Présentation pour le colloque MELT, vendredi le 27 avril 2012, UQAM Parvin Movassat, Ph.D. Professeure de langue, Institut des langues officielles et du bilinguisme (ILOB), Université d’Ottawa L’apprentissage du français langue seconde par le biais d’un contenu disciplinaire : enjeux et défis pédagogiques des cours d’immersion au niveau universitaire. L’apprentissage d’une langue seconde basé sur le contenu a fait l’objet de nombreuses études au Canada et dans d’autres pays du monde. La recherche sur l’acquisition d’une langue seconde basée sur le contenu a démontré que ce mode d’apprentissage comporte plusieurs avantages – entre autres, une motivation plus élevée chez les étudiants- reliés à la contextualisation de l’apprentissage (Brinton, Snow & Wesche, 2003; Wesche, M., 2010). Le concept du locuteur/acteur prend ici tout son sens: l’étudiant n’est plus considéré uniquement comme un apprenant, mais comme un acteur social qui doit mobiliser ses connaissances et les faire valoir dans le cadre d’interactions interpersonnelles et sociales (Kern, R. & Liddicoat, A., 2008). Il s’agit de cheminer vers un « bilinguisme fonctionnel » en construisant progressivement un « répertoire bilingue » dans le domaine de son expertise (Geiger-Jaillet, A., Schlemminger, G., Le Pape Racine, C., 2011). Acquérir des connaissances en langue seconde qui lui permettraient de mettre à l’œuvre ses savoirs disciplinaires sur le marché du travail et d’avoir « voix au chapitre » (Kramsch, C., 2008) dans un milieu sociolinguistique différent du sien devient alors l’un des enjeux principaux pour l’étudiant d’immersion. Le système d’immersion, implanté au Canada à partir des années 60 (Rebuffot, J., 1993), a été un laboratoire pour évaluer les forces et les faiblesses de ce type d’enseignement/apprentissage et a permis de jeter les bases d’un modèle éducatif, plus ou moins similaire, au niveau universitaire. Parmi les universités canadiennes, l’Université d’Ottawa fait figure de chef de file dans la mise en place d’un programme d’immersion. En effet, dès les années 1980, elle avait mis sur pied des cours d’immersion, appelés « cours encadrés/sheltered courses » où les étudiants avaient la possibilité d’assister à certains cours de leur cursus universitaire dans leur langue seconde. Forte de cette première expérience, qui n’a duré que quelques années, faute de financement, (Burger, S., Weinberg, A., Hall, Movassat, P. & Hope, A., 2011), l’Université d’Ottawa a lancé, en 2006, un nouveau programme, appelé le « Régime d’immersion », beaucoup plus ambitieux que le premier : l’université propose aux étudiants, dans une cinquantaine de disciplines différentes, d’assister à un certain nombre de leurs cours dans leur langue seconde en leur offrant un cours d’encadrement linguistique d’une durée d’une heure trente. Il existe plusieurs niveaux de cours d’encadrement linguistique divisés en deux catégories : les cours centrés sur les habiletés réceptives (la compréhension de l’oral et de l’écrit) qui ont pour objet de s’assurer que les étudiants suivent bien les exposés magistraux et arrivent à faire leurs lectures de façon efficace et soutenue. Les cours axés sur les 1 habiletés productives (production de l’oral et de l’écrit), eux, ont pour but d’amener les étudiants à utiliser leurs connaissances dans le champ d’expertise de leur discipline, en s’exprimant dans leur langue seconde. Dans ce contexte, le rôle du professeur de langue seconde et les défis auxquels il est confronté d’un point de vue pédagogique sont d’une importance cruciale dans la réussite de l’expérience étudiante (Knoerr, H., 2010). Ainsi, le professeur de langue doit s’adapter aux spécificités inhérentes à la nature des cours d’immersion : le format particulier des cours d’encadrement linguistique, l’interaction avec le professeur qui enseigne le contenu disciplinaire, les défis reliés au mode d’évaluation des habiletés langagières (Movassat, P., Hall, C. & Hope, A. 2009), entre autres, sont autant de facteurs qui influent sur les pratiques d’enseignement dans ce genre de cours. De plus, le professeur de langue doit tenir compte des difficultés de la compréhension du contenu disciplinaire pour les étudiants qui doivent suivre les cours dans leur langue seconde sans avoir droit à des accommodements particuliers. Il est donc indispensable pour le professeur de langue de développer des matériels didactiques adaptés pour aider les étudiants à comprendre le contenu de leurs cours et à se l’approprier dans la langue seconde. Plusieurs études ont été faites sur les activités et les pratiques langagières les plus utiles et/ou les plus appréciées des étudiants d'immersion (Burger, S. and Chrétien, M., 2001; Burger, S., Wesche, M., and