Document à l’usage exclusif des clients professionnels, prestataires de services d’investissement et autres professionnels du secteur nancier
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Janvier 2017
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01
Le problème de capitalisation des banques italiennes trouve son origine dans
l’augmentation sensible des prêts non-performants depuis 2008 et la crise des
subprimes, dont l’impact a été exacerbé par la crise des emprunts d’État italiens
en 2011. Le montant des prêts non-performants dans le système bancaire italien
a quadruplé entre 2008 et 2014, tandis que le PIB du pays s’est contracté de
9 %. Fin 2008, les prêts non-performants représentaient 5 % du total des
prêts. Aujourd’hui, la proportion est de 17 %, un niveau nettement au-dessus
de la moyenne européenne (5,5 %). Cette très forte augmentation est due non
seulement à la contraction du PIB italien mais aussi au pourcentage élevé des
prêts aux PME et aux très longues procédures judiciaires (la saisie des actifs liés
à un prêt non-performant est de sept ans en moyenne).
Plans de réduction des prêts non-performants
Début 2017, toutes les banques européennes (dont les banques italiennes
naturellement) devront présenter un plan de réduction des prêts non-performants
à la BCE. Elles devront adopter des procédures inspirées des meilleures pratiques
en la matière pour atteindre des objectifs qualitatifs et quantitatifs. Celles dont
les prêts non-performants resteront trop élevés devront en céder une partie
et « absorber » les pertes générées. Le gouvernement italien a promulgué un
décret-loi l’été dernier pour réduire les délais de saisie pour les nouveaux prêts en
proposant de faciliter les procédures de recouvrement des garanties en dehors
des tribunaux. Ceci devrait aussi fluidifier les procédures de recouvrement des
prêts non-performants existants.
La BCE avait déjà commencé à s’intéresser à ce sujet lorsqu’elle est devenue
l’autorité de réglementation européenne des banques et qu’elle a lancé sa
Revue de la qualité des actifs en 2014. Elle était arrivée à la conclusion que les
plus grandes banques italiennes avaient besoin de renforcer leurs provisions
pour créances douteuses d’environ 6 milliards d’euros, un niveau plus faible que
ne l’avait prévu le marché à l’époque. Un an plus tard, la BCE s’est à nouveau
penché sur le stock élevé des prêts non-performants italiens, dans le sillage
de la faillite de quatre petites banques (Banca delle Marche, Banca Popolare
dell’Etruria, Cassa di Risparmio di Chieti et Cassa di Risparmio di Ferrara),
plombées par leurs volumes de prêts non-performants. La valeur de liquidation
de ces prêts a été estimée à 20 % de leur valeur nominale, un niveau plus faible
que la valeur standard de ce type de prêts dans les bilans des banques (env.
50 % de la valeur nominale), laissant ainsi apparaître une pénurie encore plus
importante de fonds propres pour ces établissements.
Une dizaine de milliers de foyers italiens ont perdu de l’argent dans le cadre de la
procédure de résolution de ces quatre banques à travers leurs investissements
dans les obligations subordonnées émises par ces dernières. Dans la foulée,
nombre d’épargnants se sont rués au guichet de plusieurs banques plus
« systémiques » (Banca Monte dei Paschi di Siena, Banca Popolare di Vicenza et
Veneto Banca), également pénalisées par des prêts non-performants importants
et des problèmes de viabilité. Sous la pression de la BCE, ces trois banques
ont essayé de lever des capitaux auprès d’investisseurs privés mais en vain, en
raison de mauvaises perspectives béné ciaires et de la valeur incertaine de leurs
prêts non-performants. Toutefois, comme la loi européenne interdit désormais
l’aide publique et que toute procédure de bail-in peut être source d’instabilité
nancière compte tenu de la nature systémique des banques, la seule solution
d’urgence a été de développer une solution de marché via le fonds Atlante. Ce
fonds a vocation à recapitaliser les banques les plus fragiles et à acheter leurs
prêts non-performants à un prix plus élevé que celui du marché (pour réduire le
niveau de risque des banques tout en limitant l’impact négatif sur leur capital).
Mais il n’a pu lever que 4,3 milliards d’euros auprès de banques, d’assurances
et de fondations, un montant insuf sant pour améliorer la situation des trois
L’essentiel
Le montant important des créances
douteuses en Italie rend le système
bancaire particulièrement vulnérable
à une nouvelle détérioration de la
conjoncture.
La BCE a ainsi exigé que les banques
italiennes les plus fragiles vendent leur
excédent de créances douteuses. Or la valeur
de marché des créances douteuses est
inférieure à leur valeur comptable. Certaines
banques ont tenté de lever du capital auprès
d’investisseurs privés pour nancer ces
ventes, sans succès dans le cas de Monte
dei Paschi. Selon les règles européennes,
les détenteurs de dettes subordonnées, voir
senior, de Monte dei Paschi, souvent des
ménages italiens, auraient dû contribuer
à la recapitalisation de la banque, et ainsi
essuyer des pertes. Ceci aurait entrainé un
mouvement de fuite des dépôts dans le pays,
fragilisant encore plus le système bancaire.
Les autorités ont néanmoins pu invoquer
l’article 32 de la directive « BRRD », a n de
recapitaliser de Monte dei Paschi en évitant
des pertes aux ménages italiens et avec le
support du gouvernement italien.
Une dizaine de milliers
de foyers italiens ont perdu
de l’argent lors de la mise
en résolution de quatre petites
banques italiennes
Achevé de rédiger le 10 janvier 2017
Une recomposition du paysage bancaire
italien sur fond d’augmentation de capital
YASMINE DE BRAY, Analyse Financière
6
French version Graph n° English version
Stock de créances douteuses, en millions d'euros
et en % des prêts n°1 Impaired loans, stock in €mn and as a % of total
loans
Créances douteuses nettes / Fonds propres durs n°2 Italian net non performing loans / Tangible book
Title Arial 8 Bold (1 or 2 lines maxi) n°3 Title Arial 8 Bold (1 or 2 lines maxi)
Title Arial 8 Bold (1 or 2 lines maxi) n°4 Title Arial 8 Bold (1 or 2 lines maxi)
Title Arial 8 Bold (1 or 2 lines maxi) n°5 Title Arial 8 Bold (1 or 2 lines maxi)
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2012-Q2
2012-Q4
2013-Q2
2013-Q4
2014-Q2
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2015-Q4
Source : Bank of Italy, Recherche Amundi
Créances douteuses
Ratio de créances douteuses
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2013-Q2
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2014-Q4
2015-Q2
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Source: Bank of Italy, Amundi Research
Impaired loans Impaired loans ratio
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Source : Rapports annuels, Recherche Amundi
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2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
Source: Companies' accounts, Amundi Research
1Stock de créances douteuses,
en millions d’euros et en % des prêts