Notes Gestation

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Gestation & Lactation
Version du 03/02/2015
Charles Nicaise
MMEDB203 – SVETB303
Chapitre 11
Gestation, Placentogénèse et
Lactation
1
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11 La gestation, la placentogénèse et la lactation
11.1 Organisation générale
Préambule : Ces notions seront approfondies au cours d’Embryologie et de
Reproduction. Dans les paragraphes suivants, nous nous limiterons à décrire les
modifications histologiques de l’endomètre gestationnel (« la réaction
déciduale »), la formation du placenta (« placentogénèse ») et les changements
morphologiques opérés au niveau de la glande mammaire au moment de la
lactation chez l’espèce humaine.
La gestation est un état fonctionnel particulier propre à la femelle de vivipare
qui porte un embryon en développement dans son utérus, entre la nidation de l'œuf et
la parturition ( = mise-bas ou accouchement). La durée de la gestation est très variable
selon les espèces animales. Une femelle en gestation est dite gravide. Pour la femme,
on parle de grossesse et de femme enceinte. La gestation dure en moyenne 38
semaines chez l’espèce humaine.
Quelques étapes sont cependant préalables à la gestation : la préparation de la
muqueuse utérine à accueillir un œuf fécondé et la fécondation c-à-d la fusion des
pronuclei mâle et femelle. Les différentes étapes de la gestation incluent :
l’implantation ou nidation dans l’endomètre par invasion trophoblastique, la
formation de la caduque (=réaction déciduale endométriale), la formation du placenta
et du cordon ombilical.
Le prérequis fondamental à l’implantation d’un ovule fécondé est la préparation
structurelle de la muqueuse utérine, réalisée pendant le cycle menstruel. Pour rappel,
le cycle menstruel se divise en 3 grandes phases. La phase proliférative (du J4 au J15)
est caractérisée par un épaississement de la muqueuse utérine et la formation de
glandes tubulaires endométriales, sous l’influence des œstrogènes. La phase
sécrétoire, post-ovulatoire, déclenche l’accumulation et ensuite la sécrétion de
glycogène par les cellules épithéliales des glandes endométriales sous l’influence de
la progestérone. Les sécrétions appelées « lait utérin » s’accumulent dans la lumière
des glandes endométriales dilatées et contournées et constitueront les premiers
éléments nutritifs pour l’œuf fécondé en phase d’implantation.
La fécondation de l’ovule se déroule habituellement dans l’ampoule (parfois
dans le pavillon). La seconde division méiotique ne se termine qu’au moment de la
pénétration de la zona pellucida et de la membrane plasmique ovocytaire par le
spermatozoïde. Le matériel génétique haploïde du spermatozoïde (pronucleus mâle)
fusionne avec celui de l’ovule (pronucleus femelle) formant un zygote diploïde qui
immédiatement débute plusieurs divisions mitotiques aboutissant à la formation d’une
masse cellulaire compacte appelée morula (littéralement « petite mûre »).
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11.2 La nidation ou implantation
La morula migre dans la trompe utérine et débouche dans la cavité utérine au 4e
– 5e jour après fécondation. La morula se transforme en blastocyste comprenant une
masse cellulaire interne (= futur embryon) entourée d’une paroi cellulaire (revêtement
trophoblastique) et d’une large cavité liquidienne (= blastocèle). Le blastocyste reste à
la surface endométriale jusqu’au 6e jour après fécondation. Le blastocyste se
débarrasse alors de sa zone pellucide, mettant à nu son revêtement épithélial externe
trophoblastique. Le blastocyste exprime le récepteur du facteur de croissance
épithélial (EGF-R) et de l’IL-1 qui jouent un rôle clé dans l’interaction et la
signalisation de l'embryon vers la muqueuse utérine. L’endomètre quant à lui exprime
diverses molécules (récepteurs de l’interleukine Il-1, facteur de stimulation des
colonies CSF, facteur de croissance épithélial EGF, facteur d'inhibition de la leucémie
LIF, E-cadhérine,…), ayant pour fonction la chémoattraction du blastocyste et
l’adhésion de celui-ci à la surface endométriale.