Migneron, M. 1997; Migneron, M. et Burger, S., 1996; Ready & Wesche, 1992; Weinberg & Burger, 2010 ; Weinberg, A., Burger, S. and Hope, A. 2008). Certaines de ces études démontrent la complexité du contexte dans lequel se déroule l’enseignement de la langue seconde dans les cours d’immersion au niveau universitaire et les particularités pédagogiques, inhérentes à la nature de ces cours. Dans cette communication, nous présenterons des exemples de matériels didactiques développés sous forme d’activités basées sur la compréhension du contenu disciplinaire (lecture et écoute). Ces exemples proviennent des matériels utilisés dans les cours disciplinaires (criminologie, sociologie, études des femmes, etc.) et permettent d’illustrer les caractéristiques des cours d’immersion au niveau universitaire ainsi que les défis auxquels les professeurs doivent faire face pour le développement de ressources didactiques dans le cadre de ces cours. 2 Bibliographie Brinton, D.M, M.A., Snow and M., Wesche. (2003). Content Based Second Language Instruction. Michigan: Michigan Classics Edition. Burger, S. and Chrétien, M. (2001) The Development of Oral Production in Content-based Second Language Courses at the University of Ottawa, The Canadian Modern Language Review / La Revue canadienne des langues vivantes [French Immersion and Content-based Language Teaching in Canada/Immersion et apprentissage axé sur le contenu au Canada], 58 (1) (Sept. 2001), 84-102. Burger, S., Wesche, M., and Migneron, M. (1997) Late, late immersion: Discipline-based second language teaching at the University of Ottawa In Johnson, Robert Keith, and Swain, Merril (eds.) Immersion education: international perspectives, Cambridge, England, Cambridge University Press, 65-84 Burger, S., , Weinberg, A., Hall, C., Movassat, P. and Hope, A. (2011) French Immersion Studies at the University of Ottawa: Programme Evaluation and Pedagogical Challenges (123-142) In Tedick, D.J, Christian, D. and Williams Fortune, T. (eds), Immersion Education. Practices, Policies, Possibilities, Multilingual Matters, Bristol, UK. Geiger-Jaillet, A., Schlemminger, G., Le Pape Racine, C., (2011) Enseigner une discipline dans une autre langue : méthodologie et pratiques professionnelles, Édité par le Centre européen pour les langues vivantes (CELV), Peter Lang, Frankfurt Kern, R. & Liddicoat, A., (2008). De l’apprenant au locuteur/acteur. In G. Zarate, D. Lévy and C. Kramsh . Précis du plurilinguisme et du pluriculturalisme, Éditions des archives contemporaines, Paris, pp. 27-33 Knoerr, H. (2010) L’immersion au niveau universitaire : nouveaux modèles, nouveaux défis, pratiques et stratégies, Les Cahiers de l’ILOB/OLBI 1 (1), 89-110. Kramsh, C. (2008) Voix et contrevoix: L’expression de soi à travers la langue de l’autre.In G. Zarate,D. Lévy, and C. Kramsh . Précis du plurilinguisme et du pluriculturalisme, Éditions des archives contemporaines, Paris, pp. 35-38 3 Migneron, M. et Burger, S. (1996) Les cours encadrés: description et démarches pédagogiques (215-230), In R. Courchêne, Burger, S., Cornaire, C., LeBlanc, R., Paribakht, S., Séguin, H. (eds.), Twenty-Five Years of Second Language Teaching at the University of Ottawa\ Vingt-cinq ans d'enseignement des langues secondes à l'Université d’Ottawa, Second Language Institute/Institut des Langues Secondes, Ottawa, ON. Movassat, P., Hall, C. & Hope, A. (2009) Évaluer les habiletés réceptives dans les cours d’immersion au niveau universitaire, Journal de l’immersion, 31 (3), 44-46 [Numéro spécial : L’apprentissage d’une langue en situation formelle ou informelle d’immersion : nouvelles perspectives pour la recherche et les politiques gouvernementales, Actes du colloque du CCERBAL et de l’ILOB, à l’Université d’Ottawa, le 30 avril et 1er mai 2009]. Rebuffot, J. (1993) L ‘immersion au Canada. CEC, collection « le point sur » dirigée par Claude Germain Ready & Wesche, (1992) An evaluation of the University of Ottawa sheltered program : Language teaching strategies that work. In R. Courchêne, J. Glidden, J. St-John, andC. Thérien (Eds.) Comprehension-based second language teaching/l’enseignement des langues secondes axé sur la comprehension. Ottawa. Ottawa University Press. 389-405 Weinberg, A. and Burger, S. (2010) University level immersion: Students’ perception of language activities, Les Cahiers de l’ILOB /OLBI Working Papers, 1 (1), 111-142 Weinberg, A, Burger, S. and Hope, A. (2008) Evaluating the Effectiveness of Content-based Language Teaching, Contact (TESL Ontario), 34 (2) [Research Symposium Issue], 68-80. Wesche, M. (2010) Content-based second language instruction. In R. Kaplan (ed.) Oxford handbook of applied linguistics. Oxford: Oxford University Press. 275-293. 4