jdf-602-a:Mise en page 1 19/11/09 16:29 Page 36 Céréales Petite graine sucrée Texte de Snezana Gerbault Apprécié et cultivé pour ses grains croquants et sucrés, le maïs doux est destiné exclusivement à l’alimentation humaine. Riche en sucre, en vitamines et en sels minéraux, le maïs doux ne contient pas d’amidon contrairement aux autres variétés de maïs. La France est le troisième producteur mondial de cette céréale que l’on s’habitue à consommer en tant que légume cru, cuit ou grillé. Afin de répondre à une demande croissante, les surfaces cultivées ne cessent d’augmenter d’une année à l’autre… Les grains Maïz’Europe de jdf-602-a:Mise en page 1 19/11/09 16:30 e maïs sucré ou maïs doux, ( Zea mays saccharata Sturt.), sweet corn ou sugar corn pour les Anglo-Saxons, est une variété hybride du maïs (Zea mays), plante herbacée de la grande famille des Poacées. On le nomme aussi « blé de Barbarie », « blé de Guinée » ou « blé de Turquie », « froment des Indes » ou « blé indien », alors qu’au Brésil, il est « milho verde », le maïs vert. Son origine était pendant très longtemps mal connue, d’où ces étranges et nombreuses appellations qui lui ont été attribuées au fil du temps. Son nom « maïs » vient de l’espagnol, maiz, ce qui désigne également un petit grain qui ne dépasse pas la taille d’un petit pois. Les Espagnols l’ont d’ailleurs emprunté à la langue parlée d’une ethnie amérindienne, les Tainos, qui le cultivaient à Haïti. Quant au nom générique, Zea, il est certainement originaire du mot grec zeia, qui désigne une céréale cultivée dans l’Antiquité. Sans doute la plus ancienne céréale du continent américain, le maïs est bien connu des civilisations des Mayas, des Aztèques et des Incas et constituait la base de leur alimentation avant l’arrivée de Christophe Colomb. Aujourd’hui encore, c’est la plante sacrée chez certaines populations du Guatemala et du Mexique. Le maïs fut introduit sur le continent européen au XVIe siècle et il est aujourd’hui la première céréale mondiale qui devance par les surfaces cultivées celles de blé et de riz. Vers le milieu du XXe siècle arri- La France, troisième producteur mondial Le maïs est cultivé partout dans le monde et la culture de cette céréale importante occupe environ 157 millions d’hectares. Les Etats-Unis, premier producteur mondial, consacrent plus de 32 millions d’hectares au maïs à grain et 200 000 ha à la culture de maïs doux, dont 60 000 ha sont destinés à la production des épis (qui sont cueillis en même temps que les grains). En France, selon les années, les surfaces occupées par le maïs doux varient entre 20 000 et 25 000 ha, ce qui la situe en troisième position mondiale. L’Union européenne est le deuxième grand producteur avec la Hongrie (44 %) qui aujourd’hui fait concurrence à la France (35 %) et risque de la détrôner de sa troisième position mondiale. Mais la demande n’est pas la même : « Aux Etats-Unis, on consomme 12 kg de maïs par personne et par an, au Canada 10 kg alors qu’en France nous en sommes à ce jour à moins d’un kg par personne et par an » constate Matthieu Çaldumbide, chargé de mission à l’AGPM, Association Générale des Producteurs de Maïs. Les nouveaux marchés émergent et surtout celui de la Thaïlande, le premier exportateur dans le monde. Les Etats-Unis sont le plus grand producteur mais une grande partie de leur production reste à l’intérieur du pays (ce pays était le troisième exportateur mondial de boîtes en 2008). La Russie est l’un des plus grands pays importateurs du maïs doux et son marché est en pleine expansion. vent les premiers hybrides et la culture de maïs s’intensifie. À partir des années cinquante, la France devient l’un des plus grands producteurs dans le monde. Le maïs fut d’abord cultivé comme plante fourragère et comme céréale pour ses grains riches en amidon destinés surtout pour la consommation animale. Ce n’est que dans les années 1970 que se développe la production de maïs doux en France. Apprécié depuis fort longtemps aux Etats Unis et en Angleterre, cet aliment a déjà bien conquis le marché français où il est disponible aujourd’hui sous forme d’épis frais, en conserve ou surgelés. Un peu de botanique Le maïs doux appartient à la sous-famille des Panicoideae (famille des Poacées) tout comme la canne à sucre et le sorgho et contrairement aux autres céréales que ins