DEFINITIONS ET CONSEQUENCES DES HTA DE LA GROSSESSE

1
Le Congrès
Médecins. Conférence d’Essentiel
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Eléments de la prise en charge hospitalière de la prééclampsievère
P. Diemunsch, A. Charton, J. Pottecher, E. Noll
1 Service d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale, CHU de Strasbourg, Hôpital de Hautepierre, Avenue
Molière, 67098 Strasbourg Cedex
Correspondance : Pierre DIEMUNSCH
Tél : 03 88 12 70 78 Fax : 03 88 12 70 74
Mail : Pierre.Diemunsch@chru-strasbourg.fr
Mots clés : hypertension, prééclampsie, obstétrique, agents antihypertenseurs, éclampsie
Points essentiels
La prise en charge de la prééclampsie nécessite classiquement une hospitalisation pour une
évaluation de l’état maternel et fœtal, permettant de distinguer les formes gères des
formes sévères.
Dans les formes modérées, l’attitude expectative est la règle jusqu’à 37 semaines.
Dans les formes vères, elle n’est autorisée que sous condition d’une surveillance
materno-fœtale rigoureuse.
Avant 34 semaines, la corticothérapie et le transfert en maternité de niveau adap sont
recommandés.
Les traitements antihypertenseurs ne présentent pas de vrai bénéfice dans les formes
modérées de prééclampsie.
Les antihypertenseurs retenus par les RFE de 2009 sont la nicardipine - son association au
sulfate de magnésium est possible sous réserve d’une surveillance appropriée-, le labétalol
qui pourrait devenir le médicament de première intention, et la clonidine, tandis que la
dihydralazine n’est plus recommandée en France.
L’urapidil ne possède pas l’AMM pour l’indication prééclampsie, mais une récente
publication de l’ANSM à propos de la nicardipine, souligne l’intérêt de disposer d’une
alternative à ce médicament.
De très nombreuses formes cliniques de la prééclampsie ont été décrites ; le PRES
syndrome semble mériter une attention particulière.
La PE et son traitement ont des implications anesthésiques liées tant aux modifications du
terrain obstétrical qu’aux interférences médicamenteuses. La rachianesthésie est la
technique de choix pour la césarienne. En cas d’AG, la prévention des à-coups tensionnels
et la gestion des voies aériennes représentent les difficultés principales.
La surveillance et le traitement sont maintenus dans le postpartum au cours duquel la PE
peut s’aggraver et décompenser.
2
Introduction
La PE est une situation à haut risque, même en cas de forme dite modérée. En effet,
l'évolution de la maladie se fait vers une détérioration progressive de l’état maternel et fœtal.
Elle est imprévisible et peut parfois être très rapide. Certaines complications aiguës, au
premier rang desquelles figure l'hématome rétroplacentaire (HRP), peuvent survenir
brutalement au cours d'un tableau de PE apparemment peu vère. La prise en charge ne
consiste plus en l’interruption immédiate de la grossesse quel que soit l’âge gestationnel, dans
le but de privilégier le pronostic maternel. En effet, une attitude d’expectative armée est
proposée lorsque la PE, même vère, survient avant 34 semaines afin d’améliorer le
pronostic périnatal en prolongeant la grossesse. Ce travail a pour but d’exposer les
alternatives thérapeutiques validées ou discutées actuellement. Il est construit à partir des
recommandations formalisées d’experts communes Sfar/CNGOF/SFMP/SFNN consacrées à
la prise en charge multidisciplinaire de la prééclampsie [
1
,
2
]. Plusieurs revues de qualité [
3
,
4
]
et ouvrages récents [
5
] permettent un abord global actualisé de la question.
Définitions
La prééclampsie (PE) ou toxémie gravidique, est caractérisée par l’installation de novo et
après la vingtième semaine de gestation, d’une hypertension artérielle (HTA ; PAS 140
mmHg et/ou PAD 90 mmHg) et d’une protéinurie (> 0,3 g/24 h), avec ou sans œdèmes.
Cette HTA disparait dans les 6 semaines postpartum.
La PE est finie comme vère ou grave lorsque la pression systolique est 160 mmHg
et/ou lorsque la pression artérielle diastolique est 110 mmHg, ou lorsque des niveaux
tensionnels plus modérés sont associés à des signes cliniques ou biologiques d’atteinte
viscérale : atteinte rénale avec une oligurie (< 500 ml/24h) ou créatinine > 135µmol/L, une
protéinurie > 5 g/j ; thrombopénie <100.000/µL ; œdème aigu du poumon (OAP) ; matome
rétroplacentaire (HRP) ; barre épigastrique persistante ; HELLP syndrome (hémolyse :
schizocytes, bilirubine > 1,2 mg/L, LDH > 600 UI/L ; augmentation des enzymes hépatiques
> 2x la normale, SGOT > 70 UI/L ; plaquettes basses < 100 000/µL) ; éclampsie ou troubles
neurologiques (troubles visuels, réflexes polycinétiques, céphalées) ; retentissement fœtal en
particulier retard de croissance in utero (RCIU).
