Université Nancy 2 Démographie Chapitre 2 L2 économie 2010-2011 Mme Chaupain-Guillot 1 Chapitre 2 : natalité et fécondité ⇒ les naissances définition des termes : ● fertilité (fecondity) = capacité biologique à procréer ≠ stérilité ● fécondité (fertility) = elle suppose la fertilité et dépend aussi de la fécondabilité (= probabilité de conception au cours d’une période) ● natalité ⇔ naissances rapportées à l’ensemble de la population ● fécondité ⇔ naissances rapportées à l’ensemble des femmes en âge de procréer Section 1 : analyse économique de la fécondité Section 2 : analyse statistique de la fécondité Section 3 : faits statistiques (France, Europe, Monde) 2 Chapitre 2 Section 1 : analyse économique Rôle de l’économie sur les naissances ? * opposition ancienne entre populationnistes et malthusiens * deux courants plus récents : - New Home Economics de Gary Becker - théorie des cycles de Richard Easterlin 3 Chapitre 2 Section 1 : analyse économique Populationnisme - mercantilistes des XVIe et XVIIe siècles : Jean Bodin (1530-1596), Antoine de Montchrestien (1575-1621) : « Il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de sujets, car il n’y a richesse ni force que d’hommes » (Réponses aux paradoxes de Monsieur de Malestroit, 1568). - Arsène Dumont (Dépopulation et civilisation, Etude démographique, 1890) - Paul Leroy-Beaulieu (La question de la population, 1913) - Adolphe Landry (La révolution démographique, 1934) Arguments militaires, politiques, religieux mais aussi économiques ⇒ la croissance démographique est nécessaire à la croissance économique Baisse de la fécondité due à un égoïsme des parents, à la possibilité pour les mères d’exercer une activité professionnelle et au phénomène de « capillarité sociale » 4 Chapitre 2 Section 1 : analyse économique Anti-populationnisme = malthusianisme - depuis l’Antiquité grecque : Platon (428-347 av. J.-C.), Aristote (385322 av. J.-C.) - thèse reprise en Grande-Bretagne au XVIe siècle par Thomas More (1478-1535), Walter Raleigh (1523-1618) ou Thomas Hobbes (1588-1679) - reprise et développée au XVIIIe siècle par Thomas R. Malthus (17661834), Essai sur le principe de population (1798, 1ère édition) ⇒ misère humaine due à une population trop nombreuse, dont la croissance (géométrique) est nettement supérieure à celle des subsistances (arithmétique), ce qui s’oppose au bien-être de la population - solutions préconisées : limiter les naissances et supprimer les aides aux pauvres 5 Chapitre 2 Section 1 : analyse économique Critiques au malthusianisme - Karl Marx (1818-1883) : surpopulation et misère = conséquences du mode de production capitaliste (nécessaire armée industrielle de réserve qui permet de maintenir les salaires au niveau le plus bas possible) - Amartya Sen (prix Nobel d’économie en 1998) : la production alimentaire par habitant augmente dans pratiquement toutes les régions du Monde, sauf l’Afrique, et donc la production augmente plus vite que la population ; les famines sont dues à une mauvaise organisation du système de production et de distribution de la nourriture 6 Chapitre 2 Section 1 : analyse économique Optimum de population Doctrine de compromis : précurseur = John Stuart Mill (18061873), puis Edwin Cannan, Wolf (1901) et Knut Wicksell (1901) Il existe un volume de population optimum, qui se situerait au seuil pour lequel la productivité du travail est maximale, mais celui-ci pourrait évoluer en fonction du progrès technique 7 Chapitre 2 Section 1 : analyse économique New Home Economics (nouvelle microéconomie de la famille) de Gary Becker (prix Nobel d’économie en 1992) - hypothèses : agents rationnels, approche statique uni-période et fécondité considérée comme un choix - 1960 : application de la théorie de la consommation à la décision d’avoir des enfants, ceux-ci pouvant être considérés comme des biens, présentant des coûts et des avantages - demande d’enfants = f (revenu, prix) - 2 effets contraires de la hausse du revenu sur la demande d’enfants : * un effet revenu positif * un effet de substitution négatif 8 Chapitre 2 Section 1 : analyse économique New Home Economics (nouvelle microéconomie de la famille) de Gary Becker (prix Nobel d’économie en 1992) - concept de « qualité » des enfants - prise en compte de l’activité de la mère et donc des coûts d’opportunité des enfants - enfants = ensemble de services qui vont produire un certain nombre de satisfactions pour les parents Conclusion : lorsque le revenu augmente, les ménages préfèrent avoir moins d’enfants, mais consacrer davantage de dépenses à l’éducation de chaque enfant 9 Chapitre 2 Section 1 : analyse économique La théorie des cycles de Richard Easterlin (1969) - approche plutôt macroéconomique, en termes de générations - variations de la fécondité liées aux conditions d’insertion des jeunes entrants sur le marché du travail - concept de « revenu relatif » ⇒ cycles d’Easterlin = succession de phases de « baby boom » et de « baby bust » (observée aux Etats-Unis entre 1940 et 1980) 10 Chapitre 2 Section 1 : analyse économique Autres facteurs influençant la fécondité - 4 variables principales, agissant notamment sur la fertilité : * l’âge au mariage * la durée de l’allaitement * la contraception * l’avortement - autres variables explicatives, outre le revenu et les coûts d’opportunité : * niveau d’éducation des femmes * déclin de la religion * activité féminine 11 Chapitre 2 Section 2 : analyse statistique - indicateur ⇔ information résumée, pour un lieu et une date donnés - population d’intérêt ou population de référence à définir - âge de référence : âge atteint dans l’année ou âge en années révolues - génération = ensemble des personnes nées la même année ou ayant connu un événement la même année Plusieurs types d’indicateurs : * indicateurs d’état * indicateurs de mouvements * indicateurs du moment (analyse transversale) * indicateurs de génération (analyse longitudinale) 12 Chapitre 2 Section 2 : analyse statistique Natalité, fécondité 3 types d’effets : * effet de structure * effet de comportement * effet de calendrier ⇒ dissocier l’impact respectif de chacun de ces trois effets Caractéristiques de la fécondité en démographie : * événement renouvelable * étude de la fécondité féminine * tableaux de fécondité 13 Chapitre 2 Section 2 : analyse statistique Ce tableau se présente ainsi : âge en années révolues 15 16 17 . . . . . . 