ENSEIGNEMENT DE SPECIALITE (sujet A, Nouvelle Calédonie

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ENSEIGNEMENT DE SPECIALITE
(sujet A, Nouvelle Calédonie , Novembre 2008)
THÈME DU PROGRAMME: Internationalisation des échanges et mondialisation
DOCUMENT 1
Si, au lieu de récolter du blé chez nous, et de fabriquer nous-mêmes l'habillement et les objets nécessaires pour
la consommation de l'ouvrier, nous découvrons un nouveau marché où nous puissions nous procurer ces objets à
meilleur compte, les salaires devront baisser et les profits s'accroître. [ ... ]
Dans un système d'entière liberté de commerce, chaque pays consacre son capital et son industrie à tel emploi
qui lui paraît le plus utile. Les vues de l'intérêt individuel s'accordent parfaitement avec le bien universel de
toute la société. C'est ainsi qu'en encourageant l'industrie, en récompensant le talent, et en tirant tout le parti
possible des bienfaits de la nature, on parvient à une meilleure distribution et à plus d'économie dans le travail.
En même temps, l'accroissement de la masse générale des produits répand partout le bien-être ; l'échange lie
entre elles toutes les nations du monde civilisé par les noeuds communs de l'intérêt, par des relations amicales,
et en fait une seule et grande société. C'est ce principe qui veut qu'on fasse du vin en France et au Portugal,
qu'on cultive du blé en Pologne et aux États-Unis, et qu'on fasse de la quincaillerie et d'autres articles en
Angleterre.
David RICARDO, Des principes de l'économie politique et de l'impôt (l 817), Flammarion, 197 1.
DOCUMIENT 2
La plus grande part des échanges mondiaux de biens et de services est un commerce intrabranche, à savoir des
importations et des exportations concernant des produits similaires issus des mêmes branches (par exemple, les
automobiles apparaissent à la fois dans les exportations et les importations d'un pays pour des montants
significatifs). [ ... ]
En outre, les firmes multinationales développent une forme de commerce dont les modalités échappent aux
principes libéraux qui fondent le libre-échange : le commerce captif ou commerce intrafirme, c'est à dire les
échanges de biens et de services au sein d'un groupe multinational entre les différentes unités de production qui
le composent, est régi par des impératifs fixés par la direction du groupe.
Serge d'AGOSTINO, La Mondialisation, Bréal, 2002.
QUESTIONS
1. À l'aide de vos connaissances et du document 1, vous présenterez les avantages du libreéchange selon Ricardo. (9 points)
2. Expliquez le passage souligné. (document 1) (5 points)
3. En quoi le document 2 confirme-t-il ou infirme-t-il l'analyse de Ricardo ? (6 points)
Proposition de correction : sujet de spécialité sur Ricardo, Nouvelle Calédonie, session novembre 2008
1) David Ricardo (1772 – 1823) est un économiste de l’école Classique qui, dans son ouvrage « Des principes de
l’économie politique et de l’impôt » de 1817, développe une réflexion libérale. Parmi ses thèmes de prédilection,
il insiste particulièrement sur le nécessaire libre échange entre le nations. Ce dernier doit empêcher l’avènement
d’une « économie stationnaire ».
Pessimiste comme son ami Thomas Malthus, il reprend le raisonnement du « pape » du libéralisme, Adam Smith,
en termes d’avantage absolu, pour expliquer comment et pourquoi, les pays doivent se spécialiser et échanger
librement leur production.
Chaque pays doit, en effet, se spécialiser dans la production de biens pour lesquels il possède un avantage absolu
ou relatif par rapport aux autres pays. C’est à dire des biens qu’il est capable de produire avec moins de travail, ou
relativement moins de travail, que dans les autres pays (conformément à la théorie de la valeur travail des
classiques). Le pays ainsi spécialisé dans sa production exportera ses biens pour lesquels il est le meilleur ou le
moins mauvais et importera tout ce qu’il n’est pas capable de produire efficacement, donc à moindre coût.
Cette spécialisation productive par pays permet, non seulement de tisser des liens commerciaux entre les nations,
ce qui pacifie les relations internationales comme le disait Montesquieu avec sa thèse du « doux commerce »,
mais en plus elle entraîne souvent un enrichissement mutuel dans l’échange. Le commerce international est ainsi
un jeu à sommes positives et non une guerre d’argent conformément aux principes mercantilistes.
En effet, chaque pays en utilisant ses facteurs de production de la façon la plus efficace produit bien plus et
surtout moins cher, ce qui profite aux consommateurs et même aux producteurs pour leurs consommations
intermédiaires. Cette allocation optimale des ressources rares, au sein et entre les pays, va donc augmenter la
production mondiale permettre à chacun de consommer plus et mieux, grâce au développement d’un commerce
interbranche.
