Résumé du documentaire n°3 Ricardo et Malthus, vous avez dit liberté ? David RICARDO, né à Londres en 1772 – Mort 1823 Thomas MALTHUS, né en 1766 en Angleterre, Pasteur anglican – Mort en 1834 Principaux intervenants : - Matias Vernengo, économiste - Thomas Piketty, économiste - Denis Hodgson, sociologue - Pascal Lamy, ancien secrétaire général de l’OMC - Robert Boyer, économiste - Ho-Fung Hung, sociologue Camille Chalmer, économiste Simon Jonson, ancien chef économiste du FMI David Graebber, anthropologue Mikael Hudson, économiste Les théories de Ricardo Au début du 19ème siècle, deux amis, David Ricardo et Thomas Malthus définissent les lois d’un libre marché mondialisé. Ricardo est un courtier londonien qui se débrouille bien. A 20 ans, il est déjà riche. En 1796 , il est très aisé, il achète des propriétés. Il lit la Richesse des Nations et réfléchit plus largement à l’économie politique. « Les produits de la terre, c'est à dire tout ce que l’on retire de sa surface, par les efforts combinés du travail, des machines et des capitaux, se partagent entre les trois classes suivantes de la communauté à savoir : les propriétaires fonciers, les possesseurs des fonds ou des capitaux nécessaires pour la culture de la terre et les travailleurs qui la cultivent ». David Ricardo. Les principes de l’économie politique et de l’impôt. Ricardo s’inquiète de ce que le prix de la terre pourrait absorber à lui seul une part de plus en plus forte de toutes les richesses. La terre, dans la vision de Ricardo d’une économie stagnante, allait devenir infiniment rare et incapable de nourrir la population toujours plus nombreuse. Ce pessimisme, il le tient de Thomas Malthus et son Essai sur le principe de population1. Le remède, Ricardo le trouve dans les mécanismes de la croissance économique : il va jusqu’à formuler une série de propositions concrètes pour libérer le marché et les initiatives privées. Pascal Lamy résume ainsi les concepts de Ricardo : « Si vous faites quelque chose mieux que moi et si je fais quelque chose mieux que vous, alors nous avons intérêt tous les deux à ouvrir notre échange ». C’est la théorie de l’avantage comparatif. Pour Ricardo, cette théorie exige des conditions particulières : - le plein emploi, 1 La croissance de la population va rapidement dépasser sa capacité à produire de la nourriture. C’est la misère (tout ce qui peut causer la mort) et le vice qui maintiennent l’équilibre. L’accroissement de la population va précipiter le monde dans la misère et la Révolution 1 Centre social de Montbrison - 2015 - des pays ayant tous accès aux mêmes technologies. - pas de mouvements de capitaux2. C’est à ces conditions que les pays ont intérêt à échanger. On a oublié ces conditions et on a rendu la théorie universelle, ce qui ne fait pas toujours d’elle un moteur de croissance et de prospérité. Les conséquences de ces théories Une théorie imposée par la force Le libre marché mondial a été créé par l’impérialisme et par des canons britanniques. Sans ses bateaux et sans la colonisation, la Grande Bretagne n’aurait pas pu créer des marchés pour écouler ses propres produits. Illustration avec la guerre de l’opium avec la Chine A la fin du 18ème siècle, les Britanniques ont essayé de vendre du tissu de coton et de la laine et ils ont échoué. La seule façon pour les Britanniques d’imposer leurs échanges était la force et la dépendance des Chinois à l’opium. L’intérêt de échange n’est pas le même pour tous La notion de libre échange vise à favoriser certains groupes particuliers, essentiellement des grandes entreprises qui sont devenues des conglomérats financiers qui peuvent passer d’un domaine à un autre. C’est un modèle de société qu’on vend au public, non seulement avec la rhétorique de la liberté mais aussi avec la rhétorique du savoir scientifique. Aujourd’hui, la mondialisation et l’ouverture des marchés ont des effets délétères sur bon nombres d’économies des pays en voie de développement. C’est pourtant les conditions imposées à ces économies par le FMI3 pour obtenir des