Quel SI pour la firme Lean

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PROMOUVOIR LA CULTURE NUMERIQUE
COMME SOURCE D’INNOVATION ET DE PERFORMANCE
Quel SI pour la firme lean ?
Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
Le CIGREF, réseau de Grandes Entreprises, a été créé en 1970. Il regroupe
plus de cent très grandes entreprises et organismes français et européens de
tous les secteurs d'activité (banque, assurance, énergie, distribution,
industrie, services...). Le CIGREF a pour mission de promouvoir la culture
numérique comme source d'innovation et de performance.
Titre du rapport : Quel SI pour la firme lean ?
Equipe du CIGREF
Jean-François PÉPIN – Délégué général
Sophie BOUTEILLER – Directrice de mission
Anne-Sophie BOISARD – Chargée de recherche
Josette WATRINEL – Secrétaire de direction
Frédéric LAU – Directeur de mission
Matthieu BOUTIN – Chargé de mission
Marie-Pierre LACROIX – Chef de projet
Josette LEMAN – Assistante de direction
Remerciements :
Nos remerciements vont à Pierre DELORT, Directeur des Systèmes d'Information de l’Inserm qui a piloté
cette activité.
Nous remercions également les personnes qui ont participé à ces réflexions :
Membres du CIGREF :
Hubert BIONDI – CNES
Claudio BORLO – REXEL
Marianne CARON - AMADEUS
Catherine CHABIRON – FAURECIA
Pascal CHAULET – RENAULT
Pascal CHRETIEN – BOUYGUES IMMOBILIER
Bernard COHEN – PSA PEUGEOT CITROEN
Michel COTTURA – POLE EMPLOI
Emmanuel GAUDIN- Groupe LAGARDERE
Jean-Etienne GUIOT – RENAULT
Jean-Michel HUTEN – GENERALI
Hervé JEGO – GENERALI
Pierre LAPIERRE – CNES
Muriel MATHELET – AMADEUS
Marc MENCEL - NEXTER
Franck NABUCET – RFF
Frédéric NIVOIX – RENAULT
Catherine POMMIER – RFF
Frédéric PREVAULT – FAURECIA
Pierre TARIF – GDF SUEZ
Konstantinos VOYIATZIS – NEXANS GROUP
Intervenants extérieurs :
Marc ANTROBUS – TOYOTA MOTOR EUROPE
Andres HOYOS-GOMEZ – MCKINSEY & COMPANY
Marie-Pia IGNACE – INSTITUT LEAN FRANCE
Alain MARBACH – ELEE
Pierre MASAI – TOYOTA MOTOR EUROPE
Philip RADEMAKERS – TOYOTA MOTOR EUROPE
Hiro WATARAI - TOYOTA MOTOR EUROPE
Ce document a été rédigé par Armand FRANÇOIS et Anne-Sophie BOISARD (CIGREF).
Pour tout renseignement concernant ce rapport, vous pouvez contacter le CIGREF aux
coordonnées ci-dessous :
CIGREF, Réseau de Grandes entreprises
21, avenue de Messine
75008 Paris
Tél. : + 33.1.56.59.70.00
Courriel : [email protected]
Sites internet :
http://www.cigref.fr/
http://www.fondation-cigref.org/
http://www.histoire-cigref.org/
http://www.collection-cigref.org/
http://www.entreprises-et-cultures-numeriques.org
Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
Executive Summary
Le lean Management, ou Système de Production Toyota, fut qualifié, par le MIT (Massachusetts Institute
of Technology) durant les années 1980, de « machine qui a changé le monde ». Il a depuis été largement
diffusé dans les activités de service, dont les machines relèvent des Technologies de l’Information, et de
ce fait il n’est plus considéré comme étranger au Système d’information des entreprises.
De cette proximité, se posent dès lors 3 questions :
1. Le lean management peut-il être considéré comme applicable à une Direction des Systèmes
d’Information (DSI) ?
2. Une DSI peut-elle favoriser, ou induire par le biais du SI, le déploiement du lean dans les métiers ?
3. Et enfin, le lean a-t-il un rôle à jouer dans la transformation numérique des entreprises ?
Concernant le premier point, il est apparu important de distinguer, dans les activités d’une DSI, celles
relevant des Infrastructures (schématiquement process) et celles des études (schématiquement projet).
Pour chacune de ces deux grandes fonctions, l’apport du lean a été confirmé relativement aux six
principes que le groupe y a distingué : juste-à-temps, standardisation des opérations, polyvalence, visual
management, résolution de problème et gouvernance. Dépendant du changement culturel à parcourir,
changement parfois très important, le déploiement doit être progressif, débutant par les process simples
et répétitifs, il peut inclure des méthodes de type « agile » et comporter un effort marqué de gestion des
tâches et de documentation des process.
Le second point, l’induction du lean dans l’entreprise par la DSI, est un autre enjeu économique car il
adresse, au lieu de la seule DSI, la quasi-totalité de l’activité de l’entreprise. Le groupe a étudié un
Business Case, présenté par la DSI de Toyota Motor Europe en leur siège à Bruxelles. Ce Business Case a,
entre autres, illustré un mode de développement logiciel très particulier, appliquant des éléments clefs du
système Toyota : phase de spécification longue, en recherche très large de consensus par nemawashi,
conception simultanée application / process (« fix Business process first »), utilisation systématique des
PDCA (Plan-Do-Check-Act basé sur des documents A3) en démarche générale de progrès continu, phases
de conception, codage et test réalisés en temps de cycle très court (2 cycles par semaine), appliquant les
principes de Heijunka (lissage de la charge) et Jidoka (intervention rapide sur défaut).
Le troisième point, la réflexion sur le rôle du lean dans la transformation de l’entreprise numérique, a été
abordé sous l’angle d’une de ses composantes, le Big Data, retenu comme la possibilité technologique de
capter, transmettre, stocker, et utiliser des quantités de données jusque-là « hors norme ». L’impact du
Big Data sur la recherche et l’innovation a illustré la profondeur des transformations possibles sur les
process et les produits (personnalisation), les compétences (analystes, statisticiens…) et le pilotage des
flux. Le lean management est apparu au groupe, comme un modèle de management permettant de bien
cadrer les apports du numérique : orientation client des process, standardisation de composants pour une
meilleure personnalisation des produits, management des RH et des démarches d’amélioration… Ainsi, le
lean management peut-il apporter une discipline de focalisation client à la transformation numérique.