Maïz’Europe Maïz’Europe L Page 37 La France est le 3e pays producteur de maïs. de maïs ont une teneur variable en sucres. JARDINS DE FRANCE DÉCEMBRE 2009 37 jdf-602-a:Mise en page 1 19/11/09 16:30 Page 38 Maïz’Europe Céréales Les épis de fleurs femelles à l’aisselle des longues feuilles. sont riz, blé, orge ou seigle, qui font partie de la sous-famille des Pooidae. Le maïs se distingue des autres céréales par son caractère monoïque : chaque pied est bisexué (la plante porte des fleurs mâles et femelles) mais les sexes sont séparés et portés par des inflorescences distinctes. Aujourd’hui le maïs fait partie de la tribu des Maydeae (selon les résultats obtenus par Doebley et Iltis, publiés en 1980). Au XIXe siècle, le botaniste américain Sturtevant classe les maïs en plusieurs groupes, selon l’aspect de ses grains : maïs doux, corné, cireux, farineux, denté, perlé, vêtu. Cependant, cette classification fut abandonnée au profit d’une autre qui tenait compte de plusieurs autres caractères. C’est ainsi qu’en 1977, Robert Bird et Major Goodman parlent de 14 catégories de maïs. Le maïs doux forme une tige épaisse qui peut atteindre deux mètres de hauteur pour les variétés couramment cultivées. La tige porte plusieurs nœuds d’où partent les feuilles luisantes et larges d’environ 10 cm et très longues, mesurant parfois plus d’un mètre, à l’aisselle desquelles poussent des fleurs femelles rassemblées en épi. Protégé par de nombreuses feuilles modifiées, les spathes, l’épi de maïs porte de nombreuses graines, les caryopses, qui se succèdent d’une façon très régulière autour de l’axe central nommé la « rafle ». Un épi mature peut compter entre 500 et mille grains. De trois à quatre épis se développent sur un même pied, mais très 38 souvent, un seul arrive au stade de développement complet. Les « soies », les filaments longs et soyeux coincés entre les feuilles, appelés également « cheveux de maïs » ou « barbes de maïs », sont en effet les styles de l’inflorescence femelle portant à leur bout les stigmates. Une panicule terminale qui apparaît au sommet de la tige après la dernière feuille, regroupe les fleurs mâles, les épillets, dont chacun porte deux fleurs à trois étamines. Issu d’une sélection naturelle Le maïs doux est probablement un mutant naturel, apparu pour la première fois dans les champs de maïs denté (Zea mays indentata) suite à une mutation d’un gène qui contrôle la conversion du saccharose en amidon. Il s’agit du gène récessif « su » qui code la « sucrase synthase enzyme » qui est nécessaire à la transformation du sucrose en fructose, étape intermédiaire dans la fabrication de l’amidon. Cette mutation empêche le déroulement de ce processus et la fabrication de l’amidon, tout en préservant les sucres (glucose et fructose). Résultat final : le maïs doux, contrairement aux autres maïs, ne contient pas d’amidon, et ceci est prouvé par le test à l’eau iodé (l’amidon se teint en bleu). Chez le maïs doux, il n’y a pas de coloration, donc pas d’amidon. Au XXe siècle, apparaissent les mutants JARDINS DE FRANCE DÉCEMBRE 2009 « se » (sugary enhanced) qui se montrent plus adaptés à une commercialisation à l’état frais. Dans les années 1950 fut isolé un gène, le « sh2 » (shrunken-2), qui agit sur la production de l’enzyme qui convertit le sucre en amidon. « Le gène Sh2 est une forme dominante nécessaire aux premières étapes de la biosynthèse de l’amidon. Un autre type de maïs doux dit « super sweet » possède le gène « su » mais pas la forme dominante de Sh2 obligatoire pour la synthèse de l’amidon. Donc il ne contient pas d’amidon », explique Xavier Foueillassar, ingénieur semences innovation chez Arvalis-Institut du Végétal à Pau. La présence de ce gène empêche cette conversion. Afin que ce caractère instable persiste (le gène sh2 est récessif et pas dominant), les cultures de variétés de maïs doux doivent être éloignées des autres variétés de maïs qui possèdent Sh2 dominant, pour éviter les éventuelles pollinisations croisées qui risquent d’entraîner la fabrication d’amidon dans les graines. Une distance minimale, au moins de 50 m voire 100 m par rapport aux autres cultures de maïs, était indispensable. Aujourd’hui, les producteurs de semences proposent un maïs doux qui produit sur un même épi des grains portant les gènes « se » et « sh2 » et ces variétés ne réclament pas