CENTRE REGIONAL D’OBSERVATION DU COMMERCE DE L’INDUSTRIE ET DES SERVICES ENJEUX L’économie francilienne en bref LES GRANDES SURFACES ALIMENTAIRES EN ILE-DE-FRANCE : DE NOUVELLES STRATÉGIES FACE AU CHANGEMENT Les grandes surfaces alimentaires sont le résultat de l'explosion de la société de consommation à partir des années 50. L'idée fondatrice était que le consommateur devait pouvoir trouver ce qu'il cherche en un seul lieu. Avec le temps et les aléas de la conjoncture, les besoins ont évolué ; la proximité devient le nouveau leitmotiv. Ce faisant, les groupes, propriétaires des grandes surfaces alimentaires, ont proposé de nouvelles stratégies afin de trouver des relais de croissance. n°148 - juin 2012 LE COMMERCE ALIMENTAIRE D'HIER À AUJOURD'HUI Depuis l'avènement de l'ère de la consommation de masse et le développement de l'usage de l'automobile, le commerce alimentaire se traduit par la prédominance des grandes surfaces alimentaires, la plupart du temps implantées en périphérie des villes. Celles-ci, le plus souvent des hypers ou des supermarchés, s'inscrivent généralement dans des ensembles commerciaux de plus ou moins grande capacité. Ce mouvement a débuté à la fin des années 60, avec l'ouverture du premier centre commercial Parly 2 au Chesnay dans le département des Yvelines. Le secteur de la grande distribution alimentaire, aux niveaux francilien comme national, est marqué par une concentration élevée, proche d'un oligopole. Les six principaux groupes présents sur le marché sont tous d'origine française (Carrefour, Leclerc, Auchan, Casino, Intermarché et Système U) et détiennent près de 85 % de parts de marché (source : TNS Worlpanel 2009). Le mode d'organisation de la filière tourne autour de deux modèles : le coopératif et l'intégré. Les groupes Leclerc, Intermarché et Système U, reposent sur le modèle coopératif, à savoir une association d'entrepreneurs juridiquement et financièrement indépendants les uns des autres. Le groupement est géré comme une coopérative, avec des actionnaires adhérents, qui sont aussi propriétaires des points de vente. Chacun est donc son propre responsable, mais ce système présente l'avantage de créer un lien de solidarité entre les adhérents et aussi de pouvoir mutualiser les moyens et les services. Dans les groupes intégrés, on retrouve les enseignes Carrefour, Casino et Auchan. C'est le groupe qui est le propriétaire du point de vente, dont la gestion courante est déléguée à un responsable localement. Ainsi, ce n'est pas ce dernier qui décide de la politique à mettre en œuvre pour assurer la pérennité de son point de vente, même si une plus grande indépendance peut être accordée dans le cas d'une franchise par exemple. Dans la ville dense, à Paris ou en proche banlieue, là où l'espace est moindre, les commerces alimentaires peuvent prendre un format différent : soit celui de supérette, soit celui de commerce d'alimentation générale, autrement appelé "épicerie de quartier". Ces différentes formes de commerce Retrouvez toutes nos publications sur www.crocis.ccip.fr ENJEUX L’économie francilienne en bref Répartition du nombre de commerce alimentaire en 2010 en Ile-de-France Répartition de l'emploi dans le commerce alimentaire en 2010 en Ile-de-France Commerce d'alimentation générale 7% Hypermarchés 48% Hypermarchés 2% Supermarchés 18% Supérettes 7% Supérettes 11% Commerce d'alimentation générale 69% Supermarchés 38% Source : INSEE SIRENE alimentaire interagissent entre elles, et se font même concurrence : pendant les dernières décennies, le développement intensif des grandes surfaces alimentaires s'est fait parfois au détriment de plus petites structures telles les supérettes ou les commerces d'alimentation générale. Mais depuis quelques années, du fait de la modification du comportement d'achat des clients, accentuée par la crise