le droit français ne fournit ainsi aucune véritable définition normative du contrat de sponsoring. Pire, le seul texte officiel traitant de cette convention, un arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière, en donne une acception sous la forme d’une alternative. Le mot anglais sponsoring désignerait ainsi soit du mécénat entendu comme le « soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général », soit du parrainage compris comme le « soutien matériel apporté à une manifestation, à une personne, à un produit ou à une organisation en vue d’en retirer un bénéfice direct ». (2) (3) (4) Cf. not. A. REY (dir.), Le grand Robert de la langue française, Éditions Le Robert, 2001, Vº « Sport ». – Adde J.-M. MARMAYOU, « Le sport : notion juridique », Encyclopédie Droitdusport. com, étude 106, spéc. nº 106-65. Cf. G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique Association H. Capitant, PUF, Vº « Parrainage publicitaire », « Sponsoring », « Sponsorisme ». C. LAPOYADE-DESCHAMPS, « Un contrat au service de l’entreprise : le sponsoring », in Les activités et les biens de l’entreprise. Mélanges offerts à J. Derruppé, Litec, 1991, p. 128. 10 Introduction § II - La distinction entre le parrainage et le mécénat 4 Deux modes de communication : deux régimes fiscaux. – Même si l’on considère le parrainage et le mécénat5 comme deux techniques de communication, on présente traditionnellement le parrainage comme un instrument du monde sportif tandis que le mécénat serait lié au monde de la culture. Mais cette distinction est en pratique loin d’être étanche. Il y a du parrainage dans le monde de l’art et il y a des mécènes dans le sport. Ce qui fait en réalité la séparation entre parrainage et mécénat réside dans un traitement juridique et fiscal radicalement différent. Le parrainage est ainsi un contrat, par définition, équilibré : en contrepartie du soutien matériel qu’il apporte, le parrain entend retirer un bénéfice direct, d’une valeur au moins équivalente au montant de son apport. C’est un contrat d’affaires, synallagmatique par essence. Les dépenses engagées dans le cadre d’opérations de parrainage sont destinées à promouvoir l’image de marque de l’entreprise. Le parrainage répond donc à une démarche commerciale explicitement calculée et raisonnée, sa retombée doit être quantifiable et proportionnée à l’investissement initial. En revanche, la contrepartie que reçoit le mécène de son soutien ne saurait être directe et surtout s’exprimer dans un rapport d’équivalence. Le mécénat est un contrat déséquilibré par nature, un contrat de bienfaisance. Le droit fiscal consacre cette différence de nature6. Ainsi considère-t-il que les dépenses de mécénat ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 60 % (dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires) du montant des sommes versées par le mécène (CGI, art. 238 bis)7, alors qu’il assimile les dépenses de parrainage à des dépenses de publicité, à ce titre déductibles du résultat imposable du parrain (CGI, art. 39,1-7º). Traitement fiscal du parrainage et du mécénat Le traitement fiscal du parrainage En matière d’impôt sur les sociétés (IS) Du côté de l’entreprise versante, les dépenses de parrainage, qui comprennent les versements proprement dits ainsi que les frais et charges de toute nature supportés à raison de l’opération de parrainage, sont déductibles au titre des charges d’exploitation. Évidemment, la déductibilité suppose que la dépense ait été faite dans l’intérêt direct de l’exploitation (c’est la condition posée par l’article 39,1., 7º du Code 8 général des impôts) . Cette condition est considérée comme remplie lorsque l’identification de l’entreprise qui entend promouvoir son image de marque est assurée quel que soit le support utilisé (affiches, annonces de presse, effets médiatiques, etc.) et que les dépenses engagées sont en rapport avec l’avantage attendu par l’entreprise. L’entreprise versante doit ainsi être en mesure de justifier que les charges supportées à l’occasion d’une action de parrainage ne sont pas excessives eu égard à l’importance de la contrepartie attendue. Comptablement, les dépenses de parrainage doivent être inscrites en charge de l’exercice au cours duquel elles sont engagées. Le traitement fiscal d’une opération de parrainage réalisée de France mais couvrant plusieurs pays dans lesquels la société versante a des filiales répond au principe strict de territorialité de l’impôt : ne seront déductibles fiscalement en France que les seules dépenses de parrainage afférentes à la société française. Du côté de l’organisme bénéficiaire, les versements reçus au titre du parrainage sont en principe imposables au titre de l’IS. Une franchise d’IS est accordée aux organismes sans but lucratif dont la gestion est désintéressée, dont l’activité ne constitue pas un prolongement de l’activité économique des membres, qui réalisent des opérations à caractère sportif au profit de leurs membres et dont les recettes annuelles provenant d’activités (5) (6) (7) (8) G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique Association H. Capitant, PUF, Vo « Mécenat ». F. PERROTIN, « Parrainage ou mécénat : une délicate distinction à opérer », LPA 11 oct. 2012, nº 204, p. 3. – R. CHOTIN, « Opérations de mécénat et de parrainage : une complexité décourageante », LPA 28 nov. 1997, nº 143, p. 10. F. PERROTIN, « Les dix ans de la loi mécénat : un régime fiscal toujours attractif », LPA 6 déc. 2012, nº 244, p. 4. Sur cette condition, cf. Cass. 2e civ. 13 févr. 2014, nº 12-16924. – CAA Bordeaux 26 juin 2012, nº 11BX00321, sté. J. Tarrene investissements. 