50 nombre de naissances 285 368 472 . . . . . . 227 = tableau de fréquence ⇒ calcul d’indicateurs 14 Chapitre 2 Section 2 : analyse statistique Analyse longitudinale Objet : génération réelle - indicateur d’intensité de la fécondité = descendance finale - informations sûres, mais très tardives 15 Chapitre 2 Section 2 : analyse statistique Analyse transversale Objet : génération fictive, à un moment donné Plusieurs indicateurs : - taux brut de natalité - taux de fécondité général - taux de fécondité légitime - taux de fécondité hors mariage - taux de fécondité par âge - intensité de la fécondité d’une génération fictive = indicateur synthétique de la fécondité ou indicateur conjoncturel de fécondité ou somme des naissances réduites 16 Chapitre 2 Section 2 : analyse statistique Comparaison entre la descendance finale et l’ICF entre 1900 et 2010 = écart entre la fécondité du moment et la fécondité réelle ⇒ effets de calendrier Indicateurs du calendrier de la fécondité : * graphique : courbe des taux de fécondité globaux en fonction de l’âge * numérique : âge moyen à la maternité - proportion de femmes restées sans enfant 17 Chapitre 2 Section 2 : analyse statistique Remplacement des générations ? - chaque mère doit être remplacée par au moins une fille * taux brut de reproduction = ISF × 0,488 * taux net de reproduction, tient compte de la mortalité en pondérant les taux de fécondité par âge par les probabilités de survie, = taux brut × probabilité de survie à l’âge moyen à la maternité - remplacement des générations assuré si taux de reproduction net ≥ 1 - taux de reproduction en années vécues 18 Chapitre 2 Section 2 : analyse statistique Facteurs de la fécondité ? 2 régimes de fécondité : * naturelle ⇒ durée de la période utile entre puberté et ménopause, fertilité du couple, fécondabilité, mortalité intra-utérine, « temps mort » (grossesse et délai de retour de l’ovulation), âge au mariage * dirigée ⇒ stabilité du couple, fin des études, disposition d’un logement, insertion professionnelle, possibilités de concilier vie familiale et vie professionnelle, sentiment général de sécurité face à l’avenir et à la société, sexe des premiers enfants, … 25 Chapitre 2 Section 3 : les faits Liens entre fécondité et activité féminine ? - microéconomie de la famille : hausse de l’activité féminine ⇒ hausse des salaires féminins ⇒ hausse du coût d’opportunité des enfants ⇒ baisse de la fécondité - rôle des politiques familiales (conciliation entre vie familiale et vie professionnelle) - au niveau individuel, relation plutôt négative entre le taux d’activité et le nombre d’enfants - au niveau des pays, la corrélation négative (jusqu’au milieu des années 1980) entre taux d’activité féminine et taux de fécondité devient positive 39 Chapitre 2 Section 3 : les faits Typologie de pays (Rubery, Fagan et Smith, 1996 et Hantrais et Letablier, 1995) : 1) Peu d’effet de la maternité sur le profil d’activité (Danemark, Allemagne de l’est, Portugal) 2) Interruption d’emploi souvent longue à l’arrivée du 1er enfant et éventuelle reprise d’emploi à temps partiel (Pays-Bas, Allemagne de l’ouest, Luxembourg, Royaume-Uni et Irlande), division sexuelle des rôles encore très forte, la présence des femmes dans l’emploi et la durée de travail dépendant fortement de l’âge du plus jeune enfant = modèle de l’alternance famille / emploi 3) Taux d’activité faible et sensible au nombre d’enfants, pas d’aides publiques à la conciliation ⇒ comportements bipolaires (pays du Sud : Italie, Espagne, Grèce) 4) Taux d’activité élevé jusqu’à 2 enfants, puis décroissant avec le 3e enfant, éventuelle interruption courte lorsque l’enfant est en bas âge = modèle de la conciliation (France, Belgique), avec une gestion conjointe de l’emploi et de la famille, un taux d’activité élevé et des dispositifs publics favorisant le maintien des mères en emploi 40 Chapitre 2 Section 3 : les faits Analyse longitudinale et historique de ces différences entre pays ⇒ cf. texte de Béatrice Majnoni d’Intignamo Comme pour la transition démographique, les pays seraient à un stade différent en matière d’activité professionnelle des femmes Raisons justifiant l’accroissement de l’activité féminine : - progression de la croissance économique - amélioration du taux de dépendance économique 41 Chapitre 2 Section 3 : les faits Liens entre fécondité et niveau d’éducation ? - hausse du niveau d’éducation ⇒ meilleure connaissance en termes de santé et de contraception ⇒ maîtrise de la fécondité ⇒ baisse de la fécondité - au niveau individuel, comme au niveau des pays, relation négative observée entre niveau d’éducation et nombre d’enfants par femme 42 Chapitre 2 Section 3 : les faits Liaison entre l’indice synthétique de fécondité et le taux de scolarisation dans le secondaire, par grandes régions du Monde 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 0 1 2 3 4 5 6 44