Ces critères de définition de la PE sévère ne sont pas universels. Ceux proposés en 1990, par
l’American College of Obstetricians and Gynecologists n’ont pas fait l’objet d’une validation
formelle [
6
] mais leur recherche fait partie de la surveillance de toute PE (Tableau 2).
Épidémiologie, physiopathologie et approches prophylactiques
Les pathologies hypertensives de la grossesse représentent une cause majeure de mortalité et
de morbidité maternelles à l’échelle mondiale. Dans les pays industrialisés, la fréquence de la
prééclampsie, de l’hypertension gravidique et de l’hypertension chronique a augmenté, tandis
que la fréquence de l’éclampsie a baissé. Les facteurs assocs à la mortalité maternelle
comprennent un diagnostic retardé, la survenue d’une éclampsie, d’un Hellp-Syndrome, d’une
hémorragie hépatique ou cérébrale et les atteintes cardiopulmonaires et nales. La baisse de
la mortalité et des complications maternelles semble liée aux efforts accomplis pour maintenir
la pression artérielle en dessous de 160/110 mmHg. Il demeure que les femmes afro-
américaines présentent un risque plus élevé de pathologies hypertensives de la grossesse,
d’éclampsie et de mortalité maternelle [
7
].
La PE complique 2 à 3% des grossesses en France et rend compte de 12 à 22% des s
maternels. Elle vient ainsi en seconde place parmi les causes de la mortalité maternelle.
L’étiologie de cette pathologie n’est pas encore bien comprise, mais la délivrance constitue la
meilleure option thérapeutique. Cette attitude ne pose pas de problème majeur au-delà de la
3
37e semaine de gestation. Avant ce terme, une autre approche thérapeutique conservatrice doit
être envisagée pour permettre la maturation du fœtus si toutefois l’état maternel le permet.
Le le fondamental de l’ischémie placentaire dans la physiopathologie de la prééclampsie
avec relargage de facteurs solubles dans la circulation maternelle semble actuellement admis.
En particulier, lele de facteurs anti-angiogéniques et pro-inflammatoires en ponse à
l’ischémie placentaire semble impliqué dans la dysfonction endothéliale maternelle
systémique. Le système de l’endothéline 1 pourrait représenter une voie finale commune
conduisant aux manifestations symptomatiques de la prééclampsie [
8
]. Une cente méta-
analyse portant sur un total de 8400 patientes révèle une association statistiquement
significative entre la survenue d’une prééclampsie et l’existence de syndromes dépressifs
durant la grossesse (OR = 1,63 ; CI 95 : 1,32 à 2,02) [
9
].
La supplémentation alimentaire en calcium (< 1 g/j) a montré un effet de réduction de
l’incidence de la prééclampsie dans une revue systématique de 9 essais randomisés impliquant
2234 femmes, cela que le calcium soit administré seul ou avec d’autres suppments
alimentaires comme l’acide linoléique, la vitamine D ou des antioxydants [
10
]. Ces résultats
sont en accord avec ceux d’une méta-analyse antérieure dans laquelle l’incidence de la
prééclampsie est abaissée par la supplémentation calcique, notamment chez les patientes à
haut risque et celles dont les apports calciques de base sont bas [
11
]. Cependant, nous
manquons d’un essai randomisé de puissance suffisante pour affirmer définitivement le rôle
du calcium dans la prévention de la PE.
En cas de risque avéré de PE, l’administration de 81 mg par jour d’aspirine après 12 semaines
de gestation a été recommandée en 2014 par la Commission ad hoc des États-Unis. Les
facteurs de risque pris en compte sont des ancédents de prééclampsie, la grossesse multiple,
l’hypertension chronique, le diabète de type 1 ou 2, les pathologies rénales et les maladies
auto-immunes. Ce traitement prophylactique réduit le risque d’occurrence de la prééclampsie,
des naissances prématurées et des RCIU [
12
]. Il semble logique de l’interrompre la 34ème
semaine, en vue de l’accouchement.
Dans une autre méta-analyse, l’aspirine apportée avant la 16e semaine de la grossesse est
assoce à une réduction significative de l’incidence de la PE vère (risque relatif : 0,22 ; IC
95 % : 0,08-0,57) mais pas de la PE légère (risque relatif 0,81 ; IC 95 % : 0,33-1,96) [
13
].