11 LES CONTRATS DE SPONSORING SPORTIF lucratives accessoires n’excèdent pas 60 000 euros HT, étant entendu que ne sont pas comptabilisées dans ce seuil les recettes tirées de six manifestations de bienfaisance ou de soutien organisées dans l’année à leur profit exclusif. Il faut noter au demeurant que les recettes de parrainage peuvent, selon leur montant, impacter sur le régime fiscal de l’organisme bénéficiaire. En effet, du chef de ces recettes, l’organisme bénéficiaire pourrait être regardé comme entretenant des relations privilégiées avec une entreprise, ce qui, au sens de l’instruction fiscale 4 H-3-00, les empêcherait de profiter de la franchise d’impôts commerciaux. En matière de TVA Du côté de l’entreprise versante, la TVA est déductible dans les conditions de droit commun. Du côté de l’organisme bénéficiaire, une facture au nom de l’entreprise versante doit être émise. Il faut noter à cet égard que l’article 261-7-1º du Code général des impôts offre aux organismes sans but lucratif à caractère sportif une exonération de TVA pour les recettes tirées de six manifestations de bienfaisance ou de soutien organisées dans l’année à leur profit exclusif. Traitement fiscal du mécénat En matière d’IS : Du côté de l’entreprise versante, les versements effectués au titre du mécénat ne sont pas déductibles du résultat fiscal imposable. En revanche, les versements éligibles ouvrent droit à une réduction d’impôt égale à 60 % de leur montant, dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires hors taxe (l’excédent est reporté successivement sur les cinq exercices suivants et ouvrent droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions). La réduction d’impôt n’est accordée que si le mécène réalise ses versements au profit d’un « organisme d’intérêt général » (ayant un caractère sportif) au sens de l’article 238 bis du Code général des impôts. Selon l’administration fiscale, ce pourrait être le cas des clubs sportifs amateurs qui ont pour vocation de promouvoir la pratique du sport (DB 5B-3311). Ce pourrait être, également, le cas d’une fondation d’entreprise même si cette dernière porte le nom de l’entreprise fondatrice (W. MEYNET, « La fondation d’entreprise, un instrument juridique au service des sociétés sportives », Cah. dr. sport nº 7, 2007, p. 27. – W. MEYNET, « Fonds de dotation versus fondations d’entreprise », Jurisport nº 119, 2012, p. 39). Ce pourrait être encore le cas d’un fonds de dotation ayant un caractère sportif (CGI, art. 238 bis, g). En outre, la réduction d’impôt n’est accordée que si les versements réalisés constituent un don. Cela suppose une « disproportion marquée » entre les sommes versées et la valeur de la prestation rendue. Il est communément admis un rapport de 1 à 4 entre les montants des contreparties et celui du don. Autrement dit, la valeur des contreparties accordées à l’entreprise mécène ne doit pas dépasser 25 % du montant du don (cf. par ex. : CE 15 février 2012, nº 340855). La qualification de don est maintenue même lorsque le nom de l’entreprise est associé à l’opération, quels que soient le support de la mention et la forme du nom, à l’exception de tout message publicitaire. En revanche, ne sauraient ouvrir droit à la réduction d’impôt les dons faits à des organismes dont l’activité concerne la pratique ou le développement du sport professionnel, qui est lucrative par nature. Du côté de l’organisme bénéficiaire, les dons sont en principe non imposables, sauf si l’organisme est en mesure de savoir que les versements effectués dépassent 5 ‰ du chiffre d’affaires. C’est le cas lorsque l’un des dirigeants de l’organisme bénéficiaire est également dirigeant de l’entreprise mécène. En matière de TVA Du côté de l’entreprise versante, l’opération n’est pas assujettie à la TVA si elle constitue effectivement un don. Corrélativement aucun droit à déduction de TVA n’existe pour l’entreprise versante sur les sommes versées. À défaut de constituer un véritable don (disproportion marquée), le versement peut être requalifié en opération de parrainage soumise à TVA. Du côté de l’organisme bénéficiaire, le reçu fiscal établi ne comportera pas de décompte de TVA. Les sources – Instr. fisc., BOI 5 B-19-08, nº 103, 9 déc. 2008 ; – Instr. fisc., BOI 4 H-5-06, nº 208, 8 déc. 2006 ; – Instr. fisc., BOI 5 B-27-05, nº 168, 13 oct. 2005 ; – Instr. fisc., BOI 13 L-5-04, nº 164, 19 oct. 2004 ; – Instr. fisc., BOI 5 B-17-99, nº 186, 8 oct. 1999 ; – Instr. fisc., BOI 4 C-5-04, nº 112, 13 juill. 