UNIVERSITÉ DU QUÉBEC
THÈSE PRÉSENTÉE À
L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À CHICOUTIMI
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DU DOCTORAT EN DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL
Par
Marie-Joëlle Brassard
La valorisation et la reconnaissance des savoirs
collectifs locaux: un outil de transformation sociale
pour les petites communautés?
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Résumé
La recherche porte sur les savoirs collectifs locaux, plus précisément sur la question
de leur reconnaissance et de leur valorisation envisagée comme une voie de
développement pour les petites collectivités. Existe t-il des savoirs collectifs locaux qui
s’inscrivent dans une approche de développement territorial, et si tel est le cas, quel
en est le processus de construction ? Nous postulons que les savoirs collectifs locaux
peuvent être un outil de développement pour les petites communautés dans la
mesure où ils sont reconnus et valorisés, par les acteurs locaux eux-mêmes, comme
par les acteurs supra-locaux.
Au chapitre premier, une analyse du contexte mondial pose la nature des
transformations en cours qui influent sur les rôles de l’État et des localités. Par
ailleurs, l’issue à la mondialisation n’est pas immuable et différentes alternatives
s’offrent aux États et aux localités pour y répondre. Trois approches et stratégies de
développement applicables au niveau local en rendent compte. La première, le
« territoire entrepreneur », correspond à une stratégie néo-libérale où l’identité
culturelle locale est analysée comme un facteur de production assujetti à l’économie.
La seconde porte sur le développement économique communautaire et s’inspire de
l’approche régulationniste. Selon cette approche, les institutions de gouvernance
locale favoriseraient un développement qui place l’humain au centre des
préoccupations. La troisième approche est celle des mouvements sociaux territoriaux
et repose sur l’affirmation et la valorisation d’une identité locale. Notre conception des
savoirs collectifs locaux chevauche les deux dernières approches et exclut une vision
néo-libérale.
En seconde partie du chapitre premier, nous posons l’hypothèse et les questions de
recherche pour ensuite développer sur la pertinence de notre choix méthodologique. .
Notre démarche méthodologique s’appuie sur une approche compréhensive et
qualitative, qui s’est traduite par une recherche-action auprès d’une communauté
rurale de 1000 habitants. Nous avons accompagné les acteurs d’un comité de
revitalisation des terres agricoles en friche, sur une période de 18 mois. Notre
méthodologie favorise l’expression, par les acteurs locaux, de leurs spécificités tout en
leur permettant d’expérimenter un changement avec eux. Une approche de réflexivi
a été tentée pour que les acteurs locaux se réapproprient leur démarche, leurs savoirs
construits et ce, en même temps que l’action se produit. Cela les place dans des
conditions où ils peuvent réorienter leurs actions.
Suit la définition des concepts avec une insistance particulière sur les savoirs collectifs
locaux. Des chercheurs de plusieurs disciplines; du monde de l’éducation, de
l’anthropologie, de la foresterie, de l’urbanisme, etc., ont contribué à enrichir notre
définition applicable au développement local. D’autres notions s’avèrent importantes,
notamment celles sur la communauté, la ruralité, la praxis, la réflexivité et le capital
socio-territorial, etc
Une fois le cadre théorique et méthodologique exposé, nous posons le regard sur la
communauté selon plusieurs facettes. Le second chapitre présente une vue
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géophysique du territoire, un profil sur la base d’indicateurs statistiques, un portrait
financier à partir de la fiscalité municipale ainsi que des potentiels humains, incluant
les emplois et les secteurs d’activités, mais aussi la vie communautaire. Le lecteur
entre alors lentement dans la réalité de ce village, comparable en plusieurs points à
n’importe quel autre village agro-forestier en dévitalisation au Québec. Mais nous
verrons aussi ce qui le caractérise et le différencie, traits qui influenceront l’issue des
événements.
Au troisième chapitre, nous entrons de plein pied dans notre sujet de recherche.
Deux dimensions sont d’abord analysées qui sont les suivantes : la mémoire collective
et ensuite, le constat observé de cinq logiques en interrelation dans la communauté.
Des acteurs locaux soucieux de l’état de leurs terres agricoles partagent leurs
conceptions et leurs visions, passé et futur, de leurs terres. Au cœur du
questionnement apparaît celle des valeurs liées aux terres agricoles et à la définition
du développement que les habitants associent à la valeur d’usage : « développer,
c’est mettre la vie dessus ». De l’analyse des propos tenus par les habitants, nous
faisons rejaillir la mémoire collective. Ce troisième chapitre est complété par la
présentation de cinq approches ou logiques qui coexistent dans la communauté,
chacune étant porteuse de stratégies d’action spécifiques. La présentation de ces
approches à ce moment précis est justifiée puisqu’elle permettra au lecteur de saisir
les logiques qui se jouent dans l’action qui est présentée au chapitre suivant.