Interaction du blastocyste avec la surface endométriale. Remarquez la masse cellulaire interne et la
couche périphérique trophoblastique. Les trophoblastes expriment des molécules d’adhérence telles des
sélectines et des intégrines.
En parallèle, le blastocyste secrète l’hormone gonadotrophine chorionique
humaine (hCG, human chorionic gonadotrophin), qui signale à l'ovaire que la
fécondation a eu lieu et que le corps jaune ovarien doit être maintenu. Le corps
jaune progestatif devient un corps jaune gestatif, volumineux (diamètre de 3 à 4
cm), qui persiste tout le 1er trimestre de la grossesse et continue à sécréter de la
progestérone. La progestérone est nécessaire pour maintenir le revêtement
endométrial et donc assurer la nutrition de l'embryon. Après le 1er trimestre, la
production hormonale du placenta prend le relais.
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Le diagnostic biologique de la grossesse se fait par la recherche sanguine ou
urinaire de la fraction bêta de hCG. Les tests de grossesse urinaires
disponibles en pharmacie proposent un dosage qualitatif de cette hormone,
leur fiabilité est de 90 à 99 %. Le dosage sanguin, quantitatif, de la bêtahCG permet un diagnostic de certitude et une datation du début de la
grossesse (le taux de cette hormone double toutes les quarante-huit heures
en début de grossesse).
Le trophoblaste exprime l’hormone gonadotrophine chorionique humaine (hCG). Celle-ci
se retrouve dans le sang et les urines. A gauche, détection urinaire de l’hCG. A droite,
immunomarquage pour hCG positif (coloration brune) au niveau de la couche
trophoblastique du placenta.
L’implantation survient aux alentours du 7e jour après fécondation (soit 21e- 22e
jour du cycle menstruel). Si elle réussit, le blastocyste gagne le chorion endométrial,
au travers de l’épithélium de surface, et au 11e jour il est totalement inclus.
L’implantation est médiée par l’adhésion du trophoblaste à l’épithélium endométrial.
Le trophoblaste est muni de microvillosités apicales interagissant avec le domaine
apical des cellules endométriales munies de micro-expansions, appelées pinopodes.
La L-sélectine exprimée par les cellules trophoblastiques se lie aux récepteurs
carbohydrates présents à la surface des cellules de l’épithélium endométrial, et permet
l’attachement initial du blastocyste à la surface endométriale. Les cadhérines sont des
molécules d'adhérence cellulaire, Ca2+ dépendantes, qui jouent ensuite un rôle lors de
l'ancrage du blastocyste à l'endomètre. Les intégrines exprimées par le trophoblaste se
lient à la laminine et à la fibronectine de la matrice extracellulaire endométriale et
favorisent d’une part l’attachement du blastocyste à l’endomètre, et d’autre part
l'enfouissement du blastocyste dans la muqueuse utérine. Ces molécules interagissent
mutuellement au niveau de voies de signalisation intracellulaire conduisant à la
différenciation du trophoblaste. Le trophoblaste se différencie alors en deux types
cellulaires distincts:
-
le syncytiotrophoblaste : couche trophoblastique externe
le cytotrophoblaste : couche trophoblastique interne
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Le cytotrophoblaste consiste en une couche interne irrégulière de cellules ovoïdes
mononuclées, qui est le siège d'une activité mitotique intense.
C’est le syncitiotrophoblaste
Le syncytiotrophoblaste forme une couche de
qui synthétise principalement
cellules multinucléées sans limites cellulaires
l’hCG.
distinctes (d’où la dénomination de syncytium),
qui provient de la fusion des cellules externes
du trophoblaste. Le syncytiotrophoblaste est pourvu d’une machinerie d’enzymes
protéolytiques (métalloprotéases matricielles MMP, activateurs du plasminogène), de
microvillosités et sécrète des facteurs qui lui permettent d'induire l'apoptose des
cellules épithéliales de la muqueuse utérine, de traverser la lame basale et pénétrer
dans le stroma sous-jacent riche en vaisseaux sanguins utérins. C’est l’étape
d'invasion trophoblastique et de dégradation de la matrice extracellulaire de
l’endomètre. Avec la pénétration du blastocyste dans l'endomètre, le
syncytiotrophoblaste se développe rapidement. Lorsque la pénétration est complète,
le point d’implantation de l’épithélium de l’endomètre au-dessus du blastocyste est
obturé par un caillot de fibrine. Par la suite, la surface de l’endomètre se reépithélialise.
