Le premier tableau fait très nettement ressortir l’importance du
déséquilibre affectant les finances de l’Etat et l’intérêt qu’il y
aurait, entre autres éléments, pour apprécier de façon claire et
synthétique la performance de sa gestion financière, à le pré-
senter, à la fois en prévision et en exécution des opérations (6).
Les prévisions pour 2007 font, en effet, ressortir que les emprunts
de l’Etat ne pourront être consacrés qu’à hauteur de 16,5 % au
financement de ses investissements, 63,6 % étant destinés à
financer le remboursement du capital des emprunts antérieure-
ment contractés et 19,9 % au financement des charges de fonc-
tionnement. Le financement de ces deux derniers types de
dépenses caractérise la spirale du surendettement. En effet, des
ressources de long terme financent des emplois de court terme
et la mobilisation d’emprunts nouveaux pour rembourser
d’anciens emprunts revient à payer deux fois une charge
d’intérêt pour une même ressource d’emprunt disponible. Ce
surendettement se manifeste d’ailleurs par le poids des charges
financières prévues au budget 2007 où elles représentent 15,4 %
du total des dépenses de fonctionnement (hors reversement de
recettes).
En comparaison de cette situation, la structure financière des
collectivités locales apparaît satisfaisante. En effet, en 2006, 100 %
de leurs emprunts ont été consacrés au financement de leurs
investissements. Ces derniers ont été financés par autofinance-
ment propre à hauteur de 34,5 % et leurs charges financières n’ont
représenté que 3,1 % du total de leurs charges de fonctionne-
ment. Toutefois, ces charges ont progressé de 6,5 % en moyenne
par an de 2002 à 2006, si bien qu’après avoir enregistré une capa-
cité de financement excédentaire jusqu’en 2003 (+ 0,4 milliard
d’euros), les collectivités locales connaissent un besoin de finan-
cement croissant, passé de 2,5 milliards d’euros en 2004 à 4,9 mil-
liards d’euros en 2006, soit 0,32 % du PIB (7). Il paraît donc inéluc-
table qu’elles soient appelées à s’associer à l’effort de réduction
du déficit global des finances publiques auquel l’Etat s’est
engagé dans le cadre du programme européen de stabilité et
de croissance. Pour les administrations publiques locales, dans
lesquelles les collectivités locales représentent plus de 90 % des
dépenses, cela signifie un besoin de financement ramené à 0,1 %
du PIB et un rythme moyen annuel de progression des dépenses
de 2,2 % en volume contre 3,3 % de 1996 à 2006 (8).
Pour maîtriser davantage leurs dépenses, les collectivités locales
ont besoin d’un contrôle financier interne et d’un contrôle de
gestion solides destinés à évaluer leur performance et, en parti-
culier, le coût et l’efficience de leurs activités. A cet égard, la
fiabilité de leurs comptes paraît garantie, a priori, par une
connexion parfaite de la comptabilité budgétaire et de la comp-
tabilité générale. La tenue d’une comptabilité des engagements
de dépenses a vocation à renforcer cette connexion et à fiabiliser
le rattachement à l’exercice concerné, sur le critère du service
fait, des charges de fonctionnement n’ayant pas donné lieu à
réception de facture en fin d’exercice. En outre, cette compta-
bilité vise à prendre en compte, dans le résultat de fonctionne-
ment du compte administratif (compte d’exécution budgétaire
présenté par l’ordonnateur à son assemblée délibérante), les
restes à réaliser, c’est-à-dire les engagements de dépenses de
fonctionnement n’ayant pas donné lieu à service fait en fin
d’exercice, reportables au budget de l’année suivante.
Ce cadre budgétaire et comptable pourrait être optimisé en inté-
grant un référentiel de comptabilité analytique, dont le contenu
se limiterait à l’articulation avec la comptabilité générale et à la
méthode de répartition des charges indirectes, laissant ainsi aux
collectivités locales la possibilité de l’adapter aux spécificités de
leurs interventions. Ainsi articulé et complété, le cadre budgétaire
et comptable fournirait, en théorie, à la comptabilité d’analyse
des coûts, un socle de comptabilité générale solide pour une
bonne évaluation de la performance dans les collectivités
locales. Toutefois, les conditions actuelles de sa mise en œuvre
compromettent cette bonne évaluation.
