Hegel (1770-
1831)
La démarche philosophique consiste en un travail de découverte de
soi, de prise de conscience de soi. Elle montre que la pensée peut se
saisir elle-même dans toutes les formes de l'expérience, c'est-à-dire
comme résultat de sa propre objectivation dans les choses.
I. La philosophie de l'histoire
!"
La raison et le réel
Les hommes manifestent l'activité de cette instance spirituelle qu'est
la pensée, mais cela ne signifie pas que la réalité se réduit à de
pures idées, à l'abstraction de la subjectivité pensante.
La pensée et la réalité forment une unité (tout ce qui est rationnel est
réel et inversement). Mais cette unité n'est pas directement acquise,
elle est conquise au terme d'un long parcours dialectique, qui est un
mouvement de découverte de la pensée par elle-même, dans ses
réalisations.
Comment l'unité du rationnel et du réel est-elle possible ? Parce que
l'Esprit est l'expression universelle de la Raison.
!"
L'Esprit
L'Esprit est un terme abstrait qui désigne ce qui est général à une
multiplicité concrète. Hegel comprend sous ce terme ce qui est
commun à toutes les manifestations de L'Esprit, c'est-à-dire à toutes
les formes culturelles crées par les peuples au cours de l'histoire.
L'Esprit réalise cette unité du réel et du rationnel, parce que la
pensée est autonome et prouve par elle-même qu'elle est capable
de se faire objective.
La pensée est ce qui surmonte les oppositions, les différences pour
aboutir à la connaissance du réel. La pensée se déploie donc dans
l'histoire humaine pour fonder la connaissance et donc la réalité. Elle
se développe à travers les formes successives des sociétés
humaines.
!"
L'expression historique de l'Esprit
L'Esprit est la pensée universelle présente dans toute expérience
concrète de la culture. L'Esprit passe par des figures successives,
où la vérité se déploie, en fonction des conditions particulières et
historiques. L'histoire des hommes manifeste donc
l'accomplissement du travail de l'Esprit.
Cette histoire est faite par les êtres qui pouvaient le mieux exprimer
l'Esprit à un moment donné de son développement, en fonction de
circonstances extérieures. En un certain sens donc, l'Esprit utilise le
contexte avec ce qu'il a d'arbitraire, d'imprévisible, pour se
développer.
La Raison gouverne le monde : cela signifie que l'ordre de la raison
est soumis à une finalité. Que la Raison existe implique que la suite
des causes est organisée dans un but final.
!"
L'opposition de l'homme et de la nature
La nature ne manifeste pas la pensée libre, parce que les êtres
naturels ne peuvent pas faire le mouvement de retour sur soi
nécessaires à la saisie de soi de la pensée. L'ordre naturel est
soumis aux déterminations extérieures.
Seul l'être pensant peut réaliser cette réflexion. Ainsi la pensée
n'accède à la vérité que grâce à l'Esprit, non pas par le biais de la
nature.
L'histoire est d'abord le mouvement de l'esprit qui cherche à sortir de
son état d'endormissement naturel, pour s'affirmer dans la
conscience qu'il a de lui-même. L'histoire est rendue possible par cet
effort de l'être pensant pour se reconnaître lui-même comme tel.
L'être pensant doit donc se dégager de la nature.
La liberté constitue et définit l'homme, dont la destination est de
vivre selon la seule loi qu'il se donne à lui-même. Seul l'homme est
susceptible de vouloir quelque chose et seul il est capable de se
représenter son action.
L'homme est capable de s'abstraire des besoins immédiats dictés
par la nature ; c'est par ce biais qu'il affirme sa qualité d'être libre. La
pensée fait apparaître cette capacité d'éloignement par rapport aux
conditions naturelles : l'homme est le représentant de l'Esprit.
L'homme exprime l'Esprit, il est l'agent de l'histoire.
L'homme se connaît lui-même comme un "je", tandis que l'animal ne
parvient pas à se différencier de son milieu, c'est-à-dire à opposer
son moi à l'ordre qui le constitue.
!"
La conscience de soi dans l'histoire
Dans la conscience de soi, l'homme se découvre dans son
opposition au monde extérieur. Cette expérience est douloureuse,
parce qu'elle suscite l'interrogation sur sa propre existence.
Ainsi la prise de conscience de soi se fait dans l'inquiétude. Elle
pousse l'homme à se donner sa propre définition. Il se découvre
comme être de désir. Il s'agit du désir humain de la reconnaissance
de l'homme par un autre homme (par opposition au désir animal de
conserver la vie).
Le désir est ce qui qualifie l'homme dans sa spécificité. Il est ce qui
conduit à l'affrontement entre les hommes : chaque homme cherche
à être reconnu dans sa spécificité, comme conscience libre, et à
imposer à l'autre cette reconnaissance, en devenant le maître (cf. la
dialectique maître-esclave dans le chapitre "travail")
Le désir se réalise dans la découverte de la valeur universelle de
chaque homme. Dans l'histoire, la société humaine évolue de l'état
où la servitude existe, à l'état où tous les hommes sont reconnus
égaux et libres. Cette évolution correspond à la prise de conscience
de l'homme de ce qu'il est fondamentalement, par la réflexion sur
soi.
L'homme a pour tâche de découvrir sa propre vérité, à savoir qu'il
est un être libre qui ne peut être ni esclave de la nature, ni l'esclave
d'un autre homme. Il n'atteint cette vérité que par la pensée, grâce à
laquelle il accède au sens fondamental de son activité, et à sa valeur
libératrice par rapport à la nature.
MemoPage.com SA ® / 2006 / Auteur : Joëlle Herry / Expert : Véronique Brière
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