2004 ; – Instr. fisc., BOI 4 C-2-00, nº 86, 5 mai 2000. 12 Introduction § III - La distinction entre le parrainage et la publicité 5 Distinguer parrainage et publicité est une opération difficile. – Aucun texte officiel n’en donne des définitions claires d’où ressortirait une différence de nature nette. Au demeurant, les textes fiscaux suggèrent plutôt une confusion des notions. Par exemple, l’article 39,1., 7o du Code général des impôts semble assimiler dépenses de parrainage et dépenses de publicité. En effet, il permet à l’entreprise de déduire de ses bases d’imposition les dépenses engagées dans le cadre des manifestations que la loi énumère dès lors qu’elles sont « exposées dans l’intérêt direct de l’exploitation ». Or, selon l’administration fiscale, cette condition est considérée comme remplie lorsque « l’identification de l’entreprise qui entend promouvoir son image de marque dans le cadre du parrainage est assurée » et lorsque « les dépenses engagées sont en rapport avec l’avantage attendu par l’entreprise »9. Quelques décisions de jurisprudence semblent accréditer cette idée en ce qu’elles subordonnent la validité des dépenses de parrainage engagées par les collectivités locales à la condition qu’elles contribuent à la « promotion de leur identité »10. Du côté de la doctrine, la division est installée. Quelques auteurs retiennent que le parrainage « apparaît, essentiellement, comme une méthode publicitaire ayant pour but la promotion d’une entreprise, de ses produits ou de ses services, par leur rattachement dans l’esprit du public à un événement ou une personnalité intéressant le sport, la culture, l’art, l’éducation, etc. »11. Dans le même sens, d’autres le définissent comme « l’action de commanditer une initiative à fin de publicité ou plus spécialement de promotion »12. Mais certains tiennent à une distinction plus nette et affirment que le parrainage aurait ceci de particulier que « la collaboration entre les parties est plus intense et [que] les gains et pertes de l’opération sont partagés entre les contractants »13. La distinction n’est pas qu’académique, puisque celle-ci se retrouve dans le Code de la santé publique, au sein des dispositions qui encadrent la publicité et le parrainage ayant « pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité directe ou indirecte » en faveur des alcools ou du tabac14. SECTION 2 Les formes de sponsorisme 6 Grande diversité. – Entre le contrat équipementier d’un sportif individuel, celui d’un club professionnel ou le contrat de naming de stade, il existe des différences flagrantes même si toutes ces opérations peuvent être regroupées sous l’appellation « sponsorisme ». Très diverses, les opérations de sponsorisme doivent être classées. Elles peuvent l’être selon au moins deux points de vue : l’un juridique (§ I), l’autre opérationnel (§ II). (9) Instr. fisc., BOI 4 C-2-88, nº 40, 26 févr. 1988. (10) TA Lyon, 30 mars 1989, nos 85-33543, 85-33999 et 85-35525, à propos de la décision d’un conseil général de parrainer une équipe du Paris-Dakar. (11) Cf. Lamy Droit économique 2014, nº 2835. (12) G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, Vº « Sponsorisme », Association Henri Capitant, PUF, 8e éd., 2000. (13) F. COLLART-DUTILLEUL et P. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, Dalloz, 2011, nº 790. – C. LAPOYADEDESCHAMPS, op. cit., p. 128. (14) Cf. infra nº 126 et s. 13 LES CONTRATS DE SPONSORING SPORTIF § I - Variantes juridiques du sponsorisme 7 Deux variantes juridiques. – D’un point de vue juridique, on peut classer les formes de sponsorisme selon deux catégories : le sponsorisme direct et le sponsorisme indirect. 8 Le sponsorisme direct. – L’entreprise qui souhaite associer sa marque à l’image d’un sportif, d’une équipe ou d’une manifestation sportive peut choisir de gérer directement l’opération de parrainage. Le vecteur de cette gestion directe est un contrat : le contrat de parrainage. C’est lui qui va nous intéresser tout au long de cet ouvrage. 9 Sponsorisme indirect. – Lorsque l’entreprise veut associer sa marque à un sportif individuel, seul le sponsorisme direct est possible. En revanche, si elle recherche une association avec une équipe ou une manifestation sportive, la voie du sponsorisme indirect lui est aussi ouverte. C’est une voie institutionnelle, en ce sens qu’une personne morale sera créée pour les besoins de l’opération, une nouvelle entité à qui seront transférées les ressources que l’entreprise destine au parrainage. Cette forme de sponsorisme est généralement utilisée lorsque l’opération de parrainage dépasse un certain niveau d’importance, lorsqu’elle exige de grosses dépenses affectées par exemple à l’acquisition ou la fabrication d’un matériel coûteux (automobile, voilier de compétition, etc.). Pour des raisons d’organisation des différentes activités de l’entreprise sponsor, mais aussi pour des considérations fiscales, la création d’une personne morale ad hoc, chargée d’abriter l’activité de parrainage, peut apparaître comme une solution efficace. La personne morale qui permettra la gestion indirecte de l’opération de sponsorisme peut, selon les cas, revêtir une forme sociétaire ou une forme non sociétaire. 