. LA PRESSE MONTRÉAL MARDI 23 MAI A3 2006 lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll SANTÉ LES LISTES D’ATTENTE RELATIVE Effets pervers La situation est plus corsée en ce qui a trait à la chirurgie d’un jour, appellation fourre-tout qui désigne une centaine d’interventions différentes. Ce sont des opérations électives, qui ne sont donc pas considérées comme urgentes. Ce sont elles qui, le plus souvent, font les frais des annulations. « C’est ce type de chirurgie qu’on pourrait éventuellement confier aux cliniques affiliées. En dehors des plateaux de l’hôpital, elles seraient à l’abri des pressions de la salle des urgences », affirme le ministre. Favoriser certaines opérations plutôt que d’autres a des effets pervers. Les listes d’attente s’allongent ailleurs. « Pendant que l’orthopédiste fait des hanches et des genoux, il ne fait pas de ménisques et de tendons. Sa liste augmente dans un autre secteur », dénonce le président de la FMSQ. Il y a aussi le problème de la productivité, ajoute le président de l’Association québécoise de chirurgie, le Dr Sylvain Genest. n’est pas le cas », lance le Dr Genest. Il y a des signes encourageants, affirme la présidente de la Fédération des infirmières du Québec (FIIQ), Lina Bonamie. Les lis« Au Québec, plus un médecin opère, plus il coûte tes d’attente sont maintenant une priorité des gouvernecher. La philosophie de la santé au Québec est ments. « Avant la campagne électomalade. Même si le ministre me dit que ça s’est rale fédérale de 2004, tous les politiciens ou à peu près se amélioré, ce n’est pas le cas. » foutaient des listes d’attente alors que, maintenant, c’est « Aux États-Unis, plus un mé- malade. Même si le ministre me devenu un enjeu politique pour decin soigne de patients, plus il dit que ça s’est amélioré, ce tout le monde. » Les hôpitaux québécois doivent respecter un budget. Opérer un patient de plus coûte plus cher. rapporte d’argent à l’hôpital. Au Québec, plus un médecin opère, plus il coûte cher. La philosophie de la santé au Québec est PHOTO ARMAND TROTTIER, LA PRESSE © L’attente est un problème qui concerne tous les secteurs d’intervention et qui s’est généralisé dans toute la province. « C’est comme si c’était normal d’attendre. Tout le monde joue de son influence, essaie d’utiliser ses relations pour passer plus vite. Dans les faits, on est dans un monde à deux vitesses parce que le patient essaie de trouver un moyen de raccourcir les délais », affirme le D r Yves Dugré. llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll Itinéraire d’un patient négligé PASCALE BRETON En l’espace de quelques mois, Gérard Gauthier a été témoin plusieurs fois, malgré lui, des ratés du système de santé. Préposé à l’entretien à l’Université de Montréal, M. Gauthier est en congé forcé depuis le mois de janvier. Il a fait une chute l’hiver dernier et s’est déchiré le ménisque. Il devait être opéré au genou. L’intervention a été annulée trois fois. Le médecin l’a d’abord envoyé passer un examen de résonance magnétique. Le temps d’attente variait de six à huit mois à l’hôpital. « Je ne pouvais pas attendre. J’ai payé 600 $ et je suis allé dans une clinique privée. C’est beaucoup d’argent, mais je n’avais pas le choix », raconte M. Gauthier. Le diagnostic confirmé, l’attente commence. L’opération est fixée à la mi-avril. Premier coup de fil, première annulation : l’intervention est reportée à la semaine suivante. Le scénario se répète. « Quand on t’apprend ça, tu deviens mauvais. Mais il n’y a rien à faire ; ce n’est pas la faute de la personne qui appelle », explique M. Gauthier. L’opération doit enfin avoir lieu le 11 mai. Le patient se présente à l’hôpital du Haut-Richelieu comme convenu, à 11h. Il n’a rien mangé depuis la veille puisqu’il doit être à jeun. De longues heures s’écoulent. Vêtu d’une chemise d’hôpital, chaussé de minces pantoufles qui laissent passer le froid du carrelage, M. Gauthier se promène de couloirs en salles d’attente. À côté de lui, des patients se parlent de leurs mésaventures, victimes LISTE D’ATTENTE POUR UNE CHIRURGIE (au 31 mars) d’annulation eux aussi. L’estomac noué, M. Gauthier attend. Vers 15h30, on l’appelle enfin. « La préposée me dit que c’est bien dommage mais que je vais devoir revenir la semaine suivante. Mon opération est encore annulée. J’étais déjà sur les nerfs à 2003 2004 2005 20061 22 669 18 013 16 322 15 045 Cataracte Total Depuis plus de 6 mois 6 015 3 857 3 235 2 440 Arthroplastie de la hanche Total 1 957 1 729 1 820 1 582 (remplacement) Depuis plus de 6 mois 598 600 606 405 3 478 3 021 3 267 3 125 Arthroplastie du genou Total (remplacement) Depuis plus de 6 mois Chirurgie avec hospitalisation Total Chirurgie d’un jour Total Depuis plus de 6 mois Total Depuis plus de 6 mois Depuis plus de 6 mois 1: situation au 4 mars 2006 1 439 1 319 1 315 1 052 25 270 23 586 23 186 22 908 9 297 8 763 9 094 8 744 64 117 65 748 69 677 65 264 21 208 22 476 27 275 25 008 117 491 112 097 114 272 107 924 38 557 37 015 41 525 37 649 Source: Ministère de la Santé et des Services sociaux cause de l’opération, et je me fais dire d’oublier ça ! » L’intervention est reportée au 16 mai. Cette fois, il est attendu à l’hôpital pour 10h. « Tout le temps que j’ai attendu, j’étais sur les nerfs. J’avais peur qu’ils me refassent le coup. » Mais cette fois est la bonne : l’opération a finalement lieu vers 14h. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, reconnaît qu’une opération peut être reportée une fois. Mais pas trois ou quatre. « Je peux comprendre qu’il y ait une annulation en raison d’une urgence ou d’un manque de personnel, mais ça devrait être une fois seulement. Lorsqu’on fait l’effort de bien gérer le bloc opératoire, ça ne se produit pas », commente le ministre. M. Gauthier garde pour sa part un goût amer de son expérience. « J’ai été assommé par la façon dont ça se passe dans les hôpitaux. Personne ne me disait pourquoi je n’étais pas opéré. On me disait juste qu’il y avait une urgence. Je ne souhaite ça à personne. » .