Lindication de la prophylaxie par aspirine peut être affinée par l’emploi d’algorithmes
complexes, mais de l’aveu même de leurs auteurs et eu égard au coût et à la sécurité du
traitement, la mise en œuvre de ces algorithmes n’est pas indispensable [
14
].
D’autres travaux proposent le magnésium et l’acide folique dans la même indication
prophylactique, mais ces données doivent être confirmées et les schémas d’administration de
ces médicaments précisés.
La PE est un facteur de risque pour les cardiomyopathies ischémiques, l’HTA chronique, les
maladies vasculaires périphériques et les accidents vasculaires cérébraux (AVC),
vraisemblablement en rapport avec un dysfonctionnement endotlial et tabolique
persistant après la grossesse. Il est également possible que le terrain de la prééclampsie et
celui des maladies cardiovasculaires non gravidiques soient similaires sur le plan génétique,
mais également sur celui des facteurs de risque comme les dyslipidémies, l’obésité, le diabète
et les atteintes rénales [
15
].
PE et PRES ou Posterior Reversible Encephalopathy Syndrome.
Le PRES désigne un syndrome a) clinique, généralement réversible ; associant de façon
variable céphalées, troubles de la conscience, convulsions, troubles visuels, et plus
inconstamment poussée d’HTA, nausées et vomissements et b) radiologique, caractéripar
un œdème vasogénique de la substance blanche (leukoencéphalopathie) de répartition sous
4
corticale à dominance, mais non exclusivement, postérieure, pariéto-occipitale bilatérale.
Dans ces gions cérébrales, le scanner révèle des hypodensités ne prenant pas le contraste
tandis que l’IRM (T2 et FLAIR) montre des hypersignaux et, en diffusion, un coefficient
apparent de diffusion augmenté tant que l’œdème vasogénique demeure réversible
contrairement à ce qui est observé dans les œdèmes cytotoxiques. L’angio-IRM objective une
vasoconstriction plus ou moins diffuse quelquefois associée à des ischémies et à des
hémorragies cérébrales de pronostic variable [
16
,
17
].
Ce syndrome est également désigné parfois sous d’autres appellations comme : syndrome de
leukoencéphalopathie postérieure réversible, syndrome d’encéphalopathie postérieure
versible, angiopathie cérébrale aiguë réversible du post-partum, alors qu’il est susceptible de
survenir avant comme après l’accouchement [
18
].
En dehors du contexte de la PE/éclampsie (7% des cas), les circonstances majeures de
survenue du PRES sont, isolément ou en association : l’encéphalopathie hypertensive (50%),
le traitement par immunosuppresseurs (39%) ou cytotoxiques (7%), la prise de marijuana
(4%) et le sepsis sévère [
19
].
Chez la femme enceinte, le PRES est généralement associé à la PE et quasi constamment
présent lors des crises d’éclampsie (46 fois sur les 47 éclampsies de la série de Brewer [
20
])
dont le mécanisme physiopathologique est similaire, représenté par l’œdème vasogénique par
forçage capillaire. L’augmentation de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique
durant la PE, favorise la constitution de cet œdème cérébral vasogénique et la survenue de la
crise éclamptique, même lorsque la pression artérielle reste normale [
21
].
Sur le plan iologique le PRES de la femme enceinte prééclamptique ou éclamptique est
caractérisé, en comparaison avec les PRES observés en dehors du contexte obstétrical, par une
incidence plus marquée des céphalées sévères (58,0% vs 18,0%), moins de troubles de la
conscience (12,5% vs 45,0%) mais davantage de troubles visuels (vue trouble, hémianopsie,
amaurose ; 50,0% vs 27,8%) [
22
]. La variabilité des associations cliniques du PRES souligne
l’impérative nécessité d’éliminer ce diagnostic et de demander une imagerie cérébrale en
présence de troubles neurologiques évocateurs chez une femme enceinte, ou dans le post-
partum [
23
]. Les diagnostics différentiels sont notamment les céphalées du post-partum, avec
ou sans effraction dureméro-arachnoïdienne, qui imposent une imagerie cérébrale lorsqu’elles
ne sont pas clairement positionnelles (ou perdent ce caractère pathognomonique des
effractions) et les thrombophlébites veineuses cérébrales. Toutes les associations sont
possibles et doivent être discutées devant un tableau clinique atypique.
Il s’agit d’une urgence obstétricale, dont la prise en charge aquate conditionne la guérison.