L’étude a ainsi conclu sur l’intérêt d’un lean management de la DSI, sur les apports d’une DSI lean
Inducteur dans les métiers, et sur la discipline managériale que le lean peut apporter à la transformation
numérique.
Pierre DELORT, DSI Inserm
Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
SOMMAIRE
INTRODUCTION .............................................................................................................................................1
AVERTISSEMENT ...................................................................................................................................... 1
CONTEXTE DE L’ACTIVITÉ ........................................................................................................................... 1
OBJECTIFS DE L’ACTIVITÉ ........................................................................................................................... 1
POSITION & DÉFINITION DU GROUPE RELATIVEMENT AU LEAN ..............................................................................4
L’ÉTAT DES DÉMARCHES DE LEAN MANAGEMENT AU SEIN DES ENTREPRISES ....................................................... 4
PRINCIPES DU LEAN MANAGEMENT ............................................................................................................. 5
LE LEAN MANAGEMENT APPLIQUÉ À LA DSI POUR FAVORISER LE BUSINESS DE L’ENTREPRISE ......................................6
LE LEAN MANAGEMENT APPLIQUÉ AUX INFRASTRUCTURES DU SI ...................................................................... 6
S’inspirer des démarches des secteurs de l’industrie ....................................................................6
Le cas du lean management dans le département IT - BNL-BNP Paribas ......................................7
LE LEAN MANAGEMENT APPLIQUÉ AUX ÉTUDES DU SI ..................................................................................... 8
Le lean management et la démarche Agile ...................................................................................8
La transposition du lean management dans le développement applicatif d’une grande
entreprise IT - Amadeus ................................................................................................................9
Le cas du développement d’une application de gestion des licences dans un grand groupe
bancaire....................................................................................................................................... 10
LE SI « INDUCTEUR » DU LEAN MANAGEMENT DANS LES MÉTIERS ...................................................................... 12
LE LIEU OÙ TRANSITENT TOUTES LES INFORMATIONS .................................................................................... 12
BUSINESS CASE : PROCESS CHANGE REQUEST CHEZ TOYOTA MOTOR EUROPE (TME) ...................................... 12
Le contexte de Toyota Motor Europe (TME) .............................................................................. 13
Le cas étudié : Process Change Request...................................................................................... 14
LE RÔLE DU LEAN MANAGEMENT ET DE LA DSI AU REGARD DES TRANSFORMATIONS DE L’ENTREPRISE INDUITES PAR LE
NUMÉRIQUE .............................................................................................................................................. 17
L’ENTREPRISE NUMÉRIQUE ET SES TRANSFORMATIONS ................................................................................. 17
LE CAS D’UNE TRANSFORMATION DE LA RECHERCHE PAR LE BIG DATA ............................................................. 18
QUEL RÔLE POUR LE LEAN MANAGEMENT ? ................................................................................................ 19
CONCLUSION ............................................................................................................................................. 21
CE QUE LE GROUPE A TIRÉ DE L’ACTIVITÉ .................................................................................................... 21
UNE SÉLECTION DES BONNES PRATIQUES .................................................................................................... 21
LES PISTES DE RÉFLEXIONS OUVERTES......................................................................................................... 21
Table des illustrations
Figure 1 - Visite du groupe de travail à la DSI de Toyota Motor Europe le 3 février 2012 ......................2
Figure 2 - Illustration de la réduction du traitement des incidents d'un support de niveau 2 ou 3 ........8
Figure 3 - Cohabitation du cycle en V et de la démarche Agile................................................................9
Figure 4 - Le projet quantifié en délai, coût et qualité. ......................................................................... 15
Figure 5 - Les résultats du projet ........................................................................................................... 15
Figure 6 - Epidémiologie sur les Exaoctets de Google........................................................................... 18
Figure 7 - Big Data, impact sur la recherche et l’innovation ................................................................. 19
Figure 8 - Lean management et Entreprise numérique ........................................................................ 20
Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
INTRODUCTION
AVERTISSEMENT
Ce rapport adresse les questionnements du lean management appliqué à la DSI, il identifie en
quoi le SI peut être inducteur du lean management dans les métiers et s’interroge sur le rôle
du lean management et de la DSI au regard des transformations de l’entreprises induites par
le numérique.
Ce rapport ne traite pas de la pertinence de la mise en place du lean management dans les
métiers en tant que telle, et s’adresse à un public déjà familiarisé avec les principes de base
du lean management.
CONTEXTE DE L’ACTIVITÉ
Le TPS (Toyota Production System) créé au sein de Toyota dans les années 1950-1960 a été
révélé par les chercheurs du MIT dans les années 1980 sous le terme de lean management.
Adaptable à tous les secteurs économiques, le lean management est actuellement
principalement implanté dans l'industrie. Il a ensuite dépassé le cadre initial de
l'organisation de la production, pour combattre tous les types d’inefficacité : son intérêt
s'étend aux services administratifs (lean office) et au développement de produits (lean
development). Aujourd’hui, le lean management serait une méthode pertinente pour
canaliser et tirer le meilleur parti du potentiel offert par les technologies numériques.
OBJECTIFS DE L’ACTIVITÉ
Le groupe de travail CIGREF « Quel SI pour la firme lean ? » a étudié la relation entre le lean
management et le Système d’Information.
Pour ce faire, les membres du groupe de travail ont d’abord exploré des pratiques de lean
management appliquées au SI, d’une part dans les infrastructures, et d’autre part dans les
études.
Les membres ont ensuite étendu la réflexion à l’effet d’un SI dit « inducteur » ou
« contribuant » au lean management dans les métiers de l’entreprise. En effet, passer la DSI
en lean management adresse de 2 à 10 % de « l’activité » de la firme, alors qu’un SI « lean
contribuant », voire « lean inducteur », pourrait en adresser de 20 à 100 %. 1
1
« Systèmes de Production », École des Mines, Centre de Recherche en Informatique, P. DELORT, (2011).
1
Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
Finalement, l’activité a permis de réfléchir au rôle de la DSI et du lean management dans le
contexte actuel de l’entreprise numérique. Les objectifs de l’activité ont ainsi été traduits par
les questionnements suivants2 :
•
Un SI en lean management a-t-il un sens ?
•
Comment gouverner, architecturer et gérer le SI pour induire ou aider le lean
management des métiers ?