Autre avantage essentiel du libre échange aux yeux de Ricardo, c’est qu’il limite la baisse des profits industriels
qui doit mener à une « économie stationnaire » faute d’investissements. En effet, la libre importation de produits
nécessaires à la subsistance des ouvriers de l’industrie, comme les céréales notamment pour l’Angleterre, doit
permettre de réduire les salaires nominaux des prolétaires et augmenter d’autant les profits afin de développer le
capital productif, source de croissance économique.
Ainsi, on comprend mieux pourquoi Ricardo a milité pour l’abolition des « corn laws », ces fameuses lois qui
protégeaient les intérêts de l’aristocratie terrienne (Gentry) par d’importants droits de douanes. Ce combat
politique ne sera remporté que post mortem en 1846, lorsque Richard Cobden fera abolir ces lois par les
« communes » et engagera résolument la Grande Bretagne dans le libre échange et dans une spécialisation
manufacturière. En reprenant à leur compte une phrase célèbre d’un physiocrate : « laisser faire les hommes,
laisser passer les marchandises », les libéraux sont donc de fervents défenseurs du libre échange multilatéral, gage
de prospérité et de paix pour le monde.
2) Avec cette phrase, Ricardo illustre les conséquences de son raisonnement en termes d’avantage comparatif ou
relatif, en montrant que les pays doivent se spécialiser dans des productions pour lesquelles ils sont les plus
efficaces ou les moins mauvais. Conformément à son exemple célèbre du drap et du vin qui lui avait permis de
dépasser le raisonnement réducteur de Smith en termes d’avantage absolu, Ricardo montre bien l’existence d’un
commerce interbranche entre les pays. Ainsi, le Portugal et la France, richement dotés en terres viticoles et au
climat propice, se spécialisent dans la production de vin, les Etats-Unis et la Pologne aux immenses surfaces
agricoles dans le blé et l’Angleterre, en avance industriellement, dans des productions manufacturières. On
retrouve dans ces exemples l’idée qui sera développée par la suite par des économistes néo-classiques, de
l’importance des dotations factorielles afin d’expliquer l’origine des avantages comparatifs (Théorème « HOS »).
3) David Ricardo et son raisonnement en termes d’avantage comparatif font quasiment l’unanimité pour expliquer
la division internationale du travail (DIT), par contre certaines hypothèses de son modèle sont remises en question
par certaines évolutions du commerce mondial.
Ainsi, il partait du principe d’un total libre échange entre pays où les facteurs de production étaient parfaitement
mobiles sur le plan interne et immobiles au niveau international. Cela devait se traduire par le développement
d’un commerce mondial interbranche entre pays à structures productives nettement spécialisées. Ainsi, le
document 2 infirme clairement ces hypothèses de Ricardo. En effet, aujourd’hui la mondialisation a favorisé la
libre circulation internationale des facteurs de production (main d’œuvre, capitaux, technologies …), en
particulier via l’activité croissante des firmes transnationales.
On assiste donc au développement d’un commerce intrabranche, liée à la demande de différences et au fait que les
entreprises produisent pour un marché mondial des produits diversifiés, ainsi qu’à celui d’un commerce intrafirme
lié à la division internationale des processus productifs (DIPP).
Ce dernier, souvent qualifié de « captif », ne correspond pas toujours à l’idéal de concurrence devant profiter à
tous les acteurs économiques. Il illustre le fait que, sans tomber dans une lecture purement mercantiliste d’un
« dur commerce », le libre échange sans régulations n’est pas la panacée. En effet, il n’échappe pas à des
phénomènes de pouvoir liés à des rapports de force entre nations et entre firmes. Ces derniers découlent,
notamment de la remise en question d’une autre hypothèse du modèle ricardien : l’existence de rendements
d’échelle croissants et non constants. Paul Krugman, récent prix Nobel d’économie, raisonne donc dans le cadre
d’un monde de rendements croissants et de concurrence imparfaite, afin de légitimer des politiques commerciales
stratégiques au niveau des Etats qui se rapprochent de mesures protectionnistes. L’attitude du nouveau président
Barack Obama devrait illustrer cette « real policy », en passant du slogan : « Yes, we can » à la réaliste et
pragmatique devise : « America first » de Mac Cain.
La future gestion du dossier du contrat géant opposant Boeing et Airbus concernant les avions ravitailleurs pour
l’armée américaine sera éclairante et révélatrice de l’orientation que la nouvelle administration, d’un pays certes
affaibli par la crise financière mais qui représente toujours 20% du PIB mondial, voudra donner au commerce
mondial. « Laisser faire, laisser passer », mais pas n’importe qui et n’importe quoi, afin que les grands pays
industrialisés gardent leur prééminence internationale !!!
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