[2] Fumigêne
JUIN 2007 N° 60
ACTUALITÉ NATIONALE
Le long chemin vers l’interdiction de fumer
15 novembre 2006. Enfin… le décret que la majorité de la population attendait
parait au
Journal Officiel
; reste maintenant un peu moins de 3 mois pour prépa-
rer son application. Sur le papier, il est bien écrit qu’au 1er février, la fumée sera
chassée de tous les lieux publics. La théorie fera-t-elle place à la réalité ? 3 mois
suffiront-ils à mettre en place une interdiction de fumer avec réussite ?
16 novembre 2006, l’équipe DNF fait le point sur “le chantier”
réactualisation des informations juridiques car, mine de rien,
un simple décret engendre un profond bouleversement dans
l’ensemble des publications de DNF. Il sera donc nécessaire
de réactualiser l’ensemble des pages du site Internet de
l’association mais également proposer un nouvel espace
explicatif sur le nouveau décret. En effet, devant la multitude
de questions de nos internautes, l’équipe DNF décide de
développer un nouvel espace qui répondra aux premières
questions types : “quelles amendes ?” ; “qu’est-ce qu’un
fumoir ?” ; etc.
La parution du décret amène également à réfléchir
sur les prochaines publications de DNF. La quasi-
totalité des dépliants de l’association devient
obsolète ; il faut ainsi réactualiser ces derniers. Le
premier d’entre eux à être retravaillé est le plus
connu : “Loi Evin”. En un temps record, DNF,
accompagné de la MILDT (Mission Interministé-
rielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie)
et de la Direction Générale de la Santé édite un
nouveau dépliant nommé “Interdiction de fumer
dans les lieux à usage collectif”. Naturellement,
ce dernier connaîtra immédiatement un grand
succès car il est le seul à concentrer les articles
du nouveau décret ainsi que ceux du code du tra-
vail s’y rattachant. L’ajout d’extraits des diffé-
rentes circulaires du gouvernement est également très
apprécié du fait des précisions que celles-ci apportent.
DNF connaît un tel succès que son site internet tire l’alarme
à plusieurs reprises. Il est décidé également de rapidement
changer de serveur afin de pouvoir répondre à un pic de
visites sur www.dnf.asso.fr prévu pour la fin janvier.
Parallèlement, les entreprises commencent à prendre les
devants. Dans un premier temps, les responsables, après
avoir fait le point sur la situation, envisagent la mise en place
d’un fumoir ou pas. Dans la grande majorité des cas, l’entre-
prise passera “non-fumeur” sans difficultés. Néanmoins,
certaines, sous la pression des syndicats, sont contraintes
de mettre en place des fumoirs. C’est notamment le cas d’un
membre du CHSCT d’un grand monument parisien qui
explique à DNF que l’établissement va investir dans
7 fumoirs cabines (dont le coût de maintenance est estimé à
400 euros/mois par cabine) sous la pression des syndicats
qui menacent et grondent ! Si dans la majorité des cas, les
questions posées à DNF sont assez simples et sont souvent
des confirmations d’interprétation des textes du décret,
d’autres se trouvent être beaucoup plus complexes !
Mi-janvier, DNF commence à sentir la tension des entre-
prises qui sont en véritable recherche d’informations. La
cabine fumoir est alors citée par ces entreprises comme la
solution miracle. L’équipe DNF tire l’alarme devant ces
fumoirs de substitutions qui semblent en effet magiques en
théorie mais qui, en réalité, ne répondent pas aux normes du
décret. Profitant du passage à la prochaine interdiction, ces
fabricants de fumoirs n’hésitent pas à mentir en expliquant
que les cabines sont aux normes, arguant de leur capacité à
délivrer la fameuse certification qui sera demandée à l’en-
treprise en cas de contrôle. Il semblerait même que la
Direction Générale de la Répression des Fraudes ait décrié
ces fameux fumoirs et rappelé à l’ordre les fabricants. A ce
jour, aucune de ces cabines ne répondrait réellement aux
normes puisque ne proposant pas d’extraction d’air mais un
simple recyclage de l’air.
Enfin, beaucoup d’entrepreneurs appellent DNF pour obtenir
la signalétique. DNF fait alors imprimer en urgence 10 000
exemplaires de l’autocollant officiel afin de la distribuer gra-
tuitement (moyennant frais d’expéditions), un stock qui sera
écoulé en moins de 10 jours. Et là aussi, le décret fait les
jours heureux des fabricants de signalétiques qui n’hésitent
pas un instant à vendre un autocollant jusqu’à 20 fois son
coût de fabrication ! DNF est également très sollicitée par
ces fabricants qui souhaiteraient être chaudement recom-
mandés par l’association.