•
Quelles règles ou bonnes pratiques peuvent être appliquées au SI pour faciliter le
lean management dans les métiers, sans aller jusqu’aux travers de l’automatisation ?
•
Le lean management est-il un moyen efficace pour tirer parti des transformations
actuelles de l’entreprise ?
ORGANISATION DE L’ACTIVITÉ
L’activité a alterné des retours d'expériences d'entreprises qui ont formalisé leur modèle
d'organisation en lean management et des interventions d'experts extérieurs.
Le groupe de travail a par ailleurs échangé sur la problématique du lean management avec
des représentants de la DSI de Toyota Motor Europe lors d’une visite à leur siège à Bruxelles.
Figure 1 - Visite du groupe de travail à la DSI de Toyota Motor Europe le 3 février 2012
De gauche à droite : Jean-Pierre DELVAUX, consultant indépendant ; Konstantinos VOYIATZIS, DSI NEXANS ; Catherine
POMMIER, Responsable Qualité Système d’Information RFF ; Pierre DELORT, DSI Inserm ; Emmanuel GAUDIN, DSI
Lagardère ; Anne-Sophie BOISARD, Chargée de Recherche CIGREF ; Pierre MASAI, Vice-Président des Systèmes
d’Information Toyota Motor Europe ; Muriel MATHELET, Amadeus ; Jean-Étienne GUIOT, Renault ; Bernard COHEN, IT
gouvernance PSA Peugeot Citroën ; Hiro WATARAI, Project Manager Toyota Motor Europe ; Marc ANTROBUS, IT Manager
Toyota Motor Europe ; Philip RADEMAKERS, IT Manager Purchasing, Warranty, Supplier Quality business support Toyota
Motor Europe - Photographie : Armand FRANCOIS, Assistant de Recherche CIGREF.
2
Les questions que se posent majoritairement les DSI au sujet du Lean Management, selon Marie-Pia IGNACE,
OPERAE PARTNERS.
2
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Quel SI pour la firme lean ?
Les thématiques abordées lors des réunions de travail ont concerné :
• Le lean management appliqué aux infrastructures du SI
Les membres du CIGREF se retrouvent-ils dans les conclusions de McKinsey (2007) 3 à propos de la
mise en œuvre du lean aux infrastructures IT : quels sont les gains de qualité, productivité,
réactivité ? Quelle réduction des « gaspillages » (les 8 types de pertes) ? Comment s’est effectuée la
mise en œuvre du lean management (réduction des pertes, organisation et compétences,
management par la performance, accompagnement au changement) dans les entreprises ? Quels ont
été les facteurs de succès (support du top management, sélection de pilotes, appel à experts) ?
• Le lean management appliqué aux études du SI
Les effets du lean management appliqué aux études paraissent plus mitigés : on ne note pas
d’augmentation de la productivité mais une meilleure intégration de la volatilité des spécifications
(moins de « replanification »). Qu’en est-il chez nos membres ? La mise en place du lean
management appliqué aux études chez les participants a-t-il changé la relation entre la DSI et ses
utilisateurs (côté métier) ?
• Le SI inducteur du lean management dans les métiers
Au-delà de l’approche process, quelles sont les règles de décision, conception, construction,
exploitation et … utilisation d’un SI codant le lean ? (opérations larges à retour d’information,
ergonomie…)
• Le lean management et les transformations de l’Entreprise Numérique
Comment concilier les principes du lean management et la vision de « l’entreprise numérique »
(orientation client, nouvelles formes organisationnelles, collaboratif, Big Data, Innovation
ouverte,…) ?
3
« Making IT Infrastructure Operations « Lean » », McKinsey&Company (01/2007).
3
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Quel SI pour la firme lean ?
POSITION ET DÉFINITION DU GROUPE RELATIVEMENT AU LEAN
La maturité des démarches et l’intérêt des entreprises membres du CIGREF pour le lean
management est variable. Face à la complexité et les multiples interprétations d’un tel
concept, les membres ont défini une liste des principes de référence qui peuvent servir de
base de discussion entre la DSI et les différentes directions de l’entreprise.
L’ÉTAT DES DÉMARCHES DE LEAN MANAGEMENT AU SEIN DES ENTREPRISES
La maturité des démarches lean management mises en œuvre dans les entreprises membres
du CIGREF participant au groupe de travail est variable. Certaines entreprises n’ont pas
encore initié de démarches lean management ou celles-ci n’ont pas été formalisées.
D’autres ont appliqué le lean management depuis plusieurs années à une ou plusieurs
fonctions de l’entreprise, notamment aux fonctions de production et souhaitent maintenant
l’étendre aux fonctions administratives, au Système d’Information ou de manière générale à
toute gestion de projet. Dans certains cas, le lean management est le principe de
management central de l’entreprise. L’intérêt pour le lean management est
systématiquement exprimé en termes d’efficience des processus de l’entreprise, et plus
précisément par la réduction des sources de gaspillage.
Les démarches lean management sont principalement tirées par les Métiers, elles s’insèrent
parfois dans le cadre d’une démarche Qualité d’amélioration continue. De par le niveau
actuel de pénétration du Système d’Information dans l’entreprise, la DSI est la fonction la
plus à même de détecter et de mesurer les écarts de performance. De plus, chaque
transformation organisationnelle passe par une modification du SI. La DSI serait alors la
fonction la plus pertinente pour piloter une démarche lean management.
Même si la démarche du lean management est encadrée par un grand nombre de principes,
tels que ceux issus du Toyota Production Système, les interprétations du lean management
sont multiples. Le lean management est un ensemble d’outils complexes et puissants,
difficile à appréhender. Sa mise en œuvre doit être effectuée avec la plus grande prudence,
afin d’éviter certaines incompréhensions. Ainsi, les membres du CIGREF qui ont déployé une
démarche lean management n’emploient pas ce qualificatif pour promouvoir la
réorganisation initiée. Les démarches s’appellent alors :
• OTR (Organisation du Travail Responsabilisant)
• Faurecia Excellency System
• Le Gemplus Production System
Par ailleurs, les principes du lean peuvent également être appliqués aux organisations sans
être formalisés, tout ou partie de ces principes peuvent être appliqués.
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Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
PRINCIPES DU LEAN MANAGEMENT
Le lean management, comme tous les concepts, est associé à de multiples définitions plus
ou moins précises et complètes. Le groupe de travail a établi une liste de principes qui
correspondent à sa propre compréhension du lean management au regard des pratiques en
œuvre dans les entreprises membres. Il est ainsi caractérisé par une volonté d’amélioration
des processus : l’objectif est la réduction du temps d’écoulement ou lead-time par
l’identification puis l’élimination des gaspillages ou encore tout ce qui n’apporte pas de
valeur au client final.
