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une féodalité dirigée. Le droit féodal se développe et se codifie, facilitant ainsi le contrôle impérial par le biais
de la hiérarchie du Heerschild (pyramide féodale liée au service d'ost, du roi aux ministériaux) et la mise par
écrit de coutumes régionales, voir le Miroir de Saxe (Sachsenspiegel). Les prémices et le renforcement des
Etats territoriaux, savoyards ou habsbourgeois, passent eux aussi au travers d'une stratégie féodale, bien
exprimée par la campagne d'inféodations aristocratiques menée dans les années 1240-1250 par Pierre II de
Savoie au nord du Léman et par l'éclosion de sources proprement féodales. Les premières extentes féodales
savoyardes à partir de la fin du XIIIe s. ou le Lehenstag habsbourgeois en 1361, complété après une décennie
par un registre régional, montrent jusqu'à quel point les coutumes féodales et les institutions princières, la
féodalisation et l'administration peuvent aller de pair dans la construction des Etats territoriaux, en Suisse
romande comme en Suisse alémanique.
C'est d'ailleurs au cours des derniers siècles du Moyen Age que l'idéologie nobiliaire développe des critères
d'appartenance de type féodal. L'honneur chevaleresque se révèle, dans les sources narratives à partir du
XIIe s., comme un critère identitaire de première importance pour toute noblesse, qu'elle soit d'origine libre ou
ministériale. La hiérarchie politique princière se couvre elle aussi d'un enduit féodal: c'est ainsi que les statuts
du duché de Savoie de 1431 placent au premier rang des sujets du prince les barons chevaliers capables de
disposer d'au moins vingt-cinq vassaux nobles.
Bien plus, dès le XIIIe s., la féodalité élargit sans cesse son rayon d'action. D'une part, toutes les terres, y
compris une partie des tenures paysannes, sont considérées comme autant de fiefs, la séparation entre fief et
alleu faisant place à la distinction entre fief noble et fief rural ou paysan. D'autre part, de nouveaux
protagonistes sociaux et politiques participent aux institutions féodales. Il peut s'agir des villes - les bourgeois
de Lucerne disposent de fiefs dès 1227 -, ou des élites rurales, bien représentées dans les registres
habsbourgeois de 1373-1379.
Il ne faudrait pourtant pas penser à la société du bas Moyen Age comme à une société purement féodale. Si
de nombreux ouvrages récents ont insisté sur l'importance des institutions féodo-vassaliques dans la
construction des Etats régionaux, le rôle des appareils administratifs ou des engagements de territoires (tel le
Pfandsystem habsbourgeois) n'en demeure pas moins fondamental dans ce processus. En outre, si les liens
féodaux ont indéniablement accru leur sphère d'influence, ils ont par là même modifié certaines de leurs
caractéristiques d'origine; d'où le "fief sans fidélité" d'un document genevois de 1343. Enfin, si la noblesse
rappelle haut et fort son caractère féodal, le service à la cour et le crédit princier apparaissent, dans le même
temps, comme les moyens les plus sûrs de toute ascension sociale. Bref, du IXe au XVe s., les liens féodo-
vassaliques ont pu jouer un rôle politique, social voire économique de première importance, sans pour cela
qu'une "société féodale" ait nécessairement existé.
Bibliographie
– Sablonier, Adel
– G.P. Marchal, Sempach 1386, 1986
– G. Chittolini, «Principe e comunità alpine in area lombarda alla fine del Medioevo», in Le Alpi per l'Europa,
éd. E. Martinengo, 1988, 219-235
– G. Castelnuovo, Seigneurs et lignages dans le Pays de Vaud, 1994 (ital. 1990)
– G. Castelnuovo, Ufficiali e gentiluomini, 1994
– J.-F. Poudret, Coutumes et coutumiers, 2 vol., 1998
– B. Andenmatten, La maison de Savoie et la noblesse vaudoise, 2005
Auteur(e): Guido Castelnuovo