RESUME DE THESE Fonctions de prix hédonistiques et information

RESUME DE THESE
Fonctions de prix hédonistiques
et information imparfaite :
le rôle de la réputation
sur le marché du vin de Champagne
Olivier GERGAUD
En économie, le terme "qualité objective" est généralement employé pour décrire la
supériorité ou l'excellence d'un produit. Souvent considérée sous un angle technique, la qualité
objective se réfère à une supériorité ou une excellence mesurable et vérifiable sur la base d'un
certain nombre de critères ou standards prédéterminés.
Chercheurs, experts, producteurs et consommateurs tombent cependant rarement
d'accord sur le ou les standards à adopter. Pour certains, ces divergences de points de vue sont le
signe que la qualité objective n'existe pas : toute évaluation de la qualité est subjective.
Dans la réalité, les biens à qualité objective seraient donc rares. Pourtant, nombreuses
sont les théories de l'organisation industrielle qui reposent sur cette hypothèse.
Partant de ce constat, il m'a donc paru opportun de réfléchir aux conséquences de la prise
en compte de la dimension subjective de la qualité sur le mode de formation des prix. C’est autour de ce thème
que s’articule ma thèse de doctorat.
La démarche adoptée est une démarche de type microéconomie appliquée ; le marché
analysé est celui du vin de Champagne.
Ce vin est l’exemple même d’un produit fortement différencié. Il existe plus de
12 000 marques de champagne de qualités très inégales et plus de 5 000 producteurs /
distributeurs de ce produit. Il s'agit également d'un produit dont la qualité est subjective et
complexe à évaluer. Dans une enquête récente, un peu plus de la moitié des consommateurs de
ce vin déclaraient éprouver des difficultés à choisir entre les différentes marques au moment de
l'achat. Sur ce marché, il ne fait pas de doute que l’information mise à la disposition des acheteurs
à propos de la qualité de ce produit est imparfaite.
En m’adressant au Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC), en
rencontrant les producteurs de la région mais aussi en consultant différentes revues spécialisées,
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j’ai dans un premier temps constitué une base de données originale. Des statistiques simples
calculées à partir de cette base ont mis dans un second temps en évidence des faits qui pouvaient,
à première vue, paraître contradictoires avec certains enseignements de la théorie économique.
Ainsi, sur le marché du champagne, des biens considérés par les experts comme étant
de qualité identique sont vendus à des prix très différents. De la même façon, des bouteilles de
qualités différentes peuvent se trouver à des prix similaires.
Ces constatations constituent le point de départ des réflexions contenues dans cette
thèse. L’objectif de cette recherche est d’analyser la formation des prix en situation d’information
imparfaite. La littérature montre bien que ces caractéristiques (bien différencié, qualité subjective,
information imparfaite) ne sont pas propres au champagne. Elles se retrouvent, par exemple,
dans la plupart des industries agroalimentaires. Ainsi, les réflexions contenues dans ma thèse
s’inscrivent dans un contexte de portée plus générale.
Quel était « l’état des connaissances » sur ce sujet ?
Sur le plan théorique (voir organigramme, page 3), l’analyse des prix de biens
différenciés repose très souvent sur le modèle de Rosen (1974). Selon cet auteur, les différences
de prix se justifient par des différences de qualité. Il suffit d’estimer la qualité pour se faire une
opinion de la façon dont les prix se fixent et éventuellement évoluent. Le principal inconvénient
de la méthode dite des prix hédonistiques qu'utilise Rosen est qu’elle est uniquement conçue pour
s’appliquer aux cas d’information parfaite. En l’état, elle ne constituait donc pas une base
théorique pleinement satisfaisante pour le problème que je m’étais posé.
Dans d'autres analyses (Akerlof, 1970 ; Spence, 1974), on s’intéresse aux cas
d’information imparfaite, ainsi qu’à ses conséquences sur le mode de formation des prix. Mais on
traite alors uniquement des cas limites d’asymétries d’information pures dans lesquels
l’information est monopolisée par le vendeur, les acheteurs sont tous néophytes. Ceci pose
problème : très souvent, les populations rencontrées sont des populations polymorphes
d’acheteurs plus ou moins bien informés ; l’asymétrie d’information est évolutive.
D’où la pertinence de l’analyse de Shapiro (1983), dans laquelle l’asymétrie
d’information évolue dans le temps : l’acheteur, en consommant, découvre la qualité. L'idée
fondamentale proposée par l’auteur est la suivante : en information imparfaite, la formation des
prix dépend essentiellement de la réputation en qualité des produits. Cela signifie que l’on doit,
pour parvenir à un résultat satisfaisant, connaître non seulement la qualité du produit mais aussi
la manière dont les individus perçoivent cette qualité. La compétence du public ici est donc
déterminante. Cette analyse, essentiellement théorique, a le mérite de poser, en plus de la relation
prix – réputation, une relation réputation – qualité. Dans ce modèle dynamique d'apprentissage
de la qualité, le niveau de réputation d'une marque dépend uniquement de son niveau de qualité
et de la rapidité avec laquelle les consommateurs perçoivent les changements en la matière. Elle
ne dépend en aucune manière des signaux de qualité émis par les producteurs. Ceci, nous le
verrons, n'est pas très réaliste.
Sur le plan empirique, la méthode de Rosen est très souvent mise en œuvre lorsqu’il
s’agit de modéliser le prix de biens différenciés. On dispose ainsi d’applications dans des
domaines très variés comme l’informatique, le logement, l’automobile, l’environnement, la
peinture et depuis peu les produits alcoolisés.
Ces applications aux vins et spiritueux me paraissent toutefois hors cadre pour la
simple raison que l'information dont dispose l'acheteur à propos de la qualité de ce genre de biens
n'est pas parfaite.