prêts, en particulier dans le cadre des programmes d’ajustement structurels. Thomas Piketty : « Le mécanisme supposé vertueux où un pays possède un autre pays et investit son capital dans un autre pays n’a pas du tout marché. Etre possédé par un autre pays n’est pas forcement un gage de développement humain, social et politique réussi. Souvent, les pays ont même perdu leur capacité à nourrir leur peuple. » La théorie de Ricardo a été utilisée à tort et à travers. Cependant, Ricardo a réfléchi à un modèle économique qui ne peut pas et ne pourra jamais être appliqué. Il a réfléchi depuis sa situation de banquier qui défend les intérêts de sa classe. Il défend également le point de vue des logiciens, de la mathématisation de l’économie et légitime ainsi des hypothèses fausses afin de justifier un modèle. La liberté du travail et ses effets dramatiques Jusqu’à la fin du 19ème siècle, les travailleurs ne peuvent pas aller de ville en ville pour chercher à s’employer. Ricardo et Malthus veulent changer tout ça. Un paysan anglais recevait l’aide de sa paroisse. Malthus s’élève contre cette assistance car ça laisse aux gens qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins la possibilité de se reproduire et ça leur enlève toute motivation à travailler. Ricardo, membre du Parlement, demande au gouvernement que les salaires soient laissés à la concurrence libre et loyale du marché. L’aide aux pauvres nuit aux lois du marché. Le gouvernement tient compte des remarques de Ricardo dans une nouvelle loi sur les pauvres en 1834 : l’idée est de construire des hospices pour les pauvres, au sein desquels les conditions seraient pires 2 Les mouvements de capitaux permettent de délocaliser la production dans des pays où la main d’œuvre est moins chère. 3 Fond Monétaire International : organisation crée après la seconde guerre mondiale, entre autre pour promouvoir le libre échange comme facteur de croissance. 2 Centre social de Montbrison - 2015 qu’à l’extérieur. Après 1834 et cette nouvelle loi sur les pauvres, les pauvres n’ont plus trouvé de soutien à l’extérieur. Ils ont été contraints de s’installer dans ces hospices. Les conséquences sont lourdes. Et au niveau du travail, la société britannique est déjà devenue une vraie société de marché : les travailleurs doivent trouver du travail, c’est la marché qui détermine leur salaire, ils peuvent se déplacer, il n’y a plus aucune aide de l’Etat. Le travail est libéré, comme la terre et le capital. Aujourd’hui, cette libéralisation du travail est illustrée par de nombreux exemples : - la situation de la Chine dans laquelle une main d’œuvre, il y a peu rurale à 80% est désormais libre de rechercher du travail, prête à se vendre sur un marché mondialisé. - l’entreprise General Motors a profité de cette main d’œuvre mondiale pour ouvrir des entreprises en Chine ou au Mexique, laissant sur le carreau les ouvriers de Flint, incapable de la concurrencer. - L’Etat du Michigan a commencé à suspendre certaines aides accordées aux plus démunis. Les questions soulevées par Malthus et Ricardo sont toujours d’actualité. Ca soulève la question du pouvoir du travail : si votre filet de sécurité est élevé, si vous avez un salaire minimum qui permet un niveau de vie minimal, alors vous valorisez le travail. C’est souvent considéré comme un problème dans l’environnement d’un capitalisme mondial. Au nom de Ricardo, toute la planète a été transformée pour générer à la fois des richesses considérables et de terribles dégâts. Ricardo va isoler l’économie des autres sciences sociales et permettre un raisonnement d’économie pure. C’est ça qui le rend si essentiel dans l’histoire de la pensée. Alors qu’Adam Smith jouait sur une articulation avec le droit, le rôle de la politique et des processus de socialisation : pensait une économie reliée au reste de la société alors que Ricardo va spécialiser l’économie expliquée par l’économie. Il s’agit d’une grande bifurcation qui est intervenue dans l’histoire des doctrines économiques. 3 Centre social de Montbrison - 2015