10 Sponsorisme indirect par filialisation sociétaire. – La création d’une filiale sociétaire apparaît comme le moyen le plus courant pour la réalisation d’un parrainage indirect à visée clairement commerciale. On utilise fréquemment cette technique dans le cyclisme professionnel, la voile ou les sports automobiles. Sur le plan économique, la filialisation permet au parrain de séparer les activités à risque important ou les activités inédites de son activité principale dans la mesure où chaque société a sa propre personnalité juridique, et donc son propre passif. La filialisation contribue aussi à une optimisation de la gestion humaine du parrain en permettant une spécialisation des équipes, et partant une véritable professionnalisation, et en permettant d’intéresser directement les équipes aux résultats de leurs efforts en évitant de diluer cet intéressement dans un bilan globalisé. La filialisation présente par ailleurs un intérêt fiscal. L’opération de filialisation n’étant pas très coûteuse, elle autorise en effet la société fille à procéder aux immobilisations et amortissements, sans sortir de son objet social ni exposer des dépenses qui auraient été considérées non déductibles car somptuaires si elles avaient été directement exposées par la société mère. Schématiquement, trois techniques de filialisation sont à disposition des entreprises désireuses de mettre en place une opération de sponsorisme indirect. Elles peuvent d’abord se contenter de constituer une société nouvelle au moyen d’apports en nature ou en numéraire, d’apports en propriété ou en jouissance. Elles peuvent opter pour la prise de contrôle d’une société préexistante qui aurait déjà pour objet social la ou les activités visées par la filialisation ; la prise de contrôle pouvant se réaliser au travers d’une augmentation de capital avec participation réservée ou simplement par acquisition d’un nombre suffisant d’actions ou de parts sociales de la société cible. Elles peuvent enfin préférer une méthode plus complexe mais qui peut s’avérer fiscalement plus intéressante. Cette méthode, c’est l’apport partiel d’actifs, surtout si cet apport se réalise par le procédé spécial de la scission partielle15. (15) C. com., art. L. 236-16 à L. 236-21. 14 Introduction 11 Sponsorisme indirect au travers d’une association. – Le choix de la structure associative pour abriter une opération de parrainage ne relève pas de l’évidence. Trois raisons à cela. En premier lieu, il faut rappeler qu’une association n’a pas une vocation naturelle à exercer une activité commerciale, même si une telle activité peut être considérée comme licite. En deuxième lieu, l’association n’étant pas construite sur un modèle capitalistique mais sur une architecture personnaliste, sa gouvernance est nécessairement fondée sur la confiance. En termes de sécurité juridique, le « contrôle » d’une association n’est ainsi jamais garanti. En troisième lieu, une association ne dispose que d’une capacité juridique restreinte. Récemment encore, les associations simplement déclarées n’avaient pas la capacité de recevoir à titre gratuit. Se posait donc le problème de la licéité des dotations financières allouées par le sponsor. Si l’article 16 de la loi no 87571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat autorise désormais les associations simplement déclarées à recevoir des dons manuels (y compris chèques et virements bancaires), leur capacité juridique restreinte demeure néanmoins un lourd handicap face aux sociétés, encore peut-on faire valoir une grande souplesse de fonctionnement. En réalité, la constitution d’une association présente surtout un intérêt pour la réalisation d’actions de mécénat. La loi du 23 juillet 1987 a certes rompu la distinction classique entre « sponsoring sportif » et « mécénat culturel », mais la réduction d’impôt, élément essentiel du choix de la structure associative, dépend en toute hypothèse du caractère d’intérêt général de l’association bénéficiaire (cf. CGI, art. 238 bis, 1o). Les dons devront donc être accordés à des organismes qui ont pour vocation de promouvoir la pratique du sport, comme les clubs sportifs amateurs, ce qui est loin, évidemment, de l’idée initiale d’une structure de gestion externe du sponsoring. 