1. La mise sous tension de l’organisation avec une dynamique d’amélioration continue :
la standardisation ou la formalisation de l’état de l’art, ou de la meilleure pratique,
sert donc de base à la réflexion pour l’amélioration, ceci conduisant à la définition
d’un nouveau standard au terme d’un cycle PDCA (ou Roue de Deming).
2. L’implication de tous les membres de l’organisation, quelle que soit leur position
hiérarchique dans l’amélioration implique le développement des compétences de
tous ou encore de leur polyvalence (capacité à connaitre et à exécuter plusieurs
missions complémentaires au bénéfice du client final).
3. Dans ce cadre de polyvalence, d’amélioration continue et de recherche de
standardisation, la mise en place du management visuel 4 constitue donc une
synthèse permettant à la fois de connaitre l’état d’un processus, de visualiser un
standard et d’impliquer tous les membres d’une organisation à la bonne
compréhension de la situation et à la réaction adéquate pour revenir au standard.
4. Le déploiement du lean management passe par la maîtrise de plusieurs
méthodologies, et en particulier d’une méthode rigoureuse de résolution de
problèmes qui aidera l’organisation à mettre en œuvre les facteurs précédemment
cités. Ce volet du lean management qui est moins formalisé dans la culture japonaise,
reste indispensable en Occident pour encadrer la démarche et mieux visualiser les
objectifs d’une culture.
5. Enfin, le lean management doit être porté comme un nouveau système de
management pour l’entreprise et, à ce titre il nécessite une gouvernance appropriée :
un soutien fort de la direction générale, un apport éventuel d’experts sur les
méthodes et outils, et un accompagnement des DRH dans les changements induits
(formation, métier, rémunérations collectives…).
4
Le management visuel s’attache à fournir des informations précises sur l’état d’une activité ou d’un projet. Il
se fonde sur l’accessibilité et la transparence des résultats en temps réel pour améliorer la réactivité aux
problèmes rencontrés.
5
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Quel SI pour la firme lean ?
LE LEAN MANAGEMENT APPLIQUÉ À LA DSI POUR FAVORISER LE BUSINESS DE
L’ENTREPRISE
« Beaucoup de méthodes et d’outils peuvent être apportés par le lean manufacturing à une
DSI, et tout particulièrement à ses processus de production et d’infrastructure » (intervenant
du groupe de travail)
C’est dans les domaines des infrastructures et de la production que le lean management
semble le plus aisé à mettre en place, en s’inspirant des exemples de l’industrie pour initier
une démarche de lean management dans l’organisation des datacenters ou des productions
récurrentes. Dans le domaine des études, il est nécessaire de transposer et adapter les
concepts initiaux.
LE LEAN MANAGEMENT APPLIQUÉ AUX INFRASTRUCTURES DU SI
S’inspirer des démarches des secteurs de l’industrie
Le retour d’expérience de la mise en œuvre du lean management dans une entreprise du
secteur « semi-conducteurs » a montré l’analogie des problématiques rencontrées avec
celles des infrastructures d’un SI et des facteurs clés liés à une telle mise en œuvre :
1. Obtenir un sponsoring fort des N+1.
2. Convaincre les sceptiques grâce à des « success stories » rédigées par les plus
convaincus.
3. Recruter des ressources expertes dans les principes et outils du nouveau système
pour aider les opérationnels sur le terrain. L’externalisation de l’expertise reste un
point de vigilance particulier par rapport à la culture de l’entreprise et la conduite du
changement.
« Les démarches proposées par certains cabinets de consulting sont parfois
« violentes » et au final moins robustes, notamment parce que le changement culturel
nécessite du temps et ne peut pas être imposé uniquement par le haut. » (DSI,
membre du groupe de travail)
4. Faire adhérer les métiers transverses : RH, qualité, supply chain, sécurité.
5. Auditer suffisamment les pratiques pour aider les opérationnels à mieux comprendre
les cibles et leur permettre d’établir régulièrement un plan de progrès adapté à leur
contexte. Cela permet également aux N+1 de mesurer la bonne mise en place de la
démarche.
6. Organiser des visites de benchmark externe pour se convaincre de la puissance des
concepts et outils.
6
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Quel SI pour la firme lean ?
Le cas du lean management dans le département IT - BNL-BNP Paribas5
En 2006, la BNL-BNP Paribas (Banca Nazionale del Lavoro) a fait appel à un cabinet de
consulting pour initier une démarche de lean management dans les processus du Back
Office. A partir de 2009, la démarche est étendue aux processus Development and
monitoring du département IT. Bien que le cabinet ait une grande expérience et une
approche très efficace, l’entreprise a dû, à terme, trouver son Sensei 6, se réapproprier la
démarche lean et former des ressources humaines internes, moins coûteuses et plus
proches de la culture de l’entreprise.
Dans ce type de démarche, les changements impulsés par le top management et leurs
implications directes dans le travail des opérateurs de rang 1 impactent particulièrement les
managers intermédiaires. Ces derniers peuvent alors éprouver un sentiment
d’incompréhension et de perte de maîtrise de leur équipe. Par conséquent, un
accompagnement spécifique est nécessaire.
Quelques principes ne doivent pas être oubliés lorsque la mise en œuvre du lean
management dans les infrastructures du SI est directement inspirée du service de
production de l’entreprise :
• Faciliter les passerelles entre le monde de l’usine et celui des informaticiens. Leur
culture et leur langage sont différents.
• Les Kanbans ne sont qu’un outil parmi d’autres.
• Déléguer au maximum les principes de l’amélioration continue aux opérateurs de
rang 1.
• Respecter les personnes et le sens qu’elles donnent à leur travail.
• Le lean management réaffecte rapidement une capacité de travail, qu’il est
préférable de réinjecter dans des postes à plus grande valeur ajoutée.
5
Commentaires de Marie-Pia IGNACE, Vice-présidente de l’Institut Lean France et co-animatrice du
regroupement Operae Partners, d’après une présentation de Paul Tysens disponible en ligne.