économique, c'est l'effet inverse qui s'observe : les temples de "l'hyperconsommation" sont mis à mal par les consommateurs qui sont demandeurs de changement. Le commerce alimentaire en Ilede-France représente plus de 95 000 emplois en 2010, pour près de 593 000 emplois sur la France entière (soit 16 %). La part du commerce alimentaire francilien par rapport à l'emploi total dans la région s'établit à 2,3 % ; à l'échelle nationale, ce taux atteint 3,6 %. Le nombre d'hypers et de supermarchés représentent actuellement 20 % du nombre total de commerces alimentaires en Ile- de-France, chiffre stable sur 10 ans, alors que les supérettes notamment se multiplient (la part des supérettes dans le commerce francilien augmente de 4 points sur la même période). En 2010, les hypermarchés franciliens sont environ 180 et les supermarchés près de dix fois plus nombreux (1 500). Les hypers et supermarchés emploient près de 83 000 salariés en Ile-de-France en 2010 (545 000 au total en France), soit environ 86 % de l'emploi total de la filière régionale. Au niveau national, ce taux monte jusqu'à près de 92 %. Paris et la petite couronne concentrent la majeure partie de ces emplois, avec respectivement 18 000 et 32 500 salariés. LA CRISE ÉCONOMIQUE COMME ACCÉLÉRATEUR DES CHANGEMENTS Depuis quelques années, les consommateurs ont modifié leurs comportements d'achats. La part du budget des familles dédiée à l'alimentaire ne cesse de diminuer. L'alimentaire est devenu la variable d'ajustement des Définitions : Commerce d’alimentation générale (code NAF 4711B) : Commerce de détail non spécialisé à prédominance alimentaire en magasin d'une surface de vente inférieure à 120 m². Superette (code NAF 4711C) : Commerce de détail non spécialisé à prédominance alimentaire en magasin d'une surface de vente comprise entre 120 et 400 m². Supermarché (code NAF 4711D) : Établissement de vente au détail en libreservice réalisant plus des deux tiers de son chiffre d'affaires en alimentation et dont la surface de vente est comprise entre 400 et 2 500 m². Hypermarché (code NAF 4711F) : Établissement de vente au détail en libreservice qui réalise plus du tiers de ses ventes en alimentation et dont la surface de vente est supérieure ou égale à 2 500 m². 2 décisions d'achat des ménages. Leurs dépenses sont plutôt orientées, par obligation, vers le logement et les transports et, par choix, vers les loisirs et les nouvelles technologies (téléphonie, internet…), ce dernier poste dépassant désormais 10 % du budget total. Ainsi, les grandes surfaces alimentaires ont perdu de leur attractivité et se sont révélées moins dynamiques que l'ensemble du commerce : dans un souci de maximisation du temps, les consommateurs ont fait le choix de la proximité. Ce choix a été renforcé par la crise économique, débutée en 2008 ; la dépense devient plus raisonnée et "l'hyperconsommation" ne constitue plus la priorité. La remise en cause de la voiture, avec l'augmentation des prix du pétrole qui a entrainé une réduction du nombre de trajets, a eu également pour conséquence une modification de l'attitude des franciliens. Enfin, cette prise de conscience joue également au niveau des produits, avec une volonté de consommer moins mais de meilleure qualité. Le retour du commerce de proximité depuis lors s'explique essentiellement pour ces raisons. Cette tendance s'est clairement traduite par un renforcement du nombre de supérettes, surtout à Paris et dans les départements limitrophes. Cela a été rendu possible par l'instauration de la Loi de Modernisation de l'Economie ENJEUX L’économie francilienne en bref Evolution de l'emploi salarié dans le commerce alimentaire entre 2001 et 2010, base 100 en 2001 6 000 170 + 6,1 % Ile-de-France Grande couronne Petite couronne (hors Paris) Paris 160 150 162 5 000 2001 2010 4 000 140 130 3 000 120 120 