Car, au quatrième chapitre, l’action se déroule. Des acteurs locaux, regroupés dans
un comité de revitalisation agricole, s’engagent à trouver des alternatives pour
développer les terres agricoles. Le récit de l’action montre ce qui ressemble à un
formidable chaos. Ce sont deux projets qui sont en train de se construire et ce,
toujours dans le but de trouver une alternative à la revitalisation des terres agricoles
en friche. C’est seulement avec la réalisation d’un bilan annuel avec les leaders
locaux qu’un éclairage nouveau se dégage et que des orientations sont prises.
Nous concluons par les apports à la connaissance qui portent autant sur la
méthodologie que sur les savoirs collectifs locaux et leur processus de construction.
Une originalité de la recherche est liée à la méthodologie, questionnant une définition
de l’objectivité en sciences humaines. Nous interrogeons également la capacité d’un
chercheur à interagir sur l’issue d’un événement par la réflexivité avant que cet
événement n’ait pris tout son sens. Outre certaines observations qui sont
généralisables, tel par exemple l’absence d’homogénéité dans la communauté, des
questionnements forts importants se sont ajoutés et qui demandent à être
approfondis. Nous pensons à la celle de l’application de la démocratie locale comme
un savoir-faire collectif encore à développer dans la communauté. Nous terminons
par un retour aux questions de départ et à l’hypothèse de recherche pour identifier
trois dimensions associées au processus de construction des savoirs collectifs
locaux : la recomposition des liens sociaux, la production d’un modèle de gestion
agricole et l’expérimentation pour construire collectivement de nouveaux savoirs.
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Remerciements
Pour réaliser mon travail de recherche, j’ai bénéficié d’un soutien financier qui m’a
permis de poser les principaux fondements de ma recherche. Je remercie donc la
Fondation Gaston L. Tremblay de l’Université du Québec à Chicoutimi, la FCAR
(Fonds pour la formation de chercheurs et l’aide à la recherche) ainsi que le
département des Sciences Humaines du doctorat en développement régional.
Une personne proche m’a dit un jour « j’ai grandi avec ta thèse ». Je remercie
Emmanuel Légaré Brassard, qui a été pour moi une source de motivation et
d’inspiration par ses questionnements, par ses commentaires et surtout, par ses
étonnements. Mon fils, je t’ai senti complice tout au long de la réalisation de ma
thèse, espérant qu’elle n’a pas trop grugé sur le temps qui te revient.
Je remercie également Christiane Gagnon qui m’a accompagné sur un bout de
chemin, répondant alors à une démarche qui m’était nécessaire. Dans la poursuite de
mon cheminement, je remercie également Pierre-André Tremblay qui m’a soutenu
dans ma difficulté à me situer personnellement dans une approche que je veux
globale, c’est-à-dire qui tienne compte de toutes les facettes de ma personnalité.
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Avant propos
L’idée de travailler sur les savoirs collectifs locaux m’est venue au moment où je
travaillais comme intervenante auprès de sept communautés rurales dans le Bas-
Saguenay. J’avais alors la certitude que c’est en réunissant les leaders locaux autour
de la conception d’un plan d’action que ces derniers seraient à même de le réaliser en
définissant les moyens qui sont les-leurs. Un très beau samedi matin, j’arrivais à
Petit-Saguenay pour une rencontre qui avait pour but de fixer des orientations de
développement de cette municipalité d’à peine 600 habitants qui loge ses flancs sur le
bord du Saguenay. Étant arrivée à l’avance, la route étant longue, je me suis
retrouvée sur le quai pour profiter d’une vue éblouissante, le Fjord imposant son
horizon. Comme c’était souvent le cas, une douzaine de personnes se sont penchées
tout l’avant-midi sur leur développement, retournant aux objectifs de l’an passé, sur le
chemin parcouru et sur un plan d’action pour l’année à venir. À midi, je sentais un
vent d’enthousiasme chez ces personnes, ce qui me procurait toujours un sentiment
de satisfaction dans ces situations. Au moment de sortir, le maire me questionne :
est-ce que ça va marcher ? Je répond que « oui,,, dans la mesure où vous rester
dans vos chaussures ». À cela, le maire me répond… « et si on ne connaissait pas
notre pointure ! »
Ce commentaire me revenait régulièrement en tête et pour y répondre, je décidais
quelques mois plus tard d’organiser une rencontre entre les communautés rurales du
Bas-Saguenay pour tenir une journée de formation. Pour l’organiser, je m’étais
associée plusieurs intervenants du réseau de développement en leur précisant
clairement que ceux qui étaient dans la salle étaient porteurs de connaissances,
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