12 Sponsorisme indirect au travers d’une fondation. – La fondation d’entreprise, groupement de biens et non de personnes, est définie par l’article 19 de la loi no 87-571 du 23 juillet 1987 : « les sociétés civiles ou commerciales, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les coopératives ou les mutuelles peuvent créer, en vue de la réalisation d’une œuvre d’intérêt général, une personne morale, à but non lucratif, dénommée fondation d’entreprise ». Il résulte de cette définition qu’une entreprise ne peut, en principe, utiliser la formule de la fondation pour abriter ses opérations promotionnelles. Car si le but non lucratif du groupement n’interdit pas aux entreprises fondatrices de bénéficier de certaines retombées médiatiques, la fondation ne peut avoir pour finalité une activité commerciale. Créée « en vue de réaliser une œuvre d’intérêt général », elle n’intéresse en réalité que l’hypothèse particulière d’un « mécénat sportif », visant à associer l’image du mécène au sport pris dans sa dimension d’intérêt général. § II - Variantes opérationnelles du sponsorisme 13 Cinq variantes opérationnelles. – D’un point de vue purement opérationnel et pratique, ce dont il n’en découle pas moins des conséquences juridiques en ce que les contrats ne seront pas rédigés de la même manière, on peut classer les formes de sponsorisme direct selon cinq catégories. 14 Le parrainage individuel d’un sportif. – Selon la notoriété du sportif et la taille de l’entreprise sponsor, il sera plus ou moins fruste, mais c’est à n’en pas douter le contrat de parrainage le plus courant. Il est utilisé aussi bien pour les sportifs professionnels qu’amateurs ou semi-amateurs. Il revient pour une société, un commerçant, un professionnel libéral, voire une association, à fournir un soutien matériel et/ou financier à un sportif, en échange de l’utilisation de l’image de ce dernier et de son engagement à promouvoir la marque, l’enseigne, le nom commercial et/ou les activités du parrain. 15 LES CONTRATS DE SPONSORING SPORTIF 15 Le parrainage d’une équipe. – Comme pour le parrainage d’un sportif individuel, le contrat de parrainage d’une équipe sera plus ou moins complexe selon que l’équipe est gérée par une petite association de quartier ou une société sportive professionnelle. Ce type de contrat comporte cela dit un élément spécifique dans la mesure où le parrain qui apporte son soutien à un club, une association cycliste, une écurie de F1... reçoit en contrepartie une prestation d’affichage exécutée par les joueurs de l’équipe à qui il sera demandé de porter des équipements siglés au nom du sponsor. La personne morale gestionnaire de l’équipe exécutera ainsi une partie voire toutes ses obligations par l’intermédiaire d’une catégorie particulière de ses salariés. 16 Le parrainage d’événement. – La société ou le professionnel (commerçant ou libéral) désireux de s’associer à un événement peut le faire en devenant sponsor d’une compétition préexistante, grâce à un affichage direct ou grâce à d’autres supports (TV, radio). Ils peuvent aussi associer leur image, leur marque, à un événement qu’ils créent eux-mêmes de toutes pièces (l’événement n’existe que par son financement) : Trophée Lancôme, Raid Gauloise, Heineken Cup, Open GDF Suez16, Top 14 Orange, Evian master, Liga BBVA, etc. C’est une des formes de ce que l’on appelle aujourd’hui le naming, dans la mesure où le parrain donne son nom à une compétition sportive. Historiquement, ce sont les organes de presse qui ont développé la pratique en France : Cross du Figaro, course en Solitaire du Figaro, Grand prix du Midi libre, Grand Prix Ouest-France. Ce type de parrainage, extrêmement répandu car il donne une visibilité très grande au parrain, présente des risques17. Une décision du Tribunal de grande instance de Paris rendue en 1991 en témoigne18. En l’espèce, la Société Grundig France avait conclu avec la Fédération française de voile un contrat de parrainage aux termes duquel elle promettait son soutien matériel et financier à une compétition de voile qui allait prendre son nom (« Grundig Cup »). Les vainqueurs de cette compétition lui ont alors réclamé le versement des prix et trophées mis en jeu. Or, le Tribunal a considéré qu’en donnant son nom à une compétition sportive, le parrain devait assumer la charge d’une obligation de moyens relative à l’organisation même de la compétition et devait donc assumer la responsabilité de la bonne tenue de la manifestation et de la remise effective des prix. Autrement dit, le soutien financier qui se traduit par un naming de compétition rend moins étanche la distinction entre parrain et organisateur, certainement parce que l’affichage ainsi réalisé facilite l’application de la théorie de l’apparence. TGI Paris, 1re ch., 9 janv. 1991 « Au soutien de son appel en garantie, la FFV fait valoir que la société Grundig France est responsable, en sa qualité de sponsor de l’épreuve, de la remise des prix en espèces convenus (...) et que le non-respect de cette obligation constitue une faute de sa part. Pour sa défense, la société Grundig France fait valoir qu’il faut distinguer la situation de “parrainage” qui crée lui-même un “événement” ou participe effectivement à la réalisation et à l’organisation de la manifestation et assume à ce titre les obligations correspondantes vis-à-vis des participants à l’épreuve, de tiers à “l’organisation” de celui pour lequel le “parrain” ne fait qu’apporter sous forme d’obligations financières sa contribution au