110 110 2 000 + 21,7 % 109 103 100 Evolution du nombre de commerce alimentaire par type de commerce en Ile-de-France entre 2001 et 2010 102 100 97 99 1 000 + 76,7 % 90 + 6,5 % 0 80 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2010 Supérettes Supermarchés Hypermarchés Source : INSEE - SIRENE Source : Pôle Emploi Services (LME), qui a permis l'ouverture de commerces de moins de 1 000 m² sans demande d'autorisation préalable. L'emploi salarié a augmenté sensiblement lors des dix dernières années en Ile-deFrance (+ 9,5 %), surtout dans les supérettes (+ 68,7 % entre 2001 et 2010) au détriment des hypermarchés (- 1,6 %). La rupture apparait clairement lors de l'année 2008, et surtout dans la capitale. A l'échelle de la France, le nombre de salariés dans le commerce alimentaire a augmenté de 7 % entre 2001 et 2010 ; mais à une échelle plus détaillée, la tendance est différente de celle de la région : l'emploi est en hausse dans les supérettes en France mais dans une proportion moins prononcée qu'un Ile-de-France (+ 24,9 % sur la même période) et la dynamique des hypermarchés apparaît toujours soutenue (+ 13,5 %). Nombre de m² de surfaces 1 000 habitants 2009 Commerce d'alimentation générale En nombre de commerces, cela se traduit par une hausse de plus de 76 % des supérettes en Ile-deFrance lors des dix dernières années. Le nombre d'hypermarchés continue lui aussi de croître (+ 6,5 % sur une période identique), mais avec moins de personnels. PARIS, UN CAS À PART EN ILE-DE-FRANCE Le cas de Paris ne reflète pas la réalité francilienne. Les hypermarchés sont quasiment absents du territoire et situé exclusivement en périphérie de la capitale. Les seuls magasins de plus de 2 500 m² implantés en cœur de ville sont des Monoprix. Les deux acteurs majeurs à Paris, sont Carrefour et Casino, à la fois en termes de nombre de magasins et de surfaces de vente. Le second groupe, notamment via ses marques Monoprix (détenue à 100 % depuis peu) et Franprix, est de vente alimentaire pour à Paris en 2010 de loin le mieux représenté avec près des deux tiers du nombre de magasins. Le développement des supérettes et des commerces d'alimentation générale ont été au cœur de leurs stratégies respectives depuis ces cinq dernières années, et cette tendance se poursuit dans la capitale avec l'ouverture d'enseignes telles Carrefour City et Carrefour Contact, Daily Monop', Simply Market (groupe Auchan),… Leur implantation ne répond pas à une logique particulière, tous les arrondissements sont ciblés. Néanmoins, le nombre de commerce alimentaire est plus élevé à l'Est qu'à l'Ouest et dans la périphérie que dans le centre de Paris. Rapportés au nombre d'habitants, les arrondissements dans lesquels se concentre l'activité tertiaire apparaissent comme les mieux lotis (le quartier central des affaires notamment). LES GRANDES SURFACES ALIMENTAIRES ORGANISENT LA RIPOSTE Les grandes surfaces alimentaires franciliennes, sont actuellement détenues par de grands groupes, qui doivent élaborer de nouvelles stratégies afin de répondre aux demandes de changement des consommateurs. Source : APUR – CCIP 2012 3 En premier lieu, ils ont engagé un processus de développement d'enseignes de proximité en nom propre, afin de concurrencer les épiceries de quartier traditionnelles et les supérettes. Depuis plusieurs années, le dévelop- ENJEUX pement du format supérette est au cœur des stratégies des grands groupes de distribution alimentaire pour accroître leurs parts de marché au niveau local et diversifier l'accès à ces nouveaux marchés. Le commerce de proximité présente l'avantage de s'adapter aux évolutions sociologiques des ménages telles l'augmentation des foyers monoparentaux, le vieillissement de la population, la hausse des familles non véhiculées…. La demande est donc croissante pour ce type de commerce alimentaire