(http://www.slideshare.net/operaepartners/lean-in-a-bank-it-department-by-paul-thysens)
6
Le sensei est un terme japonais qui dans son acceptation générale signifie le maître, le professeur,
l’enseignant. Appliqué au lean Management, le Sensei désigne dans l’entreprise une personne ayant une
maîtrise de la connaissance lean et qui accompagne la transmission de ces principes.
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Quel SI pour la firme lean ?
LE LEAN MANAGEMENT APPLIQUÉ AUX ÉTUDES DU SI
Figure 2 - Illustration de la réduction du traitement des incidents d'un support de niveau 2 ou 3
(Source : Operae Partners)
Le lean management et la démarche Agile
D’après le groupe de travail, la démarche Agile ne doit pas être considérée comme une
démarche de lean management à part entière. A l’origine, la démarche Agile est un
ensemble de méthodes dédiées à la gestion de projet dont la livraison rapide est un aspect
fondamental. Bien qu’elle partage la promesse d’une augmentation de la valeur ajoutée
pour l’utilisateur final, elle n’a pas vocation à être une méthode de management
systémique. La démarche Agile serait alors un des nombreux outils qui peuvent être intégrés
dans une démarche globale de lean management.
Cependant, chaque entreprise adapte et s’approprie plus ou moins une démarche de
management. Les outils évoluent en fonction du contexte et de la stratégie de l’entreprise,
les acronymes utilisés pour qualifier la méthode de management de l’entreprise peuvent
alors traduire des réalités différentes des concepts initiaux.
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Quel SI pour la firme lean ?
La transposition du lean management dans le développement applicatif
d’une grande entreprise IT - Amadeus
Amadeus offre des solutions technologiques aux distributeurs, aux fournisseurs de services
de tourisme et aux acheteurs de voyages.
La particularité d’Amadeus est d’avoir adapté à la fois les principes du lean management et
les principes des démarches Agile dans le but d’apporter une cohérence d’ensemble aux
équipes de développement, d’éliminer les gaspillages, d’amplifier la collaboration…
Dans cette entreprise, le déploiement du lean management concerne environ 500
personnes. Les facteurs clés de succès de ce déploiement sont :
• L’importance de descendre hiérarchiquement le pouvoir de décision afin d’améliorer
la réponse aux changements.
• La méthode Agile demande une présence importante du client, et n’est pas
pertinente lorsqu’un respect des jalons est impératif (exigence du client, projet
faisant partie d’un sur-ensemble…). Un bon compromis est alors de mixer un projet
en cycle en V pour l’interfaçage client, avec la méthode Agile pour l’agilité des
développements internes.
• Les retours d’expérience doivent être organisés pendant les projets et non pas après,
car les équipes perdent leur motivation avec le temps.
• Le management visuel doit être utilisé intelligemment pour éviter la surabondance
d’information tout en donnant de la transparence aux projets. Le multi-site et la
nécessité de dématérialiser le management visuel rajoutent un point de difficulté, les
outils informatiques qui permettent de le gérer ne couvrent pas tous les besoins.
• Les études d’incidence sur les coûts de développement ne sont pas évidentes à
mettre en œuvre. Pour vendre la démarche auprès de la direction, l’équipe lean
management peut faire un « coup marketing » basé sur le concept et la connotation
positive « Agile » accompagné d’une meilleure motivation du staff, basée sur leur
responsabilisation, ou la recherche d’amélioration continue.
Figure 3 - Cohabitation du cycle en V et de la démarche Agile
Source : Amadeus
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Quel SI pour la firme lean ?
Le cas du développement d’une application de gestion des licences dans un
grand groupe bancaire
Suite à l’échec (aucun résultat après 2 ans) dans la mise en place d’un projet de lean
management accompagné par un cabinet de consulting, l’entreprise a décidé de confier le
projet à une équipe mobilisée à temps plein et connaissant parfaitement la culture du lean
management. Les points essentiels mis en évidence dans cette démarche sont :
• L’accompagnement au changement culturel s’effectue sur le long terme : le concept
« lean » provient des USA, où des consultants ont essayé de transposer le concept
d’origine japonaise aux entreprises américaines. Or la compréhension d’une autre
culture n’est pas chose aisée et nécessite un certain nombre d’investissements. Par
exemple, la standardisation des tâches se fait avec beaucoup moins de difficulté au
Japon.
• La mise en place du lean dans l’informatique doit se faire en permettant, comme
pour le lean manufacturing, de penser la production simultanément au produit grâce
à une équipe dédiée et une ingénierie de process.
• La participation de l’ensemble des parties prenantes à la prise de décision est un
point essentiel dans l’efficacité d’une démarche lean. Mais cela reste difficile pour
notre culture.
• Peu d’entreprises semblent spécialisées dans la mise en place de démarches lean
relatives au développement applicatif, cependant les boites à outil issues des
démarches Qualité sont tout à fait appropriées et transposables.
• De même la résolution de problème n’est pas envisagée de manière identique entre
les cultures. L’équipe responsable du lean management est un coach en résolution
de problèmes, et il faut expliquer que les problèmes à résoudre ne doivent pas être
perçus comme des délits.
L’application de tout ou partie des principes du lean management a tout son sens pour
gouverner, architecturer et gérer le SI de l’entreprise :
1. Le Juste à temps consiste, de manière globale, en la « réduction de la non valeur
ajoutée », notamment la réduction du Lead Time, c’est-à-dire du délai entre
l’initiation du processus et la livraison à l’utilisateur final. Cette réduction peut
s’effectuer par l’élimination de processus inutiles, un travail sur les 7 gaspillages, etc.
Pour les études du SI, cette réduction peut s’effectuer par l’emploi de méthodes de
développement à la fois adaptées pour le client et pour l’efficacité de l’équipe de
développeurs (par exemple : un bon dosage entre cycle en V, Agile ou Scrum). Ne
faire que ce qui est nécessaire, ce qui est bien souvent contraire aux préceptes issus
des écoles d’ingénieurs.
2. La Standardisation des opérations peut passer par la technique classique du 5S,
particulièrement applicable au Data Center, ainsi que de manière générale par
l’utilisation rigoureuse de méthodes de gestion de projet. Les outils de Ticketing sont
également souvent mis en avant. Dans le développement applicatif, la mise en place
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Quel SI pour la firme lean ?
d’une gestion d’un catalogue interne de produits et services réduit la redondance des
composants aux niveaux technique et fonctionnel.