En cas d’échec d’implantation, le blastocyste dégénère et il est éliminé avec les
menstruations. Parfois, l’implantation survient mais ne peut être maintenue. Les
menstruations son alors retardées et plus abondantes que d’ordinaire.
Dynamique morphologique de l’implantation d’un blastocyste murin au sein de l’endomètre maternel.
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Adhésion du blastocyste à l’endomètre. Une signalisation médiée par le LIF (leukemia inhibitory
factor) l’EGF (epidermal growth factor) et l’IL-1 s’établit entre le blastocyte et l’épithélium
endométrial. Les microvillosités trophoblastique du blastocyste vont entrer en contact avec les
pinopodes de la surface endométriale et là, des interactions adhésives cellulaires basées sur
l’expression de sélectine et d’intégrine se mettent en place. Ces interactions conduisent à la
différenciation trophoblastique en cytotrophoblaste et syncitiotrophoblaste.
Invasion trophoblastique. Le syncitiotrophoblaste libère des enzymes protéolytiques qui érodent la
surface endométriale, le stroma sous-jacent, les cellules déciduales, les glandes endométriales et même
les capillaires sanguins avoisinants. Grâce à cela, il se crée, autour des expansions
syncitiotrophoblastiques, des lacunes de sang maternel, à l’origine du futur espace intervilleux.
L’érosion permet de relarguer des nutriments indispensables à la survie du blastocyste pendant les
premiers jours de développement.
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11.3 La réaction déciduale de l’endomètre en gestation
Au moment de l’implantation, l’endomètre est en phase sécrétoire (tardive),
caractérisée par des glandes endométriales sinueuses, volumineuses, entourées d’un
chorion au sein duquel on peut mettre en évidence une réaction prédéciduale (aux
alentours du 26e jour du cycle menstruel). La prédécidualisation correspond à l’aspect
oedematié du stroma endométrial, une perméabilité vasculaire accrue, la présence
d’un infiltrat leucocytaire et le léger gonflement des cellules stromales par
accumulation d’organites et de réserves intracellulaires. NB : La prédécidualisation du
stroma endométrial est visible même en l’absence d’une fécondation.
En réponse à l’implantation du blastocyste et à la production continue de
progestérone par le corps jaune gestatif, la muqueuse utérine réagit par la réaction
déciduale. D’abord locale (sous le blastocyste implanté), cette réaction déciduale
s’étend bientôt à tout l’endomètre, qui s’épaissit de façon importante. Cette phase
correspond à la transformation de l'endomètre entier en « caduque » (appelée aussi
« décidue »). La réaction déciduale se caractérise par une augmentation accrue de la
vascularisation de l’endomètre, par le remaniement profond de la matrice
extracellulaire, par des changements morphologiques des cellules du stroma
endométrial et par l'infiltration de nombreux leucocytes d'origine maternelle. Les
cellules fusiformes du stroma endométrial se transforment en grandes cellules
polygonales stockant du glycogène et des gouttelettes lipidiques ; ces cellules dites
déciduales accumulent réticulum endoplasmique lisse, polyribosomes, lysosomes. Il a
été aussi démontré que les cellules déciduales communiquaient entre elles au moyen
de jonctions gap. Le rôle de la transformation déciduale reste à élucider, mais il
semble actuellement établi qu'elle participe à la à la nutrition initiale de l’embryon et
à la formation d'un environnement immunologiquement privilégié.