de mesures d’isolement. La plupart des variétés semées aujourd’hui sont des hybrides et peu de variétés traditionnelles sont cultivées. Il existe trois grandes familles de maïs doux : les variétés sont classées selon la couleur des graines (blanche, jaune ou bicolore). Elles sont aussi classées selon leur patrimoine génétique qui gouverne la teneur en sucres des graines. Le type standard, le maïs doux « intermédiaire » (su, Sh2), présente des variétés productives et vigoureuses, mais à faible taux de sucre (‘Silver Queen’ à graines blanches, ‘Jubilee’ à graines jaunes), et de ce fait il très peu utilisé. Le type (SE) sucré, le maïs doux sweet compte quelques variétés précoces mais moins productives que celles du premier groupe (‘Miracle’ à graines jaunes, ‘Sweetie’ et ‘Badaïque’ à graines blanches). Le type SE est utilisé en grande partie pour la conserve. On le consomme rarement en épis car il possède une texture collante et adhère beaucoup aux muqueuses. Quant au maïs doux de type « super sweet » (SU, sh2), super sucré, uti- 19/11/09 16:30 lisé par la plupart des industriels du frais, il possède un goût très sucré grâce à la présence de ce gène qui retarde la transformation des sucres en amidon, un caractère lui permettant une meilleure conservation par rapport à la variété sweet. Dans la famille « super sweet », on distingue plusieurs variétés qui se différencient par leur saveur, la taille de l’épi, leur teneur en sucre et l’aspect des grains. On peut citer les variétés ‘Aspen’ à graines blanches, ‘Chalenger’ et ‘Supersweet Jubilee’ à graines jaunes. Le maïs doux français En France, le maïs doux est cultivé dans deux zones principales : en Aquitaine avec 92 % des surfaces (Landes, PyrénéesAtlantiques, Lot-et-Garonne, Gironde, Gers, Tarn-et-Garonne) et dans le Loir-etCher avec 5 à 8 % de surface. Le maïs doux français est exporté vers les pays de l’UE (à 90 %), surtout en Allemagne, Page 39 Grande-Bretagne, Espagne, Italie, pour une balance commerciale de plus de 100 millions d’euros. Près de trois quarts des boîtes de maïs doux en grains sont exportées vers l’étranger. « La filière française est très bien organisée, à chaque étape, depuis la production jusqu’à la transformation, ajoute M. Çaldumbide. Des partenariats très anciens datant des années 1970, entre coopératives, producteurs et industriels, permettent une grande efficacité, et notre zone de production est parmi les plus importantes du monde. Par ailleurs, une traçabilité totale de chaque produit permet de contrôler toutes les étapes de la production ». Les contrats sont établis entre producteurs et coopératives, partenaires de groupes industriels (comme Géant, Bonduelle, Daucy). Quant aux variétés, les industriels les sélectionnent en fonction de leurs besoins, de leur production ou de performances agronomiques recherchées. « Les usines de transformation se situent très souvent à proximité des champs de culture pour préserver au maximum la fraîcheur de récolte, explique Anne Kettaneh, responsable de la communication de l’AGPM. Il ne s’écoule que six heures entre la récolte et la mise en boîte du produit ». Les épis sont cueillis et nettoyés, les grains enlevés sont triés afin d’éliminer les débris et les insectes, puis plongés dans l’eau salée pendant 3 à 4 minutes à 100 °C, et stérilisés encore quelques minutes à une température entre 125 et 320 °C. Ce procédé n’utilise aucun additif ni agent conservateur. La surgélation s’effectue également par des traitements thermiques naturels à –18 °C pendant quelques minutes. La société « Sweet Corn Midi-Pyrénées » produit le maïs « super sweet », qu’elle exporte vers les pays de la Communauté européenne, Allemagne, Suisse, Pays scandinaves, etc. Aurélie Millet, responsable de la communication souligne : « Ce maïs sans OGM est cueilli à maturité, lorsque les épis affichent une belle couleur jaune et que les Maïz’Europe jdf-602-a:Mise en page 1 La production de maïs doux en France s’est développée dans les années 1970. JARDINS DE FRANCE DÉCEMBRE 2009 39 jdf-602-a:Mise en page 1 19/11/09 16:30 Page 40 Céréales Une haute valeur nutritionnelle La variété la plus succulente de maïs, le maïs doux, est un légume à part entière. Il existe plusieurs variétés adaptées à la consommation en conserve, en surgelé, en épis ou égrené et mis en conserve. La graine tendre et