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Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak
14 REVUE DE L’OFCE ■ 110 ■JUILLET 2009
« Les pirates ne sont pas, et ne seront jamais,
les amis sincères des navigateurs »
Histoire de l’infamie
, Jorge Luis Borgès
a mondialisation et la globalisation financière ont fortement impulsé la
croissance mondiale depuis quinze ans. Le capitalisme international,
productif et financier, a assis sa domination sur l’économie mondiale,
contribuant à une forte croissance (3,8 % l’an de 1990 à 2007, tableau 1) qui a
particulièrement bénéficié aux pays en développement (PED) et au Royaume-Uni.
Cette croissance a été instable : l’économie mondiale a été secouée par une série de
crises financières d’une fréquence inégalée dans l’histoire économique
contemporaine : après la crise de la dette des pays du tiers-monde en 1982, sont
survenues la crise du SME en 1992-1993, la crise mexicaine en 1994-1995, la crise
asiatique en 1997-1998, la crise russe et la faillite du fonds LTCM en 1998, les crises
du Brésil en 1999 et en 2002, le krach des valeurs de la nouvelle économie et la crise
turque en 2000, la crise argentine en 2001-2003. La crise actuelle, amorcée en
2007, montre, une fois encore, les risques en termes de stabilité et de soutenabilité
d’un mode de croissance impulsé par les firmes multinationales et les marchés
financiers et par des stratégies nationales non coordonnées, sans institutions de
gouvernance mondiale.
Depuis le début des années 1980, l’économie mondiale a connu un prodigieux
développement des institutions et des marchés financiers, gérant des masses
énormes de capitaux en quête d’une rentabilité forte et découplée des performances
réelles (fonds de placement destinés aux ménages les plus riches, fonds de pension
des pays anglo-saxons ou du Japon, capitaux des pays excédentaires). Ces marchés
déterminent les taux de change, les taux d’intérêt, les cours boursiers et les
conditions de financement des entreprises et des ménages. Par ses alternances de
booms et de krachs, la globalisation financière révèle que les marchés sont myopes,
instables, moutonniers et cyclothymiques. La globalisation financière permet le
gonflement durable de déséquilibres qui finissent un jour par éclater. Ainsi, la crise
financière de 2007-2008 a-t-elle détruit les fondements théoriques de la finance
globalisée et fait imploser les marchés financiers mondiaux. La crise, qui a mis une
nouvelle fois en évidence l’aveuglement et l’absence de contrôle des marchés
financiers, pose la question de la viabilité des modes de fonctionnement de la
finance globalisée. L’économie mondiale est-elle condamnée à aller de crise en
crise ? Peut-elle échapper à la domination de la finance ? Les taux de change et les
taux d’intérêt, les conditions de financement, les décisions de production et
d’investissement, doivent-ils dépendre des jeux des marchés financiers, de la
cupidité des couches dominantes et de la naïveté de la grande masse des épargnants ?
Une meilleure gouvernance mondiale est-elle possible ?