Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n
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4 - oct.-nov.-déc. 2005
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Apostrophe
l’ethnie est le résultat d’un mariage entre les
influences sociales et biologiques, il a été sug-
géré que la génomique pouvait offrir l’opportu-
nité de transformer cette “intuition” en une réa-
lité par la réalisation d’un test objectif. Il existe
cependant des limites médicales et éthiques à
cette approche. Un individu – et plus encore un
groupe d’individus – résulte du mélange d’un
grand nombre de gènes. Seule une approche
statistique rigoureuse peut permettre la caracté-
risation d’une population spécifique. Chaque
étape de cette caractérisation doit être validée.
La première étape, et non la moindre, est la
définition phénotypique de la population. Cela
n’est pas évident, à l’exception de groupes de
populations présentant un faible mélange inter-
ethnique, tels que les Esquimaux ou les Amish
d’Amérique du Nord, par exemple. Une fois les
populations phénotypiques définies, des puces
à ADN pangénomiques peuvent être utilisées
pour regrouper (cluster) des profils “géné-
tiques” plus souvent rencontrés dans une popu-
lation. Un des écueils sera la définition des
limites acceptables de variabilité pour attribuer
à un individu une appartenance à un groupe
“racial” donné. Lire ces lignes explique la dif-
ficulté de cette étape, cependant essentielle à
toute approche scientifique de la problématique
traitée dans cet article. Une autre approche,
plus ciblée, pourrait consister à étudier
quelques gènes de susceptibilité à une maladie,
ou le métabolisme d’un traitement donné. Cette
dernière approche est le premier pas vers l’eth-
nopharmacologie, terme probablement mal
choisi puisqu’il ne s’agit ici que de différences
génétiques. Des études ont montré des diffé-
rences significatives entre les populations en ce
qui concerne les polymorphismes de gènes
codant pour les enzymes du métabolisme des
xénobiotiques, pour des transporteurs ou don-
nant une réponse spécifique à un traitement.
Cette approche est extrêmement développée
aux États-Unis. Pour la première fois, un traite-
ment utilisé dans le cadre de l’insuffisance car-
diaque vient de recevoir une autorisation de
mise sur le marché spécifique pour un groupe
ethnique : les Afro-Américains. Cette
démarche précoce nord-américaine n’est pas
innocente. En effet, c’est dans une optique
anglo-saxonne que le lobbying des minorités
ethniques d’un côté, et de l’industrie pharma-
ceutique de l’autre, a porté à son point culmi-
nant la volonté de pointer des différences quali-
fiées de “raciales”. Le biais majeur d’interpré-
tation tient à ce que les différences observées
entre les groupes concernant l’expression d’une
maladie et/ou les réponses à un traitement ne
sont pas exclusivement d’origine génétique.
LA PLACE DE L’ORIGINE ETHNIQUE
EN TRANSPLANTATION
C’est dans ce contexte que l’exemple de la
transplantation prend toute son acuité. Si la
transplantation rénale est le meilleur traitement
de l’insuffisance rénale chronique parvenue à
son stade terminal, de nombreuses études ont
montré que les receveurs afro-américains pré-
sentent une moins bonne survie du greffon à
court et à long terme après transplantation. Si
l’évolution au cours des années a permis une
amélioration globale des résultats, la différence
interethnique est toujours restée présente. Les
explications évoquées sont nombreuses. Il a
été montré que l’accès à la transplantation,
comme d’ailleurs aux autres techniques de
prise en charge de l’insuffisance rénale chro-
nique, est plus difficile pour les Afro-
Américains que pour les Caucasiens. Le rôle
des spécificités HLA et de la moindre compa-
tibilité a aussi été évoqué. Les variations de la
réponse au traitement (pharmacogénomique
des récepteurs) ou du métabolisme des traite-
ments (pharmacogénomique des enzymes du
métabolisme) pourraient expliquer une partie
de ces résultats. Enfin, les facteurs socio-éco-
nomiques se confondent vraisemblablement
puisqu’ils participent par essence à la défini-
tion de la différence ethnique. La démonstra-
tion du rôle respectif de ces facteurs n’est pas
facile dans un contexte nord-américain,
puisque toutes ces différences demeurent pré-
sentes et intriquées. Le contexte français est
tout autre, même si, en raison de notre histoire,
une population d’origine africaine représente
une fraction non négligeable des patients trans-
plantés dans notre pays. En effet, la France des
départements et territoires d’outre-mer a été
une terre d’exil des Africains emmenés contre