budget en contrepartie d’espaces et d’emplacements publicitaires. En l’espèce, elle estime que son contrat avait pour seul objet l’achat publicitaire et de moyens de promotion de sa marque (16) C’est une compétition de tennis féminin se déroulant à Paris et qui a porté le nom de son sponsor principal de 1993 à 2014. (17) Ces risques sont loin d’être uniquement juridiques. Sur le plan marketing, le risque est en effet grand que les médias ne s’approprient pas l’attribution du nom et ne transmettent pas l’information au grand public. Le retour sur investissement d’une opération de naming n’est ainsi pas garanti. Pour prévenir ce risque de non-appropriation par les médias, les organisateurs peuvent imposer aux diffuseurs à qui ils concèdent les droits de retransmission de citer le nom officiel de la compétition et des enceintes sportives. (18) TGI Paris, 9 janv. 1991, Paul Layard et autres c/ Fédération française de voile, Gaz. Pal. 1992, 1, jur., p. 6 ; Gaz. Pal. 1992, 2, p. 512. 16 Introduction moyennant le paiement annuel d’un prix forfaitaire, sans assumer aucune autre obligation. Elle en déduit n’avoir jamais contracté une obligation de résultat quant à la disponibilité des fonds dont elle n’avait pas la gestion ni même une garantie de bonne fin de la manifestation parrainée. (...) En effet, en faisant procéder dès 1986 au changement de dénomination de l’épreuve pour y substituer un nouveau titre représentatif de sa marque, la “Grundig Cup”, la société Grundig France a participé à la création d’un “événement sportif” en recherchant à lui conférer pour l’avenir une existence propre et une notoriété internationale destinée à la promotion de son nom commercial. Par cet état de fait, conforté par les différents accords conclus avec la FFV lui concédant l’exclusivité de la promotion des courses, la société Grundig France a sans équivoque manifesté sa volonté de prendre à son compte personnel cette nouvelle épreuve, en contrepartie d’obligations financières déterminées contractuellement. Il s’en déduit que même si la société Grundig France n’avait pas juridiquement la fonction d’organisateur de la course et même si elle n’avait pas contracté une obligation de résultat, en sa qualité de sponsor de l’épreuve, la nature et l’étendue de sa participation effective au déroulement d’un tel challenge portant son nom faisaient peser sur elle une obligation de moyens, distinctes des seules contreparties financières convenues. À ce titre, elle devait à tout le moins informer et, dans la mesure de ses pouvoirs et de ses moyens, veiller à ce que puisse être exécutée une prestation essentielle de la course, susceptible aux yeux des tiers de lui incomber, telle celle de la remise effective aux vainqueurs de prix en espèces particulièrement élevés. Cette remise des prix était, en outre, particulièrement importante pour la société Grundig France, dès lors que cette société engageait son nom commercial et son crédit à travers la dénomination de l’épreuve ». 17 Le parrainage de stade ou d’enceinte sportive (naming). – Le naming de stade ou d’arena est une forme de sponsoring sportif consistant à donner à une enceinte sportive le nom d’une marque ou d’une société. La pratique est surtout développée à l’étranger. Aux États-Unis par exemple19, presque 70 % des stades des 121 clubs professionnels de base-ball, hockey sur glace, football US et basket-ball font l’objet d’un tel naming20. En Angleterre, en Suède, en République Tchèque, en Allemagne, au Japon, en Nouvelle-Zélande ou encore en Australie, la pratique est devenue courante. L’Emirates Stadium d’Arsenal, le Reebok Stadium de Bolton, l’Etihad Stadium de Manchester City, l’Allianz Arena du Bayern Munich ou l’AOL Arena de Hambourg, la Mercedes-Benz-Arena de Stuttgart, la Volkswagen-Arena de Wolsfburg, le RedBull Arena de Leipzig, le Nib Stadium de Perth, le Kyocera Dome d’Osaka sont des exemples parmi d’autres. En France, la pratique qui n’en était qu’à ses balbutiements en 2010, se développe tout doucement. Si l’on excepte le Stade Michelin des rugbymen de Clermont-Ferrand qui doit son nom à une personnalité forte de la ville plus qu’à un accord de naming, on compte aujourd’hui le MMArena au Mans21, l’Allianz Riviera Stadium de l’OGC Nice, le Matmut Stadium de Lyon pour le club de rugby le LOU, le Parks & suites Arena de Montpellier22, la Pubeco Pevèle Arena qui accueille le Basket club d’Orchies, la KindArena où réside le club de basket de Rouen, la Skoda Arena du Hockey club de Morzine. Mais la formule a du mal à prendre dans un marché français que les spécialistes du marketing (19) Où la première opération de naming daterait de 1912 avec le naming d’un des stades de baseball de Boston, le Fenway Park. (20) Sur le naming aux USA, ex multis : A. M. MOORMAN, “Naming Rights Agreements : Dream Deal or Nightmare ?”, Sport Marketing Quarterly, vol. 11, nº 2, 2002, p. 126. – B. JANOFF, “Name Game Now Costs $120M+”, Brandweek vol. 47, nº 42, nov. 2006, p. 12. – J. M. CLARK, T. B. CORNWELL et S. W. PRUITT, “Corporate