LES CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE
DU CADRE BUDGÉTAIRE ET COMPTABLE
DES COLLECTIVITÉS LOCALES
AU REGARD DE L’ÉVALUATION
DE LEUR PERFORMANCE
Les insuffisances affectant la tenue
de la comptabilité générale
et de la comptabilité budgétaire
En premier lieu, la présentation annuelle (sous la forme d’un
tableau de flux) et bisannuelle (sous la forme d’un tableau des
soldes cumulés) d’un état de l’actif actualisé, conforme à l’inven-
taire de l’ordonnateur, constitue une condition fondamentale de
la fiabilité de la comptabilité générale. Pour de nombreuses col-
lectivités locales, cette condition fondamentale a été perdue de
vue depuis de nombreuses années. Elles sont alors conduites à
présenter, par exemple, des comptes 21 non mis à jour par les
travaux comptabilisés aux comptes 23, des créances de travaux
aux comptes 237 ou 238 ou à caractère financier dans les
comptes 27, anciennes et non apurées, ou des comptes 24
d’immobilisations mises à disposition dans le cadre des transferts
de compétences aux établissements de coopération intercom-
munale, non tenus ou mouvementés pour des valeurs incertaines.
De manière plus grave, il arrive parfois que les comptes 21 ou 23
soient rendus anormalement créditeurs, en raison notamment de
l’absence d’inventaire et de suivi comptable des immobilisations
cédées et de la sortie d’actif de ces immobilisations à une valeur
dépassant leur prix de revient ou leur valeur nette comptable.
L’absence d’inventaire fiable et actualisé des immobilisations pro-
pres à la collectivité conduit également, assez souvent, à une
confusion entre les dépenses d’investissement pour des immobi-
lisations destinées à demeurer dans le patrimoine de la collectivité
et les dépenses d’investissement pour des immobilisations desti-
nées à des tiers. Cette confusion s’opère par enregistrement, en
classe 2 au lieu de la classe 3 en comptabilité de stocks, d’immo-
bilisations (terrains, VRD et bâtiments) destinées à être revendues,
ou par enregistrement en classe 2 au lieu du comptes 458 de
travaux réalisés pour le compte de tiers. Plus souvent encore,
lorsque ces travaux sont comptabilisés dans les comptes 458, leur
montant reste en solde à l’actif sans suivi de leur apurement.
La fiabilité de la comptabilité générale repose, en second lieu,
sur un rattachement rigoureux à L’exercice concerné des
charges de fonctionnement ayant donné lieu à service fait sans
réception de facture à la fin de l’exercice. En cette matière,
une exploitation au plan national du fichier comptable des
communes pour l’exercice 2005, a fait ressortir que 45,3 % des
communes de 3 500 habitants et plus, astreintes à opérer ce
rattachement, s’étaient totalement abstenues de le faire en 2005.
La fiabilité de la comptabilité générale suppose, en troisième lieu,
la mise en place d’un dispositif rigoureux de repérage et de suivi
des dépréciations d’actifs, ainsi que des risques et charges néces-
sitant la constitution de provisions. En ce domaine, l’arti-
cle R. 2321-2 du Code général des collectivités territoriales a rendu
obligatoires, à compter de 2006, les provisions pour couvrir le
risque de la collectivité, en cas de contentieux, d’avoir à sup-
porter une charge, en cas de redressement ou de liquidation
judiciaire, de perdre tout ou partie de la valeur des titres ou
créances ou de voir mettre en jeu les garanties détenues auprès
de l’organisme soumis à cette procédure collective, dans le cas,
enfin, de créances sur les tiers, de perdre les recettes correspon-
dantes en raison d’un recouvrement compromis. Toutes les autres
(6) Plus largement, une note en annexe 2 montre les différences de critères sur
lesquels s’appuie l’appréhension de l’équilibre financier de l’Etat et des collectivités
locales.
(7) Rapport de la Cour des comptes en juin 2007 sur la situation et les perspectives
des finances publiques (p. 39).
(8) Ibid (p. 58).
collectivités territoriales
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