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Type d'information sur la qualité et modèles de formation des prix
équilibre partiel : Jevons (1879)
équilibre général : Walras (1874)
optimum de Pareto
biens homogènes
Rosen (1974) :
équilibre prix - qualité
optimum de Pareto
biens différenciés
parfaite
sans signal : Akerlof (1970)
équilibre mélangeant,
disparition de la bonne qualité
équilibre sous - optimal
signal crédible :
équilibre séparateur
prix - qualité
optimum de second rang
signal non crédible :
équilibre mélangeant
disparition de la bonne qualité
équilibre sous - optimal
avec signal : Spence (1974)
asymétrie d'info. pure
équilibres statiques - achat unique
sans signal : Shapiro (1983)
modèle d'apprentissage de la qualité
équilibre prix - réputation
avec prime à la réputation
avec signal :
modèle d'apprentissage de la qualité
avec signes de qualité et
fonction de prix hédonistiques élargie
asymétrie d'info. évolutive
équilibres dynamiques - achats répétés
notion d'expérience
équilibres prix - réputation
imparfaite
asymétrie d'information
Information
sur la qualité
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Diverses études confirment que la dispersion des qualités ne suffit pas à elle seule à
expliquer les différences de prix dès lors que l'information n'est plus parfaite. De ce point de vue,
le vin de Champagne, avec un niveau de corrélation prix – qualité égal à 0,15, illustre bien cette
insuffisance.
Qu’apporte ma thèse sur le plan théorique ?
Elle apporte un modèle plus approprié : une fonction de prix hédonistiques élargie aux cas d’imperfection
de l’information.
Le modèle que je propose, en retenant quatre hypothèses, ne rompt pas avec les
différentes théories présentées précédemment : il les combine. Dans cette thèse, je défends l’idée
selon laquelle un modèle susceptible de rendre compte de manière satisfaisante de la formation
des prix de biens différenciés peut être construit en combinant des éléments de théorie de la
réputation, de théorie des prix hédonistiques et de théorie du signal. Il est important de souligner
que le modèle est applicable à tout type de bien, quelle que soit la nature objective, subjective, de
recherche, d'expérience ou de confiance de ses caractéristiques.
Le modèle se présente sous la forme d’un système à deux équations : la première est
une équation de prix hédonistiques dite élargie, la seconde est une équation de réputation.
Les hypothèses de ce modèle (voir schéma page 5) :
La première, déjà évoquée, est que le prix, en situation d'information imparfaite, est
fonction de la réputation.
La seconde est que la population des acheteurs considérée est polymorphe. Cette
hypothèse signifie que les acheteurs sont plus ou moins néophytes, connaissent plus ou moins
bien les différentes qualités proposées. Il en résulte qu'ils se fient soit à leur propre expérience ou
bien aux signaux de qualité disponibles pour se faire une opinion à propos de cette qualité. Parmi
les signaux de qualité disponibles, on trouve la notoriété, le prix, les appellations, les mentions, …
etc. La troisième hypothèse concerne l'opinion des experts. Les experts sont les acheteurs
censés posséder la meilleure information à propos de la qualité du produit. A ce titre, j’ai utilisé
cette opinion comme une opinion de référence, étudiant celle des autres acheteurs, moins
informés, par rapport à l'opinion des experts. Dans le contexte de ce modèle, un acheteur
néophyte est un acheteur qui ne dispose pas d’information, soit parce qu’il n’a pas consulté les
revues spécialisées, soit parce qu’il ne possède pas de connaissances particulières en œnologie.
Dans le cadre de la quatrième hypothèse, j'ai supposé que pour investir en réputation,
c'est-à-dire pour espérer améliorer leur niveau de qualité dans l'esprit des consommateurs et ainsi
espérer vendre plus cher, les producteurs choisissent entre investir en qualité ou investir en
signaux de qualité ; cela précisément parce qu’ils savent que la population est polymorphe. De ce
point de vue, l'équation de réputation peut être considérée comme un modèle d'apprentissage de
la qualité avec signaux. Ce choix, côté producteur, entre qualité et signaux de qualité a été analysé
par le biais d’une approche en termes de jeu évolutionniste.
La méthode retenue :
D’un point de vue méthodologique, il m’a paru intéressant de distinguer le produit de
la marque. Cette distinction est utile : dans de nombreuses configurations de marchés, la marque
se décline sur plusieurs produits. En conséquence, le niveau de réputation en qualité d’un produit
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Qualité
signalée
Qualité
objective
Qualité
objective
Qualité
signalée
X de la marque Y est ici fonction du niveau de réputation d’une part du produit X, de celui de la
marque Y d'autre part.
J’ai adopté, pour repérer la réputation, une démarche en termes de caractéristiques.
Les différents constituants de la réputation, à l’image de la qualité objective du produit chez
Rosen, ont été approchés par des vecteurs de caractéristiques. Cette approche permet d'envisager
la qualité non pas de façon dichotomique (qualité haute versus qualité basse) comme dans de
nombreuses analyses en économie industrielle, mais de façon continue.
Formation des prix d’un bien possédant
au moins une caractéristique inobservable avant l'achat
Les principaux enseignements théoriques de ce modèle (voir organigramme, page 7) :
Dans ce modèle, la nature des équilibres est différente en fonction du degré de
compétence des acheteurs et de la crédibilité des signaux de qualité.
Lorsque la population est uniquement composée de connaisseurs, c'est-à-dire lorsque
l'information à la disposition des acheteurs est parfaite, on retrouve un équilibre prix – qualité,
Qualité espérée
Réputation
Qualité espérée
Réputation
Prix
Signaux
Réputation
P
r
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M
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eSignaux
Modèle dynamique d'apprentissage de la qualité avec signaux de qualité
- Notoriété,
- prix…
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