Suite à la décidualisation des cellules du stroma, celles-ci occupent un volume
plus grand et compriment progressivement les glandes endométriales sous-jacentes,
qui s’atrophient. L’endomètre ainsi modifié porte le nom de caduque. La caduque
comporte 3 parties :
- la caduque basale : partie d’endomètre sous le site d’implantation
- la caduque réfléchie : fine couche de chorion entourant le blastocyste audessus du site d’implantation
- la caduque pariétale : endomètre bordant le reste de la cavité utérine
La caduque basale est la partie la plus importante car elle contient les vaisseaux
sanguins maternels alimentant en sang maternel les lacunes sanguines autour du
blastocyste. Ces lacunes sanguines se complexifient au fur et à mesure de l’invasion
trophoblastique et formeront un peu plus tard la chambre intervilleuse. La chambre
intervilleuse représente le compartiment maternel, alimenté en sang maternel.
D’un point de vue histologique, on distingue au sein de la caduque basale deux
zones :
- la « pars compacta » où les cellules déciduales volumineuses car chargées en
lipides forment de larges zones compactes
- la « pars spongiosa » contenant les glandes endométriales dilatées sécrétant le
lait utérin.
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11.4 Le placenta
11.4.1 La placentogénèse
Le syncitiotrophoblaste est doué de propriétés d’invasion et d’érosion,
provoquant sur son passage induction d’apoptose et phagocytose des restes de cellules
stromales déciduales. Certaines cellules déciduales serviront de substrat nutritif initial
à l'embryon (apport de protéines, sucres et lipides) avant l'établissement de la
circulation foeto-placentaire. Outre la phagocytose des cellules déciduales en
dégénérescence, les syncytiotrophoblastes vont également éroder les glandes
endométriales et les vaisseaux capillaires du stroma endométrial. Les microvillosités
du syncitiotrophoblaste sont probablement impliquées dans le transport d’oxygène et
de nutriments à partir du sang maternel vers le blastocyste en développement. Les
syncitiotrophoblastes vont continuer leur expansion profonde dans la caduque pour
ultimement former des villosités placentaires. Les villosités placentaires évoluent
morphologiquement et chronologiquement au cours de la grossesse.
2e Semaine : Les expansions compactes de syncitiotrophoblastes, provenant du
blastocyste, sont appelées villosités primaires. Les syncitiotrophoblastes progressent
dans la caduque en érodant le tissu endométrial y compris capillaires sanguins, en
créant donc autour d’eux des lacunes remplies de sang maternel. Ce sang lacunaire
constitue un apport nutritionnel non négligeable au blastocyste en évolution. Petit à
petit, les cytotrophoblastes (la couche interne) pénètrent l’axe syncitiotrophoblastique.
Expansion syncitiotrophoblastique (=villosité primaire) et érosion capillaire. Les
syncitiotrophoblastes (S) envahissent petit à petit le chorion endométrial. Ce faisant, ils érodent les
parois capillaires et créent des lacunes (L) de sang maternel, qui participeront à la nutrition initiale du
blastocyste.
3e Semaine : La villosité développe un axe mésenchymateux. Celui-ci acquiert
un système de capillaires qui se relie au système circulatoire de l’embryon. La
villosité prend le nom de villosité secondaire.
A partir de la 4e semaine : Les villosités sont complètement vascularisées et
pourvues d’un axe central mésenchymateux complexe : capillaires sanguins
entrelacés, fibroblastes synthétisant différents types de collagène (I, III, V et VI),
quelques cellules musculaires lisses, cellules macrophagiques de Hofbauer. Ce sont
des villosités tertiaires. L’arborisation villeuse se complexifie et on peut distinguer
les villosités « crampons » qui s’ancrent profondément dans la caduque basale et les
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villosités « terminales » bourgeonnant des villosités crampons et permettant
d’augmenter considérablement la surface d’échange. Le système capillaire parcourant
les villosités conflue en deux artères et une seule veine qui chemineront dans le
cordon ombilical (voir 11.4.4), pour se raccorder à la circulation sanguine du foetus.
Les villosités placentaires appartiennent au compartiment fœtal.
Autour des villosités placentaires, d’énormes lacunes sanguines drainant du
sang maternel1 fusionnent pour former la chambre intervilleuse.
