L'économie du Royaume-Uni est-elle plus performante que celle de la
France ? Source : LE MONDE | 15.08.2014 à 10h40 | Par Marie Charrel et Eric Albert
Tandis que Paris se lamente sur le zéro pointé de sa croissance, Londres se réjouit : le produit
intérieur brut (PIB) britannique a crû de 0,8 % au deuxième trimestre. France en berne contre
Royaume-Uni en forme ? Pas si simple…
Croissance
De prime abord, la croissance britannique est impressionnante : elle devrait être de 3,5 % en 2014,
selon la Banque d'Angleterre – contre 0,5 % à peine en France. Mais il s'agit, en grande partie, d'un
effet de rattrapage, après la violente récession enregistrée en 2009 (– 5,2 %), suivie de trois ans de
stagnation.
Résultat, le Royaume-Uni vient de retrouver son niveau de 2008. En comparaison, la croissance
française a moins reculé (– 3,1 % en 2009). Le pic de 2008 a été retrouvé dès 2011, mais depuis,
l'activité stagne.
Sur les six dernières années, les deux pays ont donc connu une croissance quasi-nulle. La
comparaison est même peu flatteuse pour Londres quand on prend en compte la hausse de la
population, alimentée, outre-Manche, par le dynamisme de l'immigration. Le PIB britannique par
habitant est alors 5 points en dessous de celui de 2008 – en France, c'est 2 points.
Marché du travail
Bon point pour les Britanniques. Au début de la crise, les experts pensaient que le taux de chômage
atteindrait son niveau record des années 1990.
Mais il a à peine dépassé la barre des 8 % au plus fort de la récession pour retomber aujourd'hui à 6,4
%. En France, il culmine à 10,1 %. Motif ? Le marché du travail est plus flexible outre-Manche.
En France, la dualité des contrats – à durée indéterminée (CDI) ou déterminée (CDD) – et la rigidité
des procédures de licenciement est souvent vécue par les entrepreneurs comme un frein à
l'embauche. Les entreprises britanniques, de leur côté, passent souvent des accords avec leurs
employés pour baisser temporairement le nombre d'heures travaillées ou geler les salaires, plutôt que
de réduire leur effectif.
Le nombre d'autoentrepreneurs a aussi explosé. Il y en a quatre fois plus au Royaume-Uni qu'en
France. Cela s'est traduit par une hausse de la précarité, un recul du pouvoir d'achat et des
rémunérations qui progressent moins vite que l'inflation. Mais a évité un chômage de longue durée
aux conséquences sociales douloureuses.
Finances publiques
A première vue, France et Royaume-Uni ont fourni à peu près le même effort de rigueur budgétaire
depuis 2011 : 3,7 % du PIB chez nous, contre 3,9 % outre-manche, selon les calculs de Gilles Moec,
chez Deutsche Bank.
« En revanche, pointe-t-il, la nature et le “timing” de ces mesures ont été différents. » Londres a agi
vite et fort, en réduisant, par exemple, les aides sociales – mais cela a pénalisé la croissance. Paris a
opté pour un effort moins brutal et plus étalé.
Bilan ? Mitigé pour le Royaume-Uni : grimpé à 11,4 % du PIB en 2011 (5,2% en France), le déficit
public était toujours plus élevé outre-Manche en 2013 (5,8 % contre 4,3 %).
Politique monétaire
La Banque d'Angleterre (BoE) a montré plus de souplesse que la Banque centrale européenne (BCE),
dont les mesures sont calibrées pour convenir à la moyenne des pays de la zone euro.
Si dès 2008, les deux institutions ont baissé leurs taux directeurs pour soutenir l'économie, la BoE n'a
pas hésité à laisser la livre sterling perdre plus de 25 % de sa valeur face à l'euro (elle est remontée
depuis), quand la BCE s'interdit de toucher à la monnaie. La BoE a aussi lancé des mesures de
soutien massif à l'immobilier. «
L'économie britannique est plus sensible à la politique monétaire, car les canaux de transmission sont
plus nombreux », précise M. Moec. Ainsi, l'endettement des familles britanniques est surtout composé
de crédits immobiliers, pour grande partie à taux variable – ce n'est pas le cas en France. La baisse
des taux d'intérêt britanniques a donc eu pour effet immédiat d'alléger le stock de dettes…