3. La gestion de la Polyvalence des hommes managés par le lean management
nécessite d’assurer une bonne formation et de déployer des Skills Matrix. Le lean
management doit permettre entre autres de faciliter le travail des équipes de
production, de gérer efficacement les compétences, d’accroitre la montée en
autonomie des équipes, de planifier les ressources, de répartir la demande client et
ainsi de se projeter au-delà des pratiques quotidiennes.
4. Le Visual management permet de matérialiser efficacement les principes du lean
management. Cela passe, par exemple, par le partage visuel dans un lieu accessible
des actions, des plannings, des problèmes et des indicateurs de suivi de la
performance, ou encore par l’organisation de réunions éclairs (5 minutes).
5. La Résolution de problèmes doit considérer les problèmes comme des opportunités
et adresser la cause plutôt que le symptôme. Plusieurs méthodes peuvent faciliter ce
travail : la mise en place de matrice de résolution de problèmes et l’incitation à
l’auto-qualité, la méthode du A3 ou la méthode du QRCI-8D…
6. Tous ces éléments nécessitent une Gouvernance adaptée afin de donner du sens à la
démarche, d’impliquer les équipes sur le terrain, de respecter les personnes et
d’obtenir un soutien fort du top-management. Il peut être adéquat de désigner un
gardien du lean (un ingénieur en chef). Celui-ci doit être « polyglotte », c'est-à-dire
capable de comprendre le langage, la vision, les besoins de l’ensemble des acteurs,
c’est un véritable médiateur interculturel de proximité. Il doit garantir que les
opérations répondent bien à un besoin collectif et non individuel.
Cependant, la philosophie du lean management est un changement culturel radical pour
certaines organisations. Il est ainsi pertinent de :
• appliquer le lean management par étape, en commençant par les processus répétitifs
et simples ;
• mettre en œuvre des méthodes de type Agile associées à un cadre global
d’ingénierie ;
• mettre en place une gestion des tâches par priorités ou par contraintes ;
• documenter progressivement les processus afin de favoriser la réutilisation.
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Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
LE SI « INDUCTEUR » DU LEAN MANAGEMENT DANS LES MÉTIERS
LE LIEU OÙ TRANSITENT TOUTES LES INFORMATIONS
De par le niveau actuel de pénétration du Système d’Information dans l’entreprise et la
complexification des flux de données, la DSI est le lieu où transitent toutes les informations,
elle est l’une des fonctions à même de détecter et de mesurer les écarts de performance.
Lors de changements organisationnels, la DSI peut alors saisir l’opportunité de piloter ou copiloter une démarche lean management. La DSI, qui a réussi à appliquer le lean
management pour son propre fonctionnement et a acquis suffisamment d’expérience, peut
devenir le leader de l’entreprise en termes de conduite des projets de lean management.
Les équipes SI en charge du lean management peuvent acquérir de l’expérience par un
contact répété avec les équipes métiers. Elles peuvent ensuite apporter leur expérience aux
métiers en ce qui concerne la maîtrise des flux de données et le passage de l’approche
produit à l’approche process.
BUSINESS CASE : PROCESS CHANGE REQUEST CHEZ TOYOTA MOTOR EUROPE
(TME)
Les membres du groupe de travail ont visité la DSI de TME afin de réaliser ce business case.
Le but de cette visite était l’échange large et en situation (Gemba) sur la contribution de la
fonction SI, et du SI à la mise en œuvre du lean management dans l’entreprise (et en
l’occurrence hors DSI). La DSI de TME a montré la possibilité d’appliquer pour le SI les 14
principes issus du Toyota Production Système (TPS) :
1. Faire toujours le lien avec les besoins du client ;
2. Se concentrer sur la valeur ajoutée pour le client ; développer des processus en flux
continu en éliminant les gaspillages (Muda) ;
3. Éviter la sur- ou sous-activité. Segmenter le travail en petites tâches ;
4. Prendre les décisions sur le terrain (Gemba) ;
5. Stopper et revoir le processus dès l’apparition d’un problème (Jidoka) ;
6. Mettre en œuvre un processus standard ;
7. Utiliser la technologie pour accompagner la mise en œuvre des processus ;
8. Rendre visible le processus et ses résultats ;
9. Développer l’esprit d’équipe ;
10. Intégrer les fournisseurs ;
11. Utiliser les principes du PDCA pour développer une démarche d’amélioration
continue ;
12. Prendre des décisions après un consensus et en considérant toutes les options ;
13. Baser ses décisions sur la vision à long terme ;
14. S’assurer que les managers ont toujours une compréhension complète et précise du
système Toyota.
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Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
Le contexte de Toyota Motor Europe (TME)
Les valeurs de TME
D’une part, les décisions sont prises sur le long terme et la construction d’une organisation
apprenante est importante. Les principes d’apprentissage sont pris en compte, ainsi que la
croissance des savoir-faire, par exemple en connaissance du Business pour les architectes, en
Java pour les analystes… D’autre part, le choix de l’internalisation/externalisation du travail à
la DSI TME prend en compte la charge des équipes, les coûts, mais également le maintien de
l’emploi sur le long terme, un des éléments de la politique Toyota.
Les outils et mécanismes de prise de décision
La DSI de TME utilise les outils de résolution de problème et de partage d’idées du Toyota
Production Système, appelés “Stop and solve problems“, A3, démarche Nemawashi large
(en tête à tête avec toutes les parties prenantes au projet utilisateurs, mais également
prédécesseurs sur le poste…) menée en Ringi, la réunion finale, censément de prise de
décision, étant de pure forme.
La fonction Système d’Information
M. Masai, DSI de TME présente l’objectif du SI comme étant de contribuer à l’amélioration
du business, et pas seulement de fournir du logiciel. Pour ce faire, sont nécessaires :
•
une direction claire (déploiement d’objectifs jusqu’au niveau de chaque individu et
en cohérence avec la stratégie de la compagnie : Hoshin Kanri) aidant à atteindre les
objectifs principaux et à réagir rapidement aux évolutions de l’environnement ;
•
un management des process et de leurs résultats par le PDCA (Plan-Do-Check-Act),
systématique ; chaque projet de la DSI, qui sont autant de projets de performance, a
son PDCA ;
•
une approche complémentaire aux objectifs stratégiques et pratiques : ainsi la DSI se
focalise-t-elle davantage sur ce dont la compagnie a besoin, plutôt que sur les
demandes des utilisateurs ;
•
une focalisation process (« fix Business process first ») : Toyota réfléchit d’abord au
process ; des prototypes IT peuvent être faits sur une section ou un segment du
business, pour automatisation future.