COMPARTIMENT FŒTAL (cordon ombilical)
COMPARTIMENT MATERNEL (caduque basale)
Organisation des circulations sanguines fœtales et maternelles. Les compartiments fœtaux et
maternels sont indiqués. A la 4e semaine de grossesse, un réseau complexe de villosités tertiaires
pénétre la caduque basale. Dans la caduque basale, de larges plages lacunaires préalablement crées par
l’érosion syncitiotrophobastique se remplissent de sang matdernel. Les échanges métaboliques se font à
l’interface lacunes sanguines-villosités placentaires, c-à-d la barrière hémato-placentaire. Le sang fœtal
une fois enrichi en O2 et nutriments quitte la circulation placentaire via l’artère ombilicale. 1- villosité
« crampon », 2- septum intercotylédonnaire, 3- couche cytotrophoblastique, 4 et 5- couche
syncitiotrophoblastique.
Evolution morphologique des villosités tertiaires :
Au premier trimestre, les villosités sont de section importante. Elles sont
complètement entourées d’une couche de syncytiotrophoblastes continue et épaisse
reposant sur une couche de cytotrophoblastes continue, formée de cellules cubiques.
Des jonctions desmosomes unissent les cytotrophoblastes entre eux et avec les
syncitiotrophoblastes. Les vaisseaux foetaux, au centre des villosités comportent des
globules rouges nucléés. Autour des villosités se trouve la chambre intervilleuse
remplie d’un filtrat de sang maternel.
Au second trimestre, la section des villosités diminue. Elles sont complètement
entourées d’une couche de syncytiotrophoblastes continue reposant sur une couche de
cytotrophoblastes discontinue et discrète. Les vaisseaux sanguins foetaux se
rapprochent de la paroi villositaire. Ils ne contiennent plus de globules rouges nucléés.
La chambre intervilleuse contient un sang maternel complet, avec tous ses éléments
figurés.
Au troisième trimestre, la section des villosités diminue très fort alors que leur
nombre augmente aussi de manière importante. On ne reconnaît plus de couche
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Le remplissage des lacunes de sang maternel est assuré par les artères hélecines endométriales.
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cytotrophoblastique sous-jacente. Les noyaux des syncytiotrophoblastes se regroupent
pour former des amas nucléaires, ce qui permet à leur cytoplasme de s’amincir très
fortement en regard des capillaires sanguins foetaux accolés à leur lame basale. La
finesse locale de la paroi villositaire permet d’identifier la barrière hémato-placentaire
ou membrane vasculo-syncytiale où se font les échanges métaboliques. Elle sépare le
compartiment fœtal du compartiment maternel.
Villosités primaire (T1), secondaire (T2) et tertiaire (T3). Remarquez la barrière hémato-placentaire
régissant les échanges materno-fœtaux et séparant les deux compartiments (maternel et fœtal). Adapté
du syllabus de Isabelle Maystadt.
11.4.2 La barrière hémato-placentaire
La barrière hémato-placentaire est une séparation physique entre le
compartiment sanguin maternel (chambre intervilleuse) et le compartiment sanguin
foetal. Cette barrière est constituée de (1) la couche trophoblastique des villosités, (2)
de sa membrane basale, (3) d’une mince couche de tissu mésenchymateux conjonctif,
(4) de l'endothélium capillaire des villosités et (5) de sa membrane basale.
Elle permet des échanges métaboliques materno-fœtaux bilatéraux :
- de la mère vers le foetus par diffusion simple pour les gaz (O2), par
transcytose (pour les Ig), ou par transporteurs actifs (acides aminés, glucose)
- du foetus vers la mère pour éliminer les déchets métaboliques
11.4.3 Les fonctions du placenta
Le placenta est un organe foetal dont la fonction s’arrête à la naissance. Il
constitue l’interface foeto-maternel qui permet divers échanges sanguins
indispensables à la vie. Le foetus puise son oxygène à partir du sang maternel et y
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rejette son CO2 (la diffusion des gaz est un phénomène passif au travers de la paroi
villeuse). Par ailleurs, il puise les nutriments dans le sang maternel et y rejette les
déchets de son métabolisme. Le syncitiotrophoblaste dispose en effet de canaux
membranaires ATP-dépendant facilitant le transport d’ions et de transporteurs au
glucose ou aux acides aminés. Tous ces échanges se font à l’interface entre le
compartiment sanguin maternel et le compartiment sanguin foetal : la barrière
hémato-placentaire. Cette barrière empêche les sangs respectifs de se mélanger. Cette
zone d’échange permet aussi aux IgG maternelles2 de passer mais pas les IgM. De la
même manière, des substances toxiques (alcool, médicaments, tabac...) peuvent passer
la barrière placentaire ainsi que quelques micro-organismes (dont le toxoplasme ou le
virus de la rubéole).