croquante est récoltée tôt au stade laiteux, lorsqu’elle contient environ 70 % d’eau. Pour vérifier sa maturité, il suffit de l’appuyer légèrement : si un « lait » blanchâtre apparaît, le maïs est prêt pour la récolte. Selon la variété, son goût est plus ou moins fin et son enveloppe plus ou moins épaisse. Tout juste récolté, il peut même être consommé cru, ou simplement salé avec un peu de beurre. Le maïs égrené est utilisé dans les soupes, pizzas, salades composées, il accompagne les plats de viandes, de poissons, de volailles, etc. Lors de la cuisson, les grains augmentent de volume jusqu’à deux fois. Pendant la cuisson, il faut éviter de saler l’eau qui durcit l’enveloppe des grains. Les épis sont cueillis et congelés lorsqu’ils sont très tendres avant la maturation des grains. Cuits avec toutes leurs feuilles, ils préservent leur goût intense. Les grains secs peuvent également être consommés à maturité. Le maïs sucré possède une haute valeur nutritive et énergétique. Il est riche en sels minéraux (magnésium, phosphore, potassium, fer), en provitamines A (carotène) et vitamine B, en protéines et fibres, et surtout, il est peu calorique : 97 kcalories pour 100 g dont 18 g de glucides. Grâce à son faible taux glycémique, c’est un aliment qui n’augmente que modérément le taux des glucides dans le sang et, de ce fait, ne favorise pas le « stockage » de l’énergie sous forme de graisses. Grâce à sa richesse en fibres, le maïs doux est bénéfique pour le transit intestinal et fournit l’énergie qui est utilisée lentement par l’organisme. Par ailleurs, c’est une céréale sans gluten, indiquée dans l’alimentation 40 Le maïs doux, au jardin aussi… De nombreux jardiniers apprécient la présence de maïs doux dans leur jardin, surtout dans le coin du potager. Certains ont même osé en constituer des haies. Excellent brisevent, elles sont en même temps très productives et offrent des épis à consommer tout l’été. Semez directement sur place en poquets de trois ou quatre graines, à une distance d’environ 80 cm. Éclaircissez après la levée en laissant un ou deux plants par trou. Il ne faut oublier d’arroser lors de la levée, juste avant la floraison et surtout en période de grossissement des grains. Sarclez, binez et enlevez les mauvaises herbes de préférence avant la floraison afin de ne pas perturber les plantes. Un sol enrichi en compost assure une meilleure récolte. Le maïs doux craint surtout la fusariose provoquée par les bactéries Fusarium roseum et Giberella zeae. Ces attaques peuvent être néfastes pour les jeunes plants car elles entraînent une mauvaise levée. Le charbon est dû à un champignon, Ustilago zeae, qui se développe sur les épis, la tige ou la panicule… des personnes allergiques à ce composant. Dans la pharmacopée traditionnelle, les « cheveux du maïs » sont réputés pour leurs propriétés diurétiques et, grâce à leur teneur élevée en vitamine K, ils possèdent aussi des vertus antihémorragiques. Une plante peu exigeante Le maïs est une plante annuelle qui nécessite pour sa croissance de la chaleur, de l’eau et de l’espace. Comme il s’agit d’une espèce d’origine tropicale, sa culture ne va pas au-delà des régions tempérées. Tout comme la tomate, le maïs redoute le froid, mais aussi des températures trop élevées qui risquent de réduire la qualité des épis. Pendant la période de croissance, le maïs réclame au moins 500 mm d’eau pendant les trois mois d’été et surtout lors du remplissage des grains. Le maïs s’adapte à tous les types de sols, mais apprécie les terres profondes et riches en matières organiques. La rotation des cultures est bénéfique et permet d’obtenir des récoltes de qualité. Le maïs doux se cueille au moment où ses « soies » changent de couleur et commencent à brunir. Pour mieux apprécier la fraîcheur et le croquant des grains, il faut récolter les épis bien fermes et homogènes, légèrement dorés. Les déchets verts qui en résultent peuvent être employés en tant que fourrage d’excellente qualité. Maïz’Europe feuilles qui les protègent sont encore vertes. Les graines doivent avoir un goût sucré ». Les épis entiers sont alors mis en emballage sans aucun conservateur. Ils se conservent comme tous les autres légumes frais, une semaine environ à une température de 4 à 7 °C. Le maïs sucré possède une haute valeur nutritive. JARDINS DE FRANCE DÉCEMBRE 2009