
Quels sont alors les principes qui peuvent nous servir de guide ? Quand faut-
il adopter une base étroite ? Quels sont les biens qui doivent être regroupés pour
être taxés à des taux communs ?
Dans une économie fermée, Belan, Gauthier et Laroque (2008) ont montré
que, si chaque bien individuel est négligeable dans l’ensemble des biens de
l’économie, une forme de la règle de l’élasticité inverse continue de s’appliquer :
il faut décourager la demande des biens les moins sensibles aux variations de
prix et ceux qui sont consommés relativement plus par les ménages dont le poids
social est moindre. Pour cela, il suffit que le gain retiré par la société lorsque
l’on taxe un bien individuel soit une fonction unimodale du taux d’imposition :
si le taux est faible, il est socialement désirable de l’augmenter ; s’il est plus
élevé, il devient préférable de le baisser. Il y a ainsi un taux « putatif » qui
maximise le bien-être social que l’on retire en taxant un bien donné. Ce taux
satisfait bien sûr la règle de l’élasticité inverse, mais il n’est que putatif, au sens
où il n’est en général pas possible d’imposer le bien à ce taux, du fait des
restrictions pesant sur le nombre d’instruments mobilisables. La propriété
d’unimodalité implique cependant qu’un bien devrait être taxé à l’un des deux
taux existants qui sont les plus proches de son taux putatif, celui qui est
immédiatement inférieur ou celui qui est immédiatement supérieur. Une
application au cas du Royaume-Uni suggère que la TVA mettrait un poids
important sur les déciles de consommation médians ; avec ces poids, les biens
semblent correctement regroupés. Il serait intéressant d’étudier ce qu’il en est en
France.
L’analyse précédente repose sur le caractère négligeable de chaque bien
individuel. Une réforme consistant à modifier le taux qui s’applique à un bien
particulier n’a alors pas d’effet sur le reste de l’économie. Ce cadre est
conceptuellement attrayant mais il est difficilement défendable en pratique. Les
biens sont en effet déjà regroupés par grandes catégories : les biens alimentaires,
les vêtements pour enfants, les médicaments, etc. Si l’on change le taux
d’imposition sur l’une de ces catégories, l’économie dans son ensemble sera
affectée. Belan et Gauthier (2004) et Belan et Gauthier (2006) ont montré que la
structure de l’imposition indirecte optimale dépend dans cette configuration de
l’élasticité prix, mais aussi des niveaux de la demande pour ces catégories. Il
s’avère pourtant que, au moins pour de petits montants de TVA collectée, une
forme faible de la règle de l’élasticité inverse doit être satisfaite : les biens dont
la demande est la moins élastique sont regroupés et taxés ensemble à un taux
élevé, puis viennent les biens dont la demande est un peu moins élastique, etc.
Celles dont la demande est la plus élastique doivent être exemptées. L’assiette
optimale est en fait d’autant plus étroite que les élasticités prix sont dispersées
(Belan et Gauthier (2008b)).
Lorsque l’économie est ouverte, des considérations de concurrence fiscale
doivent être intégrées. Belan et Gauthier (2008a) montrent que les résultats
précédents se retrouvent quand les biens sont taxés là où ils sont consommés