Enfin le placenta est une glande endocrine : le placenta (majoritairement le
syncitiotrophoblaste) synthétise de l’hCG (human chorionic gonadotrophin), de la
somatomammotrophine, des oestrogènes et de la progestérone. La
somatomammotrophine stimule la glande mammaire pour préparer la lactogénèse
post-partum.
11.4.4 Le cordon ombilical
Le cordon ombilical unit la circulation placentaire à la circulation du fœtus.
C’est un tuyau enroulé sur lui-même de 50-60 cm de long. Il contient deux artères
ombilicales (qui véhiculent du sang fœtal désoxygéné !) et une veine ombilicale
transportant du sang enrichi en oxygène et en nutriments. Les vaisseaux sanguins
ombilicaux sont inclus dans un tissu conjonctif embryonnaire appelé gelée de
Wharton. La gelée de Wharton contient des cellules mésenchymateuses
fibroblastiques et une matrice extracellulaire gelatineuse.
Le sang de cordon ombilical contient des cellules souches hématopoïétiques (CSH), et des
cellules souches mésenchymateuses (CSM). Ces cellules sont proches de celles qu'on trouve dans
la moelle hématopoïétique. Ces cellules présentent aujourd'hui un intérêt en médecine
régénérative.
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Via un mécanisme de transcytose médié par des récepteurs.
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11.5 La glande mammaire
11.5.1 Fonction et structure générale
La glande mammaire est une glande tubulo-alvéolaire exocrine, annexe de
l’épiderme, et responsable de la sécrétion de lait. Chez la femme, la glande mammaire
se développe significativement à partir de la puberté sous l’effet des hormones
féminines (surtout oestrogènes).
Chez la femme post-pubère, la glande mammaire est comprise dans le sein. Le
sein comporte d’avant en arrière la peau, le tissu conjonctif sous-cutané, la glande
mammaire entourée de tissu de soutien et de tissu adipeux, finalement un tissu
conjonctif lâche ancrant le corps mammaire au muscle grand pectoral. La peau du
sein se décline en trois zones : (1) une peau fine couvrant la majeure surface du sein
puis au sommet de la crête mammaire : (2) l’aréole, zone plus pigmentée avec en son
centre (3) le mamelon.
Au sommet du mamelon s’ouvrent 12 à 20 canaux (« galactophores ») disposés
en couronne. Ces canaux sont reliés à un système canalaire complexe pénétrant
profondément le parenchyme glandulaire.
11.5.2 Evolution développementale
Chez l’embryon, deux crêtes mammaires se développent ; elles correspondent à
deux épaississements ectodermiques situés sur la paroi ventrale entre le creux axillaire
et la zone inguinale qui régressent après avoir donné naissance à 5 à 7 nodules
épithéliaux ; seuls deux nodules persisteront ultérieurement. Ces nodules s‘invaginent
en profondeur dans l’épiderme pour former l’ébauche de glande mammaire. Dans
certains cas, on peut observer des glandes ou plus souvent des mamelons ou ébauches
de mamelons surnuméraires, alors placés sur la crête épithéliale.
Chez l’espèce humaine, le mamelon et un système canalaire rudimentaire
existent dès la naissance. Leur développement ne s’opère qu’à la puberté, et
seulement chez la femme, sous l’influence oestrogénique.