et correspond aux besoins de proximité exprimés par les consommateurs. Cette démarche s'accompagne d'une stratégie de mise en valeur de l'enseigne : cela se traduit par la transformation progressive du nom des magasins afin d'améliorer leur visibilité auprès des clients. Dans un deuxième temps, les grands groupes de commerce alimentaire ont fait le choix de développer leurs propres marques, appelées marques des distributeurs (MDD). Celles-ci ont pris leur essor depuis le début des années 80, mais le processus s'est renforcé depuis la fin des années 2000. La part de MDD a sensiblement augmenté pour atteindre plus du tiers du chiffre d'affaires des grandes surfaces (contre un quart il y a dix ans). Les MDD bénéficient toujours d'un prix de base attractif pour les consommateurs, puisque 25 à 30 % moins chères que celui des marques nationales. Les distributeurs ont même accentué leurs efforts sur la qualité et le packaging, ce qui leur a permis de rattraper le déficit d'image auprès de la clientèle. de son choix, deux heures minimum après sa commande. En 2011, le drive a séduit 1,8 million de ménages avec un taux de satisfaction de 96 %. La France compte plus de 900 drives, dont une cinquantaine en Ile-de-France et deux à Paris intra-muros ; lancé dans les années 2000, le drive poursuit son développement dans la région avec encore cinq ouvertures prochaines. LA GRANDE Enfin, l'accent est mis par les grands groupes sur les prestations offertes à leurs clients : élargissement des horaires d'ouverture, location d'utilitaires, services bancaires, de téléphonie mobile, agences de voyage... Cette diversification a pour objectif principal de trouver de nouveaux relais de croissance. Le commerce en ligne en fait également parti, et il est dorénavant généralisé à toutes les enseignes, qui proposent au choix la livraison ou non des produits commandés sur internet. Le drive constitue également une autre forme de service en plein essor : il offre au client la possibilité de commander en ligne et de venir retirer sa marchandise directement en magasin. Le personnel charge la commande, au jour et au moment DISTRIBUTION ALIMENTAIRE ASSURE SA PÉRENNITÉ Les grandes surfaces alimentaires, hypers et supermarchés, ont souffert de l'évolution des modes de consommation des ménages, accentuée par la crise économique débutée en 2008. D'autres besoins, d'autres demandes se sont exprimés, et les dépenses alimentaires se sont réduites. De nouveaux relais de croissance ont dû être trouvés par les groupes et de nouvelles stratégies élaborées. Les supérettes d'antan et les petites épiceries de quartier sont progressivement remplacées par des enseignes de proximité appartenant à ces groupes. L'évolution récente du système devrait assurer sa pérennité. Julien TUILLIER Pour en savoir plus : Xerfi 700 : Grandes surfaces alimentaires, novembre 2009 APUR (http://www.apur.org) : La grande distribution alimentaire à Paris, janvier 2011 CROCIS de la CCIP - 27 avenue de Friedland - 75382 PARIS cedex 08 tél. : +33 (0) 1 55 65 82 00 - fax : +33 (0) 1 55 65 82 62 - e-mail : [email protected] Retrouvez toutes nos publications sur www.crocis.ccip.fr Secrétaire général : Isabelle SAVELLI-THIAULT Industrie - Démographie d’entreprise : Yves BURFIN Commerce - Enquêtes - Développement durable : Julien TUILLIER Conjoncture - Benchmark européen : Mickaël LE PRIOL Services : Bénédicte GUALBERT Veille économique : Marielle GUERARD ; Catherine PICQ ; Carole UZAN PAO - Multimédia : Nathalie PAGNOUX Administration - Secrétariat Directeur de la publication : Pierre TROUILLET Directeur de la rédaction : Jean-Louis SCARINGELLA Rédacteur en chef : Isabelle SAVELLI-THIAULT Maquette et mise en page : Nathalie PAGNOUX Reproduction autorisée à la condition expresse de mentionner la source Dépot légal : juin 2012 ISSN : 1266-3255 4