La DSI de TME gère un plan à moyen terme se caractérisant par : communication,
identification des besoins, synthèse et construction du consensus. Son rôle en « Business
kaizen » est d’autant plus marqué que le métier, comme le marketing, le commercial…, est
moins familiarisé avec ces outils (à l’inverse de la production).
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Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
Le cas étudié : Process Change Request
Le Process Change Request est la proposition, par un fournisseur, d’un changement dans le
process de fabrication (de véhicule), ce changement devant apporter des
améliorations/économies aux deux parties. Ce changement doit être approuvé par Toyota
(et donc par les structures concourant à la conception/acquisition/fabrication/
commercialisation … d’un véhicule).
Ce process, aucunement outillé, connaissait un taux de rebut allant jusqu’à 30% (arrêt du
process quelle qu’en soit la cause : mobilité des personnes chez le fournisseur ou à TME,
perte de documents…), un temps de cycle jugé long, une efficacité faible…
Le projet, de taille moyenne (env. 400 k€, 9 mois environ), a été réalisé par une SSII turque,
pour des questions de coût et de disponibilité des équipes TME. Ses intervenants ont,
comme ceux de TME, participé aux démarches Genchi Gembutsu sur le sujet.
Sont distinguées quatre phases aux projets informatiques de TME :
1. Requirement ;
2. Design ;
3. Construct ;
4. Test.
Le Requirement consiste en la réalisation du A3 (surnommé Ringi : « tueur de réunions »),
résultat d’un Nemawashi de 5 mois environ (sur 9 mois de projet). Cette phase a été réalisée
par le « Business » et la DSI. Toutes les options sont considérées (pas de sacralisation des
besoins utilisateurs, des prototypes partiels ont été mis en œuvre durant cette phase pour
test du process et évaluation).
Le A3 du projet comporte les parties normalisées de :
• contexte de la décision ;
• situation actuelle et problèmes rencontrés ;
• situation à atteindre et améliorations à mettre en œuvre ;
• bénéfices envisagés et coûts éventuels ;
• organisation du projet ;
• situation par rapport au plan d’actions stratégiques (long terme) ;
• retour sur investissement prévu.
Le A3 a été montré et commenté. Des extraits sont présentés en figures 4 et 5 ci-après.
Ensuite les trois phases de Design, Construct & Test sont menées en temps de cycle court,
deux livraisons par semaine, ce qui permet de mettre en œuvre les principes fondamentaux
de :
• Heijunka (lissage de charge entre les différents profils d’intervenants sur ces trois
phases)
• Jidoka (identification au plus tôt des anomalies, outillage avec JUnit test case)
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Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
Le résultat des tests est partagé avec les fournisseurs et des tests automatiques, pouvant
entraîner revue de code, sont utilisés.
L’échange entre les intervenants (fournisseurs inclus) est aidé par des outils de visualisation
(Obeya…).
Suivi du projet
Le projet fait l’objet d’un suivi et d’un bilan en terme 1) de planning, 2)de qualité du logiciel
produit et 3) de coût du support après mise en production :
Figure 4 - Le projet quantifié en délai, coût et qualité.
(Source : Toyoto Motor Europe)
Résultats
Les résultats du projet sont synthétisés dans le tableau en figure 5 ci-après et incluent :
• la non disparition des demandes de changement (de 30% estimé à 0) ;
• le maintien du temps de cycle du process (110 jours avant, 112 jours après, pour un
objectif de 90 jours) ;
• la standardisation du process et le suivi paneuropéen des demandes de changement.
Figure 5 - Les résultats du projet
(Source : Toyoto Motor Europe)
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Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
Le lean management est une méthode de management systémique, bien qu’il soit possible
d’appliquer certains outils indépendamment les uns des autres. La manière la plus
pertinente de tirer le meilleur de cette méthode est de revoir l’organisation entière de
l’entreprise, et notamment la gouvernance. La mise en œuvre du lean management passe
autant par la refonte des processus que par l’organisation des équipes et l’application d’une
méthodologie à la conception des produits et services.
Le Business Case a montré qu’induire le lean management dans les métiers repose sur trois
axes principaux :
• une conception simultanée process/application ;
• des décisions en alignement avec la stratégie à long terme ;
• une organisation très particulière de la fonction « Développement Logiciel », étendue
à l’entreprise (métiers…) et aux fournisseurs.
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Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
LE RÔLE DU LEAN MANAGEMENT ET DE LA DSI AU REGARD DES
TRANSFORMATIONS DE L’ENTREPRISE INDUITES PAR LE NUMÉRIQUE
L’ENTREPRISE NUMÉRIQUE ET SES TRANSFORMATIONS
Le CIGREF, lors de ses 40 ans, a décidé d’orienter son action vers l’entreprise numérique en
publiant un premier ouvrage « Entreprise Numérique, quelle stratégie pour 2015 ? » et en
transformant sa mission pour « promouvoir la culture numérique comme source d’innovation
et de performance ».
Dans cet ouvrage, l’Entreprise numérique est définie comme « une entreprise qui a une
vision numérique et un plan numérique pour toutes les dimensions de son modèle
d’affaires. Elle développe avant tout les savoir-faire et les savoir-être qui vont faire
l’entreprise numérique de demain. »
Dans le contexte économique actuel, un grand nombre de transformations dans la sphère
sociétale et la multiplication de l’offre technologique modifient le rôle et les attentes des
clients/consommateurs, des partenaires et réinterrogent notre rapport au temps.
L’entreprise est poussée à se dématérialiser, à repenser sa stratégie, ses formes
organisationnelles et ses modes de collaboration, tout en prenant en compte l’avènement
de nouveaux risques (précarité de l’écosystème, e-réputation). L’Entreprise numérique peut
ainsi se définir comme un écosystème (clients, fournisseurs, partenaires…) à part entière, à
la représentation non figée, caractérisée par :
•
•
•
•
•
l'omniprésence des technologies numériques (outils de la mobilité, Cloud computing,
réalité virtuelle/augmentée, réseaux sociaux) ;
la dématérialisation des données, des processus informationnels, des
environnements de travail ;
un nouveau rapport au temps communément nommé l’accélération du temps ou
l’augmentation des pressions temporelles ;
l'enchevêtrement des territoires domestique et professionnel ;
la transformation des pratiques culturelles, tels que le Bring Your Own Device, le
Crowdsourcing.