Stadium Sponsorships, Signaling Theory, Agency Conflicts, and Shareholder Wealth”, Journal of Advertising Research vol. 42, nº 6, nov. 2002, p. 16. – A. BARTOW, “Trademarks of Privilege : Naming Rights and the Physical Public Domain”, UC Davis Law Review vol. 40, nº 3, 2007, p. 919. (21) Sa construction a été décidée en 2005, le chantier a débuté en 2008 et dès cette date, la société MMA s’était engagée à verser 10 millions d’euros sur dix ans au club de football du MUC 72 en échange du naming, étant précisé que le stade sarthois continuait à percevoir des financements publics. Mais depuis le club, qui évoluait en Ligue 2 le jour de l’inauguration du stade, a connu d’importantes difficultés financières, qui l’ont conduit, en oct. 2013, à la liquidation judiciaire et à une rétrogradation sportive en Division d’honneur de la ligue du Maine. (22) Qui n’a pas de club sportif résident. 17 LES CONTRATS DE SPONSORING SPORTIF estiment insuffisamment mature23. Plus qu’une question de tradition, cela s’explique par le fait que les enceintes sportives demeurent la plupart du temps la propriété des collectivités territoriales qui ont du mal à justifier politiquement de la transformation toponymique que le naming implique pour des stades anciens. C’est certainement le principal obstacle pour une entreprise sponsor qui doit pouvoir être certaine que son investissement, lourd, recevra une contrepartie alors que l’enceinte a déjà un nom ancré dans l’esprit du public. À cet égard, on peut citer l’exemple du stade vélodrome de Marseille. En effet, le contrat de partenariat public/ privé mis en place pour son agrandissement prévoit certes la possibilité d’un naming, mais c’est un naming partiel, le Stade Vélodrome conservant son ancienne appellation à laquelle se verra peut-être accolée la marque d’un sponsor24. L’autre obstacle que l’on peut signaler tient sans doute au fait que les enceintes qui n’appartiennent pas directement à un club résident ne sont pas suffisamment attractives pour les sponsors qui regardent le naming comme une action marketing totale impliquant outre le nommage du stade, l’affichage sur le maillot, des campagnes de publicités avec les joueurs, etc. Le naming s’avère plus facilement utilisable pour les nouvelles enceintes ou celles qui appartiennent directement aux clubs. C’est même un instrument de financement pour la construction et la maintenance de ces nouvelles enceintes, que cela s’inscrive dans un programme purement privé ou dans le cadre d’un partenariat public/ privé. La pratique du naming s’étend même aux enceintes d’entraînement et l’on peut signaler par exemple que le « Camp des loges », centre d’entraînement du club de football du PSG est devenu depuis 2013 le « centre d’entraînement Ooredoo » du nom d’un opérateur de télécommunications qatari. L’intérêt du naming d’enceintes sportives est d’être moins dépendant des résultats sportifs que le sponsoring « maillot » d’une équipe ou d’un club. Cela tient au fait que l’enceinte peut accueillir d’autres événements que les seules compétitions sportives et peut avoir plusieurs clubs résidents. Cela peut aussi tenir au fait que les accords de naming sont généralement des accords de longue durée, comprise ordinairement entre 10 et 30 ans. C’est d’ailleurs pour cette raison, qu’ils sont régulièrement associés au financement de l’enceinte. 18 L’ambush marketing. – Évidemment, on se situe ici à la frontière du parrainage. Beaucoup diront d’ailleurs que c’est l’opposé même du parrainage, une sorte de plaie. Définir juridiquement l’ambush marketing n’est pas chose simple25. Pour certains, ce serait une pratique commerciale illicite visant, pour une entreprise, à tirer un profit commercial d’un événement médiatique, en général sportif, sans en être l’organisateur et sans avoir obtenu la moindre autorisation de l’organisateur26. Pour d’autres, l’ambush marketing consiste à concevoir des opérations commerciales d’une manière telle qu’elles ne soient (23) E. DELATTRE et I. AIMÉ, « Le naming : une forme de parrainage originale », Management & Avenir 5/ 2010, nº 35, p. 51. – E. DELATTRE, « Les enjeux marketing du “naming” », La Tribune, 12 déc. 2007, p. 35. (24) Au 10 juin 2014, ce sponsor n’a toujours pas été trouvé. (25) A. PAQUET, Le régime juridique de l’ambush marketing, Mémoire, CEIPI, 2006, (<www.ceipi.edu/pdf/memoires/M % C3 %A9moire_P %C3 %A2quet. pdf>) ; (www.ceipi.edu/uploads/media/Memoire_PAQUET. pdf). – L. ARCELINLÉCUYER, « De la difficulté d’appréhender l’opportunisme commercial : l’exemple de l’ambush marketing », D. 2008, p. 1501. – J.