A la puberté chez la femme, les glandes mammaires augmentent de taille, par
infiltration graisseuse et complexification du système canalaire. C’est à cette période
aussi que le cycle ovarien se met en place. La glande mammaire subit des variations
mineures au cours du cycle menstruel par l’intermédiaire de la sécrétion
oestrogénique. C’est au moment de la grossesse et de la lactation que la glande
mammaire subit d’importantes adaptations morphologiques et fonctionnelles.
11.5.3 Structure histologique
11.5.3.1 L’aréole et le mamelon
La peau de l’aréole et du mamelon est fine et possède de longues papilles
dermiques. Elle devient fortement pigmentée pendant la grossesse. Le tissu conjonctif
sous-cutané contient de nombreuses fibres élastiques et des faisceaux de cellules
musculaires lisses circulaires et radiaires dont l’architecture permet l’érection du
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mamelon. Les glandes/tubercules de Montgomery, glandes sébacées particulières3,
siègent dans l’aréole. Le long du bord périphérique de l’aréole existent par ailleurs de
grosses glandes sudoripares et des glandes sébacées (qui en général ne sont pas
associées à un follicule pileux). L’innervation sensitive de la peau de l’aréole et du
mamelon est richement développée (zone érogène). Le mamelon contient les canaux
terminaux des lobes mammaires appelés canaux galactophores. Sous l’ouverture des
canaux galactophores, on trouve des citernes stockant temporairement le lait lors de la
succion ; ces petites citernes sont appelées sinus galactophores et sont entourées par
les bandes de muscles lisses. Comme la glande mammaire, le mamelon et l’aréole
subissent de sensibles variations morphologiques selon les étapes de la vie génitale.
11.5.3.2 Le lobule mammaire
La glande mammaire est une glande tubulo-alvéolaire, comportant donc une
composante tubulaire : le système canalaire et une composante sécrétrice : l’alvéole.
L’unité fonctionnelle de la glande mammaire est le lobule mammaire. Il y a 12 à
20 lobes par glande mammaire, chacun s’abouchant au mamelon par l’intermédiaire
de son propre système canalaire. Les lobules et les canaux sont entourés d’un tissu
adipeux cloisonné par des septums fibreux. D’épais septums séparent certains lobules
et prennent appui sur les muscles pectoraux, ils sont appelés ligaments suspenseurs de
Cooper. Le tissu conjonctif interlobulaire est dense tandis que le tissu conjonctif
intralobulaire est lâche. Les lobules côtoient des masses considérables d’adipocytes
qui fourniront de l’énergie aux cellules glandulaires lors de la lactation.
Les alvéoles de la glande mammaire au repos sont constituées de cellules
disposées sur deux couches : cellules épithéliales sécrétrices, au contact de la
lumière et cellules myoépithéliales, au pourtour. Ces deux populations cellulaires
reposent sur une lame basale unique. Les alvéoles correspondent en fait à la partie
terminale borgne du système des canaux excréteurs.
Les canaux excréteurs (ou canaux galactophores) sont d’abord intralobulaires,
puis interlobulaires (épithélium cubique avec présence de cellules myoépithéliales) et
enfin interlobaires à épithélium pavimenteux stratifié.
Le tissu conjonctif de soutien à proximité des alvéoles est lâche et contient de
nombreux capillaires sanguins, des vaisseaux lymphatiques, des lymphocytes, des
macrophages, quelques mastocytes et des plasmocytes.
11.5.4 Variations temporelles selon l’imprégnation hormonale
11.5.4.1 Au cours du cycle menstruel
Au cours du cycle menstruel, sous l’effet des oestrogènes sécrétés par le corps
jaune, les cellules épithéliales des canaux terminaux prolifèrent et s’hypertrophient
légèrement. Le stroma devient oedématié par accumulation de liquide et de GAG. Les
cellules épithéliales mammaires expriment donc le récepteur à l’oestrogène (récepteur
intracellulaire). Ces changements histologiques se manifestent par un discret
gonflement des seins accompagné par une sensation d’inconfort.
En l’absence de fécondation, le corps jaune dégénère, les taux d’oestrogènes et
progestérone chutent et la structure du lobule revient à l’état normal.
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Car non annexées au follicule pileux.