Ces transformations ont des impacts sur toutes les dimensions du modèle d’affaires de
l’entreprise, sur la fonction SI ainsi que sur le rôle du DSI.
L’activité « Quel SI pour la firme lean ? » a analysé ces impacts au regard de l’une de ces
transformations : le Big Data.
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Quel SI pour la firme lean ?
LE CAS D’UNE TRANSFORMATION DE LA RECHERCHE PAR LE BIG DATA
Le Big Data désigne la possibilité de transmettre, stocker, et utiliser des quantités de
données « hors normes »..
Les technologies permettant ce changement d’échelle (peut-être de Tera à Exaoctets)
incluent, sur les dix dernières années, la généralisation des architectures 64 bits, la division
par mille du coût des mémoires Flash/NAND, les Frameworks tel MapReduce….
Un exemple d’usage (figure 6, ci-après, cf. Nature 2009) est la détection avancée des
épidémies de grippe en utilisant le corpus de requêtes stockées par Google depuis une
dizaine d’années.
Un exemple concret de l’implication du Big Data sur notre relation à la donnée est illustré
par l’impact de la recherche par mots-clés sur Google dans l’épidémiologie :
Figure 6 - Epidémiologie sur les Exaoctets de Google
(source : Delort P., Mines-ParisTech, 2012)
Dans la recherche, particulièrement en biosciences, les capacités croissantes des
séquenceurs ADN (doublement tous les six mois), des capteurs, de l’imagerie… et les
technologies du Big Data font que l’approche traditionnelle, dite également expérimentation
ou « hypothèse initiale énoncée » connaît aujourd’hui une alternative valable,
complémentaire et parfois nécessaire, le DataMining et l’induction, opérée à une échelle
massive.
En regard des processus généraux d’innovation des firmes (de génération d’idée à diffusion
figure 7, ci-après) l’effet du Big Data est la forte croissance du besoin en informaticiens et
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Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
surtout en statisticiens, avec effet principalement sur les phases de génération d’idées et de
sélection.
Figure 7 - Big Data, impact sur la recherche et l’innovation
(source : Delort P., Mines-ParisTech, 2012)
Le rôle du DSI pourra inclure celui de « Chief Data Officer », en charge d’un portefeuille de
données d’origines diverses (interne, ouvert, échange, acquisition, résultant de l’action
auprès d’un régulateur…). Le DSI pourra ainsi aider son entreprise à prendre davantage de «
data informed decisions ».
Les DSI pourront intégrer des compétences nouvelles : celles proches des technologies (Inmemory, Framework du Massivement Parallèle, bases No-SQL…) mais également des
analystes/statisticiens, en équipe rapprochée des concepteurs du Datawarehouse.
QUEL RÔLE POUR LE LEAN MANAGEMENT ?
La maîtrise des processus est un enjeu compétitif majeur, face à des défis tels que
l’excellence opérationnelle, l’innovation, l’orientation client ou l’agilité.
D’un coté, le lean management permet d’organiser au mieux les processus SI de l’entreprise
et de l’autre, le SI, de par sa nature, peut accompagner la démarche d’amélioration continue
de l’entreprise. Le SI, au service des nouvelles « approches organisationnelles 2.0 », modifie
ses frontières, intègre de nouvelles fonctionnalités, et s’ouvre pour apporter de la valeur audelà des processus établis de l’entreprise.
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Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
Le lean management apporte des solutions concrètes aux transformations induites par
l’Entreprise numérique autour de trois aspects : l’orientation client, l’approche process, le
pilotage des flux. Le lean apporte de fait une discipline de management qui permet de bien
orienter les apports du numérique.
Entreprise Numérique
Lean Management
Nouveaux Usages
Omniprésence des
technologies numériques...
Augmentation des
interrelations, flux
informationnels
Changement organisationnel
(mobilité, ...)
La gouvernance
Le visual management
La standardisation des opérations
Juste à Temps (Réduction Gaspilllage)
La polyvalence
Transformations culturelles
Enchevêtrement des
territoires, BYOD...
La résolution des problèmes
Valeur ajoutée - Client
Figure 8 - Lean management et Entreprise numérique
(source: Groupe de travail CIGREF, Andres Hoyos-Gomez, Directeur Associé, McKinsey & Company)
L’approche lean management donne un nouveau sens à l’expression « orienter le processus
vers le client » : le processus devient un outil pour capturer les attentes du client et
optimiser la valeur qui lui est proposée.7
7
In Caseau Yves, 2011, Processus et Entreprise 2.0 - Innover par la collaboration et le lean management, Dunod.
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Octobre 2012
Quel SI pour la firme lean ?
CONCLUSION
CE QUE LE GROUPE A TIRÉ DE L’ACTIVITÉ
Ce groupe de travail a permis, non seulement d’adresser les questionnements du lean
management appliqué à la DSI, que cela soit dans le domaine des infrastructures ou des
études, mais aussi d’identifier en quoi le SI peut être inducteur du lean management dans
les métiers, et enfin quel peut être le rôle du lean management et de la DSI au regard des
transformations de l’entreprise induites par le numérique.
UNE SÉLECTION DES BONNES PRATIQUES
Les bonnes pratiques identifiées par le groupe, et détaillées en fin de chaque chapitre, sont ;
• L’application des 6 principes du lean management (juste à temps, standardisation des
opérations, polyvalence, visual management, résolution de problème et gouvernance)
aux activités d’infrastructure et d’études, avec une mise en œuvre adaptée à un
changement culturel nécessaire mais pouvant être radical ;
• L’intégration entre long-terme, conception process/application et organisation du
développement logiciel permettant d’induire le lean dans les métiers.
• Et enfin le fait que face aux transformations de l’entreprise numérique, cf. exemple du
Big Data, le lean management apporte une discipline de management.
LES PISTES DE RÉFLEXIONS OUVERTES
A la conclusion des travaux, les membres du groupe ont noté trois pistes de réflexion :
1. Quel est le rôle de l’ergonomie applicative pour induire le lean dans les métiers ?
2. Le modèle de développement logiciel de certains acteurs tels que Google est-il un
composant efficace de l’entreprise numérique ?
3. Parmi les différents modèles de développement logiciel, quel est celui à privilégier en
fonction d’enjeux Business du métier ?
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CIGREF
21 avenue de Messine
75008 PARIS
Tel. : +33 1 56 59 70 00
Fax : +33 1 56 59 70 01
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