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PRÉFACE
Dans un monde où la compétition est permanente, tant pour les entreprises que pour les Etats, il
est indispensable de se comparer aux autres pour évaluer ses propres performances. Il ne s’agit
pas de copier tel ou tel modèle mais plutôt d’identifier des choix politiques viables et des
stratégies économiques qui fonctionnent.
Dans cet esprit, il est intéressant d’analyser le marché du travail britannique : son secteur privé
crée depuis trois ans près d’un demi-million d’emplois par an et maintient l’emploi tant dans les
phases de croissance que dans les périodes de crise. En baisse continue depuis 2 ans, le taux
de chômage est passé sous la barre des 7% au printemps 2014. Il est aujourd’hui revenu à son
niveau d’avant crise. Quant à la croissance, elle évolue à un rythme soutenu et est prévue à plus
de 3% en 2014.
Il y a deux manières de comparer la France et le Royaume-Uni : celle des stéréotypes,
particulièrement nombreux entre les deux pays, et celle de l’analyse, sans filtres idéologiques et
uniquement destinée à mettre en lumière des éléments objectifs et quantifiés. Le Cercle d’outre-
Manche relève par exemple que 80% des Britanniques de moins de 25 ans qui travaillent ont
signé un contrat à durée indéterminée, contre à peine la moitié des jeunes Français : la précarité
n’est pas forcément là où on l’attendrait.
La recette, parfois caricaturée sous l’étiquette d'austérité, est connue : réduction drastique des
dépenses publiques (moins 7 points en 7 ans), baisse du nombre de fonctionnaires (moins 500
000 depuis 2011) accompagnée d’une redéfinition du périmètre de l’action publique autour de
ses missions-clés, stratégie fiscale incitative destinée à attirer les investissements et à doper la
création d’entreprises. Aujourd’hui, le poids de la fiscalité représente 36% du PIB au Royaume-
Uni, soit 11 points de moins qu’en France.
Au-delà des différences de choix ou de stratégies politiques, le modèle économique britannique
pose la question de la place accordée à la liberté individuelle et à la création d’entreprises. En
mettant en avant des idées neuves, comme le concept de big society en réponse à un Etat qui
ne sait plus se réformer, les Britanniques cherchent à renouer avec les racines de leur modèle
économique, fondé sur la liberté de commercer, l’esprit d’entreprendre et la responsabilité
individuelle. A l’inverse, la France continue à rechercher une société sans risques, quête trop
bien incarnée par le principe de précaution appliqué à tous les secteurs de notre activité.
Le projet de big society fait confiance aux acteurs de la vie économique, en accordant une place
de choix aux citoyens et aux interactions entre eux. Cette subsidiarité offre une véritable
alternative à l’impasse française résumée en son temps par l’aveu d’un Premier ministre que
« l’Etat ne peut pas tout ». Elle traduit aussi en termes concrets le concept anglo-saxon – difficile
à exprimer en français – d’empowerment, d’autonomisation et de responsabilisation des
individus sur leur propre destin.
En mettant en avant de manière pragmatique ce qui fonctionne ailleurs et ce qu’on pourrait
améliorer chez nous, le Cercle d’outre-Manche propose précisément d’insuffler de la liberté au
sein du marché du travail en s’appuyant sur les forces vives de notre pays. De ce point de vue, il
ne s’agit pas d’appliquer à la lettre une recette britannique par ailleurs difficilement transposable
dans une France qui n’a ni les mêmes leviers politiques ni le même tissu économique, mais bien
plutôt de s’inspirer d’outils performants, qui ont fait leurs preuves, pour réformer enfin en
profondeur la société française.
Claude Bébéar
Président de l’Institut Montaigne