Comme prévu, le site de DNF connaît un record d’affluence
avec des pics de visites à plus de 8 000 visiteurs par jour
(contre 1 000 en temps normal). DNF croule sous les ques-
tions posées avec 315 et 400 questions posées
respectivement en janvier et février. Il est néces-
saire de rappeler que DNF n’enregistrait en
moyenne que 120 questions par mois. Depuis,
nous comptabilisons chaque mois près de 60 000
visites contre 45 000 en septembre 2006.
Quelques jours avant la date fatidique, l’INPES
lance un très lourd dispositif de communication
autour du passage à l’interdiction de fumer avec
une campagne télévisée, la mise en avant de
Tabac Info-Service mais également en publiant
toute une nouvelle gamme de dépliants.
L’association, elle, croule sous les demandes de
journalistes en plus de celles des entreprises.
Difficile d’honorer toutes les demandes d’interviews, Gérard
Audureau devrait alors se couper en deux !
L’AFP s’intéresse alors au système, unique dans son genre,
des questions-réponses sur le site de l’association. Une
journaliste rédige ainsi une dépêche qui fait grand bruit. TF1
veut alors faire un reportage sur cet outil en ligne efficace et
gratuit mettant en avant l’expertise de DNF. L’association est
alors propulsée comme association de référence concer-
nant les questions juridiques et naturellement, DNF connaît
de nouveau une important afflux de visiteurs.
Cependant, le profil des internautes a changé. En janvier, la
majorité était des responsables d’entreprises ou membre du
CHSCT (Comité d’hygiène et sécurité). En février, les ques-
tions sont plus souvent posées par des fumeurs et non-
fumeurs qui interpellent l’association sur des cas précis :
“Mon patron a-t-il le droit de m’interdire de prendre une
pause pour fumer ?” ou encore “Tout le monde continue à
fumer malgré l’interdiction, que faire ?”.
Les experts de l’association ont dû redoubler d'efforts pour
répondre aux 400 questions du mois de février. En effet, outre
leur nombre important, les questions sont devenues très
complexes. On observe alors que les personnes qui interpel-
lent l’association ont déjà fait des recherches et demandent
de l’aide sur des cas particuliers quelques fois assez épineux.
Le 1er février est passé.
La fumée de tabac est-elle enfin bannie ?
Une enquête minute de l’Office Français de prévention du
Tabagisme montre que globalement la situation est bien
meilleure au lendemain de l’interdiction. Cependant, il faut
bien reconnaître que ce n’est pas encore parfait. En février,
l’agence France Presse fait état d’une verbalisation de
fumeurs qui se trouvaient dans une galerie marchande de
Bordeaux.
••• Les autorités
auraient-elles compris
la leçon ?
Alors que l'on pensait que les
contrôles concernant l'interdic-
tion totale se faisaient rares, DNF
vient de prendre connaissance
de chiffres très intéressants...
En effet, l'une des raisons de
l'échec de la loi Evin semblaient
être le manque de sanctions
ce qui a engendré beaucoup de
laxisme. L’une des craintes de
l’association était de voir se
reproduire le même schéma
assurant ainsi un nouvel échec
de la réglementation contre la
fumée de tabac.
Le ministère de la santé vient
d’apporter une lueur d’espoir
en nous dévoilant les premiers
chiffres des visites dans les
entreprises et il semblerait que
les inspecteurs du travail se
soient mobilisés sur la question.
Du 1er février au 15 mars, l'ins-
pection du travail a ainsi dressé
34 PV, notifié 731 observations
et infligé 2 amendes forfaitaires
dont voici la décomposition :
• 8 PV et 208 observations
aux fumeurs pour infraction
• 2 PV et 49 observations
pour fumoirs non conformes
• 22 PV, 456 observations
et 2 amendes forfaitaires
pour défaut d'affichage
• 2 PV et 18 observations
pour incitation à enfreindre
l'interdiction de fumer.
La direction du travail précise
que la tendance était la même
pour les 45 jours suivants, soit
jusqu'au 30 avril 2007. Ces
informations montrent enfin que
la protection des salariés contre
le tabagisme est enfin prise au
sérieux. Cependant, tout n’est
pas encore tout rose même s’il
faut saluer cette évolution posi-
tive… Il est nécessaire de rester
vigilant car les plaintes recensées
par DNF pour des problèmes
d’application dans les entreprises
sont encore trop nombreuses.