-M. MARMAYOU, « Coupe du monde de football : comment lutter contre l’ambush marketing ? », in M. MAISONNEUVE (dir.), Droit et coupe du monde, Economica, 2011, p. 155, et les références citées. – G. GIL, « Publicité et coupe du monde », in Droit et coupe du monde, préc., p. 145. (26) Cette définition a plu à quelques législateurs étrangers qui, à la demande des organisateurs d’événements sportifs (FIFA, UEFA, CIO), l’ont intégrée dans leur corpus normatif. Ainsi, l’Italie prohibe-t-elle explicitement l’ambush marketing en le définissant comme « toutes activités parallèles à celles des entités autorisées par les organisateurs dans le but d’en obtenir un bénéfice financier » (L. nº 167/05, 17 août 2005 qui a expiré le 31 déc. 2006, Misure per la tutela del simbolo olimpico in relazione allo svolgimento dei Giochi invernali « Torino 2006 », Gazz. Ufficiale, nº 194, 22 août 2005). – Même la cour d’appel de Paris y a été sensible dans une décision qui nous paraît toutefois excessive : CA Paris, 10 févr. 2012, Cah. dr. sport nº 27, 2012, p. 247, note F. MARTIN-BARITEAU : « Le fait pour une entreprise de se rendre visible du public lors d’un événement sportif ou culturel afin d’y associer son image tout en évitant de rétribuer les organisateurs et de devenir un supporter officiel constitue une situation d’ambush marketing qui constitue une faute au regard des dispositions de l’article 1382 du Code civil ». 18 Introduction pas juridiquement interdites. L’ambush marketing serait ainsi par définition licite27, même si l’entreprise profite de l’image d’une manifestation comme un sponsor mais sans l’être. Nous inclinons vers cette définition dans la mesure où les mécanismes protecteurs prévus par le droit commun de la propriété intellectuelle, s’ils ont une efficacité indéniable, présentent tous des limites que l’art de « l’ambusher » a justement pour objet de dépasser. Cette approche correspond d’ailleurs à la définition donnée par « l’inventeur » du concept, Jerry Welsh28. Par l’expression « ambush marketing », il entendait désigner une stratégie commerciale consistant pour une entreprise à se placer dans le sillage d’une entreprise parrainant un événement sportif mais dont le programme de parrainage était particulièrement mal conçu et mal mené. Sur le plan marketing, l’ambush consiste donc à occuper tous les espaces qui ne sont pas réservés. En contrepoint, ceux qui souffrent de l’ambush marketing feront tout leur possible pour rendre l’espace commercial autour de leur événement le plus étanche possible. SECTION 3 La protection des programmes de sponsorisme : la lutte contre l’ambush marketing 19 Lutte internationale. – L’ambush marketing est un phénomène transnational. Le pratiquer, comme lutter contre, revient à développer des stratégies juridiques comparatistes car il concerne plus particulièrement les grandes manifestations sportives internationales, qui, si elles se déroulent sur le territoire d’un seul État, sont diffusées et suivies dans une multitude de pays. C’est ainsi dans une perspective internationale que nous examinerons les différentes techniques juridiques utilisées pour lutter contre le marketing d’embuscade ; or, selon les pays, quatre à cinq techniques de protection peuvent être mobilisées par les organisateurs d’événements pour protéger leur programme de sponsoring29. (27) Certaines décisions de jurisprudence vont dans ce sens. En Inde par exemple, la Haute cour de Delhi a eu l’occasion de dire que l’expression « ambush maketing » n’est pas un terme juridique et que la pratique ne constitue pas en elle-même un acte de concurrence déloyale, qu’elle ne poursuit pas un objectif de tromperie du public mais représente au contraire un acte d’exploitation commerciale opportuniste d’un événement : Delhi High court of India, case : ICC development (Int’l Ltd.) v. Arvee Enterprises & Philips, 2003 (26) PTC 245 (Del). – En France, un jugement récent n’a pas hésité à affirmer que « le parrainage ne peut avoir pour effet de priver tout autre acteur économique de fonder sa publicité autour d’un sport pour autant qu’il ne s’approprie pas les symboles et logos de la fédération qui organise les matches ni les images. L’événement sportif appartient à tout un chacun car il fait également partie de l’actualité, seule sa représentation en direct ou télévisée fait l’objet de droits particuliers reconnus par l’article L. 333-1 du Code des sports » (TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 30 mars 2010, RG nº 08/07671, Fédération française de rugby c/ Fiat France, Léo Burnett et autres, Cah. dr. sport nº 20, 2010, p. 141, note J.-M. MARMAYOU). (28) J. WELSH, “Ambush marketing : what it is, what it isn’t”, http://welshmktg.com/wma_ambushmktg.pdf. (29) J.-M. MARMAYOU, « Coupe du monde de football : comment lutter contre l’ambush marketing ? », in M. MAISONNEUVE, (dir.), Droit et coupe du monde, Economica 2011, p. 155. – M. MAZODIER et P. G. QUESTER, « Comment lutter contre le pseudo-parrainage ? », Gestion 2009/1, vol. 34, p. 37. – B. GALOPIN, « Comment contrer l’ambush marketing autour des événements sportifs ? Aspects tactiques », Propr. Intell. janv. 2014, nº 50, p. 13. – Association internationale pour la protection de la propriété intellectuelle : “The protection of major sports events and associated commercial activities through trademark”, Q 210 (www.aippi.fr), cf. les rapports établis pour 39 pays et le rapport international de synthèse. 19