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Gestation & Lactation
Charles Nicaise
MMEDB203 – SVETB303
Version du 03/02/2015
Immunomarquage (brun) pour le récepteur à
l’œstrogène au niveau d’une alvéole mammaire
Les cellules épithéliales glandulaires et
canalaires de la glande mammaire
peuvent subir une transformation
cancéreuse. C’est l’un des principaux
cancers chez la femme, le cancer du sein.
Une forte expression du récepteur à
l’œstrogène sur les cellules tumorales est
un indice de bon pronostic clinique car
lié à une bonne réponse aux thérapies
hormonales, surtout celles à base de
tamoxifen (antagoniste du récepteur à
l’œstrogène).
11.5.4.2 Au cours de la grossesse et pendant la lactation
Le mamelon et l’aréole deviennent plus pigmentés.
Le volume mammaire augmente suite à l’hyperplasie et l’hypertrophie du
système canalaire et glandulaire. Les cellules épithéliales glandulaires se vacuolisent
par accumulation de gouttelettes lipidiques. Le tissu de soutien s’hyperplasie aussi et
s’enrichit en capillaires sanguins.
Au second trimestre, on observe des quantités significatives de sécrétions
lactées dans la lumière des alvéoles.
Au troisième trimestre, à terme et pendant l’allaitement, les sécrétions
s’accumulent et dilatent les lumières glandulaires.
Cette hyperplasie tissulaire est hormono-dépendant : sous l’action des
oestrogènes, progestérone.
L’activité fonctionnelle de la glande mammaire
C’est
un
stimulus
n’est totale qu’au moment de la lactation. Le
nerveux, résultant de la
succion du nouveau-né
fonctionnement de la glande mammaire dépend
et
produisant
une
d’hormones hypophysaires : la prolactine (PRL) qui
libération d’ocytocine
stimule la production de lait et l’ocytocine qui stimule la
qui va déclencher la
contraction des cellules myoépithéliales.
contraction des cellules
myoépithéliales et donc
l’éjection de lait.
Le lait maternel est une sécrétion riche en eau
lipides, glucides, protéines et en anticorps produite à
concurrence de 0.5 à 1L par jour chez la femme allaitante.
La sécrétion est composée à 50% de lactose, à 10% de protéines dont la caséine les
immunoglobulines, des facteurs antibactériens (lactotransferrine et lysozyme), et à
35% de lipides. Les protéines sont sécrétées par voie mérocrine tandis que les lipides
par voie apocrine. Les anticorps IgA, et dans une moindre mesure IgG ou IgM, sont
transportés depuis le pôle basal de la cellule épithéliale sécrétrice vers le pôle apical
par transcytose (identique aux entérocytes, nécessite le récepteur poly-Ig). Ces
immunoglobulines sont déposées par des plasmocytes localisés dans le chorion
intralobulaire. Ces plasmocytes appartiennent au D-ALT.
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Gestation & Lactation
Charles Nicaise
MMEDB203 – SVETB303
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La composition du lait maternel varie entre les premiers jours post-partum et les
semaines suivantes. On parle de colostrum dans les 5 premiers jours du post-partum.
De couleur jaunâtre, le colostrum est particulièrement riche en protéines et en
anticorps indispensables à l'immunisation du nouveau-né et pauvre en sucres.
Timing après la naissance
Protéines
Immunoglobulines (IgA)
Lipides
Vitamines
Glucides
Colostrum
Lait maternel
1 à 5 jours
+++
90 g/L
+
++
monosaccharides
> 5 jours
+
1-2 g/L
+++
++
disaccharides
Composition du colostrum et du lait maternel.
La muqueuse digestive du bébé est immature à la naissance et met au moins 4
mois à s’édifier. Il est protégé des agressions microbiennes par les protéines de
défense du lait maternel. Dans le colostrum, les IgA, sont présentes de façon massive
(près de 90 g/L). Ils tapissent la muqueuse digestive, empêchant les bactéries
pathogènes de se fixer sur la paroi. Les microbes sont agglutinés par les IgA, leurs
toxines et leurs enzymes sont neutralisés.
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