Elle est représentée par le traitement de la PE/E associée (voir plus bas), fondé sur :
- Le traitement des convulsions si elles sont présentes,
- L’administration de sulfate de magnésium, pour son action vasodilatatrice, protectrice de la
barrière hématoencéphalique et pour son rôle anticonvulsivant (dose de charge : 4 g en 20
minutes puis 1 g/h) [
24
],
- Le traitement de l’hypertension, important pour la prévention des récidives, selon les
recommandations Sfar/CNGOF/SFMP [2], en tenant compte de la lettre de l’ANSM de 2015
[
25
],
- La surveillance en unité de réanimation,
- La délivrance aussi rapide que possible et
- L’administration de corticostéroïdes à visées pulmonaire tale (dexaméthasone 12 mg, 2
jours de suite), antiœdème vasogénique cérébral, et plaquettaire en cas de HELLP
(dexaméthasone 8 mg/j).
Lévolution du PRES en obstétrique est, comme son nom l’indique, généralement favorable
en quelques jours à quelques semaines de traitement symptomatique. Des séquelles de gravité
variable peuvent persister notamment lorsque l’œdème cérébral est d’emblée ou
5
secondairement cytotoxique. Diverses formes cliniques ont été rapportées comme celle
accompagnée d’une paralysie transitoire du troisième nerf crânien avec diplopie et ptôsis.
Cette paralysie du III fut totalement réversible après normalisation de la pression artérielle
[
26
].
1. Prééclampsie et hospitalisation
Les particularités de la maladie prééclamptique rendent classiquement l'hospitalisation
nécessaire jusqu'à l'accouchement. Une prise en charge en hospitalisation à domicile peut être
proposée pour les formes les moins sévères [
27
].
Il semble généralement admis que le repos en hospitalisation améliore l'état maternel et
permet de diminuer la progression de la maladie. Cependant, aucune étude contrôlée n'a
permis de confirmer cette analyse et le repos au lit n'a pas prouvé son intérêt dans les rares
essais randomisés consacs à cette question [
28
]. À l'inverse, aucun essai ne permet
d'affirmer avec une puissance suffisante que la prise en charge à domicile est appropriée en
cas de PE morée. Une étude non randomisée a comparé la prise en charge à domicile
(n = 321) à l'hospitalisation classique [
29
] : près de la moitié des patientes (43 %) ont été
hospitalisées en urgence pour une aggravation de la PE. L'absence de différence entre les
deux groupes pour les critères de jugement principaux, mais d’occurrence rare, tels que la
mortalité périnatale ou la survenue d'un HRP, ne suffit pas pour recommander la prise en
charge à domicile dans ces circonstances.
1.1. Évaluation maternelle
Pour justifier une attitude expectative avant 34 semaines, nous disposons d’essais
randomisées [
30
,
31
] et d’études observationnelles [
32
,
33
,
34
,
35
,
36
,
37
,
38
,
39
,
40
,
41
,
42
]. Ces
travaux ont permis de dégager les critères maternels cliniques et biologiques définissant le
caractère vère d’une PE (Tableaux 1 et 2). Par ailleurs, de nouveaux examens sont
proposés régulièrement pour améliorer le diagnostic ou mieux apprécier la gravité de la PE.
Ils ne font pas partie du bilan standard, car soit leurs performances n’ont pas été confirmées,
soit ils ne sont réalisables que dans des laboratoires spécialisés et hors urgence.
Linterprétation des données doit tenir compte des valeurs normales au cours de la grossesse
[
43
]. Pour dépister l’hémolyse, le dosage de l’haptoglobine semble présenter des valeurs
prédictives plus inressantes que le dosage des LDH, dont il accroît la sensibilité [
44
] dans
les formesbutantes.
Durant la PE sévère, l’échographie a plusieurs applications particulièrement intéressantes.
Léchocardiographie transthoracique permet une évaluation non invasive de la fonction
cardiaque qui vèle généralement une fonction systolique et un débit cardiaque préservés
avec cependant des anomalies diastoliques significatives ; cette évaluation peut s’avérer
extrêmement précieuse pour guider la prise en charge de ces patientes fragiles [
45
]. Par
ailleurs, la mesure par ultrasons des diamètres de la gaine du nerf optique pourrait, chez la
femme prééclamptique comme chez le traumatisé crânien, le sujet présentant une hémorragie
intracnienne ou un hydrocéphale, représenter une méthode de monitorage indirect de la
pression intracrânienne [
46
].
1.2. Évaluation foetale
La PE s’accompagne de complications périnatales majeures [
47
] notamment le RCIU (22 à
62 %), d’autant plus fréquent que la pathologie est sévère et survient tôt au cours de la
grossesse, l’hématome rétroplacentaire (5 à 23 %), tandis que la mortalité périnatale varie de
0 à 17 %.
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